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20/10/2023 | LUXEMBOURG | N°45752

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 2023, 45752


Tribunal administratif N° 45752 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45752 4e chambre Inscrit le 8 mars 2021 Audience publique du 20 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions de la Commission de surveillance du secteur financier en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45752 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2021 par la société à responsabilité limitée Elving

er Dessoy Marx SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 45752 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45752 4e chambre Inscrit le 8 mars 2021 Audience publique du 20 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions de la Commission de surveillance du secteur financier en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45752 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2021 par la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de la Commission de surveillance du secteur financier du 20 juillet 2020, référencée sous le numéro … prononçant à son égard une amende administrative de 25.500,- euros et décidant qu’il devra faire l’objet d’un « suivi spécifique lors de l'EAQ de l'année 2021 », tout en retenant qu’il y a lieu à publication anonyme de la sanction, ainsi que de la décision confirmative du 7 décembre 2020, rendue sur recours gracieux et référencée sous le numéro ….

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, les deux demeurant à Luxembourg, du 9 mars 2021, portant signification de la requête introductive d’instance à la Commission de surveillance du secteur financier, établissement public, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26, représentée par le président de son comité de direction actuellement en fonctions, établie et ayant son siège à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2021 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Commission de surveillance du secteur financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2021 par la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, préqualifiée, au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2021 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, assisté de Maître Virginie Verdanet, avocat à la 1Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de la Commission de surveillance du secteur financier, préqualifiée ;

Vu l’avis du tribunal du 7 novembre 2022 autorisant chacune des parties à déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2022 par la société à responsabilité limitée Rodesch Avocats à la Cour SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au registre de commerce et des sociétés du Luxembourg sous le numéro B265322, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Albert Rodesch, assisté de Maître Virginie Verdanet, préqualifiés, au nom de la Commission de surveillance du secteur financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2023 par la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, préqualifiée, pour le compte de son mandant ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Serge Marx et Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2023.

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En date du 20 juillet 2020, la Commission de surveillance du secteur financier, dénommée ci-après « la CSSF », adressa la décision suivante à Monsieur …, référencée sous le numéro … :

« (…) Monsieur, Lors de l'examen d'assurance qualité (ci-après, « EAQ ») visé par l'article 39 de la loi du 23 juillet 2016 relative à la profession de l'audit (ci-après « la loi audit »), qui a été effectué par la CSSF auprès du cabinet de révision agréé … S.A. au cours de l'année 2019, nous avons vérifié le dossier relatif au contrôle légal des comptes annuels de l'entité … S.C.A, SICAV-SIF au 31 décembre 2018 (ci-après « … » ou le « Fonds »), pour lequel vous avez signé en votre qualité de réviseur d'entreprises agréé le rapport d'audit en date du 10 avril 2019.

Nous avons identifié que ce dossier comporte des manquements importants aux prescriptions légales et réglementaires relatives au contrôle légal des comptes et pour cette raison nous avons ouvert à votre encontre une procédure disciplinaire telle que visée par l'article 40 (2) de la loi audit, pouvant donner lieu à des mesures préventives mentionnées à l'article 42 de la loi audit et/ou à des sanctions ou autres mesures administratives appropriées mentionnées à l'article 43 (1) de la loi audit lu en combinaison avec l'article 43(2), points (a) et (b) de la loi audit.

Nous nous référons à 2 Votre dossier d'audit qui a été mis à notre disposition lors de notre inspection ;

 Notre courriel du 21 novembre 2019 par lequel nous vous avons soumis nos observations en ce qui concerne le dossier …, en vous demandant de prendre position par rapport à ces observations ;

 Vos réponses à nos constatations reçues en date du 6 décembre 2019 ;

 Notre courrier (réf : …) du 6 février 2020, par lequel la CSSF vous avait informé de son intention de vous imposer une amende administrative d'un montant maximal d'EUR 500.000, en application de l'article 40 (2) de la loi audit, lu en combinaison avec l'article 43 (2), points (a) et (b) de la loi audit ainsi qu'en application de l'article 43 (1), point (f) de la loi audit et de son intention de prononcer un suivi spécifique à votre égard lors de l'EAQ de l'année 2021 en application des articles 40 (2) et 42 point (c) de la loi audit ;

 Votre courrier de réponse du 14 février 2020 par lequel vous nous avez notamment communiqué vos réponses aux manquements importants identifiés, le montant des honoraires facturés dans le contexte de la mission de contrôle légal des comptes annuels de l'entité … au 31 décembre 2018 ainsi que votre disposition à fournir oralement à la CSSF le montant de vos revenus annuels ;

 Votre courriel du 24 mars 2020 qui informe Monsieur … de votre rémunération annuelle ;

 La réunion téléphonique du 29 avril 2020 en votre présence et celles de Madame … et Monsieur … ;

 Votre courrier daté du 11 mai 2020 reçu par courriel le 20 mai 2020 qui reprend les principaux arguments présentés lors de la réunion du 29 avril 2020.

Nous avions mis en perspective, dans notre courrier du 6 février 2020, qui fait partie intégrante du présent courrier, que la juste valeur des actifs du Fonds présentée dans les comptes annuels de … était significativement sous-évaluée. Cette sous-évaluation est liée à l'entière dépréciation d'un prêt émis par la société … (ci-après « la Société ») d'une valeur nominale d'USD 500 000 (ci-après « le Prêt »). La CSSF considère en effet que cette dépréciation était contradictoire par rapport à la juste valeur des actions retenue par le conseil d'administration de l'associé commandité du Fonds (ci-après « la Direction ») mais également par rapport à l'amélioration substantielle de la situation financière de la Société au cours de l'année 2018.

En effet, si la transaction régie par le contrat « Shares Sale and Purchase Agreement » daté du 2 avril 2018 (ci-après « la Transaction ») permet de déterminer la juste valeur des fonds propres de la Société, elle permet également d'en déduire la valeur d'entreprise de la Société et par conséquent la juste valeur des prêts émis par la Société.

Sachant que l'article 4.1 du Contrat stipule que cette Transaction ne sera effective qu'à condition que toutes les préconditions définies en annexe 2 du Contrat soient remplies dont le remboursement du Prêt, le Prêt aurait dû être maintenu à sa valeur nominale. Vous affirmez dans votre courrier du 11 mai que cette clause ne serait plus valable et que les parties au Contrat se seraient accordées autrement, comme permis par la clause 5.1, étant donné que le Prêt a été rééchelonné. Néanmoins, vous n'avez obtenu aucun avenant au Contrat ou autre élément probant supportant cette affirmation.

Dans vos courriers du 14 février 2020 et 11 mai 2020, vous invoquez l'incapacité de la Société d'honorer ses obligations contractuelles au 31 décembre 2018, à savoir le 3remboursement des prêts au 31 décembre 2018 et le rééchelonnement du Prêt au 30 juin 2019 pour justifier la correction de valeur sur le prêt de USD 500.000, en raison notamment d'une faible solvabilité de la Société.

La CSSF constate que l'un des deux prêts ainsi que les intérêts des deux prêts sont remboursés peu de temps après la clôture et ce, avant la signature de votre opinion d'audit.

Pour ce qui du Prêt non remboursé, la CSSF considère que la renégociation d'échéance au 30 juin 2019 ainsi que la volonté du Fonds de privilégier une transaction à l'amiable ne sont pas des éléments probants suffisants à eux seuls pour déprécier l'entièreté de ce Prêt. Bien que le rééchelonnement du Prêt puisse indiquer une détérioration du risque de crédit, celui-ci ne peut justifier à lui seul une probabilité de défaut du Prêt de 100%. Au contraire, l'amélioration substantielle de la situation financière de la Société au cours de l'année 2018 souligne sa capacité accrue pour générer des flux de trésorerie positifs. De l'avis de la CSSF, ceci devrait se traduire par l'amélioration du risque de crédit de la Société et non pas par la prise en compte d'un risque de défaut de 100% de cette dernière. Bien que les comptes annuels soient préparés sur le principe de la non-continuité d'exploitation, la valeur liquidative du Prêt, compte tenu de sa date de maturité, dépend principalement de la capacité financière de la Société à rembourser le Prêt.

Or, dans votre courrier du 14 février 2020, votre analyse de la situation financière de la Société au 31 décembre 2018 ne se limite qu'à la revue des fonds propres négatifs de la Société. Vous ne prenez pas en considération le fait que l'actif courant soit supérieur à la dette courante (Prêt inclus) alors qu'il s'agit d'un remboursement d'une dette à court terme et surtout la CSSF constate que vous avez négligé la capacité de la Société à générer des flux de trésorerie positifs. La CSSF observe, en effet, que la Société a atteint le seuil de rentabilité et a généré des flux de trésorerie opérationnels positifs d'USD 627,000 entre le 30 juin 2018 et le 31 décembre 2018. Les flux de trésorerie opérationnels sur une période de six mois, qui correspond à l'échéance du Prêt, seraient ainsi à eux seuls suffisants pour rembourser ce Prêt sans même recourir à un financement extérieur.

De plus, votre analyse n'a pas tenu compte des suretés personnelles données par les actionnaires pour garantir ce prêt conformément au contrat « Guarantee & Indemnity Agreement » signé le 25 juin 2012 sachant que ces actionnaires sont également la partie acheteuse des actions préférentielles de la transaction susmentionnée, pour lesquelles aucune correction de valeur n'a par ailleurs été enregistrée. La Direction a par conséquent estimé que le risque de crédit de cette contrepartie était donc négligeable afin d'évaluer les actions préférentielles. Le simple fait que le paiement des actions préférentielles soit étalé dans le temps, ainsi que la volonté du Fonds de privilégier une transaction à l'amiable, ne sont pas en soi des éléments probants suffisants pour ne pas tenir compte de cette garantie.

Ainsi, compte tenu de la capacité de la Société à générer des flux de trésorerie opérationnels, de son actif net courant positif et de la juste valeur de ses fonds propres, une hausse du risque de crédit au cours de l'année 2018 qui justifierait une dépréciation significative du Prêt est à exclure. Par conséquent, la CSSF est d'avis que la juste valeur du Prêt est significativement sous-évaluée.

D'autre part, dans votre courrier du 14 février 2020, vous argumentez que cette anomalie ne serait pas significative car cette dernière ne représenterait que 4,25% de l'actif net du Fonds au 31 décembre 2018 en référence au seuil de signification défini avant les 4ajustements corrigés d'audit. Or, le paragraphe 12 de la norme internationale d'audit 320 « Caractère significatif lors de la planification et de la réalisation d'un audit », telle qu'adoptée au plan national par le Règlement CSSF N° 18-02, en vigueur à la date de signature des états financiers, demande à l'auditeur de modifier le seuil de signification lorsqu'il a connaissance au cours de l'audit d'informations qui l'auraient conduit à fixer initialement le ou les seuils à un ou des montants différents. Le paragraphe A14 de cette norme précise par ailleurs que l'auditeur est amené à modifier son seuil lorsque les résultats financiers réels sont substantiellement différents de ceux qui avaient été anticipés pour la période en cours et sur lesquels le seuil de signification pour les états financiers pris dans leur ensemble avait été déterminé. Ainsi, la CSSF considère que l'auditeur aurait dû réviser le seuil de signification sur base de l'actif net du Fonds publié compte tenu de la différence substantielle entre cet actif net publié et l'actif net avant ajustements d'audit corrigés. La CSSF ne partage donc pas votre interprétation de ces paragraphes de la norme, qui figure dans votre courrier du 11 mai 2020.

D'ailleurs les normes d'audit françaises, qui sont issues du référentiel international d'audit, confirment la position de la CSSF. En effet, le paragraphe 13 de la norme d'exercice professionnel 450 « Evaluation des anomalies relevées au cours de l'audit » précise « qu' avant d'évaluer l'incidence des anomalies non corrigées sur les comptes, le commissaire aux comptes reconsidère le seuil de signification et, le cas échéant, le seuil de planification, en application des paragraphes 22 et 23 de la norme "application de la notion de caractère significatif lors de la planification et de la réalisation d'un audit" afin de vérifier que ceux-ci restent pertinents par rapport aux comptes définitifs établis par l'entité. ».

Ainsi, cette anomalie s'élève à 6,92% de l'actif net publié du Fonds, comme précisé dans le précédent courrier de la CSSF du 6 février 2020. Selon le document « 18 - SRM 432GL Summary Review Memo » présent dans le dossier d'audit archivé, l'équipe d'audit a par ailleurs bien révisé le seuil de signification sur base de l'actif net publié dans les comptes annuels, conformément à l'attente de la CSSF.

Enfin, qu'aucune décision économique ne soit prise uniquement sur base de la lecture de ces états financiers n'est pas une raison en soi pour considérer que cette anomalie ne revêt pas un caractère significatif. Par ailleurs, bien que le Fonds soit fermé, le prospectus permet à un investisseur de transférer ses parts à un tiers ou à un autre actionnaire. Par conséquent, si une telle transaction avait eu lieu sur base de la valeur nette d'inventaire présentée dans les comptes annuels, l'investisseur qui aurait cédé ses actions aurait pu être lésé.

Compte tenu des éléments susmentionnés, la CSSF est d'avis que l'entière dépréciation du prêt est contradictoire avec les éléments probants obtenus et que les états financiers de … au 31 décembre 2018 présentent donc une anomalie significative.

a) la gravité et la durée de l'infraction La CSSF considère que les manquements commis sont d'une gravité certaine dans la mesure où la valeur nette d'inventaire est significativement sous-évaluée dans les comptes annuels du Fonds. Ces états financiers comportent donc une anomalie significative d'une importance telle que les comptes ne donnent pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l'entreprise tel que requis par l'article 26 (3) de la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés, ainsi que la 5comptabilité et les comptes annuels des entreprises, telle que modifiée, même avec un seuil de signification fixé à 5% de l'actif net.

Nous relevons néanmoins, comme vous le soulignez, qu'aucun tiers n'a été lésé étant donné que le Fonds est fermé.

b) votre degré de responsabilité Conformément au paragraphe 8 de la norme internationale d'audit 220 « Contrôle qualité d'un audit d'états financiers », telle qu'adoptée au plan national par le Règlement CSSF N° 18-02, en vigueur à la date de signature des états financiers, « L'associé responsable de la mission doit prendre la responsabilité de la qualité d'ensemble de chacune des missions d'audit à laquelle il est assigné ». En tant qu'associé signataire du rapport évoqué dans le premier paragraphe de cette lettre, votre responsabilité est pleinement engagée et dans ce contexte vous auriez dû veiller au respect des normes professionnelles et exigences légales et réglementaires applicables.

c) votre assise financière et les gains obtenus des services prestés Le 24 mars 2020, vous avez informé formellement Monsieur … du montant de votre rémunération par courriel.

Nous constatons, sur base du courrier du 14 février 2020, que le montant des honoraires perçus pour le contrôle légal des comptes de … au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018 s'élève à 51,000 euros.

d) votre degré de coopération avec la CSSF Nous tenons à souligner votre entière coopération avec nos agents tout au long de notre examen d'assurance qualité et de la procédure disciplinaire y relative.

e) les infractions éventuelles précédemment commises Nous prenons en considération que vous n'avez jamais fait l'objet de mesures préventives, ni de sanctions ou mesures administratives. Enfin, nous tenons compte que les diligences d'audit mises en œuvre vous ont permis d'identifier d'autres anomalies significatives qui ont été corrigées par la Direction.

Dans ces circonstances, la CSSF maintient sa position selon laquelle les diligences que vous avez mises en œuvre pour le contrôle légal des comptes annuels de … au 31 décembre 2018 n'ont pas permis d'atteindre les objectifs des normes internationales d'audit suivantes, telles qu'adoptées par le Règlement CSSF N° 18-02, en vigueur à la date de signature des états financiers :

 ISA 200 « Objectifs généraux de l'auditeur indépendant et conduite d'un audit selon les Normes internationales d'audit » paragraphe 15 ;

 ISA 450 « Évaluation des anomalies au cours de l'audit », paragraphe 8 ;

 ISA 500 « Éléments Probants » paragraphe 11 ;

6 ISA 540 « Audit des estimations comptables, y compris des estimations comptables en juste valeur et des informations fournies les concernant », paragraphe 13 b) ;

 ISA 705 « Modifications apportées à l'opinion formulée dans le rapport de l'auditeur indépendant », paragraphes 7 a) et 21.

Étant donné que de multiples normes d'audit internationales et dispositions légales sont susceptibles d'avoir été violées en l'espèce, ainsi qu'en raison du risque important généré par ces manquements sur la bonne et correcte information du public et des investisseurs, en l'occurrence une telle information visant la sous-évaluation des actifs du Fonds, la CSSF considère qu'une sanction administrative est appropriée.

En vertu des articles 40 (2), 43 (2) points (a) et (b), et 43 (1) point (f) de la loi audit, lus ensemble, la CSSF décide de vous imposer une amende administrative de 25,500 euros.

De plus, en vertu des articles 40 (2), et 42 (c) de la loi audit, lus ensemble, la CSSF décide que vous ferez l'objet d'un suivi spécifique lors de l'EAQ de l'année 2021 compte tenu de tous les manquements énumérés dans ce présent courrier et dans notre précédent courrier du 6 février 2020.

En ce qui concerne les modalités de paiement de l'amende, nous vous prions de vous référer à la facture annexée, faisant partie intégrante de la présente. En cas de défaut de paiement de cette amende dans le délai imparti, nous nous réservons le droit d'appliquer toute autre mesure prévue par la loi audit.

En vertu de l'article 46 de la loi audit, un recours de pleine juridiction contre la présente décision est ouvert devant le Tribunal administratif par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch. Ce recours doit être introduit sous peine de forclusion, dans le délai de trois (3) mois à partir de la notification de la présente décision.

La décision sera publiée conformément à l'article 48 (1) de la loi audit par insertion sur le site internet et la CSSF en informera le président de l'IRE conformément à l'article 45 de la loi précitée. En vertu de l'article 48 (2) (c) de la loi audit, tenant compte du fait que la publication de manière nominative de la sanction précitée est de nature à causer un préjudice disproportionné à votre égard, la CSSF a décidé de publier la sanction prononcée de manière anonyme.

La présente décision a été dûment prise par la Direction de la CSSF en accord avec la Loi du 23 décembre 1998 et le règlement d'ordre intérieur de la Direction de la CSSF (même si, à cause de l'épidémie Covid-19 et des restrictions sanitaires y relatives, la lettre n'est pas physiquement signée par les membres de la direction). (…) ».

Suite à un recours gracieux introduit par le litismandataire de Monsieur … en date du 19 octobre 2020, la CSSF confirma la précité décision du 20 juillet 2020, par une décision du 7 décembre 2020, référencée sous le numéro … et motivée comme suit :

« (…) Nous nous référons à votre lettre du 19 octobre 2020, par laquelle vous demandez à la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») de reconsidérer sa décision prise en date du 20 juillet 2020 (Référence : …).

7 Après analyse de votre demande, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il n'est fait état d'aucun élément nouveau qui serait de nature à modifier votre situation et, de fait, à nous faire reconsidérer notre décision du 20 juillet 2020.

Dès lors, nous vous informons que la CSSF décide de maintenir dans son entièreté sa décision prise en date du 20 juillet 2020 et, partant, de confirmer l'imposition à Monsieur …, votre mandant, d'une amende d'ordre de 25,500 EUR et que ce dernier ferait l'objet d'un suivi spécifique lors de l'examen d'assurance qualité de l'année 2021 ainsi que la publication de manière anonyme de ladite sanction selon les termes précédemment évoqués.

La présente décision est purement confirmative et a été dûment prise par la Direction de la CSSF en accord avec la Loi du 23 décembre 1998 et le règlement d'ordre intérieur de la Direction de la CSSF (même si, à cause de l'épidémie Covid-19 et des restrictions sanitaires y relatives, la lettre n'est pas physiquement signée par les membres de la direction). (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2021, inscrite sous le numéro 45752 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation des deux décisions précitées de la CSSF des 20 juillet, respectivement 7 décembre 2020, ci-après dénommées « les décisions déférées ».

Etant donné que l'article 46 de la loi modifiée du 23 juillet 2016 relative à la profession de l’audit, dénommée ci-après « la loi du 23 juillet 2016 », prévoit un recours de pleine juridiction contre les décisions prises par la CSSF dans le contexte de ladite loi, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre les décisions déférées.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réponse, la CSSF s’est rapportée à prudence de justice quant à l’intérêt à agir et quant à la recevabilité de la requête ratione temporis.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la CSSF est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le délai du recours n’aurait pas été respecté, ou que Monsieur … n’aurait pas d’intérêt à agir, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé, d’une part, que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office et, d’autre part, que dans la mesure où les décisions déférées infligent notamment une sanction pécuniaire à l’encontre de Monsieur …, l’intérêt à agir de ce dernier ne saurait être valablement contesté.

8Il suit de ces considérations que le recours principal en réformation dirigé contre les décisions déférées est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, tout en reprenant les faits et rétroactes cités ci-avant et passés en revue par la décision déférée du 20 juillet 2020, fait préciser que lors de l'examen d'assurance qualité, dénommé ci-après « l’EAQ », visé par l'article 39 de la loi du 23 juillet 2016 et effectué au cours de l'année 2019, la CSSF aurait vérifié le dossier relatif au contrôle légal des comptes annuels de la société en commandite par actions … S.C.A., SICAV-SIF au 31 décembre 2018, ci-après dénommée « la société … », dont elle aurait, en sa qualité de réviseur d'entreprises agréé, signé le rapport de révision en date du 10 avril 2019.

Elle donne à considérer que la société … serait un fonds fermé dont la fin de vie initiale aurait été fixée au 15 décembre 2017, mais successivement prolongée jusqu’au 15 décembre 2018, respectivement au 15 décembre 2019, sans autre possibilité d'extension selon le prospectus en vigueur au 31 décembre 2018, ce qui impliquerait que la valeur nette d'inventaire figurant dans les comptes annuels du Fonds pour laquelle le réviseur d'entreprises agréé se prononce ne serait pas utilisée à des fins de souscriptions ou de rachats.

La société … préparerait ses comptes annuels selon le principe de la non-continuité d'exploitation et ferait référence explicite dans ses notes aux comptes, sous le numéro 3.3.c, au caractère prudent relatif à l'évaluation des actifs portés. Seuls quatre investissements, dont le prêt litigieux, auraient alors encore été portés par le Fonds au 31 décembre 2018. La partie demanderesse estime qu’il conviendrait de noter que le montant querellé représenterait 500.000,- dollars américains, dénommés ci-après « USD », comparé aux 19.628.771,- USD initialement engagés par les investisseurs.

La partie demanderesse fait relever que la société … aurait détenu les actions de la société …, dénommée ci-après « la société … », et aurait accordé à celle-ci deux prêts d'un montant au principal de respectivement 450.000,- USD et 500.000,- USD, prêts qui auraient dû être remboursés, selon la dernière échéance négociée entre parties, au 31 décembre 2018, alors que la première échéance de remboursement au 31 décembre 2016 n'aurait pas été respectée par la société ….

Elle explique que la société … aurait vendu ses actions dans la société … par contrat de vente du 2 avril 2018 pour un prix de cession de 967.500,- USD dont le paiement aurait été échelonné dans le temps, au regard de la faible solvabilité de l'acheteur, lequel aurait à la date de signature du rapport de révision, néanmoins respecté l'échéancier de paiement.

Or, la société …, qui constituerait une entité différente de l'acquéreur des titres, serait restée en défaut de rembourser au 31 décembre 2018 les deux prêts précités, de sorte qu’après négociations entre parties, le prêt de 450.000,- USD ainsi que les intérêts relatifs au prêt de 500.000,- USD auraient été remboursés en dates des 31 janvier (intérêts) et 20 février 2019 (450.000,- USD). En revanche, le prêt de 500.000,- USD n'aurait pas pu être remboursé par la société …, de sorte que la date de remboursement de ce prêt aurait à nouveau été reportée au 30 juin 2019, faisant en sorte que ledit remboursement aurait donc été manifestement incertain au moment de l'arrêté des comptes annuels au 31 décembre 2018 par l'associé-

commandité et au moment de la révision de ceux-ci.

9La partie demanderesse fait souligner que l’associé-commandité de la société … aurait alors décidé de déprécier entièrement le prêt en souffrance dans les comptes annuels de cette dernière au 31 décembre 2018, justifiant cette correction par l'incapacité de la société … d'honorer ses obligations contractuelles à plusieurs reprises, soit sa capacité de rembourser le prêt litigieux à sa date d'échéance reportée, de même que par les impératifs de liquidation et de vente des actifs du fonds de la société ….

Elle fait encore répliquer à cet égard qu’en conformité avec les standards internationaux d'audit (ISA540, paragraphes 6 et 13), il conviendrait au réviseur d'entreprises d'apprécier le caractère raisonnable de la dépréciation du prêt de 500.000,- USD par rapport aux circonstances et au regard des méthodes d'évaluation retenues au 31 décembre 2018.

Ainsi, au vu des éléments probants collectés, la partie demanderesse estime qu’elle aurait, à bon droit, pu conclure que l'estimation de la direction de la société … était raisonnable, de sorte à ne pas considérer l'estimation comptable retenue par cette dernière comme erronée.

En effet, le caractère raisonnable de cette correction de valeur au regard des méthodes d'évaluation utilisées par le Fonds et communiquées de manière transparente à ses investisseurs aurait été particulièrement justifié par :

(i) l’incapacité de la société … d'honorer ses obligations contractuelles à plusieurs reprises, et donc d'assurer le remboursement du prêt litigieux au 31 décembre 2016 et au 31 décembre 2018, (ii) l'incertitude quant à la capacité de la société … de rembourser le prêt litigieux à sa date d'échéance reportée, à savoir le 30 juin 2019, au regard de sa situation financière, (iii) les impératifs de vente des actifs du Fonds … eu égard à la date de maturité du Fonds au 15 décembre 2019 (en d'autres termes l'impossibilité pour le Fonds … de prolonger sa durée de vie sans en redemander l'accord aux investisseurs), (iv) l'incertitude et les coûts de justice et de recouvrabilité du prêt litigieux et des suretés associées, (v) les frais engendrés par un tel report de maturité du Fonds …, (vi) la volonté de finaliser la transaction à l'amiable plutôt qu'en contentieux au regard du profil des investisseurs (banques de développement d'Etats membres européens).

Or, selon la CSSF, cette dépréciation aurait conduit à une sous-évaluation notoire des actifs de la société …, alors que cette dépréciation ne serait pas justifiée en tenant compte de la capacité de la société … à générer des flux de trésorerie opérationnels, de son actif net courant positif et de la valeur positive des actions consignées dans le contrat de vente, en raison de :

(i) l'amélioration de la situation financière de …, (ii) de sa rentabilité au cours de l'année 2018, (iii) du fait que ses actifs courants excéderaient ses passifs courants, (iv) de sa capacité à générer de la trésorerie et (v) de l'existence de suretés.

Si la CSSF confirmerait que le rééchelonnement du prêt litigieux pourrait indiquer une détérioration du risque de crédit, cette dernière évaluerait néanmoins la prétendue sous-

évaluation à 6,92% de l'actif net publié de la société …, c'est-à-dire en se basant sur le montant nominal du Prêt, ce qui dépasserait le seuil de signification.

10Ce serait sur base de ces considérations que la CSSF lui reprocherait de ne pas avoir identifié cette anomalie, qualifiée par cette dernière de significative, tout en lui reprochant des manquements d'une « gravité certaine » aux objectifs des normes internationales d'audit telles qu'adoptées pour le Luxembourg par la CSSF.

Ainsi, tel que le fait encore souligner la partie demanderesse, dans son mémoire en réplique, le fond du litige porterait sur une estimation comptable qui, selon les normes d'audit internationales, ne pourrait être effectuée avec précision (ISA 540, paragraphe 2).

En substance, la CSSF remettrait en cause le caractère raisonnable de « l'entière dépréciation du prêt » de 500.000,- USD envers la société … au 31 décembre 2018, la partie demanderesse lui reprochant de ne pas avoir identifié ce qu'elle décrirait comme une « anomalie », qualifiée par elle de « significative ».

En droit, la partie demanderesse fait plaider, à titre principal, que les décisions déférées seraient à annuler en ce que leur base légale, à savoir l'article 43, paragraphe (2), point a) de la loi du 23 juillet 2016 violerait le principe de la légalité des incriminations, tel que consacré par les articles 12 et 14 de la Constitution.

En effet, les normes dans le domaine du contrôle légal des comptes que la CSSF verrait violées en l’espèce ne seraient que des mesures prises en exécution de la loi du 23 juillet 2016.

Or, le simple renvoi de façon générale, imprécise et abstraite par l'article 43, paragraphe (2), point a) de la loi du 23 juillet 2016 aux « mesures d'exécution » serait insuffisant eu égard au principe de la légalité des incriminations, lequel exigerait, selon la Cour constitutionnelle luxembourgeoise, la définition des infractions en termes suffisamment clairs et précis pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la nature et le type des agissements sanctionnables.

De même, le principe de la légalité des peines exigerait non seulement une précision de la peine par rapport au type d'infraction, mais également la proportionnalité entre la peine et la gravité de la violation de la loi. Or, la loi du 23 juillet 2016 ne permettrait pas d'identifier les critères de gravité justifiant l'application des différentes sanctions administratives qui y sont prévues, ce qui permettrait, comme en l’espèce, à la CSSF d’appliquer de façon arbitraire à un même comportement aussi bien des mesures préventives que des sanctions administratives et autres mesures administratives.

La partie demanderesse fait encore souligner que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dénommée ci-après « la CourEDH », le type de sanctions administratives prévues à l'article 43 de la loi du 23 juillet 2016 relèverait du domaine pénal, de sorte que leur application serait soumise au principe de légalité des incriminations et des peines.

Si elle concède qu’il a été retenu par la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, que le droit disciplinaire tolèrerait, dans la formulation des comportements illicites et dans l'établissement des peines à encourir, une marge d'indétermination sans que le principe de la spécification de l'incrimination et de la peine n'en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle permettraient de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer, il n'en demeurerait pas moins 11qu'en l'espèce une référence générale et abstraite aux mesures prises pour l'exécution des dispositions légales ou réglementaires concernées déboucherait sur une généralité de l'incrimination qui, dans un domaine particulièrement technique et complexe tel que celui de l'audit, ne serait pas défendable par rapport au principe de la légalité des incriminations et des sanctions.

En l’occurrence, la formulation vague et générale de l'article 43 de la loi du 23 juillet 2016 impliquerait l'arbitraire le plus total dans la mesure où l'appréciation et l'interprétation des normes professionnelles particulièrement techniques et complexes seraient à dimension variable et dépendraient d'appréciations personnelles, même entre experts, alors que ces derniers ne seraient pas unanimes quant à l'évaluation d'un prêt comme celui en cause dans la présente affaire ou ce qu'il faudrait précisément entendre par seuil de signification.

La partie demanderesse fait encore plaider que le même raisonnement devrait s'appliquer mutatis mutandis à l'égard de l'article 43, paragraphe (2), point b) de la loi du 23 juillet 2016, également invoqué par la décision du 20 juillet 2020, lequel renverrait, de façon abstraite et globale, aux « fautes et négligences professionnelles ».

A toutes fins utiles et pour autant que de besoin, la partie demanderesse propose de poser à la Cour constitutionnelle, la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que l'article 43 de la loi modifiée du 23 juillet 2016 relative à la profession de l'audit, en ce qu'il renvoie de façon globale et générale aux mesures prises en exécution de cette même loi modifiée du 23 juillet 2016, est-il conforme aux articles 12 et 14 de la Constitution ? ».

Dans son mémoire en réplique et quant à l’affirmation de la CSSF, selon laquelle la présente matière ne relèverait pas de la sphère du droit pénal, de sorte que la mesure litigieuse ne serait pas à qualifier de sanction pénale, ni même de sanction disciplinaire, mais simplement de « sanctions et autres mesures administratives », la partie demanderesse fait encore relever qu’elle n’aurait jamais soutenu que la mesure critiquée serait une infraction pénale, mais se serait limitée à préciser que la matière des sanctions administratives serait assimilable au droit pénal, revoyant, à ce sujet, à la doctrine selon laquelle le fait que la sanction administrative punirait un manquement imputable à son auteur, évoquerait très clairement les éléments matériel et moral d’une infraction pénale.

Si la CourEDH n'aurait jamais arrêté le principe général ferme et définitif qu'une sanction administrative serait forcément de nature pénale, une telle assimilation ressortirait cependant régulièrement des avis du Conseil d'Etat.

De même en droit communautaire, cette assimilation serait admise de longue date, alors qu’il y aurait été relevé que le principe de la légalité des peines s'imposerait tant aux normes de caractère pénal qu'aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d'imposer des sanctions administratives.

En ce qui concerne les développements de la CSSF selon lesquels la sanction prononcée ne correspondrait pas non plus à une sanction disciplinaire, la partie demanderesse fait encore répliquer que, d’un côté, la CSSF aurait elle-même qualifié, dans sa décision du 20 juillet 2020, la procédure ouverte de « procédure disciplinaire », et que, de l’autre côté, l'article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 prévoirait que des manquements aux 12prescriptions légales et réglementaires relatives au contrôle légal des comptes constatés lors d’un contrôle pourraient, en fonction de la gravité, faire l'objet de mesures préventives conformément à l'article 42 ou d'une procédure disciplinaire pouvant donner lieu aux sanctions ou autres mesures administratives appropriées, mentionnées à l'article 43 de ladite loi.

Il n’y aurait d’ailleurs, en tout état de cause, pas de critère permettant de différencier la sanction disciplinaire de la sanction administrative.

Quant à l'argumentation de la CSSF, selon laquelle le droit de l'audit ne serait pas une science exacte qui ne permettrait pas de formuler des textes avec « une précision absolue ex ante et a priori », de même que le droit disciplinaire admettrait une certaine indétermination la partie demanderesse fait répliquer qu’en l’occurrence, l'indétermination qui résulterait de l'article 43, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 ne saurait toutefois être « guérie » par le fait que la présente matière toucherait le droit disciplinaire, car cette indétermination serait totale et complète, de sorte à déboucher sur l'impossibilité absolue de prévoir sur base de critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle avec une sûreté suffisante les caractéristiques essentielles des conduites constitutives du manquement lui reproché.

Ainsi, il conviendrait d'avoir à l'esprit que le droit en matière d'audit serait par essence « principle's based », soit fondé essentiellement sur le jugement professionnel des experts intervenant dans ce domaine, si bien qu'il n'y aurait pas de règle qui puisse être interprétée de manière étroite et stricte, de sorte qu’une précision absolue ex ante et a priori s'avèrerait impossible, tel que l’admettrait la CSSF elle-même en soulignant que le droit en matière d'audit ne serait pas une science exacte, de sorte qu’il serait impossible de formuler et de définir le manquement lui reproché « avec une précision absolue ex ante et a priori ».

Or, en l'espèce, il n'y aurait pas seulement absence de « précision absolue ex ante et a priori », mais indétermination totale et complète des comportements illicites et des peines à encourir, de sorte que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle invoquée par la CSSF ne serait pas transposable.

La partie demanderesse invoque encore, dans ce contexte et à titre de comparaison, les avis du Conseil d’Etat par rapport à des dispositions similaires dans le projet de loi portant création de l'établissement public « Autorité luxembourgeoise indépendante de l'audiovisuel » (travaux parlementaires n° 6487), lequel opérerait un renvoi général à « toutes violations d'une disposition de la présente loi ou prise en vertu de la présente loi ou d'un cahier des charges », jugées contraires aux articles 12 et 14 de la Constitution, respectivement, dans le projet de loi modifiant la loi modifiée du 1er août 2007 relative à l'organisation du marché de l'électricité, où le Conseil d’Etat aurait insisté, sous peine de refuser la dispense du deuxième vote, sur la nécessité d'indiquer avec précision les dispositions dont le non-respect est sanctionné et ceci malgré le fait que la matière soumise à avis aurait concerné le droit disciplinaire et non pas le droit pénal au sens strict.

Ainsi, la partie demanderesse estime qu’un renvoi général et abstrait aux dispositions légales et réglementaires serait d'autant plus inacceptable en l'espèce, alors que la CSSF admettrait elle-même que les règles en cause ne seraient pas une science exacte et seraient d'interprétation large en fonction du « jugement professionnel ».

13En dernier lieu, la partie demanderesse fait encore répliquer, toujours à ce sujet, qu’il serait en tout état de cause impossible de prévoir, sur base de critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle, avec une sûreté suffisante les caractéristiques essentielles des conduites constitutives du manquement visé, alors que l'article 43 de la loi du 23 juillet 2016 resterait muet à cet égard.

Elle passe, dans ce contexte, en revue les arrêts pertinents en la matière rendus par la Cour constitutionnelle, pour en déduire i) que le droit disciplinaire devrait suivre les principes généraux du droit pénal et en observer les mêmes exigences constitutionnelles de base, ii) qu’une certaine marge d'indétermination dans la formulation de comportements illicites serait admissible en matière de droit disciplinaire, sans que les principes de la légalité des incriminations et des peines ne puissent toutefois être mis à l'écart et iii) que la détermination du comportement illicite devrait rester raisonnablement possible sur base de critères logiques techniques et d'expérience professionnelle permettant de prévoir de manière suffisamment certaine la conduite à sanctionner.

Ainsi, d’après la partie demanderesse, la question primordiale se posant dans la présente affaire serait celle de savoir si la concrétisation des comportements illicites pourrait raisonnablement se faire grâce à des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle qui permettent de prévoir avec une sûreté suffisante les caractéristiques essentielles des conduites constitutives de l'infraction visée, tout en relevant que le comportement illicite lui reproché ne découlerait pas d'une disposition légale mais d'une interprétation par la CSSF des normes ISA relevées dans la décision du 20 juillet 2020, dont l'application ne serait pas une science exacte, mais dépendrait d'interprétations qui pourraient être fortement fluctuantes et subjectives, ce qui serait d’ailleurs également admis par la CSSF.

En effet, certains postes des états financiers ne pourraient pas être évalués avec précision, mais seulement estimés et nombre d'éléments des états financiers impliqueraient des décisions et des évaluations subjectives, respectivement un degré d'incertitude, avec tout un éventail d'interprétations ou de jugements acceptables, tel que cela serait d’ailleurs confirmé par le rapport d'expertise qu’elle aurait versé parmi ses pièces.

Or, d’après la partie demanderesse, le texte légal appliqué en l’espèce ne tiendrait pas compte de cette particularité.

Etant donné que les caractéristiques essentielles des conduites constitutives de l'infraction visée seraient donc impossibles à déterminer à l'avance, la CSSF pourrait arbitrairement et à son gré sanctionner des comportements qu'elle considère subjectivement comme étant illicites sur base d'une interprétation large, et de surcroît contestée dans les milieux professionnels, des normes applicables.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse soulève encore un problème de compatibilité de l'article 43, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 avec l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution, alors que seul le pouvoir législateur serait habilité à régler cette matière réservée à la loi, étant donné qu’une sanction administrative devrait trouver sa source dans un texte légal, de sorte qu’une délégation de ce pouvoir au Grand-Duc ne pourrait être consentie que si l'essentiel du cadrage normatif résulte de la loi, y compris les fins, les conditions et les modalités suivant lesquelles des éléments moins essentiels peuvent 14être réglés par des règlements et arrêtés pris par le Grand-Duc, tel que l’aurait rappelé la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 29 novembre 2013.

Or, l'article 43, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 ne fournirait ni orientation ni encadrement de l'action du pouvoir réglementaire, alors que le pouvoir exécutif se verrait déléguer inconditionnellement la détermination des incriminations.

Dans ce contexte, la partie demanderesse formule encore une question préjudicielle à poser à la Cour constitutionnelle, de la teneur suivante :

« Est-ce que l'article 43 de la loi modifiée du 23 juillet 2016 relative à la profession de l'audit, en ce qu'il n'oriente, ni encadre l'action du pouvoir réglementaire, est-il conforme à l'article 32 paragraphe (3) de la Constitution combinés ? » La CSSF conclut au rejet de ce moyen.

A titre liminaire, le tribunal se doit de relever qu’il statue au fond dans le cadre d’un recours en réformation, de sorte qu’il est tenu de prendre en compte, au jour où il statue, les changements législatifs intervenus depuis les décisions lui déférées. Ainsi, il y a lieu de relever que, depuis le 1er juillet 2023, une nouvelle version révisée de la Constitution est applicable, de sorte que les dispositions constitutionnelles invoquées par la partie demanderesse, ayant auparavant figuré aux articles 12 et 14 de la Constitution, ont été reprises actuellement par les articles 17, paragraphe (2), respectivement 19 alinéa 1er de la Constitution, telle qu’elle est en vigueur depuis le 1er juillet 2023.

Ainsi, au vœu de l’article 12 de la Constitution, « (…) Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit. (…) », actuellement de l’article 17, paragraphe (2) de la Constitution, dans sa version actuelle, « Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou privé de sa liberté que dans les cas prévus et dans la forme déterminée par la loi. » et aux termes de l’article 14 du même texte, repris intégralement par l’article 19 alinéa 1er de la Constitution, dans sa version actuelle, « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi », ces dispositions instaurant le principe constitutionnel de la légalité des sanctions.

Il a été jugé que les principes de la légalité des peines et de la spécificité de l’incrimination sont applicables en matière de sanctions administratives dans la mesure où le régime de ces dernières est soumis aux mêmes exigences de forme et de fond telles que prévues en matière pénale1.

Quant à la violation du principe de la légalité des peines, force est de relever que dans la matière du droit disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat, relevant également de la matière des sanctions administratives, la Cour constitutionnelle a déjà retenu, dans un arrêt du 22 mars 2002, que le principe de la légalité des peines inscrit à l'article 14 de la Constitution suit les principes généraux du droit pénal et elle a formulé l'exigence que le droit disciplinaire observe les mêmes exigences constitutionnelles de base2, relevant, à propos de l'incrimination d'une sanction disciplinaire, « la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment 1 Trib. adm. 25 mai 2021, n° 46025 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Sanctions administratives, n° 8.

2 Cour const. 22 mars 2002, n° 12/02, disponible sous www.justice.public.lu 15clairs et précis pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la nature et le type des agissements sanctionnables. »3.

Dans la mesure où le régime de la sanction administrative est soumis aux exigences de forme et de fond prévues en matière pénale, les principes précités s’appliquent en matière de sanction administrative et partant aux dispositions pertinentes pour la présente espèce de l’article 43, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016, telles qu’invoquées dans la décision du 20 juillet 2020, selon lesquelles « la CSSF peut imposer les sanctions administratives ou mesures administratives visées au paragraphe 1er à l’encontre de réviseurs d’entreprises agréés, de cabinets de révision agréés ou de cabinets d’audit qui ont :

a) violé des dispositions de la présente loi ou du règlement (UE) n° 537/2014 ou des mesures prises pour leur exécution ;

b) commis des fautes et négligences professionnelles ; (…) ».

S’il n’est certes pas contesté que l’article 43, paragraphe (2), points a) et b) de la loi du 23 juillet 2016 ne fournit pas une liste exhaustive et limitative de tout comportement susceptible d’être sanctionné administrativement par la CSSF et si, au vœux de l’article 43, paragraphe (1) de la même loi, plusieurs sanctions sont susceptibles d’être appliquées par la CSSF, parmi lesquelles notamment des déclarations publiques, interdictions provisoires et définitives ainsi que, dans le cas des personnes physiques, une amende pouvant aller jusqu’à 500.000,- euros ou plus s’il a été possible de déterminer l’avantage retiré de l’infraction, sans prévoir de graduation des sanctions en relation avec des faits incriminés spécifiques, de sorte à laisser ainsi une certaine latitude à la CSSF dans la fixation de la sanction administrative, il n’en demeure pas moins que dans la mesure où les points a) et b), dans le 2e paragraphe de l’article 43 de la loi du 23 juillet 2016, renvoient aux dispositions notamment de cette même loi et de ses mesures d’exécution, respectivement aux obligations professionnelles des réviseurs d’entreprises, ledit article 43, paragraphe (2) n’est cependant pas de nature à violer le principe de la légalité des peines.

A ce sujet, il a déjà été retenu par la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 12 décembre 20144, après avoir rappelé que le principe de la spécification de l’incrimination est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l’article 14 de la Constitution, que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites une marge d’indétermination sans que le principe de la spécification de l’incrimination n’en soit affecté, si des critères logiques techniques et d’expérience professionnelle permettent de prévoir de manière suffisamment certaine la conduite à sanctionner, ce qui est avéré en l’espèce au vu des obligations clairement définies dans la loi du 23 juillet 2016, d’autant plus qu’il résulte d’un autre arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 décembre 20075 que le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève.

En effet, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, la loi du 23 juillet 2016 comporte tout une série de dispositions relatives aux règles applicables aux réviseurs d’entreprises et notamment les obligations professionnelles auxquelles ils sont soumis, tels que plus 3 ibidem 4 Cour constitutionnelle, 12 décembre 2014, n° 115/14, disponible sous www.justice.public.lu 5 Cour constitutionnelle, 14 décembre 2007, n° 41/07, disponible sous www.justice.public.lu 16particulièrement l’article 18 sur la déontologie et le scepticisme professionnel des réviseurs, ainsi que l’article 33 sur les normes d’audit applicables, à savoir les normes d’audit internationales telles qu’adoptées par la Commission européenne, ce dernier article autorisant expressément la CSSF à émettre, à défaut, des normes sous forme d’un règlement CSSF.

Il s’ensuit que la partie demanderesse, en tant que professionnel visé par la loi du 23 juillet 2016, ne saurait se dérober derrière une prétendue ignorance des obligations légales et professionnelles, auxquelles il est fait référence à l’article 43, paragraphe (2) de la même loi, lesquelles pèsent sur lui et dont le non-respect risque d’engendrer une sanction administrative.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que les parties s’accordent pour affirmer que les règles d’audit ne constitueraient pas une science exacte, alors que la qualification proprement dite de la faute professionnelle est à faire dans le cadre de l’analyse du fond du dossier permettant de déterminer tant la réalité d’une telle faute que la gravité de cette dernière.

Quant au caractère prévisible de la sévérité des sanctions, force est de relever que si la Cour constitutionnelle a retenu que les sanctions doivent être raisonnablement évaluables quant à leur niveau de sévérité6, notamment s’il existe un « éventail très large de celles-ci », tel que prévu en l’espèce par l’article 43, paragraphe (1) précité de la loi du 23 juillet 2016, elle a, dans l’arrêt précité du 14 décembre 20077, exigé la nécessité de prévoir une disposition spécifique permettant de guider l’autorité administrative dans le choix de la sanction à prononcer, disposition figurant en l’occurrence à l’article 44 de la loi du 23 juillet 2016, intitulé « Application effective de sanctions », aux termes duquel « Afin de déterminer le type et le niveau de sanctions et de mesures administratives à appliquer, la CSSF tient compte de l’ensemble des circonstances pertinentes y compris le cas échéant :

a) la gravité et la durée de l’infraction ;

b) le degré de responsabilité de la personne responsable ;

c) l’assise financière de la personne responsable, telle qu’elle ressort, par exemple, du chiffre d’affaires total de l’entreprise responsable ou des revenus annuels de la personne physique responsable ;

d) les montants des gains obtenus ou des pertes évitées par la personne responsable, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ;

e) le degré de coopération de la personne responsable avec la CSSF ;

f) les infractions précédemment commises par la personne morale ou la personne physique responsable. », critères que la décision déférée du 20 juillet 2020 a d’ailleurs expressément pris en compte dans la fixation de la sanction administrative litigieuse, tel qu’il ressort de la fin de cette dernière, citée in extenso ci-avant.

Il suit de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de légalité des peines est à rejeter, sans qu’il n’y ait lieu de poser une question préjudicielle y relative à la Cour constitutionnelle, dont la saisine ne s’impose pas, en application de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, lorsque la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet, respectivement que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement.

6 ibidem 7 ibidem 17Etant donné que la partie demanderesse reste en défaut de préciser un quelconque règlement grand-ducal ou autre fixant une sanction disciplinaire qui lui aurait été appliqué et qui aurait été pris en violation de la réserve de la loi prévue par la Constitution, ladite problématique reste purement théorique et hypothétique, de sorte qu’il n’y a pas non plus lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle afférente, alors qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour la solution du présent litige, au sens du point a) de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.

En deuxième lieu et à titre subsidiaire, la partie demanderesse conclut à l’illégalité des décisions déférées pour avoir appliqué de manière cumulative des mesures préventives, d'une part, et des sanctions et autres mesures administratives, d'autre part, alors que l'article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 prévoirait que le réviseur d'entreprises pourrait, à l’issu d’un examen d'assurance qualité ayant révélé des manquements aux prescriptions légales et réglementaires relatives au contrôle légal des comptes, en fonction de la gravité, faire l'objet de mesures préventives conformément à l'article 42 de la loi du 23 juillet 2016 ou d'une procédure disciplinaire pouvant donner lieu aux sanctions ou autres mesures administratives appropriées, de sorte que l'application des articles 42 et 43 de la loi du 23 juillet 2016 serait alternative et non cumulative.

Cette interprétation serait encore plus particulièrement confirmée par l'article 43, paragraphe (2), point h) de la loi du 23 juillet 2016, selon lequel la CSSF pourrait imposer les sanctions administratives ou mesures administratives visées au paragraphe 1er à l'encontre notamment de réviseurs d'entreprises agréés, ayant notamment manqué de se conformer aux injonctions de cette dernière ou aux mesures préventives prononcées en vertu du paragraphe 2, point a) de l'article 42 de la même loi, la partie demanderesse citant encore l’avis du Conseil d’Etat dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à cette disposition de la loi du 23 juillet 2016.

Ainsi, ce serait à tort que la CSSF affirmerait à l'alinéa 2 de la page 2 de la décision déférée du 20 juillet 2020 que la procédure disciplinaire, telle que visée par l'article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 pourrait donner lieu à des mesures préventives mentionnées à l'article 42 de la même loi « et/ou » à des sanctions ou autres mesures administratives appropriées mentionnées à l'article 43, paragraphe (7), toujours du même texte.

Ce ne serait donc que si une mesure préventive prononcée par la CSSF en vertu de l'article 42 de la loi du 23 juillet 2016 n’aurait pas eu de suites que s’ouvrirait le droit pour la CSSF de prononcer une sanction administrative et autres mesures administratives en vertu de l'article 43 de la même loi.

Au vu de ces considérations, l’application cumulative des articles 42 et 43 de la loi du 23 juillet 2016, en violation de l’article 40, paragraphe (2) de la même loi, rendrait illégales les deux décisions déférées, d’autant plus qu’elle ne saurait se voir soumettre à des mesures applicables à des manquements de gravités différentes, alors qu’en toute logique l'article 42 de la loi du 23 juillet 2016 s'appliquerait à des manquements d'une gravité moindre par rapport aux manquements visés à l'article 43 du même texte, de sorte à mettre également en lumière une appréciation contradictoire et hésitante car qualifiant les faits lui reprochés en même temps d’un manquement d'une gravité moindre et d'un manquement d'une gravité accrue.

18 Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse s’oppose à l’argumentation de la CSSF, selon laquelle son moyen procèderait à tort d’une lecture stricte et littérale de la loi et que le cumul des deux mesures serait parfaitement possible afin d'atteindre la finalité imposée par le droit européen.

Elle souligne que la CSSF ne contesterait pas que le texte en cause prévoirait une application alternative entre mesures préventives, d'une part, et sanctions et autres mesures administratives, d'autre part, mais que cette dernière essaierait de contourner les contraintes de texte en proposant une interprétation large et extensive des dispositions litigieuses, approche qui serait formellement et énergiquement contestée.

La partie demanderesse relève à ce titre qu’au vu du constat selon lequel le droit disciplinaire suivrait les principes généraux du droit pénal tel que rappelé par la Cour constitutionnelle, l’interprétation du régime des sanctions administratives devrait également s'y apparenter en devant faire l’objet d'une interprétation stricte et non extensive des textes applicables.

La partie demanderesse réfute encore l’argumentation de la CSSF basée sur le renvoi à la directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2006/43/CE concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, ci-après dénommée « la directive 2014/56/UE », qui laisserait de convaincre.

Ainsi, l'article 30bis de la directive 2014/56/UE non seulement n'apporterait rien de nouveau par rapport au texte de la directive initiale 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, telle que modifiée, dénommée ci-après « la directive 2006/43/CE » qui aurait déjà disposé dans son article 30 (1), que les États membres devraient veiller à ce que des systèmes efficaces d'enquête et de sanctions soient mis en place pour détecter, corriger et prévenir une exécution inadéquate du contrôle légal des comptes, mais n’impliquerait pas non plus que ces mesures et sanctions devraient s'appliquer cumulativement.

En imposant aux Etats membres de transposer dans leur droit national de telles mesures et de telles sanctions, ces derniers seraient toutefois libres de prévoir les cas d'ouverture des mesures préventives, d'une part, et les cas d'ouverture des sanctions et autres mesures, d'autre part, ce que le droit national luxembourgeois aurait incontestablement fait en prévoyant une application alternative entre mesures préventives, d'une part, et sanctions et autres mesures administratives, d'autre part.

Ce serait ensuite à tort que la CSSF se prévaudrait, encore dans ce contexte, de l'article 30bis de la directive 2014/56/UE, alors que ce texte ne viserait que des sanctions et autres mesures administratives, mais non pas des mesures préventives.

Il conviendrait finalement d'insister sur le fait que la directive 2014/56/UE aurait justement été transposée en droit national par la loi du 23 juillet 2016 et que le législateur luxembourgeois aurait incontestablement fait le choix de prévoir un régime alternatif entre mesures préventives, d'une part, et sanctions et autres mesures administratives, d'autre part, de sorte que le législateur luxembourgeois ayant fidèlement transposé en droit national les dispositions du droit européen, il n'existerait aucune nécessité de procéder à des interprétations larges ou extensives pour atteindre la finalité du droit européen.

19 En tout état de cause, même à supposer que le législateur luxembourgeois ait transposé le droit européen de façon imparfaite, quod non, la CSSF ne pourrait pas pour autant procéder à une interprétation extensive de la directive pour la lui appliquer directement, sans procéder par un amendement de la loi luxembourgeoise. En effet, en cas de non-transposition ou transposition imparfaite d'une directive, les dispositions de cette directive ne seraient pas opposables par l'administration aux particuliers.

En guise de conclusion, la partie demanderesse fait noter que la CSSF admettrait d’ailleurs elle-même, à la page 12 de son mémoire en réponse, que les mesures préventives viseraient des manquements d'une gravité moindre, de sorte qu’en cumulant des mesures préventives et sanctions administratives, cette dernière aurait clairement procédé à une application contra legem des articles 42 et 43 de la loi du 23 juillet 2016, de sorte que les décisions déférées seraient à annuler de ce chef.

La CSSF conclut au rejet de ce moyen en s’opposant à la lecture stricte littérale et donc exclusive de la conjonction « ou » mentionnée à l'article 40, paragraphe (2) et à l'article 43, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016, alors qu’il faudrait situer ces textes dans le contexte du système européen dont ils seraient issus.

En effet, il faudrait considérer le terme « ou » comme une conjonction d'inclusion, alors que plusieurs cas coordonnés par la conjonction pourraient simultanément être vérifiés, ce qui serait clairement confirmé par le texte même de la directive 2006/43/CE et par le système mis en place par la législation européenne, dicté par la volonté du législateur européen de mettre en place un système efficace de contrôle de la qualité des audits, exigeant la prise de mesures correctives, préventives et/ou répressives selon le cas concret.

Ainsi, selon l'article 29.1 de la directive 2006/43/CE, chaque État membre devrait veiller à ce que tous les contrôleurs légaux des comptes et cabinets d'audit soient soumis à un système d'assurance qualité, lesquels devraient faire l'objet, le cas échéant s’ils n'avaient pas donné suite aux recommandations, des mesures ou des sanctions disciplinaires prévues à l'article 30 du même texte Selon la CSSF, il semblerait que l’article 29.1 de la directive ait été la source initiale de la transposition luxembourgeoise en cause, avec la conjonction « ou » qui ne serait pas utilisé de manière exclusive.

La CSSF fait encore relever que l’article 30.1 de la directive 2006/43/CE disposerait que les États membres devraient veiller à ce que des systèmes efficaces d'enquêtes et de sanctions soient mis en place pour détecter, corriger et prévenir une exécution inadéquate du contrôle légal des comptes, de sorte que le but de la directive serait clairement de prévoir un système efficace pour détecter, corriger et prévenir, dans le cadre d’un système qui devrait permettre d'atteindre ces trois buts simultanément, selon les cas.

Il s’ensuivrait que pour donner un effet utile au droit européen, l'interprétation du droit luxembourgeois ne devrait pas se limiter au terme stricto sensu, mais tenir compte de l'esprit du texte et de la finalité imposée par le droit européen.

En outre, la directive 2006/43/CE se serait inscrite dans une volonté d'assurer un contrôle strict de la profession de l'audit, continuée par le renforcement des sanctions et 20mesures à travers la directive 2014/56/UE, notamment par l’article 30bis actuel de cette dernière, lequel parlerait de mesures « et » sanctions.

D’après la CSSF, il ressortirait de tous ces développements que la mesure préventive pourrait donc être cumulée avec une mesure de sanction, alors que l’inverse ne donnerait pas de sens, car au-delà de la sanction, il faudrait que la qualité du travail du réviseur d'entreprise soit améliorée par une mesure préventive.

Si une telle mesure préventive pourrait être prononcée seule dans les cas les moins graves, elle accompagnerait, dans la pratique, systématiquement les sanctions administratives qui, par définition, s'appliqueraient aux cas les plus graves.

La mesure préventive n'aurait ainsi pas pour objectif de sanctionner le réviseur d'entreprises, mais de l'accompagner dans sa démarche qualité en lui notifiant au préalable que, passé un délai de 18 mois, il fera à nouveau l'objet d'un examen d'assurance qualité afin de s'assurer qu'il aura remédié aux manquements préalablement observés.

La CSSF fait encore dupliquer à cet égard que son interprétation serait confirmée par la Commission européenne, tel que cela ressortirait non seulement du courriel du 25 mai 2021 du Policy Officer auprès de la Direction générale FISMA de la Commission européenne (service « Corporate reporting, audit and credit rating agencies » - FISMA.C.1), mais également du courriel du Chef d'unité du service FISMA.C.1, du 7 octobre 2021.

La CSSF fait encore souligner que contrairement à ce qui serait insinué par la partie demanderesse, elle n’essayerait pas d’imposer à cette dernière l’application directe de la directive 2006/43/CE, mais qu’elle se limiterait de se servir du droit européen pour l'interprétation de la loi luxembourgeoise en conformité avec ce dernier.

Force est d’abord au tribunal de retenir qu’il n’est pas contesté en cause que les décisions déférées ont prononcé, à l’égard de la partie demanderesse, non seulement une sanction administrative au sens de l’article 43 de la loi du 23 juillet 2016, mais également une mesure préventive au sens de l’article 42 du même texte.

Aux termes de l’article 43 de la loi du 23 juillet 2016, intitulé « Sanctions et autres mesures administratives. », il est prévu que « (1) Dans le cadre de ses attributions, la CSSF peut imposer les sanctions et mesures administratives suivantes :

a) une injonction ordonnant à la personne physique ou morale responsable de l’infraction de mettre un terme au comportement en cause et de s’abstenir de le réitérer ;

b) une déclaration publique indiquant la personne responsable et la nature de l’infraction, publiée sur le site internet de la CSSF ;

c) une interdiction temporaire d’une durée maximale de trois ans à l’encontre du réviseur d’entreprises agréé, du cabinet de révision agréé ou de l’associé d’audit principal de procéder au contrôle légal de comptes et/ou de signer des rapports d’audit ;

d) une déclaration indiquant que le rapport d’audit ne remplit pas les exigences de l’article 35 de la présente loi ou, le cas échéant, de l’article 10 du règlement (UE) n° 537/2014 ;

e) dans le cas d’une personne morale, une amende administrative d’un montant maximal de 1.000.000 euros ou d’un montant maximal de 5 pour cent du chiffre 21d’affaires annuel total de la personne morale tel qu’il ressort des derniers comptes approuvés par l’organe de direction ou d’administration ;

f) dans le cas d’une personne physique, une amende administrative d’un montant maximal de 500.000 euros ;

g) à titre d’alternative aux points e) et f), une amende administrative d’un montant égal à au moins deux fois l’avantage retiré de l’infraction, si celui-ci peut être déterminé, même si ce montant dépasse les montants maximaux prévus aux points e) et f) ;

h) une interdiction définitive et la radiation définitive du registre public à l’encontre du réviseur d’entreprises agréé, du cabinet de révision agréé ou de l’associé d’audit principal de procéder au contrôle légal de comptes et/ou de signer des rapports d’audit ;

i) une interdiction temporaire d’une durée maximale de trois ans à l’encontre du réviseur d’entreprises, du cabinet de révision d’exercer les activités visées à l’article 1er, point 34, alinéas 1er, lettre b) et 2 ;

j) une interdiction définitive à l’encontre du réviseur d’entreprises, du cabinet de révision d’exercer les activités visées à l’article 1er, point 34, alinéas 1er, lettre b) et 2. (…) ».

Aux termes de l’article 42 de la loi du 23 juillet 2016, intitulé « Mesures préventives. » « La CSSF peut ordonner les mesures préventives suivantes qui sont dans l’ordre de leur gravité :

a) la participation à des programmes de formation spécifique, en plus des programmes de formation continue visés à l’article 10 ;

b) avant la signature de tout rapport d’audit, l‘examen de contrôle qualité de la mission de contrôle légal des comptes par un réviseur d’entreprises agréé qui n’a pas participé à la réalisation du contrôle légal des comptes sur lequel porte l’examen ;

c) le suivi spécifique consistant en un examen d’assurance qualité dans un délai rapproché d’un réviseur d’entreprises agréé ou d’un cabinet de révision agréé ;

d) la signature conjointe de tout rapport d’audit par le réviseur d’entreprises agréé et par un autre réviseur d’entreprises agréé qui a participé à la réalisation du contrôle légal des comptes sur lequel porte le rapport d’audit, assortie d’un suivi spécifique.

Les mesures visées aux points a) et b) peuvent également être assorties, le cas échéant, d’un suivi spécifique.

Ces mesures préventives sont prononcées soit à l’issue de l’examen d’assurance qualité soit suite à une enquête pour une durée déterminée ne pouvant pas dépasser 18 mois.

Elles font l’objet d’une vérification appropriée au cours d’un prochain examen d’assurance qualité. ».

Il est constant en cause que les décisions déférées font suite à un examen d’assurance qualité au sens de l’article 39 de la loi du 23 juillet 2016, dont les suites sont réglées par l’article 40 de la même loi, suivant lequel « (1) Le réviseur d’entreprises agréé, le cabinet de révision agréé ou le cabinet d’audit respectivement met en œuvre les recommandations formulées par la CSSF à l’issue de l’examen d’assurance qualité visé à l’article 39, paragraphe 2, dans un délai raisonnable à compter de la date de notification des résultats.

(2) S’il n’a pas mis en œuvre les recommandations prévues au paragraphe qui précède, ou lorsque l’examen d’assurance qualité visé à l’article 39, paragraphe 2 révèle des manquements aux prescriptions légales et réglementaires relatives au contrôle légal des 22comptes, le réviseur d’entreprises agréé, le cabinet de révision agréé ou le cabinet d’audit respectivement peut, en fonction de la gravité, faire l’objet de mesures préventives conformément à l’article 42 ou d’une procédure disciplinaire pouvant donner lieu aux sanctions ou autres mesures administratives appropriées, mentionnées à l’article 43. » Si d’après le dernier alinéa de l’article 42 de la loi du 23 juillet 2016, les mesures préventives peuvent certes bien être prononcées à l’issue de l’examen d’assurance qualité, tel qu’en l’espèce, c’est cependant à bon droit que la partie demanderesse a relevé que ces mesures préventives, telles que leur nom le laisse d’ailleurs sous-entendre, ne sont pas à considérer comme des sanctions ou mesures administratives prises à l’issu d’une procédure disciplinaire diligentée à l’encontre d’un réviseur.

En effet, il découle clairement du 2e paragraphe de l’article 40 précité de la loi du 23 juillet 2016 que la CSSF peut, à l’issu d’un examen d’assurance qualité, prendre des mesures préventives au sens de l’article 42 « ou » des sanctions et mesures administratives au sens de l’article 43 de la même loi, le choix entre ces deux options se faisant « en fonction de la gravité » des manquements constatés au cours de l’examen de contrôle qualité.

Ainsi, le terme « ou », utilisé à la fin de l’article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016, doit être mis en relation avec le bout de phrase « en fonction de la gravité », de sorte à comporter un caractère alternatif et exclusif.

En effet, s’il ressort du commentaire des articles8 relatif au projet de loi ayant abouti à la loi du 23 juillet 2016, que ledit article 40, transpose certes l’article 29, paragraphe 1er, lettre j, alinéa 2 de la directive 2006/43/CE, disposant que « S'il n'est pas donné suite aux recommandations prévues au point j), le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d'audit fait l'objet, le cas échéant, des mesures ou des sanctions disciplinaires prévues à l'article 30. », cette disposition ne concerne que le premier cas de figure visé par l’article 40 précité de la loi du 23 juillet 2016 ayant trait à la mise en œuvre les recommandations.

Or, en ce qui concerne le deuxième cas de figure, à savoir la constatation d’un manquement avéré dans le cadre d’un examen d’assurance qualité, il importe de constater que le commentaire d’article précité a souligné que ledit article 40 remplace l’ancien article 60 de l’ancienne loi modifiée du 18 décembre 2009 relative à la profession de l’audit, actuellement abrogée par la loi du 23 juillet 2016, lequel prévoyait, d’ores-et-déjà « en fonction de la gravité » du manquement, un système hiérarchisé de mesures à disposition de la CSSF, passant de l’injonction, au rappel à l’ordre, jusqu’à la sanction disciplinaire9, le rappel à l’ordre10 étant prévu si le manquement constaté ne justifiait aucune des sanctions 8 Trav. parl. 6969, Commentaire des articles, p 44 : « L’article 40 du présent projet de loi transpose l’article 29, paragraphe 1er, lettre j) alinéa 2, de la Directive. Il remplace l’article 60 de la Loi Audit 2009 et n’appelle pas de commentaire particulier. » 9 Article 60, alinéa 2 de la loi modifié du 18 décembre 2009 relative à la profession d’audit : « S’il n’a pas mis en œuvre les recommandations prévues à l’alinéa qui précède, ou lorsque l’examen d’assurance qualité révèle des manquements aux normes visées aux articles 17, 27 et 57 lettres d) à g) de la présente loi, le réviseur d’entreprises agréé ou le cabinet de révision agréé peut, en fonction de la gravité, faire l’objet d’une injonction conformément à l’article 62, d’un rappel à l’ordre conformément à l’article 63 ou d’une procédure disciplinaire pouvant donner lieu aux sanctions administratives appropriées, mentionnées à l’article 67 de la présente loi. » 10 Article 63 de la loi modifié du 18 décembre 2009 relative à la profession d’audit : « Lorsque la CSSF a constaté qu’un réviseur d’entreprises agréé ou un cabinet de révision agréé a commis, tout en étant avéré, un manquement contraire aux dispositions de la présente loi qui relèvent de ses attributions et qui ne justifient 23disciplinaires, lesquelles allaient, à l’époque, du simple avertissement au retrait définitif du titre de réviseur d’entreprises.

Il suit des considérations qui précèdent, confirmées par les dispositions historiques, que l’article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016 reprend en substance, tel que relevé par le Conseil d’Etat dans son avis11, deux mesures distinctes à prendre par la CSSF, en cas de constatation d’un manquement, lesquelles se trouvent dans un ordre hiérarchique « en fonction de la gravité » du manquement avéré, de sorte que si un manquement de moindre importance est constaté dans le cadre d’un examen d’assurance qualité, il y a lieu d’appliquer des mesures préventives, les sanctions disciplinaires étant réservées aux manquements graves.

Il est à noter que les mesures préventives, figurant à l’article 42 de la loi du 23 juillet 2016, ne sont pas le fruit d’une transposition d’une disposition spécifique de la directive 2006/43/CE, le commentaire des articles ne se référant d’ailleurs pas à une quelconque disposition européenne, mais relève simplement que « L’article 42 du présent projet énonce les mesures préventives que la CSSF peut prononcer en fonction de la gravité des faits relevés lors de ses examens d’assurance qualité ou au cours d’une enquête. Elles ont pour vocation d’améliorer la qualité des audits ».

C’est dès lors à tort que la CSSF se réfère aux articles 29, paragraphe (1), 30, paragraphe (1) et 30bis de la directive 2006/43/CE, lesquelles ne font pas état des mesures préventives au sens de l’article 42 de la loi du 23 juillet 2016, mais se réfèrent expressément, en ce qui concerne plus particulièrement le terme « mesures », aux « mesures et sanctions administratives » telles que listées à l’article 30bis de la directive 2006/43/CE12, lesquelles sont reprises par l’article 43, paragraphe (1) de la loi du 23 juillet 2016, en tant que sanctions disciplinaires.

Cette conclusion n’est pas énervée par les courriels versés par la CSSF au sujet de l’interprétation de l’article 30bis [30a dans la version anglaise], paragraphe (1) de la directive 2006/43/CE, alors que les avis y relatés ne concernent que l’éventuel cumul des mesures et sanctions administratives visées audit article, et non le cumul entre une mesure préventive, non expressément prévue par ladite directive, et une sanction administrative.

aucune des sanctions prévues à l’article 67 de la présente loi, la CSSF peut, en application de l’article 57, lettre g), rappeler à l’ordre ce réviseur d’entreprises agréé ou ce cabinet de révision agréé. » 11 Trav. parl. 6969 (1), avis du Conseil d’Etat, p. : « Le paragraphe 2 ne donne pas lieu à observation étant donné qu’il reprend en substance la teneur de la législation actuellement en vigueur. » 12 « a) une injonction ordonnant à la personne physique ou morale responsable de l'infraction de mettre un terme au comportement en cause et de s'abstenir de le réitérer;

b) une déclaration publique indiquant la personne responsable et la nature de l'infraction, publiée sur le site web des autorités compétentes;

c) une interdiction temporaire d'une durée maximale de trois ans à l'encontre du contrôleur légal des comptes, du cabinet d'audit ou de l'associé d'audit principal de procéder au contrôle légal de comptes et/ou de signer des rapports d'audit;

d) une déclaration indiquant que le rapport d'audit ne remplit pas les exigences de l'article 28 de la présente directive ou, le cas échéant, de l'article 10 du règlement (UE) no 537/2014;

e) une interdiction temporaire d'une durée maximale de trois ans, à l'encontre d'un membre d'un cabinet d'audit ou d'un membre de l'organe d'administration ou de direction d'une entité d'intérêt public, d'exercer des fonctions au sein de cabinets d'audit ou d'entités d'intérêt public;

f) le prononcé de sanctions pécuniaires administratives à l'encontre des personnes physiques ou morales. » 24 Si la CSSF estime encore qu’il serait primordial de suivre un réviseur, après qu’il ait été sanctionné administrativement, un tel contrôle, s’il s’avérait vraiment indispensable, n’implique pas nécessairement la prise d’une mesure préventive au sens de l’article 42 de la loi du 23 juillet 2016, étant relevé que les mesures y prévues vont bien au-delà d’un simple examen assurance qualité supplémentaire.

Il s’ensuit que l’interprétation extensive de l’article 40, paragraphe (2) de la loi du 23 juillet 2016, telle qu’elle est faite par la CSSF, au-delà du fait qu’elle ne saurait être acceptée en matière disciplinaire qui, à l’instar du droit pénal doit être d’interprétation stricte, et nonobstant le constat qu’elle n’est pas justifiée par le droit européen à l’origine de cette loi, est de nature à violer ladite disposition par l’application cumulative des articles 42 et 43, viciant les deux décisions déférées en aboutissant à qualifier un même manquement de manière antinomique.

Il en découle que les décisions déférées sont, dans le cadre du recours en réformation dont le tribunal est saisi, d’ores et déjà à annuler pour cause de violation de la loi, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule les décisions déférées prises par la CSSF en date des 20 juillet, respectivement 7 décembre 2020 ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la partie défenderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 octobre 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 25


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45752
Date de la décision : 20/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-20;45752 ?

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