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23/10/2023 | LUXEMBOURG | N°47345

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2023, 47345


Tribunal administratif N° 47345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47345 1re chambre Inscrit le 25 avril 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2022 par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur A, né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant a...

Tribunal administratif N° 47345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47345 1re chambre Inscrit le 25 avril 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2022 par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 mars 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, et 2) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 juin 2023.

Le 24 avril 2020, Monsieur A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

En date du même jour, Monsieur A fut entendu par un agent du service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Après que Monsieur A fut signalé comme ayant disparu depuis le 29 novembre 2020, alors qu’il n’avait plus prolongé son attestation de demandeur de protection internationale depuis le 22 juin 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », considéra, par décision du 30 mars 2021, la demande de protection internationale de l’intéressé comme ayant été retirée implicitement conformément à l’article 23, paragraphe (2), point b) de la loi du 18 décembre 2015.

En date du 9 juillet 2021, Monsieur A sollicita la réouverture de son dossier de demande de protection internationale conformément à l’article 23, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015.

En date des 30 juillet, 4 et 11 octobre et 17 novembre 2021 et 12 janvier 2022, Monsieur A fut auditionné par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 24 mars 2022, notifiée à l’intéressé par un courrier recommandé expédié le 28 mars 2022, le ministre informa Monsieur A que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 24 avril 2020 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 30 juillet, 4 et 11 octobre et 17 novembre 2021 et du 12 janvier 2022, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous signalez être de nationalité égyptienne, être né le …, être de confession musulmane, d'ethnie arabe, faire partie du clan A et avoir vécu avec votre épouse et vos deux enfants à Abou …/… (gouvernorat de …) où vous auriez travaillé comme indépendant dans le marketing jusqu'en 2013, bien que vous précisez aussi avoir été actif dans l'élevage de volailles. En 2013 ou 2014, vous seriez parti travailler en « Afrique ». Après votre retour en Egypte, vous y auriez travaillé comme indépendant en vendant des vêtements sur internet.

Vous précisez que tout serait devenu cher en Egypte et que vous seriez arrivé à un stade où vous auriez été obligé d'emprunter de l'argent pour pouvoir nourrir vos enfants. Votre frère vous aurait ensuite aidé à trouver un emploi en Arabie-Saoudite, où vous auriez travaillé à partir du 17 novembre 2015 dans une bijouterie à la Mecque. En 2017, vous seriez parti faire des vacances en Afrique du Sud avant de retourner travailler en Arabie-Saoudite. En janvier 2018, vous auriez eu droit à un congé de deux mois que vous auriez passé en Egypte. En mars 2018, vous seriez à nouveau retourné travailler en Arabie-Saoudite. Vers avril 2018, une loi y serait entrée en vigueur selon laquelle les personnes travaillant dans des bijouteries devraient être de nationalité saoudienne. Vous auriez alors perdu votre travail en avril 2018 et vous auriez cherché en vain un autre emploi. En mai 2018, avant la fin de validité de votre titre de séjour saoudien, vous auriez pris la décision de retourner en Egypte, où vous auriez de nouveau travaillé comme indépendant jusqu'à l'obtention d'un visa par les autorités néerlandaises en date du 18 mai 2019. En juin 2019, vous auriez quitté l'Egypte pour vous installer en Europe. Vous déclarez avoir introduit une demande de protection internationale parce que vous seriez « persécuté » par le régime égyptien parce que votre nom serait inscrit sur une liste d'opposants au régime depuis votre participation à des manifestations en 2011.

Ainsi, vous prétendez que vos problèmes auraient commencé avec la « révolution égyptienne » en 2011. Vous auriez été opposé à la corruption du régime de MOUBARAK et « contre le fait de vivre en Egypte » (p. 8 du rapport d'entretien). En 2011, bien que vous n'auriez jamais été actif politiquement, vous auriez suivi l'appel d'un ami sur les réseaux sociaux pour vous rendre à la place Tahrir au Caire afin de manifester contre le régime.

Vous seriez resté pendant une semaine au Caire et seriez retourné chez vous le 2 février 2011.

Pendant la « vague » de la « révolution » qui aurait alors éclaté dans tous les gouvernorats, vous précisez avoir perdu sept mille poules et tout votre capital. A cette époque, le régime aurait commencé à envoyer des espions dans les gouvernorats. Ainsi, lorsque vous, les jeunes, seriez allés manger ensemble, des personnes auraient été envoyées par la police pour noter vos noms, vos adresses et vos numéros de téléphone. « Quelques révolutionnaires » auraient alors brûlé des postes du service de la sureté (p. 9 du rapport d'entretien). En 2013, après le putsch de l'armée contre le Président MORSI, le service de la sureté nationale aurait commencé à rechercher tous les participants à des manifestations contre le régime de MOUBARAK. « Ils » auraient alors commencé à venir dans les maisons des personnes visées pour les convoquer au poste de police et à « nous chasser, nous chercher non-officiellement » (p. 9 du rapport d'entretien). Vous prétendez alors avoir eu peur alors que votre nom aurait été « enregistré chez eux » à cause de votre participation à des manifestations et parce que vous auriez été « actif », c'est-à-dire que vous auriez incité des gens à participer auxdites manifestations. Il s'agirait de croyants qui auraient voulu rentrer chez eux après les prières à qui vous auriez alors dit « Non, on doit se rassembler pour manifester » (p. 10 du rapport d'entretien). Vous précisez encore avoir fait partie d'un « groupe » qui aurait demandé la « liberté, pouvoir vivre et la justice sociale » (p. 10 du rapport d'entretien). Vous précisez par la suite qu'un tel groupe n'aurait pas existé, mais qu'il s'agirait là de vos revendications lors des manifestations. Vous auriez été une personne « normale » qui n'aurait jamais été membre d'une organisation politique. Par la suite, vous changez de nouveau de version en prétendant que « Moi j'étais le dirigeant d'un groupe ». Convié à préciser de quel groupe il s'agirait, vous répondez « Il n'y avait pas de noms. Plusieurs personnes étaient réparties sur différents groupes. Tout était chaotique » (p. 11 du rapport d'entretien). Les membres de ces groupes auraient été convoqués à des postes de police où ils auraient été gardés jusqu'à sept jours et ils n'auraient été libérés que suite au payement d'une somme d'argent. Vous parlez dans ce contexte de corruption et précisez que si jamais quelqu'un ne se présente pas à une telle convocation, « il aura une année d'enfer » (p, 11 du rapport d'entretien).

Ces faits auraient eu lieu « après mon retour de l'Afrique du Sud en janvier 2014 » (p. 9 du rapport d'entretien). Vous précisez dans ce contexte avoir été arrêté à quatre reprises par la police au motif de constituer un élément dangereux et un risque pour la sécurité en raison de votre participation auxdites manifestations et vous concluez vos dires à ce sujet en précisant que « Pour cette raison, j'étais obligé de partir en Afrique du Sud, c'était en 2013.

Le 23/07/2013 » (p.9 du rapport d'entretien). Le jour de votre départ vers l'Afrique du Sud, vous auriez d'ailleurs été arrêté à l'aéroport et vous auriez raté votre vol, mais vous auriez pu prendre un autre vol le lendemain. Vous prétendez par la suite que vous auriez raté votre vol parce que vous auriez eu sept heures de retard. Le 10 janvier 2014, vous seriez revenu en Egypte parce que vous n'auriez pas pu régulariser votre situation en Afrique du Sud. A votre arrivée, vous auriez été arrêté et accusé d'être un « terroriste » (p. 10 du rapport d'entretien).

Vous continuez vos dires en expliquant que les autorités ne vous auraient plus laissé tranquille et mis la pression à chaque fois que vous auriez travaillé étant donné que votre nom aurait été inscrit sur cette liste de personnes « actives politiquement » (p. 10 du rapport d'entretien). Lors de votre congé passé en Egypte en janvier 2018, vous auriez été arrêté et gardé pendant deux jours à l'aéroport de Bourj Al Arab pour des raisons de « sureté », parce que votre nom aurait déjà été inscrit sur une liste et parce qu'on aurait trouvé sur vous deux « smart Watch » ce qui vous aurait valu une accusation pour espionnage. Vous prétendez que les autorités auraient cherché « n'importe quel motif pour me garder » et auraient « rendu l'affaire très grande » (p. 11 du rapport d'entretien) dans le but de vous humilier. Tout l'aéroport aurait aussitôt été mis en alerte à cause « d'une personne qui avait des appareils pour enregistrer » (p. 12 du rapport d'entretien), une information que les autorités auraient en plus publié sur de nombreux sites. Vous prétendez avoir été menotté par des douaniers et amené en prison, respectivement, qu'on vous aurait bandé les yeux et amené auprès de la sureté nationale, où vous auriez été interrogé et notamment demandé si vous aviez amené lesdites montres dans le but d'espionner, voire, vous auriez été gardé pendant neuf heures dans un « coin de l'aéroport » (p. 13 du rapport d'entretien). Ensuite, vous auriez été transféré dans un commissariat de police, accompagné par un agent du service de renseignements. Au poste de police, on vous aurait présenté une liste « préparée d'avance » (p. 13 du rapport d'entretien) comprenant treize chefs d'accusation portés contre vous, dont la perturbation de la sureté générale, publication de fausses informations ou encore le « pouvoir de renverser le pouvoir » (p, 13 du rapport d'entretien). Pendant que vous auriez appelé votre frère pour le mettre au courant des faits, les agents vous auraient informé que vous seriez présenté devant un juge étant donné que « cela allait être un crime d'espionnage » (p. 13 du rapport d'entretien). Votre frère aurait alors appelé plusieurs membres de votre famille qui occuperaient des haut-postes et seraient en faveur du régime en place. Le soir, vous auriez été présenté devant un juge et votre frère serait venu au poste de police judiciaire accompagné d'un avocat. Vous auriez par la suite été transféré au service de la sureté nationale, où vous auriez été frappé avant d'être transféré dans une prison de la police, où vous auriez de nouveau été agressé. Le lendemain, vous auriez été présenté à un juge qui aurait « absolument » (p. 15 du rapport d'entretien) voulu vous accuser d'un crime, qui vous aurait qualifié de personne dangereuse et vous aurait interrogé sur votre appartenance à un groupe islamique ou sur vos connaissances de tels membres. Vous auriez ensuite été transféré en prison, où vous auriez été « maltraité » (p. 15 du rapport d'entretien). Grâce à votre avocat, cette accusation aurait toutefois finalement pu être classée comme une « affaire économique » (p. 14 du rapport d'entretien) et vous auriez été relâché après avoir payé une amende pour avoir importé lesdites montres. Vous précisez encore que vous auriez subi deux opérations en Egypte lors de ce congé en 2018 et que vous auriez pendant ce temps-là été convoqué à deux reprises par le service de la sureté nationale. Vous auriez en outre chargé un avocat de récupérer votre passeport afin de pouvoir repartir en Arabie-Saoudite. Vous prétendez être devenu un élément indésirable à la maison et que toute votre famille vous ferait des reproches et serait persuadée que vous seriez une « personne dangereuse » (p. 14 du rapport d'entretien). Vous auriez alors préparé votre retour en Arabie-Saoudite et auriez à cette fin eu besoin d'une autorisation du servie de la sureté nationale pour pouvoir partir travailler à l'étranger. Après avoir rempli votre formulaire dans le bâtiment de la sureté nationale le 16 ou 17 mars 2018, un agent vous aurait pris par le bras, vous aurait bandé les yeux et fait entrer dans un bureau où vous auriez été accueilli d'un ton moqueur et interrogé quant aux événements de la « révolution ». L'officier présent vous aurait en outre juré que votre vie serait « complètement transformée » (p. 16 du rapport d'entretien) et aurait répondu « On va voir » quant à votre demande de recevoir ladite autorisation. Le 21 mars 2018, vous auriez finalement décidé de prendre l'avion pour l'Arabie-Saoudite sans cette autorisation.

Vous prétendez ne pas avoir été contrôlé lors de votre départ (p. 17 du rapport d'entretien), bien que le douanier aurait contrôlé votre passeport avant de monter à bord de l'avion. Vous seriez resté pendant deux mois en Arabie-Saoudite, auriez « clôturé » (p. 17 du rapport d'entretien) votre contrat et seriez retourné en Egypte le 15 mai 2018, après avoir reçu une « Sortie définitive » (p. 17 du rapport d'entretien) vous obligeant à quitter le territoire saoudien.

Suite à votre retour en Egypte qui se serait fait sans problèmes, vous auriez été convoqué oralement à peu près quatre fois par « le gouvernement, les autorités » (p. 19 du rapport d'entretien) pour surveiller vos activités et « détruire notre vie » (p. 20 du rapport d'entretien). Ces convocations vous auraient été transmises par votre cousin B qui serait l'« … », à savoir le représentant du village, et une personne « très connue »» chez vous. Vous auriez alors à chaque fois été prié d'attendre toute la journée au poste de police de …, avant d'être placé le soir dans une cellule à cause de votre « participation à la révolution de 2011 » (p. 19 du rapport d'entretien). Vous auriez été insulté et, une fois, vous auriez été frappé.

Le lendemain, vous auriez été relâché après que vous auriez payé une amende. Vous précisez que si jamais quelqu'un ne se présentait pas à ses convocations, il serait facile pour les autorités de rentrer la nuit dans les maisons et de « provoquer une affaire de cocaïne ou de ce genre » (p. 19 du rapport d'entretien). Suite à cette quatrième convocation, vous vous seriez installé au Caire, où vous n'auriez plus rencontré de problèmes jusqu'à votre départ d'Egypte. Vous auriez passé vos journées à prier et à aller au café. En mars 2019, sept ou huit soldats, un groupe de policiers, dont un officier, le dirigeant d'opérations et des grades inférieurs, ainsi que des policiers en civil seraient toutefois entrés dans votre appartement à … et auraient « cassé toute la maison » (p. 22 du rapport d'entretien) et vidé les armoires. Ils seraient également entrés chez votre mère pour vous y retrouver, mais ils n'auraient rien trouvé. Vous n'auriez pas de preuves pour ces dires alors que votre épouse ne serait pas très instruite et n'aurait du coup pas pensé à prendre des photos. Vous n'auriez d'ailleurs pas pu prendre le risque de vous déplacer à l'aéroport en possession de telles photos. Après avoir demandé et reçu votre visa au Caire en mai 2019, vous seriez parti à Alexandrie chez votre sœur et vos deux frères et où votre famille serait venue vous rejoindre pour vous dire au-

revoir. Le lendemain, le 23 juin 2019, vous auriez pris un avion reliant Alexandrie à Sharm El Sheikh sans rencontrer de problèmes à l'aéroport. A Sharm El Sheikh, vous auriez voulu monter à bord d'un vol pour la Belgique que vous auriez toutefois raté parce qu'un agent vous aurait prié d'attendre pendant le check-in et de vous mettre de côté. Lorsque vous auriez demandé pourquoi on vous laisserait attendre, on vous aurait répondu que le check-in serait désormais fermé. Pour éviter tout problème, vous seriez resté « calme » et auriez réservé un nouveau vol pour le lendemain. Vous auriez passé la nuit dans la rue par peur de donner votre nom et de vous enregistrer dans un hôtel. Le lendemain, 24 juin 2019, avant de vous rendre à l'aéroport, vous auriez éteint votre portable à cause de votre peur supposée de vous faire arrêter (p. 24 du rapport d'entretien). Vous auriez toutefois pu passer tous les contrôles sans problèmes et auriez alors quitté l'Egypte en montant à bord d'un avion à destination de Charleroi, moyennant un visa touristique émis par les autorités néerlandaises, valable du 22 juin 2019 au 6 août 2019, visa reçu après avoir fait votre demande le 10 mai 2019, auprès de l'ambassade des Pays-Bas au Caire.

A Charleroi, vous auriez été logé pendant trois jours par une connaissance marocaine. Le 27 juin 2019, vous auriez décidé de quitter la Belgique et de vous installer à Hambourg, où vous auriez travaillé une dizaine de jours et vécu clandestinement jusqu'au 23 avril 2020. Vous auriez par la suite pris un train pour venir au Luxembourg. Après sept mois au Luxembourg, vous auriez quitté le pays parce qu'il s'agirait d'un petit pays où vous n'auriez pas pu travailler alors que vous devriez envoyer de l'argent à votre famille restée en Egypte. Vous précisez que votre épouse et vos enfants vivraient toujours à … et que vous devriez les soutenir financièrement. Ainsi, vous auriez contacté une personne en Italie qui vous aurait proposé de travailler avec elle, ce que vous auriez accepté. Vous auriez tout de même pris le choix de revenir au Luxembourg parce que « j'étais fatigué et j'ai des documents qui justifient ma fatigue » (p. 2 du rapport d'entretien).

Vous ajoutez que vous souffriez de diabète depuis votre adolescence et que vous auriez récemment découvert souffrir d'hypertension. Vous souffririez en outre de problèmes au niveau des reins et auriez un « grave problème des yeux » (p. 25 du rapport d'entretien). Vous auriez besoin d'un traitement médical et auriez quotidiennement besoin de médicaments.

Au départ, vous ne versez aucun document d'identité et prétendez avoir perdu votre passeport. Dans le cadre de la réouverture de votre demande de protection internationale, vous remettez alors un passeport égyptien émis le 22 juillet 2017. Vous précisez que vous n'auriez pas trouvé votre passeport auparavant parce que vous l'auriez oublié chez votre connaissance marocaine à Charleroi. A noter qu'hormis les tampons en rapport avec l'Arabie-Saoudite, votre passeport contient également des tampons d'entrée et de sortie d'Egypte, d'entrée en Afrique du Sud le 9 novembre 2017 et de sortie le 20 novembre 2017, ainsi que des visas pour l'Afrique du Sud et le territoire Schengen émis respectivement par les autorités sud-africaines à Djeddah le 17 octobre 2017 et par les autorités néerlandaises au Caire le 20 mai 2019.

Vous remettez encore les pièces suivantes :

- Un titre de séjour émis par les autorités saoudiennes ;

- une photo se trouvant sur votre portable qui montrerait un « cahier journalier d'état » (p. 21 du rapport d'entretien) en langue arabe et qui concernerait votre accusation pour participation à un « putsch de l'état et la publication de fausses informations » (p. 21 du rapport d'entretien). Vous précisez que votre ami C, que vous auriez appelé en Egypte depuis le Luxembourg, vous aurait procuré ce document, respectivement cette photo, en s'adressant à un avocat afin que ce dernier demande une copie dudit document. Vous prétendez en outre dans ce contexte que vous auriez été condamné par contumace à cinq ans de prison. Les autorités égyptiennes seraient au courant que vous auriez quitté l'Egypte en direction de la Belgique et attendraient votre retour pour vous arrêter. Par la suite, vous prétendez qu'un avocat de … aurait par hasard lu votre nom qui aurait été enregistré dans le « registre » du tribunal. Il aurait alors pris contact avec un membre de votre famille, le dénommé D et aurait prié ce dernier de vous dire d'appeler ledit avocat. Vous auriez alors appelé une connaissance d'une autre province, un dénommé E, pour qu'il se mette en contact avec ledit avocat. L'avocat l'aurait alors mis au courant que vous auriez été condamné à cinq ans de prison et que vous seriez arrêté en cas de retour en Egypte ;

- deux captures d'écran de deux appels que vous auriez eus avec le dénommé C, ainsi que des enregistrements quant à des conversations que vous auriez eues avec cette personne ;

- des copies de tickets électroniques d'avion concernant des vols de Sharm El Sheikh vers Charleroi les 23 et 24 juin 2019, et un vol d'Alexandrie vers l'Arabie-Saoudite le 20 mars 2018;

- des documents en rapport avec votre travail en Arabie-Saoudite, - votre ouverture d'un compte bancaire et votre visa saoudien ;

- une multitude de rapports et certificats médicaux, tous établis au Luxembourg ;

- des photos de documents en arabe qui concerneraient votre situation familiale ;

- des copies de diplômes obtenus et de formations accomplies.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos doit être réfutée au vu de vos déclarations incohérentes et incompatibles avec votre comportement et vécu depuis une dizaine d'années.

En effet, ce constat doit en premier lieu être dressé alors que vous vous dites « persécuté » par les autorités égyptiennes depuis 2013 à cause de votre prétendue participation à des manifestations en 2011, voire, depuis 2011, alors que le régime aurait alors envoyé des « espions » dans les gouvernorats pour noter les noms, adresses et numéros de téléphone des manifestants pour les convoquer au poste de police, « nous chasser, nous chercher non-officiellement » (p. 9 du rapport d'entretien). Vous expliquez cette prétendue « persécution » par le fait que votre nom aurait été « enregistré chez eux » sur une « liste » de personnes qui auraient été « actives politiquement ». Force est toutefois de constater que jusqu'en 2013 ou 2014, vous auriez pu continuer à travailler normalement, puis quitter le pays de manière officielle et sans incidents et qu'après votre retour volontaire en Egypte, vous auriez de nouveau tout simplement repris votre travail. Vous prétendez certes par une seule phrase que vous auriez été accusé d'être un « terroriste » lors de votre retour dans le pays en 2014, mais vous n'auriez étonnement subi aucune conséquence directe. Vous ne mentionnez pas d'enquête, de convocation au tribunal, de garde à vue, de détention préventive ou tout autre élément en lien avec cette prétendue accusation de terrorisme. Vous prétendez simplement que les autorités ne vous auraient plus laissé tranquille et mis la pression à chaque fois que vous auriez travaillé. Plus tard en 2015, après que la vie serait devenue trop chère en Egypte, vous auriez réussi à vous procurer un travail en Arabie-Saoudite et vous auriez de nouveau pu quitter votre pays sans le moindre problème. En 2018, vous auriez opté pour un deuxième retour volontaire en Egypte pour y passer votre congé de deux mois avant d'à nouveau quitter votre pays de manière officielle à bord d'un avion en direction de l'Arabie-

Saoudite. En mai 2018, avant la fin de validité de votre titre de séjour saoudien, vous auriez décidé de retourner vivre en Egypte, en précisant que votre retour au pays se serait produit sans incident. En mai 2019, vous vous seriez installé au Caire où vous auriez alors passé votre temps dans les cafés et à prier. Vous y avez sollicité la délivrance d'un visa pour le territoire Schengen, moyennant votre passeport égyptien qui vous a été délivré en 2017. Vous vous seriez ensuite déplacé chez votre famille à Alexandrie pour y dire au revoir à tout le monde avant qu'en juin 2019, vous avez une nouvelle fois décidé de quitter l'Egypte de manière officielle à bord d'un avion.

Au vu de vos retours volontaires en Egypte et de vos nombreux départs du pays qui se sont produits sans problème, ainsi que de votre passeport émis en 2017, il est évident que vous ne craignez rien en Egypte et que manifestement vous n'y êtes nullement « persécuté » par les autorités égyptiennes et vous ne vous trouvez pas non plus dans leur collimateur.

Ce constat vaut d'autant plus que votre comportement adopté depuis votre arrivé en Europe ne correspond évidemment pas non plus à celui d'une personne persécutée qui serait à la recherche d'une protection internationale. Ainsi, on doit pouvoir attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais et surtout, qu'elle ne quitte pas son pays d'accueil après y avoir finalement introduit une demande de protection internationale. Or, selon vos dires, vous auriez d'abord choisi de séjourner quelques jours auprès de votre connaissance marocaine à Bruxelles avant de partir vous installer clandestinement en Allemagne pendant une dizaine de mois et en ne recherchant à aucun moment une quelconque forme de protection dans ces pays. Ensuite, vous auriez choisi de prendre le train pour venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, tout en disparaissant deux mois après votre arrivée. Selon vos dires, vous auriez décidé de quitter le Luxembourg parce que vous auriez voulu travailler clandestinement en Italie, tout en n'y recherchant de nouveau pas de protection. Un an plus tard, en juillet 2021, vous avez décidé de vous présenter à nouveau auprès des autorités luxembourgeoises aux fins de rouvrir votre dossier concernant votre demande de protection internationale introduite il y a plus d'une année.

Un tel comportement est évidemment incompatible avec celui d'une personne réellement à la recherche d'une protection et il paraît dans ce contexte évident qu'après que vous n'auriez plus réussi à trouver un travail en Arabie-Saoudite et que vous auriez dû quitter ce pays, votre projet a été de venir vous installer en Europe, de nouveau dans une perspective économique. Votre comportement ne correspond manifestement pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays d'origine à la recherche d'une protection internationale, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon vos estimations, pourrait satisfaire au mieux à vos attentes.

Au vu de ce qui précède, il est évident que vous tentez d'inventer des motifs expliquant votre arrivée au Luxembourg, respectivement, en Europe, afin de cacher le fait que celle-ci s'explique par des seules considérations économiques et matérielles, voire, de pure convenance personnelle, à savoir les mêmes raisons qui vous avaient déjà par le passé poussé à quitter l'Egypte pour l'Afrique du Sud, puis pour l'Arabie-Saoudite. En effet, vos départs officiels d'Egypte depuis 2014 s'inscrivent dans un pur cadre économique, après que, comme vous le précisez, la vie serait devenue trop chère dans votre pays d'origine. Après votre arrivée en Europe, des seules considérations économiques ont d'ailleurs continué à vous guider, alors que vous auriez d'abord travaillé clandestinement en Allemagne puis en Italie pendant à peu près deux ans, avant de finalement prendre le choix de revenir au Luxembourg dans le but de vous faire octroyer une protection internationale vous permettant de vous installer de manière définitive en Europe.

Il n'est d'ailleurs tout simplement pas logique, ni crédible qu'une personne qui serait vraiment « persécutée » par les autorités égyptiennes, accusée d'être un « terroriste », inscrite sur une liste de personnes « politiquement actives » et sympathisant du régime du président MORSI déchu, d'« espionnage » et d'autres infractions, puisse continuer à vivre en liberté pendant toutes ces années et se voir même remettre un passeport en 2017 et le droit de quitter le pays à plusieurs reprises sans le moindre problème.

Il ressort dans ce contexte des informations en nos mains que les sorties du pays, dont font évidemment partie les sorties par avion en direction de l'Arabie-saoudite, sont strictement contrôlées et surveillées par les autorités : « The Passport Control Department of the lnterior Ministry is responsible for conducting exit checks, which DFAT assesses as strictly enforced.

When leaving Egypt, Egyptians must present a valid passport and a valid visa for their destination country, if required. Egyptian males are required to show evidence of their military service status (including proof of exemption, if relevant). (…) Egyptian law prevents persons from leaving the country if they have criminal charges against their names. These names are recorded on a 'warning list, amended by judges and the Prosecutor-General, against which all travelers are checked prior to departing from the country. Credible human rights organisations have reported that the Interior Ministry and the Egyptian General Intelligence Service can amend this 'warning list' to include persons of interest to the security apparatus, including for political reasons. (…) ».

Par ailleurs, « Exit checks are conducted by the Ministry of Interior's Passport Control Department, according to Australia's DFAT, which states that they are "strictly enforced".

(…) Egyptians travelling abroad must present a valid passport and, as required by their country of destination, a valid visa. (…) ».

Si une « liste » de personnes accusées de crimes, respectivement, de personnes en attente d'un procès, voire de personnes considérées comme politiquement actifs ou des activistes existe donc bel et bien en Egypte sous forme d'une « warning list », pour empêcher ces personnes de quitter le pays, votre nom n'y figure manifestement pas. Vous tentez certes à un moment donné de prétendre avoir rencontré des problèmes lors de vos départs à l'aéroport en expliquant qu'à deux reprises, vous auriez été « arrêté » à l'aéroport ou « mis de côté », ce qui vous aurait fait rater votre vol et eu comme conséquence que vous auriez dû prendre un autre vol le lendemain, mais ces faits, à les supposer réels, ne sauraient clairement pas être mis en relation avec ladite « warning liste » des autorités égyptiennes. Comme vous le précisez, ces dernières vous auraient autorisé à quitter le pays le lendemain, de sorte que vous ne vous trouviez clairement pas dans leur collimateur. En effet, il ne fait aucun sens qu'elles vous arrêtent à cause de toutes les prétendues accusations dont vous auriez été la cible, dont une pour terrorisme, ou de votre inscription sur une « liste » de personnes actives politiquement, mais qu'elles vous relâchent immédiatement le lendemain et vous permettent de quitter le pays. A cela s'ajoute que vous précisez de toute façon aussi avoir raté un desdits vols parce que vous auriez eu sept heures de retard en arrivant à l'aéroport.

Il semble d'ailleurs que vous êtes vous-même conscient des incohérences entre votre récit et le fait que vous auriez pu quitter l'Egypte sans problème moyennant votre passeport émis en 2017, alors que vous développez à un moment donné la tentative de justification -

manifestement pas convaincante - selon laquelle vous ne seriez pas allé chercher vous-même votre passeport mais que vous auriez envoyé un avocat le récupérer afin de pouvoir repartir en Arabie-Saoudite, tentant ainsi de vouloir faire croire que vous-même auriez donc risqué quelque chose en vous présentant aux autorités égyptiennes. Or, il n'est évidemment pas logique, ni crédible, que les autorités égyptiennes acceptent d'émettre un nouveau passeport à une personne accusée notamment d'être un « terroriste » et un espion, inscrite sur une « liste » de gens « actifs politiquement » qui seraient opposée au régime. Le fait que vous auriez envoyé un avocat récupérer votre passeport ne change rien à ce constat. En effet, à admettre que vous auriez été dans le collimateur des autorités de votre pays d'origine, ces dernières ne vous auraient tout simplement pas émis un passeport.

Il s'agit de soulever dans ce contexte que si une personne est réellement recherchée en Egypte, respectivement, si elle y était « persécutée » depuis 2013 et accusée depuis 2014 d'être un « terroriste », d'être un activiste pro-MORSI impliqué dans les manifestations de 2011 qui ont causé la chute de MOUBARAK et qu'un procès aurait été ouvert contre elle, elle n'aurait manifestement pas non plus réussi à se faire octroyer un visa par l'Arabie-Saoudite, un pays « fermé » qui contrôle méticuleusement les entrées sur son territoire, constat qui vaut d'autant plus au vu de l'opposition totale du régime saoudien aux mouvement des frères musulmans dont le président MORSI faisait partie.

Le constat que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises se trouve par ailleurs confirmé par d'autres incohérences et contradictions ressortant de vos dires. Ainsi, vous prétendez avoir été recherché, voire, être recherché par les autorités égyptiennes, parce que vous auriez été inscrit sur la liste des personnes « politiquement actives » et que vous auriez fait partie d'un « groupe ». Or, convié à donner des précisions quant à votre activisme, vous vous limitez à expliquer que vous auriez incité des gens à participer à des manifestations, à savoir des croyants qui auraient voulu rentrer chez eux après les prières et à qui vous auriez alors dit « Non, on doit se rassembler pour manifester » (p. 10 du rapport d'entretien). Il est évident que votre unique phrase, pour le surplus totalement superficielle et insignifiante, ne saurait clairement pas suffire pour retenir un quelconque activisme dans votre chef. Il en est de même de vos explications selon lesquelles vous auriez été inscrit sur cette liste pour faire partie d'un « groupe ». En effet, convié à donner des quelconques précisions quant à ce groupe, vous prétendez d'abord qu'il aurait œuvré pour la « liberté, pouvoir vivre et la justice sociale » (p. 10 du rapport d'entretien). Or, vous prétendez par la suite qu'un tel groupe n'aurait en fait jamais existé, mais qu'il s'agirait là de vos revendications lors des manifestations. Vous vous qualifiez alors de personne « normale » qui n'aurait jamais été membre d'une organisation politique. Par la suite, vous changez de nouveau de version en prétendant que « Moi j'étais le dirigeant d'un groupe ». Convié à préciser de quel groupe il s'agirait, vous répondez « Il n'y avait pas de noms. Plusieurs personnes étaient réparties sur différents groupes. Tout était chaotique » (p. 11 du rapport d'entretien). Il est évident que ces explications ne permettent pas de donner plus de poids à vos dires. Bien au contraire, elles démontrent que votre sincérité est à réfuter et que vous avez décidé de faire état d'un récit inventé de toutes pièces dans le but d'y intégrer des éléments de nature politique susceptibles d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

Dans ce contexte il faut aussi soulever les incohérences chronologiques caractérisant votre récit. Ainsi, vous commencez votre récit en parlant des prétendues « persécutions » dont vous auriez été victime à cause de votre participation aux manifestations et à la « révolution » de 2011 en précisant que les injustices subies, dont quatre arrestations au motif de constituer un élément dangereux et un risque pour la sécurité, auraient eu lieu « après mon retour de l'Afrique du sud en janvier 2014 » (p. 9 du rapport d'entretien). Force est toutefois de constater que vous finissez votre discours sur ces mêmes prétendues injustices subies en alléguant que « Pour cette raison, j'étais obligé de partir en Afrique du Sud, c'était en 2013. Le 23/07/2013 »» (p. 9 du rapport d'entretien). Il s'ensuit que vous vous contredisez donc vous-

même de manière flagrante.

Vous n'êtes par ailleurs pas non plus crédible lorsque vous prétendez avoir été accusé d'espionnage par les autorités égyptiennes après que vous seriez rentré d'Arabie-Saoudite, équipé de « smart watches » pour vos enfants. En effet, il peut être exclu que les autorités égyptiennes aient procédé à la libération quasi immédiate d'une personne inscrite sur leur « liste » qui aurait déjà été accusée d'être un « terroriste » et qui se trouverait désormais accusée d'espionnage. Le fait que vous auriez tout simplement été relâché après avoir payé une amende fait surtout penser à des problèmes que vous auriez eus avec la douane égyptienne pour l'importation de ces montres. Il est par ailleurs inimaginable que votre avocat aurait réussi à transformer un procès d'accusation pour espionnage d'une personne de surcroît accusée d'être un « terroriste » et opposée au régime en simple « affaire économique » (p. 14 du rapport d'entretien). Il doit en être déduit que vous avez ou bien inventé cette histoire des « smart watches » de toutes pièces ou bien qu'il s'agit d'une simple amende que vous auriez dû payer à la douane pour l'importation de biens non déclarés.

Dans un contexte plus général, il ne fait pareillement aucun sens que vous prétendez avoir été accusé par les autorités égyptiennes sur base d'une liste « préparée d'avance » (p.

13 du rapport d'entretien) qui aurait compris treize chefs d'accusation à votre encontre et que vous auriez en plus eu à faire à un juge qui aurait « absolument » (p. 15 du rapport d'entretien) voulu vous accuser d'un crime, vous aurait qualifié de personne dangereuse et vous aurait interrogé sur votre appartenance à un groupe islamique ou vos connaissances de membres de tels groupes, mais qui n'aurait du coup même pas réussi à vous condamner à une quelconque peine et aurait été forcé à vous relâcher parce que votre avocat, qui défendrait du coup des personnes opposées au régime, aurait simplement pu faire classer cette affaire comme une « affaire économique » (p. 14 du rapport d'entretien). Ajoutons pour être complet, qu'en Egypte, « The executive branch exerts influence over the courts, which typically protect the interests of the government, military, and security apparatus and have often disregarded due process and other basic safeguards in cases against the government's political opponents and all forms of independent expression », de sorte qu'il ne fait vraiment aucun sens qu'un juge sous contrôle de l'exécutif qui aurait pour le surplus « absolument » voulu vous voir en prison, aurait été force à vous relâcher, vous, une personne qui serait selon votre récit clairement opposée au régime en place.

Il est en tout cas conclu qu'hormis cette accusation pour être un « terroriste », pour d'autres points d'accusation et votre inscription sur cette fameuse « liste », vous avez décidé, à toutes fins utiles, d'ajouter encore une prétendue accusation pour espionnage dont vous auriez été victime en Egypte dans le but de rendre votre récit encore un plus dramatique et augmenter les chances de vous faire octroyer une protection internationale.

Quant aux « à peu près » quatre fois que les autorités vous auraient convoqué après votre retour en Egypte en 2018, il échet de relever que, hormis le fait que vous devriez être à même de vous rappeler du nombre exact des convocations dont vous auriez été le destinataire, il n'est pas crédible que vous auriez été convoqué à quatre reprises après avoir été inscrit sur une liste, accusé d'être un terroriste, un espion et d'avoir commis d'autres crimes ou infractions, mais que vous auriez à chaque fois tout simplement été relâché. Il n'est pareillement pas crédible que vous vous dites ensuite recherché par les autorités égyptiennes, qui vous auraient pourtant encore récemment convoqué puis relâché quatre fois de suite, pour immédiatement après vous rechercher à nouveau. Une telle démarche paraît en effet dénuée de tout sens. Il n'est de nouveau pas crédible que les autorités égyptiennes aient ensuite été incapables de vous localiser après que vous auriez déménagé au Caire ou qu'elles aient apparemment arrêté de vous rechercher au Caire. En effet, si effectivement, vous étiez recherché par les autorités égyptiennes, celles-ci ne vous auraient pas tout simplement laissé passer votre temps dans des cafés au Caire ou à prier, à vous déplacer à l'ambassade des Pays-Bas et à attendre la délivrance de votre visa. De même, elles auraient été au courant de l'adresse de votre famille à Alexandrie où vous vous seriez par la suite installé et de la venue de tous les membres de votre famille depuis … pour vous dire au-revoir. Enfin, comme susmentionné, si vous étiez vraiment recherché par le régime égyptien, on ne vous aurait certainement pas accordé le droit de deux fois monter à bord d'un avion endéans trois jours et de quitter le pays après avoir passé plusieurs contrôles à l'aéroport.

Dans ce même contexte, il doit du coup également être réfuté que les autorités aient détruit toute votre maison à … parce qu'elles auraient été à votre recherche pendant que vous vous seriez trouvé au Caire. Votre départ officiel du pays démontre que les autorités n'étaient manifestement pas à votre recherche de sorte que ce prétendu incident doit également être considéré comme étant inventé de toutes pièces. En outre, votre tentative de justification censée expliquer les raisons pour lesquelles il ne vous serait pas possible de verser la moindre preuve quant à la prétendue destruction de votre maison ne tient manifestement également pas la route. En effet, vous affirmez que vous ne seriez pas en mesure de prouver la destruction de votre maison parce que votre épouse ne serait pas très instruite, raison pour laquelle elle n'aurait pas pensé à prendre des photos de et que vous-même n'auriez par ailleurs pas pu prendre le risque de vous déplacer à l'aéroport en possession de telles photos. A part le fait que le niveau d'instruction de votre épouse ne devrait pas influencer sa possibilité de prendre des photos de votre maison détruite, si vous le lui demandiez par exemple, il faut encore soulever que vous auriez évidemment aussi pu vous faire envoyer des photos ou toute autre preuve quant à cette prétendue destruction, par tout autre membre de famille, par des connaissances ou par l'intermédiaire de votre avocat notamment. Force est toutefois de constater qu'endéans les trois ans que vous avez désormais séjourné en Europe, il ne vous serait jamais venu à l'esprit de vous faire envoyer des preuves quelconques sur votre portable ou par tout autre moyen d'envoi.

D'une manière plus générale il s'agit d'ailleurs de constater que vous restez entièrement en défaut de prouver ne serait-ce que la moindre partie de votre récit par des pièces et preuves quelconques, à part pour ce qui est de votre travail et titre de séjour en Arabie-Saoudite, de vos voyages effectués, de diplômes obtenus ou de votre situation familiale, des éléments totalement impertinents et sans aucun lien avec vos motifs de fuite allégués.

Quant au prétendu jugement qui aurait été prononcé contre vous en Egypte, il s'agit de rappeler qu'au vu des arguments énumérés et conclusions tirées ci-dessus, aucune crédibilité n'est donc accordée à vos prétendus ennuis judiciaires. De toute façon, le seul fait de montrer une photo se trouvant sur votre portable d'un prétendu jugement ou d'une « cahier journalier d'état » en langue arabe qui concernerait votre accusation pour participation à un « putsch de l'état et la publication de fausses informations » (p. 21 du rapport d'entretien), n'a évidemment aucune valeur probante. A défaut de verser des pièces originales et authentiques, voire, des copies conformes d'un tel jugement, ce dernier ne saurait aucunement être retenu comme avéré. Vous n'avez d'ailleurs pas non plus jugé utile de verser une traduction de cette photo et vous ne sauriez de surcroît pas non plus de quand daterait ce document. En plus, vous précisez d'un côté que cette photo montrerait un « cahier journalier d'état » reprenant les accusations qui auraient été portées contre vous, mais de l'autre côté, il sort de vos dires qu'il s'agirait d'un document qui concernerait votre condamnation à cinq ans de prison.

Par ailleurs, vos explications rocambolesques quant à l'acheminement vers vous de l'information de ce prétendu jugement ne permettent clairement pas non plus de donner plus de poids à vos dires. Ainsi, vous prétendez d'abord que votre ami C, que vous auriez appelé en Egypte depuis le Luxembourg, vous aurait procuré ce document, respectivement cette photo, en s'adressant à un avocat afin que ce dernier demande une copie dudit document. Or, par la suite, cette demande à un avocat pour la copie d'un document disparaît totalement de votre nouvelle version des faits. Selon celle-ci, un avocat de … aurait par hasard lu votre nom qui aurait été enregistré dans le « registre » du tribunal. Il aurait alors pris contact avec un membre de votre famille, le dénommé D et aurait prié ce dernier de vous dire de l'appeler.

Vous auriez alors appelé une connaissance d'une autre province, un dénommé E, pour qu'il se mette en contact avec ledit avocat.

Il est en tout cas clair que l'authenticité de cette photo d'un cahier judiciaire, voire, d'un jugement, n'est aucunement établie et ne possède dès lors aucune force probante. Au vu de la procuration nébuleuse de cette copie de document, voire, de la seule photo d'un document, il ne saurait en outre clairement pas non plus être exclu qu'il s'agisse d'un document de pure complaisance.

Il échet en tout cas de rappeler qu'il vous aurait été parfaitement possible de vous faire envoyer ce document, ou toute autre pièce à l'appui de vos dires depuis l'Egypte alors que toute votre famille, tout comme des connaissances y vivraient encore et pourraient aisément y avoir accès, de même que vous y auriez accès à un avocat qui pourrait notamment faire les démarches nécessaires au Tribunal afin de vous procurer des documents et preuves authentiques par rapport à vos déclarations.

Le constat que vous n'êtes pas en mesure de prouver vos dires par la moindre preuve concrète, authentique ou objective se trouve encore davantage mis en lumière par le fait que vous n'êtes étonnement pas non plus en mesure de verser la moindre pièce en rapport avec cette histoire des « smart watches » qui vous aurait valu une accusation pour espionnage. Or, vous prétendez justement que les autorités égyptiennes auraient publié sur de nombreux sites des informations relatives à votre prétendue arrestation et cette affaire d'espionnage sur base de « smart watches ». Il vous aurait donc dû être facile de trouver trace de ces nombreuses informations publiées sur vous sur différents sites, mais pour une raison qui vous est propre, vous n'avez pas jugé utile de les partager avec les autorités luxembourgeoises. Ajoutons à toutes fins utiles que les recherches ministérielles n'ont nullement permis de confirmer vos dires ou de trouver trace d'une telle affaire d'espionnage.

Il suit de l'ensemble des développements ci-dessus que votre crédibilité est irrémédiablement compromise et que votre départ d'Egypte pour l'Europe, s'explique par des seules considérations économiques et de convenance personnelle, sinon, médicales. Afin d'augmenter les probabilités de vous faire reconnaitre une protection internationale, vous avez décidé de faire état d'un récit inventé de toute pièce en y intégrant des éléments de « persécution » liés à vos prétendues opinions politiques dans le but de maximiser vos chances de vous faire accorder le droit de pouvoir vous installer de manière définitive en Europe.

- Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Comme retenu plus haut, vos motifs de fuite en rapport avec la « persécution » des autorités égyptiennes sont réfutés et seuls sont retenus les motifs médicaux que vous avancez à la fin de votre entretien ainsi que les motifs économiques ou de convenance personnelle qui sous-tendent manifestement votre demande de protection internationale. Il ressort ainsi de votre dossier que vous versez différents certificats médicaux relatifs à différents problèmes médicaux. De même, vous expliquez que depuis 2014, la vie serait devenue chère en Egypte et que vous y auriez perdu votre commerce de volailles. En 2015, vous avez pris le choix de partir travailler pendant plus ou moins trois ans en Arabie-Saoudite et après votre arrivée en Europe, vous auriez d'abord travaillé clandestinement en Allemagne avant de partir travailler pendant un an en Italie. En effet, déjà en 2017 et au vu de la copie du passeport versée et de votre visa obtenu, votre départ vers l'Arabie-Saoudite s'est inscrit dans un cadre clairement économique et après que vous n'y auriez plus trouvé de travail, impliquant la perte de votre titre de séjour saoudien, vous auriez décidé de vous organiser un visa pour le territoire Schengen. Dans ce contexte on peut encore soulever que votre vécu n'a rien de particulier pour un ressortissant égyptien, pays connu pour sa grande diaspora de travailleurs au Moyen-Orient et pour une émigration massive sur une base économique.

Or, des motifs médicaux, économiques et de pure convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut du réfugié, alors qu'ils ne sont nullement liés au champ d'application prévue par la Convention de Genève et la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

- Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Au vu des conclusions ci-dessus détaillées par rapport au manque de crédibilité de vos déclarations et dans la mesure où manifestement des motifs médicaux, économiques ou de convenance personnelle fondent votre demande de protection internationale, il y a lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Egypte, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2022, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et de la décision du même jour portant à son égard ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 24 mars 2022, telle que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur rappelle en substance ses déclarations effectuées lors de son audition auprès du ministère tout en rajoutant, en se basant sur des rapports internationaux, que la prise en charge médicale de détenus en Egypte serait désastreuse. Il dénonce par ailleurs les exactions des autorités égyptiennes envers les opposants politiques et les violations des droits de l’Homme dans ce contexte.

En droit, le demandeur reproche au ministre d’avoir méconnu l'histoire mouvementée et la situation en Egypte depuis 2013. Il donne à considérer qu’il n’y aurait pas de liberté d'expression en Egypte et que les autorités continueraient de restreindre fortement les voix critiques notamment sur Internet. Des fonctionnaires de l'Agence de sécurité nationale (NSA), une unité spéciale de la police, auraient tenté d'intimider des défenseurs des droits humains et des militants politiques en les convoquant illégalement et en les soumettant à des interrogatoires coercitifs et à des mesures de probation policières extrajudiciaires. Les autorités auraient par ailleurs arrêté arbitrairement et soumis à des poursuites judiciaires des dizaines de défenseurs des droits humains et de responsables politiques de l'opposition sur la base d'accusations infondées de terrorisme et de diffusion de fausses informations.

Monsieur A reproche au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle de sa demande de protection internationale, telle qu’imposée par l'article 37, paragraphe (3), point a) de la loi de 2015 et qu’il aurait pris en compte une situation qui ne correspondrait pas au contexte sécuritaire, politique et institutionnel réel de l'Egypte.

Quant au volet de la décision portant refus d’un statut de réfugié dans son chef, Monsieur A fait valoir que dans la mesure où il se serait opposé par le passé aux mêmes autorités qui seraient revenues au pouvoir en 2013 et où il aurait d’ores et déjà subi des persécutions de la part de fonctionnaires de la NSA, il serait évident qu'il craindrait avec raison de devenir victime d’actes de persécution dès son retour en Egypte du fait de ses opinions politiques.

Il rappelle avoir déjà déclaré lors de ses différents entretiens au ministère qu'il aurait subi de nombreuses arrestations lors desquelles il aurait été frappé par les fonctionnaires de la NSA aux motifs qu’il aurait participé à des manifestations en 2011 et qu'il serait fiché chez eux « pour activisme, putsch contre l'Etat et participation à de fausses informations ».

Il donne à considérer que les organes de sûreté de l'Etat et de sécurité nationale égyptiens seraient toujours les mêmes et seraient sous l'autorité du gouvernement égyptien et que leurs méthodes de persécutions et d'atteintes graves seraient dénoncées dans tous les rapports internationaux.

Il rappelle encore qu’il aurait été condamné par contumace à une peine d’emprisonnement de 5 ans par ces mêmes autorités.

Quant au volet de la décision portant refus du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur souligne qu’il ne saurait être nié que les faits dont il aurait été victime seraient graves. Il insiste sur le fait qu’il aurait été condamné à une peine d’emprisonnement et que les prisons égyptiennes seraient « signe[s] de tortures, de persécutions, de manque de soins et de mort ».

Il précise que la NSA serait un organe gouvernemental et que ses actions violentes se pratiqueraient sous l'autorité de l'Etat égyptien, de sorte qu’il y aurait lieu d’en conclure qu’il serait victime de « persécutions » de l’Etat.

Le délégué du gouvernement conclut quant à lui au rejet du recours.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait violé l’article 37, paragraphe 3, point a) de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’il n’aurait pas procéder à un examen individuel de sa demande de protection internationale, le tribunal relève que ledit article 37, paragraphe (3), point a) prévoit que « Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants: a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués; (…) ». Or, force est au tribunal de constater qu’il ressort du libellé de la décision déférée que le ministre a bien procédé à une évaluation individuelle de la demande de protection internationale du demandeur en examinant de manière détaillée le bien-fondé des motifs invoqués par ce dernier à l’appui de sa demande, tout en tenant compte de sa situation personnelle et de la situation générale régnant dans son pays d’origine en se basant plus particulièrement, à cet égard, sur des rapports internationaux.

Dans la mesure où la question du bien-fondé de l’analyse ministérielle sur ce point relève du fond du litige et non pas de la régularité formelle de la décision déférée, le moyen de légalité externe sous analyse encourt le rejet.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il appartient au tribunal de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit du demandeur, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale du demandeur qui est mise en doute, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère fondé ou non des différents volets du recours.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations d’un demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécutions ou d’atteintes graves.

Le tribunal constate tout d’abord que le demandeur n’a pas pris position quant au reproche du ministre tenant au fait qu’il n’a pas immédiatement déposé une demande de protection internationale après avoir quitté son pays d’origine, ni quant à la mise en cause subséquente du sérieux de la demande au regard des circonstances de l’espèce et celui du comportement adopté par le demandeur entre le moment de quitter son pays d’origine et du dépôt de sa demande de protection internationale, ni quant au reproche du ministre tenant au caractère non crédible de son récit, ni encore quant à l’analyse faite par le ministre de ses déclarations au regard des conditions d’octroi d’une protection internationale.

Il échet encore de préciser que le tribunal doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. En effet, force est de rappeler que l'examen de la crédibilité du récit d'un demandeur d'asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d'asile a présenté ou non des raisons pertinentes de craindre d'être persécuté du fait de l'un des motifs prévus par la Convention de Genève, ou de risquer de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 19 décembre 2015.

Il échet de constater que le demandeur avance en substance comme motifs à la base de sa demande de protection internationale le fait d’avoir été dans le collimateur des autorités égyptiennes et plus particulièrement du service de la sûreté nationale après avoir été opposé à la corruption du régime de Moubarak en 2011.

S’agissant des incohérences et contradictions dans le récit du demandeur, le tribunal rejoint le ministre et le délégué du gouvernement dans leur conclusion qu’aucun crédit ne saurait être accordé aux dires de Monsieur A.

En effet, le tribunal relève de prime abord que si certes le demandeur expose avoir été « persécuté » depuis 2013 par les autorités égyptiennes en raison de sa prétendue participation à des manifestations en 2011, alors que le régime aurait envoyé des « espions » dans les gouvernorats pour noter les noms, adresses et numéros de téléphone des manifestants pour les convoquer au poste de police1, il n’en reste pas moins que jusqu'en 2013 ou 2014, il a pu continuer à travailler normalement en Egypte, puis quitter le pays de manière officielle et sans incidents et reprendre son travail après son retour volontaire en Egypte. Si le demandeur prétend dans ce contexte avoir été accusé d'être un « terroriste » lors de son retour dans le pays en 2014, il se dégage de ses explications qu’il n’a cependant subi aucune conséquence directe, telle qu’une enquête, une convocation au tribunal ou une détention préventive.

Ainsi, en 2015, il s’est procuré un travail en Arabie saoudite non pas par crainte des actions des autorités égyptiennes mais en raison du fait que la vie serait devenue trop chère en Egypte. Il est patent de constater dans ce contexte que le demandeur a pu quitter son pays d’origine sans le moindre problème et qu’il a pu y retourner en 2018 pour y passer un congé de deux mois, pour ensuite repartir sans problème par avion, alors qu’il aurait prétendument été fiché comme « terroriste ». Entre son retour de l’Arabie saoudite en mai 2018 et son départ 1 Rapport d’audition, p. 9.

d’Egypte, il a pu vivre sans incident au Caire où il a passé son temps dans les cafés et à prier et n’a pas non plus rencontré de problèmes pour se voir délivrer un visa pour le territoire Schengen, moyennant son passeport égyptien qui lui a été délivré en 2017.

Le tribunal constate qu’il n’est pas crédible que Monsieur A aurait été accusé d'être un « terroriste » et d'« espionnage », alors qu’il n’aurait, dans cette hypothèse, pas pu continuer à vivre en liberté pendant toutes ces années et même se voir remettre un passeport en 2017, voire quitter l’Egypte sans aucun incident. En effet, le ministre a relevé à cet égard, sources internationales à l’appui, non contredites par le demandeur, que les sorties d’Egypte vers l’Arabie saoudite sont strictement contrôlées et surveillées par les autorités, de sorte qu’il y a lieu de retenir, à défaut d’explications circonstanciées du demandeur, qu’une personne recherchée par les autorités égyptiennes ne se verrait a priori pas octroyer un passeport égyptien et un visa pour l’Arabie saoudite contrôlant pourtant de manière minutieuse ses frontières.

Si Monsieur A explique avoir rencontré des problèmes lors de ses départs à l'aéroport en expliquant qu'à deux reprises, il aurait été « arrêté » à l'aéroport ou « mis de côté », ce qui aurait eu comme conséquence qu’il rate son vol, de sorte à avoir été obligé de prendre un vol le lendemain, il n’en reste pas moins que ces faits, à les supposer établis, n’établissent pas que son nom aurait été inscrit sur la « warning list » des autorités égyptiennes, alors que, d’un côté, il a pu quitter le pays le lendemain, et, d’un autre côté, Monsieur A déclare lui-même avoir raté un vol en raison du fait qu’il est arrivé 7 heures en retard à l'aéroport.

Il convient, par ailleurs, de relever que le demandeur reste particulièrement vague dans ses explications quant à son son prétendu activisme politique, alors qu’il se borne à expliquer avoir incité des gens à participer à des manifestations, à savoir des croyants qui auraient voulu rentrer chez eux après les prières et à qui il aurait alors dit « Non, on doit se rassembler pour manifester »2. Quant à sa prétendue inscription sur la liste des personnes politiquement actives pour faire partie d'un « groupe », Monsieur A se limite à expliquer qu’il aurait œuvré pour la « liberté, pouvoir vivre et la justice sociale »3. Le tribunal constate, à l’instar du délégué du gouvernement, que Monsieur A change ensuite de version en précisant n’avoir été qu’une personne « normale », qui n'aurait jamais été membre d'une organisation politique, pour ensuite déclarer avoir été le dirigeant d’un groupe4 n’ayant prétendument pas eu de nom et que tout aurait été chaotique.

Le tribunal ne saurait pas non plus accorder un quelconque crédit à l’affirmation du demandeur aux termes de laquelle il aurait été accusé d'espionnage par les autorités égyptiennes après son retour d'Arabie saoudite au motif qu’il aurait transporté des « smart watches » pour ses enfants, alors que les autorités égyptiennes l’ont libéré quasi immédiatement et que suivant la logique de l’intéressé – non crédible - il aurait pourtant été inscrit sur leur « liste » et été accusé d'être un « terroriste ». A défaut d’une quelconque contestation de la part du demandeur, le tribunal partage la vue du ministre ayant retenu que, dans la mesure où Monsieur A a été relâché après avoir payé une amende, les prétendus problèmes que le demandeur a eus semblent être en lien avec l’importation des montres et limités à un problème de dédouanement, sans rapport avec des persécutions.

2 Rapport d’audition, p. 10.

3 Ibid.

4 Rapport d’audition, p. 11.

La même conclusion s’impose quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle son avocat aurait réussi à transformer un procès d'accusation pour espionnage en simple « affaire économique »5.

Le tribunal partage encore les doutes émis par le ministre par rapport aux convocations du demandeur par les autorités égyptiennes après son retour en Egypte en 2018, alors qu’il n’est pas crédible qu’une personne fichée comme « terroriste », comme espion, respectivement comme auteur d’autres infractions soit convoquée par les autorités pour ensuite être immédiatement relâchée.

Le tribunal n’accorde pas non plus de crédit à la déclaration du demandeur selon laquelle les autorités auraient détruit sa maison à … alors qu'elles auraient été à sa recherche pendant qu'il se serait trouvé au Caire, alors que, d’un côté, les explications du demandeur qu’il lui serait impossible de fournir des preuves de la destruction de sa maison en raison notamment du niveau d’éducation de son épouse sont invraisemblables et, d’un autre côté, ce fait est contredit par la circonstance qu’il a pu quitter le pays par avion sans problème.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir qu’il ne saurait accorder un quelconque crédit aux ennuis judiciaires qu’auraient eus le demandeur, la simple photo du « journal d’état » manuscrit faisant état d’une condamnation du demandeur à 5 ans d’emprisonnement pour « tentative, avec d’autres de renverser le régime et l’accusation de diffusion de fausses nouvelles », n’est pas non plus de nature à augmenter la crédibilité de ses dires.

Les éléments retenus ci-avant sont encore corroborés par le comportement affiché par le demandeur à la suite de son départ d’Egypte. Ainsi, le tribunal relève que son comportement ne correspond pas à celui d'une personne persécutée qui serait à la recherche d'une protection internationale, qui introduirait sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Or, le demandeur admet lui-même avoir choisi de séjourner quelques jours auprès d’une connaissance à Bruxelles avant de partir s'installer en Allemagne pendant une dizaine de mois sans y introduire une demande de protection internationale. Ensuite, après avoir introduit une demande de protection internationale au Luxembourg, il a disparu après deux mois afin de travailler clandestinement en Italie, tout en n'y recherchant pas de protection. Finalement, en juillet 2021, Monsieur A s’est présenté à nouveau auprès des autorités luxembourgeoises afin de rouvrir son dossier concernant sa demande de protection internationale.

Il échet de retenir qu’un tel comportement n’est pas compatible avec celui d'une personne réellement à la recherche d'une protection mais correspond plutôt à celui d’une personne à la recherche d’une meilleure perspective économique dont le départ de son pays d’origine s'explique par des seules considérations économiques, de convenance personnelle, voire médicales.

Il appert encore en l’espèce que le demandeur, qui n’avance aucune raison convaincante pour ne pas avoir introduit une demande de protection internationale dès qu’il en avait la possibilité, est essentiellement mû par la volonté d’user de tout moyen pour pouvoir continuer à séjourner en Europe. Cette attitude amène le tribunal, eue égard aux autres éléments d’incohérence relevés ci-avant, à la conclusion que le récit du demandeur ne convainc pas dans 5 Rapport d’audition, p. 14.

sa globalité6, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté sa demande de protection internationale pour défaut de crédibilité, sans que le bénéfice du doute puisse lui bénéficier.

Il échet finalement de constater que les motifs médicaux, économiques et de convenance personnelle invoqués par le demandeur à travers ses déclarations effectuées auprès du ministère ne sauraient justifier l'octroi du statut du réfugié, alors que de tels motifs ne tombent parmi les critères prévus par la Convention de Genève, respectivement la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de tout ce qui précède que c’est à juste titre que le ministre lui a refusé le statut de réfugié.

Quant au volet du recours ayant trait au statut conféré par la protection subsidiaire, il échet de retenir que dans la mesure où il vient d’être retenu ci-avant que les faits à la base de la demande de protection internationale ne sont pas crédibles, ces mêmes faits ne sauraient pas non plus, à défaut de tout autre élément tangible avancé à cet égard, justifier dans le chef du demandeur une crainte réelle et avérée de s’exposer à des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Egypte.

Pour ce qui est de la question de savoir si le demandeur peut se prévaloir des dispositions de l’article 48, point c) de la même loi, il convient de relever que la Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans le considérant 43 de son arrêt du 17 février 2009, « Elgafaji c. Pays-Bas », numéro C-465/07, que « (…) l’article 15, sous c), de la directive, lu en combinaison avec l’article 2, sous e), de la même directive, doit être interprété en ce sens que :

- l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire n’est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle ;

- l’existence de telles menaces peut exceptionnellement être considérée comme établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours, apprécié par les autorités nationales compétentes saisies d’une demande de protection subsidiaire ou par les juridictions d’un État membre auxquelles une décision de rejet d’une telle demande est déférée, atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces.».

Elle a également retenu, dans le considérant 39 du prédit arrêt, que « (…) plus le demandeur est éventuellement apte à démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, moins sera élevé le degré de violence aveugle requis pour qu’il puisse bénéficier de la protection subsidiaire ».

Le conflit armé interne a été défini par la CJUE dans son arrêt du 30 janvier 2014, « Diakité c. Belgique », numéro C-285/12, et plus particulièrement en son considérant 35, de la manière suivante : « (…) lorsque les forces régulières d’un État affrontent un ou plusieurs groupes armés ou lorsque deux ou plusieurs groupes armés s’affrontent, sans qu’il soit 6 Cour adm. 10 novembre 2020, n° 44691C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

nécessaire que ce conflit puisse être qualifié de conflit armé ne présentant pas un caractère international au sens du droit international humanitaire et sans que l’intensité des affrontements armés, le niveau d’organisation des forces armées en présence ou la durée du conflit fasse l’objet d’une appréciation distincte de celle du degré de violence régnant sur le territoire concerné.».

Quant aux violences aveugles, elles ont été définies par la CJUE dans le prédit arrêt « Elgafaji c. Belgique », notamment dans les considérants 34 et 35, comme étant des violences qui s’étendent à des civils sans considération de leur situation personnelle ou de leur identité.

S’agissant des développements du demandeur relatifs à la situation sécuritaire générale régnant en Egypte, il y a lieu de relever que si les rapports cités par le demandeur font certes état d’abus commis par des membres de la police et des forces de sécurité, de mauvaises conditions de détention, ainsi que de violations de la liberté d’association et d’expression, il n’en reste pas moins qu’ils ne sont pas de nature à démontrer que la situation sécuritaire dans la région d’origine du demandeur est telle qu’elle réponde aux critères d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, tels que clarifiés par la jurisprudence de la CJUE, précitée. Ce constat est d’autant plus vrai que le demandeur n’a pas fait état lors de son audition d’affrontements dont il aurait été témoin dans son pays d’origine.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que l’Egypte ou certaines régions de ce pays sont touchés par des affrontements dont le degré de violence ait atteint un niveau de gravité suffisant au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, ni a fortiori que du seul fait de sa présence sur le territoire égyptien, le demandeur courrait un risque réel et sérieux de subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle, dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens du prédit article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas fait état de manière crédible qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors également à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Le recours en réformation sous analyse est, dès lors, à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le demandeur demande la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus d’octroi d’une protection internationale.

A titre subsidiaire, il se prévaut d’une violation autonome de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en donnant à considérer qu’il serait constant qu’il ferait état d’un risque réel et personnel de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », tout en soulignant que les articles 3 de la CEDH et 129 de la loi du 29 août 2008 poseraient un principe absolu d’interdiction de refoulement ou d’extradition d’une personne vers un pays où elle risquerait de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Il résulte des termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 qu’ « une décision du ministre vaut décision de retour (…) » et en vertu de l’article 2, point q), de la même loi, la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Bien que le législateur n’ait pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre en matière de protection internationale. Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre a a priori valablement assorti sa décision de refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

En ce qui concerne la violation de l’article 3 de la CEDH et de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 invoquée par le demandeur, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le récit du demandeur n’est pas crédible et qu’il a rejeté son moyen ayant trait à une violation de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à ne pas risquer de subir des persécutions ou atteintes graves dans son pays d’origine, le tribunal ne saurait actuellement pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 octobre 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47345
Date de la décision : 23/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-23;47345 ?

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