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23/10/2023 | LUXEMBOURG | N°47323

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2023, 47323


Tribunal administratif N° 47323 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47323 2e chambre Inscrit le 15 avril 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47323 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2022 par Maître Eric Says,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 47323 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47323 2e chambre Inscrit le 15 avril 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47323 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2022 par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant d’après le dispositif de la requête auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 mars 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 avril 2023, Maître Eric Says s’étant excusé.

Le 14 avril 2021, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du Service de Police Judiciaire de la police grand-ducale, section …, dans un rapport du même jour.

Les 22 novembre 2021 et 13 janvier 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 24 mars 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente 1 jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 14 avril 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, votre fiche des motifs rédigée le 14 avril 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 22 novembre 2021 et 13 janvier 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous déclarez être de nationalité camerounaise, d'ethnie « Nkwen », de confession protestante et avoir vécu à … dès votre naissance jusqu'au moi de … et de la fin de l'été 2014 à juin 2020. Vous seriez le père de …, née le … à … et vous précisez que vous auriez couché une seule fois avec sa mère … pour satisfaire le souhait de votre mère qui aurait voulu que vous changiez de sexualité à tout prix.

En …, vous auriez émigré illégalement vers la France où vous auriez introduit la même année la même année une demande de protection internationale qui aurait été refusée comme étant non fondée. Vous précisez que vous auriez introduit votre demande de protection internationale en France au motif que préalablement à votre départ du Cameroun, vous auriez été emprisonné six mois sous prétexte que le gardien du magasin dans lequel vous auriez été commerçant vous aurait accusé d'avoir volé des marchandises. Nonobstant la décision de refus de protection internationale que vous auriez reçue en 2008-2009 de la part des autorités françaises, vous seriez resté en situation irrégulière sur le territoire français jusqu'à la fin de l'été 2014 en vivant de petits boulots et dans l'espoir d'y « être régularisé avec un contrat de travail » (page 8 de votre rapport d'entretien). Fin de l'été 2014, vous seriez « volontairement » (page 8 de votre rapport d'entretien) retourné à … au Cameroun.

Quant aux événements qui se seraient déroulés dans votre pays d'origine entre la fin de l'été 2014 et juin 2020, date à laquelle vous auriez quitté le Cameroun pour la deuxième fois, vous expliquez qu'en août 2018, votre mère vous aurait « forcée [sic] à me marier » (page 2 de votre rapport d'entretien). Deux mois après votre mariage traditionnel avec Madame …, elle se serait aperçue que vous seriez « gay » (page 2 de votre rapport d'entretien) en vous voyant avec « des magazines gay » (page 2 de votre rapport d'entretien) et serait partie. Il s'agirait de la dernière fois que vous l'auriez vue. Vous ajoutez à son sujet que le « 14.04.2021 » (page 2 de votre rapport d'entretien), lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, « l'officier de police a constaté qu'elle vivait à …. Il a vu ca [sic] sur Facebook.

Je ne sais pas ce qu'elle fait à … » (page 2 de votre rapport d’entretien).

En novembre 2019, le propriétaire de votre appartement serait rentré chez vous alors que vous n'auriez pas fermé la porte et il vous aurait surpris nu au lit avec un autre homme.

2 Après avoir « crié dans tous [sic] le bâtiment » (page 11 de votre rapport d'entretien), il aurait appelé la police.

Vous auriez ensuite été emmené au commissariat de … et après trois jours de garde à vue, vous auriez été emprisonné dans la prison centrale de ….

Vous seriez resté en prison de novembre 2019 à juin 2020, et vous ajoutez que vous auriez « négocié » (page 12 de votre rapport d'entretien) votre sortie avec un garde de la prison. Un ami qui serait venu vous rendre visite aurait apporté « 500.000 CFA » (page 12 de votre rapport d'entretien) et aurait payé le gardien qui durant la nuit vous aurait fait sortir de la prison par la porte.

Dès votre sortie de prison, vous auriez fui le Cameroun en vous rendant au Nigéria.

Vous précisez que vous n'auriez pas « pu quitter … pour aller à … » (page 14 de votre rapport d'entretien) car vous auriez été recherché. Vous seriez resté au Nigéria jusqu'au 22 mars 2021 d'où vous auriez pris un avion pour la Turquie, muni d'un faux passeport nigérian. De la Turquie, vous auriez continué votre route en bus et à bord d'un camion pour rejoindre le Luxembourg.

Outre ces accusations concernant votre homosexualité, vous ajoutez que « l'Etat me qualifie de terroriste » au motif que vous financeriez « les groupes terroristes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien). Vous expliquez à ce sujet que vous seriez membre de l'organisation « SCNC » (Southern Cameroons National Council) depuis 1990 et qu'il s'agirait « d'une organisation qui lutte pour la cause anglophone au Cameroun » (page 14 de votre rapport d'entretien).

Vous présentez les documents suivant à l'appui de votre demande de protection internationale : […] 2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout autre développement, rappelons que d'après les principes directeurs sur la protection internationale de l'UNHCR, « la détermination de la situation de LGBTI d'un demandeur est essentiellement une question de crédibilité ». Or, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit pour les raisons suivantes :

Monsieur, vous déclarez que vous seriez homosexuel et que vous auriez quitté le Cameroun après que vous vous seriez échappé de prison où vous auriez été détenu de novembre 2019 à juin 2020 pour avoir été dénoncé à la police par le propriétaire de votre appartement qui serait rentré chez vous alors que vous auriez oublié de fermer la porte et vous aurait surpris nu au lit avec un homme. Vous prétendez également être dans le collimateur des autorités camerounaises au motif que vous seriez membre de l'organisation Southern Cameroons National Council et vous appuyez vos dires en versant diverses photos vous représentant dans un rassemblement de quelques personnes et où on peut apercevoir le drapeau de l'Ambazonie ainsi que des slogans tels que « Souther Cameroon Ambasonia demands total freedom » [sic].

3 Or, Monsieur tel que développé ci-après, force est de constater qu'il s'agit là de motifs farfelus que vous avez vraisemblablement inventés de toute pièce pour régulariser votre situation administrative en tentant de vous faire octroyer une protection internationale et que tout porte à croire que vous ne seriez pas retourné au Cameroun tel que vous le prétendez, que vous ne seriez pas homosexuel et que vous vous seriez marié à Madame … en France et non pas lors d'un mariage forcé organisé par votre mère à …, au Cameroun en août 2018.

En effet, tel qu'il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, il convient de constater que le commissaire de la police judiciaire en charge de votre dossier a trouvé un profil facebook au nom de « … » (page 2 de votre rapport de police) parmi les « amis » du profil facebook de votre soeur Madame … et de ceux du profil facebook de votre beau-

frère Monsieur …, tous deux résidant légalement au Luxembourg. Des captures d'écran annexées au rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, montrent que ce profil facebook affichant des photos de vous, indique que son propriétaire résiderait à … en France, qu'il aurait visité le Luxembourg le 19 février 2019, qu'il y aurait travaillé et qu'il se serait marié le ….

Confronté à cette découverte, vous avez confirmé que les photos présentes sur le profil facebook « … » correspondraient bien à vos photos, par contre vous avez nié qu'il se serait agi de votre propre compte facebook en déclarant que « quelqu'un a dû faire un faux compte » (page 2 du rapport de police judiciaire). Or, Monsieur cette déclaration est manifestement mensongère alors qu'il est impensable qu'autant de photos de vous aient été rassemblées au sein d'un faux profil et que comme l'a soulevé le commissaire en charge de votre dossier, le compte facebook « … », dont vous niez qu'il vous appartiendrait « est tenu régulièrement à jour » (page 3 du rapport de police judiciaire). De plus, force est de constater que depuis la découverte de ce compte facebook, il a, comme par hasard, été supprimé.

Malgré votre tentative de cacher la vérité, il ressort des captures d'écran du profil facebook « … » annexées au rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, qu'une photo mise en ligne le 6 janvier 2019, au sujet de laquelle vous affirmez que « […] j'ai bien l'impression que c'est moi sur la photo » (page 2 du rapport de police judiciaire) et « [j]e vous confirme que l'arrière-plan ne ressemble pas au Cameroun » (page 2 du rapport de police judiciaire), vous met en scène sur un parking en présence simultanée de certains éléments visibles comme des sacs poubelles bleus, une boite aux lettres jaune ainsi qu'un panneau signalétique d'arrêt de bus, qui permettent de raisonnablement affirmer que cette photo a été prise au Luxembourg. Votre explication selon laquelle « [à] mon avis, quelqu'un à fait un Photoshop avec mon visage » [sic] (page 2 du rapport de police judiciaire) n'est nullement convaincante alors qu'il n'existe aucune raison de penser que quelqu'un se serait simplement amusé à vous mettre en scène au Luxembourg en février 2019 alors que vous prétendez que durant cette période vous vous seriez trouvé au Cameroun.

Soulevons ensuite qu'il ressort encore des captures d'écran de ce profil facebook que vous vous seriez marié le …. Le jour même, la photo de couverture de ce compte facebook a été mise à jour, sur laquelle vous êtes identifiable et accompagné comme vous le confirmez de Madame …, « la femme avec laquelle je suis marié […] » et dont vous prétendez que le mariage aurait été célébré « [….] au Cameroun » (page 12 de votre rapport d'entretien), ainsi que de sa fille « … » (page 13 de votre rapport d'entretien) au sujet de laquelle vous précisez qu'elle ne serait pas votre fille biologique.

4 Soulevons également que cette même photo de couple correspondait tel qu'il ressort des captures d'écran faites en date du 14 avril 2021 et annexées au rapport de police, à la photo de profil du compte facebook de Madame …. Partant, vos déclarations selon lesquelles Madame …, avec qui votre mère vous aurait « forcée [sic] » (page 2 de votre rapport d'entretien) à vous marier en août 2018 à …, qui se serait « barrée » (page 2 de votre rapport d'entretien) deux mois après votre mariage au motif qu'elle aurait découvert votre homosexualité et que « ça ne lui a pas plu » (page 2 de votre rapport d'entretien) sont elles aussi manifestement fausses. En effet, malgré vos efforts pour effacer les traces de votre couple sur les réseaux sociaux et même si Madame … a aujourd'hui effacé les photos où vous apparaissiez ensemble, il convient de soulever qu'il est impensable que Madame … ait encore affiché comme photo de profil votre photo de couple en avril 2021, soit plus de deux ans après votre soi-disant séparation. Soulevons également qu'il ressort clairement des photos publiées sur le profil facebook de Madame …, qu'elle serait en France au moins depuis mars 2018, ce qui prouve que vous ne l'avez pas épousé au Cameroun en août 2018. Enfin, soulevons encore à ce sujet que des recherches ont permis de trouver le compte facebook de votre soeur, Madame « … » (page 4 de votre rapport d'entretien) qui résiderait aux « Etats-Unis » (page 4 de votre rapport d'entretien) et qu'à l'instar du compte facebook « … » et de celui de Madame …, affiche toujours une photo de votre couple publiée en décembre 2020, sur laquelle vous et Madame … portez exactement les mêmes vêtements que sur la photo de couple susmentionnée, de sorte qu'il est permis de penser qu'elles auraient toutes été prises en même temps lors de votre mariage en ….

Monsieur, le constat suivant lequel votre récit n'est manifestement pas crédible est renforcé par le fait que le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale au Luxembourg, le 14 avril 2021, un morceau de papier, sur lequel un numéro de téléphone luxembourgeois ainsi qu'une adresse luxembourgeoise étaient écrits, a été retrouvé dans vos affaires. Le commissaire en charge de votre dossier a appelé ledit numéro de téléphone.

Monsieur …, votre beau-frère, ayant décroché l'appel a confirmé que vous, Monsieur …, auriez bien résidé à … en France et a précisé à votre sujet « qu'il était en Europe depuis plusieurs années » (page 3 du rapport de police judiciaire). Votre beau-frère a également ajouté qu'il était « présent à [votre] mariage en … ou … à la mairie [de] … » (page 3 du rapport de police judiciaire). Force est de constater que cette déclaration ne laisse plus aucun doute quant à votre mariage en … en France.

Partant, il est évident que vous mentez au sujet de la date, du lieu et des raisons de votre mariage avec Madame … et par extension au sujet de votre orientation sexuelle. Or, il s'agit d'un élément central de votre demande de protection internationale et il convient de constater que vos mensonges à ce sujet, tels que développés ci-dessus, sont de nature à remettre formellement l'entièreté de votre récit en cause. Les documents que vous avez versés à l'appui de votre demande de protection internationale ne font que renforcer ce constat.

En effet, Monsieur, vous avez versé deux mandats d'amener et sept avis de recherche à votre encontre. Or, Monsieur, force est de constater que telles qu'énumérées ci-après, le nombre incalculable d'irrégularités qui ont été constatées sur les copies des documents que vous avez versées, ne laissent planer aucun doute sur le fait qu'il s'agit de documents de complaisance, forgés de tout pièce pour étayer vos mensonges, auxquels aucune valeur probante ne peut être accordée.

Quant à la copie du « MANDAT D'AMENER » No : …, pour des faits de « HOMOSEXUALITY & ESCAPE FROM CUSTODY » émis par le « PARQUET DU 5 PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE … » à … le 27 août 2020, il convient de relever les irrégularités suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON » ;

- entête en français: Absence de la traduction de « HIGH COURT OF MEZAM DIVISION AND COURT OF FIRST INSTANCE … » ;

- tampon du magistrat indiquant « MAGISTRAR » ;

- bien que la lettre « é » est utilisée dans certains mots comme « République », elle est absente d’autres mots tels que « ne(e), domicilie(e), le/la(s) nomme(e)(s) « ;

- « police officers and agents » a été traduit par « officier au agent » ;

- le tampon, même si difficilement lisible, dit « NOTH WEST REGION » ;

Quant à la copie d'un « AVIS de RECHEARCH » REF.N°CRO/2020/0196/PS/NWR/90/B'DA pour « homosexualité », émis par le « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-… » à … le 15 septembre 2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français : « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL DE LA SURTE NATIONAL DU NORD-OUEST » et COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-… » ;

- titre en anglais : « WANTEDWANTED !! WANTED !!! » - titre en français : « AVIS DE RECHEARCH » ;

- « The accused is a subject of an ongoing proceeding […] » ;

- « Il y a lieu de recherché activement sur toute l'étendue du territoire, national, le nomme : » et « L'intéresse fait l'objet d'une procédure en cours pour homosexualité dans le territoire camerounaise » - La police d'écriture « … the / Fait à … le » en bas de page diffère de celle du reste du document.

Quant à la copie d'un « AVIS DE RECHERCHES » REF.

N°CRO/2020/0196/PS/NWR/90/B'DA pour « acte d'homosexualité » émis par le « COMMISSARIATJUDICIAL DE MEZAM-… » à … le 15 septembre 2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français : « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL_ DE LA SURTE NATIONAL DU NORD-OUEST » et COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-… » ;

- titre en français : «AVIS DE RECHERCHES » ;

- « Il y a lieu de recherché activement sur tout_ l'étendue du territoire national, le nomme. » et « L'intéresse fait l'objet d'une […] » et « En cas de découvert_, […] ou il sera garde a vue, […] » ;

6 - The accused is a subject of an ongoing proceeding […] » et « […] the nearest police or gendarmerie station. Where he will be taken into […] » - tampon « Commisair_ de Police Principal ».

Quant à la copie d'un avis de recherche intitulé « WANTED ! WANTED !! WANTED !!! » REF.N°CRO/2020/0196/PS/NWR/90/B,DA émis par le « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM _… » à … le 15 septembre 2020, il convient de relever les erreurs suivantes :

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON », « GENERAL SECRETART » et « REGIONAL DELEGAION FOR NATIONAL SECURITY NORTH WEST » ;

- entête en français « DELEGTION GENERALE A LA SURTE NATIONALE », « SECRETARIT GENERALE », « DELEGATION REGIONAL_ DE LA SURTE NATIONAL_ DU NORD-OUEST » et « COMMISSARIAT JUDICIAL DE MEZAM-… » ;

- tampon « Commisair de Police Principal ».

Quant à la copie d'un « MANDAT D'AMENER » No : CN0415/950/2021, pour des faits de « SECCESSION, INCITING REBELLION » émis par le « PARQUET DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE … » à … le 25 janvier 2021 ;

- Entête en anglais : « REPUBLIIC OF CAMEROON » ;

- entête en français : Absence de la traduction de « HIGH COURT OF MEZAM DIVISION AND COURT OF FIRST INSTANCE … » ;

- bien que la lettre « é » est utilisée dans certains mots comme « République », elle est absente d'autres mots tels que « ne(e),domicilie(e), le/la(s) nomme(e)(s) » ;

- « Prévenu de « SECCESSION […] » ;

- Tel qu’il ressort du Code Pénal camerounais, l’article 193 n’a rien à voir avec les charges mentionnées de « SECCESION, INCITING REBELLION » ;

- « police officers and agents » a été traduit par « officier au agent » ;

Monsieur, au-delà de ces irrégularités qui se répètent dans les autres documents que vous avez versés, il convient de constater que les trois avis de recherche datés du 15 septembre 2020, malgré leur contenu différent, portent le même numéro de référence « CRO/2020/0196/PS/NWR/90/B'DA ». Il en va de même pour les quatre avis de recherche datés du 12 mars 2021, portant tous le même numéro de référence. Or, alors qu'il s'agit de documents différents, on devrait pouvoir s'attendre à ce qu'ils portent des numéros différents.

Soulevons ensuite qu'il est curieux que vous fassiez l'objet de sept avis de recherches différents et enfin, soulevons que la photo jointe à votre dossier et qui a été utilisée pour vous identifier sur les avis de recherche datés du 12 mars 2021, n'a clairement pas été prise au Cameroun de sorte qu'il est légitime de se demander comment la police camerounaise se la serait procurée.

En effet, il convient de constater qu'il est évident que cette photo a été prise en même temps que celle que vous avez versé durant votre entretien auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes et au sujet de laquelle vous avez déclaré qu'elle a été prise « [à] …, en 2013 » (page 14 de votre rapport d'entretien). Or, Monsieur, il est incompréhensible que d'un côté les autorités camerounaises seraient en possession d'une photo faite en France en 2013, vous montrant dans un rassemblement pro-ambazonien, seule action concrète de votre part à mettre en relation avec votre prétendu soutien pour l'Ambazonie, et d'un autre côté elles vous auraient délivré un passeport à l'ambassade du Cameroun à … en 2014 et une carte d'identité dans un bureau de police au Cameroun en 2016-2017, sans que vous ne rencontriez 7 aucun problème, avant de finalement émettre sept avis de recherche entre autre pour des faits de sécessionnisme, et de terrorisme en 2020 et 2021.

A tout cela s'ajoute que les motifs que vous présentez à la base de votre demande de protection internationale ne sont pas non plus crédibles.

En effet, Monsieur, premièrement, il convient de souligner qu'il est improbable que vous auriez omis de mentionner votre homosexualité et que vous auriez préféré relater des motifs relatifs à un vol de marchandises lors de votre première demande de protection internationale en France en 2005, alors que comme vous tentez de le faire croire, vous auriez pris connaissance de votre homosexualité « [e]ntre 1995 et 2000 » (page 10 de votre rapport d'entretien) et vous auriez déjà rencontré « des problèmes » (page 10 de votre rapport d'entretien) y relatifs avant votre premier départ pour l'Europe.

Deuxièmement, il est également très surprenant que vous auriez décidé de retourner « volontairement » (page 8 de votre rapport d'entretien) au Cameroun, un pays qui pénalise l'homosexualité, alors que vous vous seriez trouvé en Europe depuis 2005 et que vous auriez été conscient de votre orientation sexuelle depuis votre adolescence et des prétendus risques que vous auriez encouru au Cameroun à cet égard.

Troisièmement, il est improbable que vous auriez été forcé par votre mère de vous marier en 2018, soit à l'âge de … ans, « pour apaiser les problèmes que j'ai avec mon père à cause de ma sexualité » (page 2 de votre rapport d'entretien). En effet, Monsieur, personne ne vous a obligé de retourner vivre auprès de vos parents. Vous auriez très bien pu vous réinstaller dans une autre ville du Cameroun, loin des problèmes familiaux que vous y auriez rencontrés avant votre premier départ.

Quatrièmement, Monsieur, il est étonnant que vous auriez été surpris au lit avec un homme par votre propriétaire qui serait simplement rentré chez vous alors que vous n'auriez pas fermé votre porte. En effet, Monsieur, alors que vous déclarez vous-même qu'au Cameroun « tout le monde déteste l'homosexualité » (page 10 de votre rapport d'entretien), il est légitime de s'attendre d'un homme adulte qui serait réellement homosexuel, qu'il prenne un minimum de précautions pour ne pas se faire surprendre, dans un pays homophobe, nu en compagnie d'un autre homme.

Cinquièmement, il convient de constater qu'il n'est pas crédible qu'il suffirait de payer 500.000 francs CFA à un gardien pour s'évader de la prison centrale de ….

En effet, Monsieur, alors que l'organisation Human Rights Watch souligne une « recrudescence de mesures policières à l'encontre des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT) au Cameroun, où les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont criminalisées et passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison » et ajoute que « La loi qui criminalise les comportements homosexuels fait courir aux personnes LGBT un risque accru d'être maltraitées, torturées et agressées sans aucune conséquence pour les auteurs de ces actes » , si comme vous le prétendez, d'une part vous auriez été emprisonné pour avoir été surpris durant une relation homosexuelle et d'autre part vous auriez été dans le collimateur des autorités camerounaises au motif que vous seriez un « terroriste à cause des problèmes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien), il est improbable qu'un gardien laisse simplement sortir un prisonnier de cette importance.

8 Notons à ce sujet que lors de votre entretien, vous avez été invité à faire un croquis de la prison centrale de …. Or, force est de constater que si votre croquis montre bien la forme carré de l'enceinte de la prison, l'agencement des bâtiments à l'intérieur de la prison ne correspond en rien à la réalité telle qu'observable sur Google Earth. Partant, votre présence en prison est formellement à remettre en doute.

Sixièmement, vous prétendez être également dans le collimateur des autorités camerounaises qui vous reprocheraient de « financer les groupes terroristes anglophones » (page 14 de votre rapport d'entretien). Vous versez à l'appui de ces dires une copie d'une « FINANCIAL CONTRIBUTION CARD » qui vous aurait été délivrée pour l'année 2017/2018 après une contribution de 100.000 francs CFA auprès du Southern Cameroons National Council. Vous ajoutez que vous seriez membre de l'organisation SCNC depuis sa fondation en 1990 par « Nfor Ngala Nfor » (page 15 de votre rapport d'entretien).

Or, Monsieur, soulevons qu'il impossible que vous auriez été membre de l'organisation politique du Southern Cameroons National Council, SCNC, depuis sa création en 1990. En effet, force est de constater que « [t]he SCNC website indicates that it is a movement founded in Buea in 1993, which is "fighting for freedom, justice and [the] right to self determination" », de sorte qu'en 1990, l'organisation n'existait pas encore. De plus d'après Piet Konings & Francis B. Nyamnjoh, « [s]ince the resignation of the founding fathers (Sam Ekontang Elad, Simon Munzu and Carlson Anyangwe) from its leadership, the SCNC has been plagued by growing factionalisation. At times, the leaders appear to be more concerned with contesting each other's position of power than promoting the Anglophone cause. Currently, there are at least four factions in the SCNC, with each one claiming to be authentic (Owono 2010). The main faction is chaired by Chief Ayamba Ette Otun from the Manyu Division in South West Province, but because of his advancing age and relatively low level of education, the real holder of power in this faction is its North Western vice-president, Nfor Ngala Nfor ». Votre affirmation selon laquelle « Nfor Ngala Nfor » (page 15 de votre rapport d'entretien) serait le fondateur du SCNC est donc manifestement erronée. Au vu de votre manque évident de connaissances au sujet du SCNC, votre appartenance à cette organisation est formellement à remettre en cause.

Au vu de tout ce qui précède, votre récit n'est manifestement pas crédible, de sorte qu'aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, selon le dispositif de la requête introductive d’instance auquel le tribunal est en principe seul tenu, à la réformation de la décision ministérielle du 24 mars 2022 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte et enfin à voir « lever l’interdiction de territoire ».

9 1) Quant au volet du recours tendant à voir « lever l’interdiction du territoire » Force est de constater que dans le cadre du dispositif de la requête introductive d’instance le demandeur sollicite que « l’interdiction de territoire » à son encontre soit levée.

Toutefois, la décision ministérielle déférée ne porte pas sur une telle interdiction. Or, les pouvoirs du juge administratif sont limités à la vérification de la légalité de l’acte administratif attaqué. En l’espèce, à défaut pour la décision déférée de porter sur une interdiction du territoire, le volet afférent du recours sous examen est irrecevable.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 24 mars 2022 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 24 mars 2022, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, soutient que ce serait à tort que le ministre a remis en cause la crédibilité de son récit.

A cet égard, il fait valoir que les documents versés à l’appui de sa demande ne seraient ni des documents de complaisance, ni des documents forgés. Il explique encore qu’il aurait quitté son pays d’origine alors qu’il serait poursuivi en raison de son orientation sexuelle, ce qui serait démontré par les différentes attestations testimoniales versées en cause.

L’une de ces attestations démontrerait que son beau-frère aurait mal compris les questions lui posées par le ministère lors d’un appel téléphonique. Ce dernier aurait attesté ne pas avoir été présent à son mariage à …, et que lui-même ne se serait pas trouvé en Europe depuis des années.

Le demandeur insiste dans ce contexte sur le fait qu’il appartiendrait au ministère de rapporter la preuve de son prétendu mariage en France, alors qu’il ressortirait d’une attestation de Madame …, que leur mariage traditionnel aurait bien été célébré au Cameroun en 2018. Elle attesterait également qu’après ce mariage, elle aurait fui vers la France après la découverte de l’orientation sexuelle de son nouveau mari.

Le demandeur conteste encore que le compte Facebook au nom de « … » soit le sien, alors que, même à admettre le connaitre, ce compte ne serait pas de nature à remettre en question la crédibilité de son récit concernant son orientation sexuelle, en soutenant que les publications sur les réseaux sociaux ne seraient pas revêtues d’une véracité absolue et que chaque personne pourrait publier « ce que bien lui semble » sans que cela ne corresponde à la réalité.

Concernant la photo à laquelle le ministère fait référence dans sa décision du 24 mars 2022, le demandeur explique ne jamais avoir nié sa présence sur le territoire luxembourgeois en 2014, où il se serait trouvé en raison d’une conférence organisée par son église en France, tout en soutenant qu’une photo « a pu être prise pendant une année différente et publiée en 2019 ».

10 Il réfute encore l’argumentation du ministère ayant trait à la remise en cause de son orientation sexuelle pour s’être rendu chez ses parents après son retour au Cameroun. Il soutient à cet égard qu’il aurait été dans une situation précaire et comme toute personne moyennement diligente, il aurait retrouvé du confort auprès de sa famille. Malgré la connaissance de son orientation sexuelle depuis son adolescence, qu’il aurait, par ailleurs, toujours essayé de cacher, il aurait souhaité garder le contact avec sa famille, ce que feraient, selon lui, beaucoup de personnes qui se trouveraient dans une situation identique à la sienne.

Finalement, après avoir soutenu qu’il aurait démontré à suffisance son appartenance à l’organisation politique « Southern Cameroons National Council », le demandeur estime que fait d’affirmer que « Nfor Ngala Nfor » serait le fondateur de ladite organisation, alors qu’il en serait en réalité le dirigeant, ne permettrait pas de remettre en cause sa crédibilité.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou 11 b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« […] a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et 12 qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

En l’espèce, le tribunal précise, en premier lieu, que, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, il doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que tant le récit de Monsieur … ayant trait à son homosexualité que celui relatif à son appartenance à l’organisation « Southern Cameroons National Council » ne serait pas crédible.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves1.

En ce qui concerne tout d’abord l’homosexualité du demandeur, dont la réalité a été mise en cause par le ministre, il n’est certes pas évident pour un demandeur de protection internationale de prouver objectivement son orientation sexuelle. Cependant, le ministre est en droit d’attendre d’un demandeur qui se dit homosexuel et avoir subi des actes de persécution de ce fait, respectivement craindre de subir de tels actes, qu’il soit convaincant et cohérant sur son vécu et son parcours relatifs à son orientation sexuelle.

En l’espèce, le tribunal partage les doutes du ministre concernant la crédibilité du récit du demandeur ayant trait à sa prétendue homosexualité et plus particulièrement la conclusion ministérielle suivant laquelle le demandeur a, après avoir été débouté de sa première demande de protection internationale en France en 2005, inventé et ajouté des éléments supplémentaires 1 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 139 et les autres références y citées.

13 à son récit au cours de sa deuxième procédure de demande de protection internationale introduite au Luxembourg, afin d’augmenter ses chances d’obtenir une telle protection.

En effet, il se dégage du dossier administratif que lors de ses entretiens relatifs à sa demande de protection internationale, Monsieur … a répondu à la question relative aux motifs invoqués lors de sa demande de protection internationale en France ce qui suit : « Comme j’étais commerçant, j’avais été accusé de voler les gens. » 2. Or, il ressort du même entretien que son homosexualité était connue par lui depuis qu’il avait « peut-être …, … ans. […] Entre … et …. »3. A la question de savoir pourquoi il n’avait pas mentionné son orientation sexuelle lors du dépôt de sa protection internationale en France en 2005, il s’est contenté de répondre :

« parce que ce n’étais pas cela mon problème. C’était cette histoire de vol de marchandises. » 4, tandis qu’à la question de savoir s’il n’avait donc pas subi de problèmes au Cameroun concernant son homosexualité entre l’âge de … ans et … ans, Monsieur … a simplement répondu « Si, j’ai eu des problèmes, mais je ne l’ai pas mentionné » 5.

Monsieur … a également affirmé, durant lesdits entretiens, qu’il a été marié de force au Cameroun en 2018 avec une femme en indiquant que « Ma mère m’a forcée à me marier […] pour apaiser les problèmes que j’ai avec mon père à cause de ma sexualité » 6. Monsieur … a encore ajouté que, deux mois après son mariage, sa nouvelle épouse a « constaté [s]a situation.

Ça ne lui a pas plus, elle s’est barrée. […] Le jour où [il] a demandé l’asile ici au ministère, le 14.04.2021, l’officier de police a constaté qu’elle vivait à …. Il a vu ça sur Facebook.7».

Monsieur … a encore, lors dudit entretien, affirmé avoir par la suite été emprisonné de … à … en raison de son homosexualité, avant de quitter le Cameroun en 20208.

Or, les développements qui suivent démontrent qu’aucun crédit ne saurait être accordé aux déclarations du demandeur quant à sa prétendue homosexualité.

En effet, il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, versé au dossier administratif, qu’un profil Facebook a été découvert au nom de Monsieur Norbert « Mugabe », contenant diverses photos du demandeur. Selon les captures d’écran prises de ce compte Facebook et versées à l’appui dudit rapport du Service de Police Judiciaire, la ville d’origine de la personne en question est « … », qu’elle s’est mariée le …, qu’elle habite à … en France, qu’elle a visité le Luxembourg le 19 avril 2019 et qu’elle y travaille pour la société « … ».

A cet égard, le tribunal relève qu’il ressort du Rapport du Service de Police Judiciaire, que le demandeur, confronté aux photos contenues sur ledit profil Facebook, a simplement expliqué : « C’est bien mes photos que vous me présentez, par contre, ce n’est pas mon compte Facebook. Quelqu’un a donc du faire un faux compte.9».

2 Page 7 du rapport d’entretien.

3 Page 10 du rapport d’entretien.

4 Page 11 du rapport d’entretien.

5 Ibid.

6 Page 2 du rapport d’entretien.

7 Ibid.

8 Page 12 du rapport d’entretien.

9 Page 2 du rapport du service de police judiciaire.

14 Suite à l’affirmation du commissaire responsable de l’entretien transcrit dans le rapport du Service de Police Judiciaire, selon laquelle le profil Facebook en question a cependant été trouvé « dans les amis de la sœur [du demandeur] ainsi que de son mari 10» ce dernier a répondu ce qui suit : « Je continue de nier qu’il s’agisse de mon compte. Je ne suis jamais venu au Luxembourg avant vendredi passé. Je n’ai jamais vécu à …. La femme avec qui je suis sur ma photo de profil s’appelle …. J’ai été marié de force avec cette femme en 2018 au Cameroun.

Je m’étais marié pour faire plaisir à mes parents et pour cacher ma sexualité. Après cela, je me suis enfui. »11 .

Ainsi, l’affirmation du demandeur selon laquelle le compte Facebook afficherait bien ses photos mais qu’il y aurait eu usurpation de son identité, n’emporte pas la conviction du tribunal, le demandeur restant particulièrement vague dans ses explications quant à cette prétendue usurpation d’identité, se contentant d’affirmer qu’il n’aurait créé le profil Facebook.

A cela s’ajoute qu’il ressort encore du même rapport du Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, que le commissaire en charge, après avoir composé un numéro de téléphone trouvé dans les affaires du demandeur, a joint le conjoint de la sœur de ce dernier, Monsieur …, qui « a confirmé [au commissaire] que … résidait bien à … et qu’il était en Europe depuis plusieurs années. Il a même expliqué avoir été présent à son mariage en … ou … à la mairie de … » 12.

Force est dès lors de constater que les informations communiquées par Monsieur … lors dudit entretien téléphonique coïncident et confortent les informations retrouvées sur le compte Facebook affichant les photos que le demandeur a, d’une manière non équivoque, qualifiées comme étant les siennes, à savoir celle concernant la date du mariage en décembre 2020 ainsi que celle de la ville de résidence y indiquée, en l’occurrence … en France.

Etant donné (1) la précision et la particularité des informations données sur ledit profil Facebook et (ii) le fait que ces mêmes informations ont été en tous points confirmés par le beau-frère du demandeur, le tribunal est amené à la conclusion que le profil de Monsieur … est celui du demandeur et que les renseignements y fournis sont véritables.

Ces constats ne sont pas infirmés par l’attestation testimoniale de Monsieur …, versée en cause par le demandeur, force étant au tribunal de constater que cette pièce, étant de qualité insuffisante et partiellement illisible, n’est pas concluante. En outre, elle apparait comme étant une attestation de complaisance dans laquelle Monsieur … tente de redresser, après coup, sin erreur consistant à avoir fourni des informations sur son beau-frère qui ont conduit à remettre en cause la crédibilité du récit de ce dernier. Force est également de constater qu’il ressort du rapport d’entretien relatif à la demande de protection internationale de Monsieur … que ledit profil Facebook a, depuis l’entretien documenté dans le rapport du Service de la Police Judiciaire du 14 avril 2021, été supprimé.

Il y a également lieu de relever que, concernant la photo publiée le 6 janvier 2019 sur le profil Facebook du demandeur et versée à l’appui du rapport du Service de Police Judiciaire d’avril 2021, ce dernier, questionné quant au contexte de cette photo, a répondu : « Vous me présentez une photo de moi devant un parking daté au 6 janvier 2019. Cette homme me ressemble, j’ai bien l’impression que c’est moi sur la photo. Je vous confirme que l’arrière-

plan ne ressemble pas au Cameroun. A mon avis, quelqu’un à fait un Photoshop avec mon visage. »13. La crédibilité des affirmations selon lesquelles le demandeur se serait trouvé au 10 Ibid.

11 Ibid.

12 Page 3 du rapport du service de police judiciaire.

13 Page 2 du rapport du service de police judiciaire.

15 Cameroun en 2018, y aurait subi un mariage forcé et y aurait par la suite été emprisonné de novembre 2019 à juin 2020 en raison de son homosexualité est ainsi sérieusement ébranlée, étant donné que la photo a été postée sur son profil Facebook en date du 6 janvier 2019 et que ladite photo, sur laquelle il porte un manteau et une écharpe, a été prise devant un paysage qui n’existe, selon ses propres dires, pas au Cameroun.

Ces considérations ne sont pas infirmées par les justifications du demandeur reprises dans sa requête introductive d’instance selon lesquelles « Les publications sur les réseaux ne sont pas revêtues d’une vérité absolue […] Que la photo à laquelle fait référence le Ministère des Affaires étrangères et européennes dans sa décision du 24 mars 2022, a pu être prise pendant une année différente et publiée en 2019 », étant donné que les explications fournies par Monsieur … lors de son entretien téléphonique du 14 avril 2021 avec le commissaire en charge, telles que reprises ci-dessus et selon lesquelles « … résidait bien à … et […] était en Europe depuis plusieurs années », viennent corroborer le manque de crédibilité des affirmations de Monsieur ….

Ce manque de crédibilité se trouve encore corroboré par la photo versée à l’appui du rapport du Service de Police Judiciaire d’avril 2021, trouvée sur le compte Facebook du demandeur, sur laquelle ce dernier s’affiche en compagnie d’un enfant et d’une femme, qu’il admet lui-même être Madame « … [à laquelle il aurait] été marié de force […] en 2018 au Cameroun »14, et qui a également été retrouvée sur le compte d’un autre profil Facebook dénommé « … ». En effet, lors de son entretien relatif à sa demande de protection internationale, le demandeur a, après avoir été questionné sur l’identité du profil « … », admis qu’il s’agissait du profil de « la femme avec laquelle [il s’était] marié au Cameroun15 ».

Or, dans la mesure où le demandeur ne fournit aucune explication sur les raisons de la présence de cette photo de couple sur le compte Facebook de son ex-épouse en 2021, alors qu’elle l’aurait supposément abandonnée deux mois après leur mariage au Cameroun en 2018, après avoir découvert son homosexualité, le tribunal est amené à retenir que Monsieur … s’est bien marié en … en France avec Madame ….

Ce constat n’est pas infirmé par l’attestation testimoniale de Madame …, versée en cause par le demandeur. En effet, à l’instar de celle du beau-frère du demandeur, cette attestation apparait comme rédigée afin de tenter de redresser le manque de crédibilité du récit de Monsieur …, ce qu’elle finit, au contraire, par conforter, cette dernière y affirmant, d’un côté s’être mariée avec le demandeur en 2018, que le mariage n’a duré que quelques mois et qu’elle s’est enfuie après la découverte de l’homosexualité de Monsieur …, et d’l’autre côté. Affichant sur son profil Facebook la même photo que celle publiée sur le compte de son épouse le … concernant leur mariage.

Au vu des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que le ministre a conclu au défaut de crédibilité du récit du demandeur relatif à son homosexualité, à son mariage forcé au Cameroun en 2018 et, par conséquent, à son séjour en prison qu’il aurait effectué après la découverte de son homosexualité par le propriétaire de son appartement. Il s’ensuit que Monsieur … ne saurait valablement prétendre à l’octroi d’un statut de protection internationale sur base de ce même récit.

14 Page 2 du rapport du service de police judiciaire.

15 Page 12 du rapport d’entretien.

16 A l’appui de son entretien relatif à sa demande de protection internationale, le demandeur a également invoqué sa crainte d’un retour au Cameroun, compte tenu du fait que l’Etat camerounais le qualifierait de terroriste en raison de contributions financières envoyées à l’organisation « Southern Cameroons National Council », ci-après désigné par « SCNC », qui lutterait « pour la cause anglophone au Cameroun » 16 et à laquelle il appartiendrait depuis 1990.

Le tribunal partage encore les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit du demandeur à cet égard.

Concernant l’activisme politique du demandeur, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif que celui-ci a, lors de ses entretiens relatifs à sa demande de protection internationale, affirmé pour la première fois appartenir à l’organisation du SCNC et être poursuivi au Cameroun en raison de cette appartenance. Il n’a, en effet, ni fait mention de son prétendu engagement politique lors de son entretien avec le Service de Police Judiciaire du 14 avril 2021, ni dans la fiche manuscrite concernant les motifs du dépôt de sa demande de protection internationale signée en date du 14 avril 2020, de sorte que le récit du demandeur quant à un prétendu engagement politique est remis en cause.

Le tribunal se doit également de constater que les prétendus mandats d’amener et avis de recherche émis par les autorités camerounaises, versés par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale et selon lesquels il ferait notamment l’objet « d’une procédure judiciaire pour acte de terroriste » ainsi que « d’une procédure en cours pour Sécessionniste dans le territoire Camerounaise » et qu’il serait « prévenu(e) de SECCESSION, INCITING REBELLION », comportent des éléments laissant fortement douter de leur authenticité.

Il échet, à cet égard, de relever que si le tribunal administratif n’a pas compétence pour qualifier une pièce de faux, le faux en écriture ne se présumant en effet pas et le législateur ayant prévu une procédure spécifique à l’article 19 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, à savoir une demande en inscription de faux, il peut néanmoins apprécier le caractère sérieux d’un écrit, indépendamment de la qualification de faux.

Concernant les prétendus « avis de recherches » respectivement « AVIS DE RECHEARCH » et « SEARCH WARRANT » tous les trois émis le 12 mars 2021, ils font l’objet de nombreuses fautes d’orthographe, tel que l’indiquent, par ailleurs, deux de leurs entêtes respectives, censées être rédigées en les termes suivants : « avis de recherche ». En ce qui concerne plus particulièrement leur contenu, il y est notamment inscrit, « Republiic of Cameroon », au lieu de « Republic of Cameroon », « dans le territoire Camerounaise » au lieu de « sur le territoire camerounais », ainsi que « acte de terroriste » au lieu de « acte de terrorisme » et « il sera garde a vue », au lieu de « il sera amené en garde à vue ». Force est encore de constater que le prétendu mandat d’amener émis en date du 25 janvier 2021 est également truffé de fautes d’orthographe, alors qu’il y est notamment noté « Republiic of Cameroon », au lieu de « Republic of Cameroon » ainsi que « pour être entendu(e) sur les faits qui lui sont reproche », au lieu de « pour être entendu(e) sur les faits qui lui sont reprochés » et « n’a pas défère au mandate de comparution » au lieu de « n’a pas déféré au mandat de comparution ».

16 Page 14 du rapport d’entretien.

17 Or, il apparaît hautement improbable que les autorités camerounaises émettent des actes officiels comportant des erreurs aussi grossières et nombreuses, de sorte à fortement remettre en doute le caractère sérieux de ces actes et à affermir la conviction du tribunal de l’absence de crédibilité du récit du demandeur quant à une prétendue qualification de terroriste par l’Etat camerounais en raison de ses engagements politiques.

Le constat du manque de crédibilité du récit du demandeur est encore corroboré par les explications fournies par celui-ci lors de ses entretiens relatifs à sa demande de protection internationale, desquelles il résulte qu’il est resté, hormis l’indication selon laquelle il aurait contribué financièrement à l’organisation du SCNC, particulièrement vague dans ses explications concernant ses prétendues activités politiques auprès de ladite organisation. A cela s’ajoute que Monsieur … semble peu connaître l’organisation dont il prétend pourtant être membre depuis plus de 20 ans, alors que, tel que relevé à juste titre tant par le ministre, que par le délégué du gouvernement, ses explications à ce propos ne sont pas cohérentes. En effet, Monsieur … affirme erronément que le fondateur de l’organisation serait « Nfor Ngala Nfor » et qu’il serait membre de l’organisation depuis 1990 alors qu’elle n’a été créée qu’en 1993.

Ces conclusions ne sont, par ailleurs, pas énervées par les photos versées en cause par le demandeur, ayant, de par leur décor, manifestement été prises en Europe, et sur lesquelles celui-ci tient en main un panneau affichant l’inscription « FREE English Speaking Cameroun », et qui sont, en tout état de cause, insuffisantes pour prouver que Monsieur … appartiendrait effectivement à l’association SCNC et qu’il serait qualifié dans son Etat d’origine de terroriste, alors qu’il n’est pas démontré qu’elles n’ont pas été prises pour les besoins de la demande de protection internationale, ce dernier s’étant déjà trouvé sur le territoire européen.

Enfin la copie d’une « Financial Contribution Card », dont la signature ne comporte aucun nom de sorte à ce que l’identité de son auteur n’est pas en mesure d’être vérifiée, est, en tous les cas, insuffisante pour renverser la conviction du tribunal quant au défaut de crédibilité du récit du demandeur.

Force est dès lors au tribunal de constater que c’est à bon droit que le ministre a conclu au défaut de crédibilité du récit du demandeur relatif à son engagement politique auprès de l’organisation SCNC et, par conséquent, à sa poursuite en qualité de terroriste par l’Etat camerounais.

Il s’ensuit que Monsieur … ne saurait valablement prétendre à l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur n’a pas formulé de moyens spécifiques à l’appui de son recours tendant 18 à la réformation de l’ordre de quitter le territoire.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de l’ordre de quitter le territoire, dans la mesure où celui-ci découlerait directement de la décision rejetant l’octroi d’une protection internationale.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2, point q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le volet du recours en ce qu’il tend à « lever l’interdiction de territoire » ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 mars 2022 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 23 octobre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

19 s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47323
Date de la décision : 23/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-23;47323 ?

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