La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2023 | LUXEMBOURG | N°47892

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2023, 47892


Tribunal administratif Numéro 47892 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47892 2e chambre Inscrit le 2 septembre 2022 Audience publique du 19 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Monténégro) contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2022 par la société à responsab

ilité limitée Gross et Associés Sàrl, établie et ayant son siège social à L-2155 Luxembourg, ...

Tribunal administratif Numéro 47892 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47892 2e chambre Inscrit le 2 septembre 2022 Audience publique du 19 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Monténégro) contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47892 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2022 par la société à responsabilité limitée Gross et Associés Sàrl, établie et ayant son siège social à L-2155 Luxembourg, 78, Mühlenweg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B250053, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Laurent Limpach, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à … (Monténégro), tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 décembre 2021 portant refus de la demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié ainsi que de la décision confirmative de refus du même ministre du 10 juin 2022, intervenue sur recours gracieux introduit le 10 mars 2022 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 6 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent Limpach pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jeremy Bernard, en remplacement de Maître Laurent Limpach, et Monsieur le délégué du Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 avril 2023.

___________________________________________________________________________

En date du 21 septembre 2017, Monsieur … introduisit, auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministère », une demande tendant à l’obtention d’un titre de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, en faisant état de son mariage contracté en Serbie le … avec Madame …, de nationalité hongroise, laquelle fut refusée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 15 juin 2018.

1 Par arrêté du 28 mai 2019, le ministre lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans.

En date du 1er juillet 2019, Monsieur … fut éloigné vers son pays d’origine.

Par décision du 24 novembre 2020, le ministre rapporta l’arrêté prémentionné du 28 mai 2019.

En date du 24 juin 2021, Monsieur … fit introduire par l’intermédiaire de son litismandataire, auprès du ministère, une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour temporaire en qualité de travailleur salarié, tout en y joignant, notamment, un certificat de l’Agence pour le Développement de l’Emploi, ci-après désignée par « l’ADEM », du 10 mars 2021, autorisant la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », « de recruter une personne de son choix […], faute de demandeur d’emploi qualifié remplissant le profil requis pour le poste déclaré et inscrit à l’ADEM » ainsi qu’une copie du contrat de travail conclu à durée indéterminée entre la société “A” et Monsieur … pour un travail hebdomadaire de 40 heures en qualité de ….

Suite à un avis négatif de la commission consultative pour travailleurs salariés du 29 septembre 2021, le ministre refusa de faire droit à la demande susvisée de Monsieur … par une décision du 9 décembre 2021, aux termes de la motivation suivante :

« […] Je vous signale que la demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de votre mandant a été soumise à la commission consultative pour travailleurs salariés, qui a été entendue en son avis en date du 29 septembre 2021, conformément à l’article 42, paragraphe (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.

Je suis au regret de vous informer que les membres de la commission consultative pour travailleurs salariés ont émis un avis négatif auquel je me rallie.

En effet, l’octroi de l'autorisation de séjour est subordonné à la condition prévue par l’article 42, paragraphe (1), point 3. de la loi du 29 août 2008 précitée. L’autorisation de séjour ne peut être accordée que si l’intéressé dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée.

Il convient de noter que l’attestation de l'Agence pour le développement de l'emploi émise en date du 10 mars 2021 autorise la société “A” SARL de recruter une personne de son choix pour le poste de « … » faute de demandeur d’emploi qualifié remplissant le profil requis pour le poste déclaré.

Alors qu’il ressort du courrier du 28 mai 2021 de la part du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse que le niveau d’études et de formation présenté par votre mandant est reconnu équivalent au diplôme de technicien dans la formation professionnelle luxembourgeoise pour le métier de technicien en génie civil, il n’en ressort pas que votre mandant possède les qualifications professionnelles en tant que … tel qu'il ressort de l’attestation précitée du 10 mars 2021.

2Partant, il n’est pas prouvé que votre mandant dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l'activité visée de sorte que la condition énoncée à l’article 42, paragraphe (1), point 3. de la loi du 29 août 2008 précitée n’est pas remplie.

A titre subsidiaire, l’octroi de l’autorisation de séjour est subordonné à la condition prévue par l’article 42, paragraphe (1), point 2. de la loi du 29 août 2008 précitée, l’autorisation de séjour ne peut être accordée que si l’exercice de l’activité visée sert les intérêts économiques du pays. Cette condition s’apprécie en fonction des besoins économiques du pays et plus précisément des besoins spécifiques du marché du travail.

Force est de constater que, selon les informations à ma disposition, les services de l’Agence pour le développement de l'emploi ont en effet pu proposer quatre personnes avec un profil adéquat pour le poste en question dont aucune n’a été retenue par l’employeur et ce, sans raison valable.

Par conséquent, il n’est pas établi en quoi l’activité salariée visée sert les intérêts économiques du pays de sorte que la condition énoncée à l’article 42, paragraphe (1), point 2.

de la loi du 29 août 2008 précitée n’est pas remplie.

Enfin, il n’est pas prouvé que votre mandant remplit les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d’une des autres catégories d’autorisation de séjour prévues par l’article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

L’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié est en conséquence refusée à votre mandant sur base de l’article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée. […] ».

Par courrier de son litismandataire du 10 mars 2022, complété par courrier du 11 mai 2022, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision de refus du 9 décembre 2021.

Par décision du 10 juin 2022, le ministre rejeta la demande sur recours gracieux, telle que formulée par le litismandataire de Monsieur …, en les termes suivants :

« […] Suite aux courriers précités, la demande en faveur de votre mandant a été soumise pour réexamen à la commission consultative pour travailleurs salariés, qui a été entendue en son avis en date du 12 mai 2022, conformément à l’article 42, paragraphe (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Je suis au regret de vous informer que les membres de la commission consultative pour travailleurs salariés ont émis un avis négatif auquel je me rallie.

En effet, selon les informations à ma disposition, quatre personnes possédant les qualifications professionnelles requises ont été assignées par l’Agence pour le développement pour l’emploi pour le poste en question dont deux personnes maîtrisent la langue serbe, Or, selon les renseignements de l’ADEM, l’employeur a rejeté ces quatre demandeurs d’emploi par simple motif qu’ils ne conviennent pas, sans aucune précision.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que davantage de demandeurs d’emploi seraient disponible pour le poste en question si l’employeur n’exigeait pas la connaissance des langues 3yougoslave et serbe qui n’est cependant justifiée par aucun élément du dossier de votre mandant.

Au vu de ce qui précède, je suis donc au regret de vous informer que ma décision du 9 décembre 2021 reste maintenue. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles, précitées, du 9 décembre 2021 et du 10 juin 2022.

Etant donné que l’article 113 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », par renvoi à l’article 109 de la même loi, prévoit un recours en annulation en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation qui, par ailleurs, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base des décisions entreprises tel que repris ci-avant.

Il invoque une violation de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après désignée par la « loi du 1er décembre 1978 », de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 » et de l’article 10, paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CEDH », en expliquant que le dossier administratif lui transmis ne contiendrait aucune trace quant aux quatre prétendues candidatures proposées par l’ADEM, que la société “A” aurait refusé pour le poste visé avant l’émission du certificat lui permettant de recruter une personne de son choix. Il serait, dès lors, dans l’impossibilité de savoir si la société “A” avait effectivement refusé ces candidats ou si le ministère usait un faux prétexte afin de le démotiver d’introduire un recours.

Il souligne à cet égard qu’il n’aurait pas pu préparer utilement sa défense et qu’il aurait subi un préjudice, alors qu’il lui aurait notamment été impossible de vérifier si les motifs à la base de son refus seraient réels ou non, en se basant à cet égard sur deux jugements du tribunal administratif du 9 juillet 2018, respectivement du 2 octobre 2019, inscrits sous le numéro 39661, respectivement 40824 du rôle.

Le demandeur invoque encore une violation de l’article 42, paragraphe 2 de la loi du 29 août 2008, alors que le motif à la base du refus ministériel, selon lequel l’activité visée ne servirait pas les intérêts du pays, ne saurait être retenu en l’espèce, le manque de main d’œuvre dans le secteur de la construction serait suffisamment documenté dans les publications officielles de l’Etat luxembourgeois et dans les journaux.

Il ne serait, par ailleurs, pas prouvé que l’employeur, s’étant vu remettre un certificat de l’ADEM l’autorisant à recruter la personne de son choix faute de demandeurs d’emploi correspondants au profil sollicité, aurait refusé quatre demandes d’emploi ayant un profil adéquat.

4Le demandeur souligne finalement que ce serait à tort que le ministre lui reprocherait de ne pas justifier connaitre les langues yougoslave et serbe, alors que le contrat à durée indéterminée lui proposé par la société “A” prouverait à suffisance qu’il remplirait les critères exigés par cette dernière. Il ajoute encore, qu’après s’être renseigné auprès de la société “A”, celle-ci aurait expliqué que la connaissance de ces langues serait essentielle pour pouvoir communiquer avec les autres ouvriers de la société et que sans cette connaissance, il serait impossible aux employés de travailler en équipe.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir cité l’article 43, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 2 du règlement grand-

ducal modifié du 5 septembre 2008 fixant les conditions et modalités relatives à la délivrance d’une autorisation de séjour un tant que travailleur salarié, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 », rappelle qu’il ressortirait de l’avis de la commission de recrutement que le demandeur n’aurait pas démontré qu’il aurait disposé des qualifications professionnelles requises et que l’activité qu’il entendrait exercer ne servirait pas les intérêts du pays.

Il souligne, à cet égard, que, suivant un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 25 janvier 2019 et inscrit sous le numéro 42236 du rôle, le critère tenant à ce que l’exercice de l’activité serve les intérêts du pays serait à interpréter en ce sens qu’une activité revêtirait « un intérêt économique pour le pays lorsqu’il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d’œuvre dans le secteur d’activité correspondant à la formation du demandeur d’un titre de séjour », de sorte que l’engagement d’un ressortissant de pays tiers ne serait, selon lui, susceptible de servir les intérêts économiques du pays seulement s’il existait effectivement une pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité sur le marché de l’emploi.

Or, selon le délégué du gouvernement, le demandeur n’aurait pas apporté la preuve que l’exercice de l’activité visée par lui servirait les intérêts économiques du pays. Concernant les pièces versées par ce dernier, le délégué du gouvernement admet qu’elles portent sur la pénurie de matériel et de main-d’œuvre dans la construction, mais soutient qu’elles ne permettraient pas de conclure à une pénurie d’ouvriers en …. Il rappelle également que l’ADEM aurait assigné quatre personnes pour le poste de … auprès de la société “A” et que davantage de personnes seraient disponibles pour ledit poste, si l’employeur n’exigeait pas la connaissance des langues yougoslave et serbe.

Le délégué du gouvernement relève encore que le demandeur resterait en défaut d’établir qu’il aurait travaillé en tant que …, alors qu’il se dégagerait du certificat de l’ADEM que la société “A” aurait été autorisée à recruter le candidat de son choix sous condition toutefois, que ledit candidat présente une expérience professionnelle d’au moins un an.

Finalement, concernant la qualité des candidats proposés par l’ADEM pour le poste en question, le délégué du gouvernement soutient que l’appréciation desdites qualités ne serait pas pertinente dans l’examen de la légalité des décisions attaquées en citant à l’appui un jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2018, inscrit sous le numéro 40979 du rôle. Pour le surplus, il soutient que l’agent en charge du dossier aurait transmis les documents requis au mandataire du demandeur, ce qui ressortirait de la pièce numéro 51 contenue dans le dossier administratif.

5Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur souligne en premier lieu que les développements liés à l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée par arrêté du 28 mai 2019 seraient sans pertinence dans le contexte de la présente procédure, en soulignant que le ministère n’aurait jamais fait état de cette interdiction d’entrée dans ses décisions de refus des 9 décembre 2021 et 10 juin 2022 et qu’elle serait ab initio illégale, raison pour laquelle elle aurait été retirée par arrêté du 24 novembre 2020.

Il explique démontrer à suffisance disposer des qualifications professionnelles requises pour le poste de …, alors qu’il aurait versé un certificat d’aptitude professionnelle pour la profession de maître ouvrier-… établi par l’Université ouvrière … accompagné d’une attestation émise par le service de reconnaissance des diplômes, suivant laquelle le diplôme serait assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle, ci-après désignée par « DAP », de ….

Il souligne encore parler la langue serbe et la langue yougoslave et atteste disposer d’une expérience professionnelle d’au moins une année, tel qu’il ressortirait des pièces versées en cause.

Concernant le manque de main d’œuvre dans le secteur luxembourgeois de la construction, le demandeur explique, qu’étant donné le fait pour la société “A” de n’avoir trouvé aucun salarié remplissant les qualités recherchées, le manque en question serait indubitablement démontré. Il ajoute que l’ADEM n’aurait visiblement pas pu présenter de candidat approprié à la société “A”, raison pour laquelle elle aurait été autorisée à recruter la personne de son choix, alors que le dossier administratif ne contiendrait que deux cartes d’assignations et aucune preuve selon laquelle une de ces personnes aurait contacté l’ADEM en vue du poste à pourvoir, ni aucune preuve selon laquelle la société “A” aurait refusé d’embaucher ces deux personnes.

Bien que le demandeur admet que le ministère lui a, par courrier du 2 août 2022, fait parvenir une copie du dossier administratif, il souligne que ce dernier aurait manifestement été incomplet, alors qu’il n’aurait contenu aucune trace ni quant à un prétendu refus par la société “A” d’embaucher un ou plusieurs demandeurs d’emploi ayant un profil adéquat pour le poste proposé ni quant à la procédure d’éloignement et l’interdiction d’entrée sur le territoire émise à son encontre, de sorte qu’il serait avéré que le ministère ne lui aurait pas transmis l’intégralité du dossier administratif.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement soutient que l’arrêté du 28 mai 2019 ne saurait être qualifié d’« illégal » par le demandeur, alors qu’il aurait acquis autorité de chose décidée, faute d’avoir fait l’objet d’un recours.

Il cite ensuite un extrait du jugement du tribunal administratif rendu le 7 décembre 2021 et inscrit sous le numéro 44961 du rôle, disposant que : « En ce qui concerne d’abord la deuxième condition, à savoir que l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, il y a lieu de relever que celle-ci est à interpréter en ce sens qu’une activité revêt un intérêt économique pour le pays lorsqu’il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main d’œuvre dans le secteur d’activité correspondant à la formation du demandeur d’un titre de séjour, de sorte que ce n’est que s’il existe effectivement une pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité sur le marché de l’emploi que l’engagement d’un ressortissant de pays tiers répondant à ces qualifications est susceptible de servir les intérêts économiques du pays. Il suit de ces considérations que le contrôle que le ministre est amené à effectuer dans ce cadre englobe la vérification de ce qu’au-delà de l’existence d’un certificat de l’ADEM 6autorisant l’employeur de recruter la personne de son choix, faute de demandeurs d’emploi correspondant au profil requis, l’embauche du ressortissant de pays tiers concerné correspond à un besoin objectivement avéré de main d’œuvre, la charge de la preuve de ce besoin incombant au demandeur d’autorisation, conformément à l’adage « actori incumbit probatio ». ».

Il rappelle également qu’il se dégagerait du certificat de l’ADEM que la société “A” aurait été autorisée de recruter une personne de son choix pour un poste de …, sous condition de disposer d’une expérience minimale d’un an. Il soutient que le demandeur ne verserait aucune pièce supplémentaire démontrant remplir cette condition, alors qu’il ressortirait du contrat de travail versé en l’espèce qu’il aurait été engagé en tant que « polyvalent ».

En dernier lieu, le délégué du gouvernement soutient que la non-communication du dossier administratif ne constituerait pas nécessairement et automatiquement une cause d’annulation des décisions entreprises, puisqu’un refus de communiquer le dossier administratif, respectivement une communication incomplète, ne serait de nature à affecter la légalité d’une décision seulement dans l’hypothèse d’une lésion vérifiée des droits de la défense. Il conclut que la communication de la pièce concernant les candidats assignés par l’ADEM, ensemble avec le mémoire en réponse de la partie étatique, aurait permis au demandeur de prendre position par rapport à son contenu dans le cadre de son mémoire en réplique.

Analyse du tribunal Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité externe de l’acte lui déféré, avant de se livrer au contrôle de la légalité interne.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe, le demandeur reproche au ministre un défaut de communication de son dossier administratif. L’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose à ce sujet que « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être. […] ».

L’article 11 consacre ainsi le droit pour tout administré d’obtenir communication de son dossier administratif dans les hypothèses y prévues, à savoir à chaque fois que sa situation administrative est atteinte ou susceptible de l’être par une décision administrative.

Le non-respect des prescriptions de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne saurait cependant se résoudre impérativement en une annulation de la décision administrative, étant donné que cette omission est indépendante du contenu même de la décision prise et que, dès lors, le seul grief susceptible d’affecter le destinataire de la décision est celui de ne pas avoir pu exercer utilement les voies de recours. Par conséquent, la sanction adéquate et conforme à la finalité de la prescription est la suspension des délais de recours jusqu’à due notification de la décision1, respectivement jusqu’à la communication complète du dossier administratif, puisque la finalité de ces obligations est de permettre à l’administré de décider, en pleine connaissance de cause, au vu des éléments dont dispose l’administration et 1 Trib. adm., 20 mai 1999, n° 10913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 264 et les autres références y citées.

7sur lesquels elle se base pour asseoir sa décision, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction2.

Le non-respect des prescriptions de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne saurait affecter la légalité même d’une décision administrative que dans l’hypothèse d’une lésion vérifiée des droits de la défense3.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause que le litismandataire du demandeur a, par courriers datés des 22 juin et 25 juillet 2022, sollicité la communication de l’intégralité du dossier administratif et plus particulièrement des documents faisant ressortir que l’ADEM aurait assigné 4 personnes pour le poste brigué par le demandeur, sur base de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et que, suite à cette demande, le ministre a, par courrier recommandé daté du 2 août 2022, envoyé une copie du dossier administratif au litismandataire du demandeur.

Si, ni le dossier administratif tel que communiqué au demandeur en date du 2 août 2022 et versé en cause par le demandeur, ni le dossier administratif déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2022, ne contiennent les documents sollicités par le demandeur, lesquels feraient ressortir que l’ADEM aurait assigné 4 personnes pour le poste brigué par le demandeur, force est toutefois au tribunal de constater que le demandeur a bien eu communication d’un dossier administratif, qu’il a disposé de suffisamment de temps pour l’analyser et épingler les documents dont il estime qu’ils feraient défaut. Il a, par ailleurs, pu déposer dans le délai imparti un recours contentieux motivé, dans lequel il a valablement pu exposer ses moyens et tirer les conclusions en droit du défaut des documents dont il estime qu’ils auraient dû figurer au dossier administratif.

Il s’ensuit que les droits de la défense du demandeur ont été respectés, étant précisé que l’absence alléguée de documents au dossier administratif relève en fin de compte d’une question de preuve et sera analysée à ce titre dans le contexte de l’examen du bien-fondé du recours.

Le moyen afférent est partant à rejeter.

Concernant ensuite la légalité interne de la décision déférée, l’article 42 de la loi du 29 août 2008 se lit comme suit : « (1) L’autorisation de séjour et l’autorisation de travail dans les cas où elle est requise, sont accordées par le ministre au ressortissant de pays tiers pour exercer une activité salariée telle que définie à l’article 3, après avoir vérifié si, outre les conditions prévues à l’article 34, les conditions suivantes sont remplies :

1) il n’est pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs en vertu de l’article L. 622-4, paragraphe (4) du Code du travail ;

2) l’exercice de l’activité visée sert les intérêts économiques du pays ;

3) il dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée ;

4) il est en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur.

2 Trib. adm., 20 février 2006, n° 20353 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 145 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 29 octobre 2009, n° 24429 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 142 et les autres références y citées.

8(2) Si le ministre estime que les conditions énumérées sous les points 1 à 4 du paragraphe (1) ne sont pas remplies, il saisit la commission créée à l’article 150 dans les conditions et suivant les modalités déterminées par règlement grand-ducal avant de prendre une décision de refus d’une autorisation de séjour pour travailleur salarié ou d’une autorisation de travail. […] ».

L’octroi, à un ressortissant d’un Etat tiers, d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée est partant, en sus des conditions prévues par l’article 34 de la loi du 29 août 2008, soumis aux conditions cumulatives selon lesquelles, premièrement, il ne soit pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs, deuxièmement, l’exercice de l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, troisièmement, la personne concernée dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée et, quatrièmement, l’intéressé soit en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’ADEM dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur.

Force est de constater que toutes les conditions cumulatives de l’article 42, paragraphe 1er de la loi du 29 août 2008 sont litigieuses en l’espèce.

S’agissant de la première condition, l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 dispose que : « (1) Pour faire l’objet d’un examen, la demande visée à l’article 1er doit comporter les éléments suivants :

- une copie du passeport intégral du requérant ;

- un curriculum vitae ;

- une copie des diplômes ou des qualifications professionnelles du requérant, avec si nécessaire, leur traduction si la pièce originale n’est pas rédigée en langue française, allemande ou anglaise ;

- un contrat de travail, daté et signé par les deux parties et conforme au droit de travail luxembourgeois ;

- le certificat récent établi par l’Agence pour le développement de l’emploi conformément à l’article L 622-4, paragraphe (5) du Code du travail, attestant le droit de l’employeur de recruter pour le poste déclaré vacant la personne de son choix ou la preuve que l’employeur a déclaré le poste vacant à l’Agence pour le développement de l’emploi dans les cas où le recrutement d’un travailleur salarié n’est pas soumis à la condition figurant à l’article 42, paragraphe (1), point 1 de la loi du 29 août 2008 précitée.

(2) La demande unique introduite par le ressortissant de pays tiers en vue de résider et de travailler sur le territoire doit comporter, outre les documents énumérés au paragraphe (1), un extrait du casier judiciaire ou un affidavit. […] ».

L’article L. 622-4 du Code du travail dispose encore que : « (1) Dans l’intérêt du maintien du plein emploi, de l’analyse du marché de l’emploi et en vue des décisions concernant l’emploi des salariés étrangers, tout poste de travail doit obligatoirement être déclaré à l’Agence pour le développement de l’emploi. En cas de publication dans la presse écrite ou parlée ou par tout autre moyen de publication ou de communication, l’offre d’emploi doit être déclarée à l’Agence pour le développement de l’emploi au moins trois jours ouvrables à l’avance.

9Cette disposition ne s’applique pas aux emplois du secteur public soumis à des conditions d’admission légales ou réglementaires.

(2) Les déclarations de places vacantes doivent contenir les données suivantes:

1. l’indication exacte de l’identité de l’employeur;

2. la description de poste vacant;

3. le profil requis pour chaque poste déclaré, précisant au moins le niveau de formation, l’aptitude professionnelle et la qualification;

4. les conditions de travail et de salaire offertes.

(3) Les déclarations de places vacantes sont considérées comme des offres d’emploi.

(4) L’Agence pour le développement de l’emploi examine si l’offre d’emploi peut être pourvue par une personne visée à l’article L. 622-5.

Si endéans un délai de trois semaines à compter de la déclaration d’un poste de travail, l’Agence pour le développement de l’emploi n’a pas proposé à l’employeur de candidat remplissant le profil requis pour le poste déclaré, l’employeur peut demander au directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi une attestation lui certifiant le droit de recruter, pour ce poste, la personne de son choix, sans préjudice des dispositions de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

(5) Le certificat doit être établi dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la demande de l’employeur. […] ».

Il suit notamment des dispositions qui précèdent, qu’une autorisation de séjour pour travailleurs salariés ne peut être émise qu’à condition que l’ADEM délivre une attestation certifiant à un employeur qu’il a le droit de recruter la personne de son choix pour un poste déclaré vacant. Or, ladite attestation ne peut, en vertu de l’article L. 622-4 du Code du travail, être délivrée à l’employeur qu’à condition qu’ « endéans un délai de trois semaines à compter de la déclaration d’un poste de travail, l’Agence pour le développement de l’emploi n’a pas proposé [à ce dernier] de candidat remplissant le profil requis pour le poste déclaré ».

Force est au tribunal de constater que l’ADEM a, en date du 10 mars 2021, émis un certificat autorisant la société “A” à « recruter une personne de son choix […], faute de demandeur d’emploi qualifié remplissant le profil requis pour le poste déclaré et inscrit à l’ADEM ».

Au vu des développements qui précèdent, force est de constater que le poste de … au sein de la société “A”, pour lequel Monsieur … a souhaité obtenir l’autorisation de séjour litigieuse, a été déclaré vacant auprès de l’ADEM et que, tel que certifié par l’ADEM en date du 10 mars 2021, aucun travailleur bénéficiant d’une priorité d’embauche n’a postulé pour ledit poste, de sorte que la première condition visée à la disposition légale précitée est partant remplie en l’espèce.

Ce constat n’est pas énervé par les affirmations de la partie étatique selon lesquelles quatre profils possédant les qualifications requises, dont deux maîtrisant la langue serbe, auraient été présentés par l’ADEM à la société “A” pour le poste vacant et auraient, par la suite, été refusées par cette dernière au simple motif qu’ils ne conviendraient pas. En effet, aucune 10pièce versée au dossier administratif ne vient soutenir ces affirmations, ni quant à la prétendue présentation de candidats à la société “A”, ni quant au refus d’embauche de ces candidats par cette dernière. Il y a, à cet égard, également lieu de soulever que quatre curriculum vitae sont versés au dossier administratif, sans aucune explication, ni précision, étant relevé que lesdits profils ne remplissent pas les qualifications requises pour le poste de …, tel qu’affirmé par la partie étatique, étant donné qu’aucun de ces profils ne certifie être titulaire d’une formation en cette qualité, alors que suivant les conditions émises par l’ADEM dans son certificat du 10 mars 2021, la personne à recruter pour le poste de … doit être titulaire d’un DAP en la matière.

En ce qui concerne ensuite la deuxième condition visée à l’article 42 précité de la loi du 29 août 2008, il y a lieu de relever qu’il ne suffit pas, pour que la condition en question, à savoir que l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, soit remplie, qu’un acteur de l’économie luxembourgeoise, à travers un poste déclaré vacant suivant un profil tracé par lui avec précision, exprime un besoin économique, mais que s’agissant d’une réglementation d’entrée et de séjour sur le territoire, les intérêts économiques du pays visés par la condition en question sont à lire, eu égard à la ratio legis et au but de la législation mise en place, comme recouvrant également la nécessité d’un contrôle certain par le ministère compétent en matière d’immigration à l’entrée sur le territoire d’un ressortissant d’un pays tiers par le biais d’une autorisation de travail4.

Ainsi, le critère suivant lequel l’exercice de l’activité doit servir les intérêts économiques du pays est à interpréter en ce sens qu’une activité revêt un intérêt économique pour le pays lorsqu’il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main d’œuvre dans le secteur d’activité correspondant à la formation du demandeur d’un titre de séjour, de sorte que ce n’est que s’il existe effectivement une pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité sur le marché de l’emploi que l’engagement d’un ressortissant de pays tiers répondant à ces qualifications est susceptible de servir les intérêts économiques du pays. Il suit de ces considérations que le contrôle que le ministre est amené à effectuer dans ce cadre englobe la vérification de ce qu’au-delà de l’existence d’un certificat de l’ADEM autorisant l’employeur de recruter la personne de son choix, faute de demandeurs d’emploi correspondant au profil requis, l’embauche du ressortissant de pays tiers concerné correspond à un besoin objectivement avéré de main-d’œuvre, la charge de la preuve de ce besoin incombant au demandeur d’autorisation, conformément à l’adage « actori incumbit probatio »5.

Il convient encore de relever que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge n'est pas, comme en matière de réformation, appelé à refaire l’acte en substituant son appréciation à celle de l’auteur de la décision administrative entreprise en ayant égard à des éléments d’opportunité autant que de légalité, son pouvoir se confinant à contrôler si, eu égard à la situation en fait et en droit ayant existé au moment où il a statué, l’auteur de la décision n’a pas commis une erreur en droit et, dans la mesure où il dispose d'un pouvoir discrétionnaire, il n’est pas sorti de sa marge d'appréciation.

A cet égard, il convient d’abord de rappeler que la demande d’autorisation de séjour vise un poste de « … », tel que cela ressort du contrat de travail signé le 14 avril 2021 entre le demandeur et la société “A”, ainsi que du certificat numéro … de l’ADEM établi le 10 mars 2021, étant encore relevé, à cet égard, que pour le poste en question, la société “A” souhaite engager une personne parlant deux langues, et exige un DAP en tant que « … ».

4 Cour adm., 28 juin 2016, n° 37493C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 432 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 26 mars 2018, n° 39365 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 433 et l’autre référence y citée.

11 Force est ensuite de constater, au vu des éléments d’appréciation soumis en cause et au regard de la situation qui a existé au jour où les décisions litigieuses ont été prises, moment auquel le juge de l’annulation doit nécessairement se placer pour analyser la situation en droit et en fait en cause, que la société “A”, tel que retenu ci-avant, ne s’est pas vue présenter d’autres candidats par l’ADEM correspondant aux critères du profil recherché, les pièces versées en cause ne permettant, en tout état de cause, pas de conclure qu’il existe des candidats adéquats sur le marché luxembourgeois pour le poste de … à pourvoir.

Il s’ensuit que l’existence d’un besoin objectivement avéré de main-d’œuvre sur le marché du travail luxembourgeois est rapportée en l’espèce, de sorte que la deuxième condition de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 est également remplie en l’espèce.

Concernant la troisième des quatre conditions cumulatives de l’article 42, paragraphe 1er de la loi du 29 août 2008, force est de constater que, ledit texte, en exigeant que l’intéressé dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée, ne précise pas quelles sont ces qualifications requises, respectivement quel diplôme spécifique est exigé. Il ressort néanmoins du certificat établi par l’ADEM en date du 21 mars 2021, que la personne à recruter pour le poste de travail déclaré « … » auprès de la société “A” devrait (i) être en possession d’un DAP …, (ii) maîtriser le yougoslave/ serbe à un bon niveau et (iii) avoir une expérience professionnelle minimale d’un an.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort du dossier administratif que le demandeur est en possession d’une attestation émise par le Service de la reconnaissance des diplômes du ministère de l’éducation nationale datée du 24 février 2022, selon laquelle le niveau d’études et de formation du demandeur est assimilable au DAP luxembourgeois de …. Force est également de constater qu’il ressort du rapport de Police du 29 novembre 2017 versé au dossier administratif, que, questionné quant à ses qualifications professionnelles, le demandeur a répondu ce qui suit : « En Monténégro, j’ai travaillé comme …. Les six dernières années j’ai travaillé dans des cafés resp. dans diverses société de constructions. ». Il ressort également d’un contrat de travail à durée indéterminée signé le 25 septembre 2017 et versé au dossier administratif, que Monsieur … a été engagé en tant que « polyvalent » auprès de la société de Construction « ”B” » située à …. Il y a, dès lors, lieu d’admettre que le demandeur jouit d’une expérience minimale d’un an, étant relevé que le certificat émis par l’ADEM en date du 21 mars 2021, ne précise pas le domaine d’expérience professionnelle requis concernant le poste à pourvoir. Il ressort, par ailleurs, tant des certificats scolaires des années 2006 à 2010, que du diplôme de l’examen de baccalauréat du 24 juin 2010, versés en cause par le demandeur, que ce dernier maîtrise la langue serbe à un bon niveau.

La troisième condition de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 est, dès lors, également remplie en l’espèce.

Quant à la quatrième condition, selon laquelle l’intéressé doit être en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi, force est de constater que le demandeur a signé un contrat à durée indéterminée avec la société “A” en date du 14 avril 2021, suite à l’émission par l’ADEM du certificat n°… en date du 10 mars 2021 autorisant cette dernière à « recruter une personne de son choix », de sorte que la dernière des quatre conditions cumulatives prévues à l’article 42, paragraphe (1) est également remplie en l’espèce.

12Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que le ministre a refusé la délivrance d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié dans le chef de Monsieur …, de sorte que les décisions attaquées sont à annuler pour violation de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008.

S’agissant de la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 EUR formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celle-ci est à rejeter dans la mesure où il n’est pas justifié à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le déclare justifié, partant annule les décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile des 9 décembre 2021 et 10 juin 2022 refusant de faire droit à la demande d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié à Monsieur … et renvoie le dossier audit ministre en prosécution de cause ;

déboute le demandeur de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 EUR ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 19 octobre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47892
Date de la décision : 19/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-19;47892 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award