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23/10/2023 | LUXEMBOURG | N°46979

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2023, 46979


Tribunal administratif N° 46979 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46979 2e chambre Inscrit le 2 février 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par la société coopérative de droit luxembourgeois “A”, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46979 du rô

le et déposée en date du 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif 1) par Maître Fran...

Tribunal administratif N° 46979 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46979 2e chambre Inscrit le 2 février 2022 Audience publique du 23 octobre 2023 Recours formé par la société coopérative de droit luxembourgeois “A”, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46979 du rôle et déposée en date du 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif 1) par Maître Frank Sarfati, avocat exerçant sous son titre d’origine, inscrit à la liste IV du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, et 2) par la société anonyme “B” SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, inscrite au tableau de l’Ordre des experts-comptables à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Monsieur … et Monsieur …, administrateurs, au nom de la société coopérative de droit luxembourgeois “A”, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses organes sociaux actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 novembre 2021 ayant déclaré irrecevable sa réclamation introduite le 3 septembre 2021 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis le 24 février 2021 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2022 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Frank Sarfati et de la société anonyme “B” SA déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2022, pour le compte de la société demanderesse, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank Sarfati, Monsieur … et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 juin 2023.

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En date du 24 février 2021, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société coopérative de droit luxembourgeois “A”, ci-après désignée par « la société “A” », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018.

1 Par courrier réceptionné le 3 septembre 2021, la société “A” fit introduire par l’intermédiaire de la société anonyme “C” SA une réclamation contre lesdits bulletins d’imposition auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par décision du 8 novembre 2021, référencée sous le numéro …, le directeur déclara la réclamation irrecevable pour être tardive, cette décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 3 septembre 2021 par les sieurs … et … de la société anonyme “C”, au nom de la société coopérative organisée en société anonyme “A”, ayant son siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis en date du 24 février 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que les bulletins litigieux, émis en date du 24 février 2021, ont été notifiés le 1er mars 2021, de sorte que le délai a expiré le 1er juin 2021; que les réclamations, introduites en date du 3 septembre 2021, sont donc tardives ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’en exécution du § 252 AO, les réclamations sont donc à qualifier de tardives ;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que les réclamations introduites sont irrecevables pour cause de tardiveté ;

PAR CES MOTIFS dit les réclamations irrecevables. […] ».

Par requête déposée le 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif, la société “A” a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 8 novembre 2021.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la présente matière.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par la société “A”.

2 Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office différentes questions de recevabilité du présent recours :

- en ce qu’il a été introduit au nom et pour le compte de la société “A”, « D’une part » par Maître Frank Sarfati, avocat inscrit à la liste IV, et « D’autre Part » par Monsieur … et Monsieur …, administrateurs de la société anonyme “D” SA, anciennement “B” SA, ci-après désignée par « ”D” », - en ce que Maître Frank Sarfati, l’un des signataires de la requête introductive d’instance, a la qualité d’avocat inscrit à la liste IV, et - en ce que “D”, l’autre signataire de la requête introductive d’instance, déclare, suivant le recours sous analyse, également agir pour le compte de la société “A”, sans avoir communiqué au tribunal :

o ni le mandat ad litem lui donné pour introduire le recours au nom et pour le compte de la société demanderesse, o ni l’information quant à sa qualité pour agir en justice, c’est-à-dire si elle a la qualité d’un réviseur d’entreprise ou bien d’un expert-comptable, o ni l’information si elle peut être considérée comme étant valablement représentée par les deux signataires de la requête introductive d’instance.

En ce qui concerne la première question de recevabilité, à savoir celle si un même recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif peut être formé au nom et pour le compte d’un seul et même requérant par deux litismandataires différents, Maître Sarfati a répondu qu’au vu du fait qu’il est un avocat de la liste IV, il a préféré s’assurer de la recevabilité de son recours en se faisant assister par un expert-comptable, à savoir par “D”.

Cependant, tant Maître Sarfati que Monsieur …, ayant déclaré représenter “D” à l’audience des plaidoiries, ont répondu se rapporter à prudence de justice quant à la remarque afférente du tribunal selon laquelle il ressortirait, à première vue, de la requête introductive d’instance que le recours a été introduit « D’une part » par Maître Sarfati et « D’autre Part » par “D” et non pas par Maître Sarfati « assisté de » “D”.

Le délégué du gouvernement estime, quant à lui, que de manière générale, diverses questions de recevabilité se poseraient, tout en insistant sur le fait qu’une recherche sur internet lui aurait permis de constater qu’il existerait plusieurs sociétés ayant la même dénomination que “D” figurant dans la requête introductive d’instance. Il serait dès lors impossible de connaître l’identité exacte de “D” ayant introduit le recours.

L’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après la « loi du 21 juin 1999 », dispose en son alinéa 1er que « Tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif […] est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats. ».

L’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1991 », prévoit, quant à lui, que « (1) Les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, recevoir leurs pièces et titres afin de les représenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.

3 Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle à l’application de dispositions législatives spéciales et à la faculté: […] c) des justiciables d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes; […] ».

Par la précision employée à l’article 1er, précité, de la loi du 21 juin 1999 de « requête signée par un avocat »1, le principe de l’unicité de l’avocat est ainsi posé en matière de représentation devant le tribunal administratif excluant qu’un justiciable puisse se faire représenter au sein d’une même procédure par plusieurs avocats. En raison du principe de sécurité juridique et d’une bonne administration de la justice, ce principe est à transposer, par analogie, en matière fiscale lorsque le justiciable choisit de ne pas agir par lui-même conformément à la possibilité lui offerte par l’article 2, alinéa 2 de la loi du 10 août 1991, mais de se faire représenter par un avocat.

D’un autre côté, en vertu de l’article 2 de la loi du 10 août 1991, les justiciables qui choisissent de ne pas se faire représenter par un avocat, ni d’agir par eux-mêmes devant le tribunal administratif dans le cadre d’un recours en matière de contribution directes, peuvent se faire représenter « par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprise »2. Cette disposition légale pose dès lors elle aussi le principe de l’unicité du mandataire et exclut de la sorte dans cette hypothèse la possibilité pour un justiciable de se faire représenter au sein d’une même procédure par plusieurs mandataires simultanément.

Le principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du mandataire s’impose d’autant plus au regard de différentes problématiques qui seraient susceptibles de se poser en cas de représentation du justiciable par deux mandataires, ou plus, devant le tribunal administratif, à savoir celle de la notification tant des mémoires que du jugement à intervenir, celle du nombre de mémoires alors que la loi du 21 juin 1999 n’en prévoit pas plus de deux par partie, y compris la requête introductive d’instance, ainsi que celle des conséquences du dépôt de mandat par un des mandataires au cours de la procédure contentieuse.

Le tribunal tient à relever à cet égard que le principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du mandataire n’exclut pas, - mais n’est pas non plus à confondre avec -, la possibilité pour un mandataire, qu’il s’agisse d’un avocat ou bien d’un expert-comptable ou d’un réviseur d’entreprise, d’être assisté par une autre personne alors que dans pareille hypothèse, il n’y a qu’un seul mandataire officiel qui est constitué et défend les intérêts du justiciable. C’est alors à cet unique mandataire constitué que les mémoires sont notifiés, faisant ainsi courir les différents délais, de même que le dépôt de mandat par ce mandataire désigné a comme conséquence que le justiciable n’est plus officiellement représenté en justice.

En l’espèce, le tribunal constate que la requête introductive d’instance indique clairement que la société “A” est représentée « D’une part » par Maître Frank Sarfati et « D’autre Part » par “D”, de même qu’il est précisé au dispositif que « les exposants concluent » à la réformation, sinon à l’annulation de la décision déférée. Il s’ensuit que l’intention des signataires de la requête introductive d’instance, - et ce indépendamment de la question de la qualité des deux mandataires et de la recevabilité du recours s’il avait été 1 Le tribunal souligne.

2 Idem.

4 introduit par l’un des deux uniquement -, était celle de représenter ensemble la société “A” dans la présente procédure, ce qui, au vu du principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du mandataire, n’est pas possible.

Il suit de tout ce qui précède que le recours est irrecevable en ce que la société demanderesse est représentée par deux mandataires, l’analyse des autres questions de recevabilité devenant ainsi surabondante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours principal en réformation irrecevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandre Bochet, premier juge, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 23 octobre 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46979
Date de la décision : 23/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-23;46979 ?

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