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19/10/2023 | LUXEMBOURG | N°46171

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2023, 46171


Tribunal administratif N° 46171 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46171 2e chambre Inscrit le 25 juin 2021 Audience publique du 19 octobre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre une décision du conseil communal de Strassen et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46171 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite à la

liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à ...

Tribunal administratif N° 46171 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46171 2e chambre Inscrit le 25 juin 2021 Audience publique du 19 octobre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre une décision du conseil communal de Strassen et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46171 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) de « […] la décision du conseil communal du 10 mars 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de STRASSEN […] » et 2) de « […] la décision de Madame la Ministre de l’Intérieur du 23 mars 2021, approuvant la délibération du conseil communal du 10 mars 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de STRASSEN […] » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 2 juillet 2021, portant signification de ce recours à l’administration communale de Strassen, établie à L-8041 Strassen, 1, Place Grande-

Duchesse Charlotte, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2021 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Strassen, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2021 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2021 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2021 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’administration communale de Strassen, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’administration communale de Strassen, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2022 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elie Dohogne, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Christian Point, et Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mai 2023.

_____________________________________________________________________________

Lors de sa séance publique du 27 février 2019, le conseil communal de Strassen, ci-après désigné par le « conseil communal », émis un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier du 1er avril 2019, la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », déclarant agir en sa qualité de propriétaire de différentes parcelles sises à Strassen, soumit au collège des bourgmestre et échevins de Strassen, ci-après désigné par « le conseil échevinal », par l’intermédiaire de son litismandataire, des objections à l’encontre du projet d’aménagement général de ladite commune.

La commission d’aménagement émit son avis dans sa séance du 31 juillet 2019.

Lors de sa séance publique du 10 mars 2020, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.

Par courriers recommandés avec avis de réception des 7 et 13 juillet 2020, la société “A” introduisit elle-même, respectivement par l’intermédiaire de son litismandataire auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », deux réclamations à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 10 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.

Par décision du 23 mars 2021, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 10 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont celles introduites par la société “A”, en les déclarant irrecevables, sinon non fondées. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Ad réclamation “A” s.à r.l. (rec 14 et rec 56) La réclamante s’oppose à ce que le schéma directeur « … » établi pour la parcelle cadastrale n°…, section …, affectée en « zone d’habitation 1 [HAB-1] » et en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] », ne prévoie un bassin de rétention des eaux pluviales sur le terrain concerné et demande la suppression de celui-ci.

Les réclamations sont irrecevables, alors que le schéma directeur fait partie de l’étude préparatoire et non pas du plan d’aménagement général (« PAG »). Or, conformément à la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, les réclamations peuvent uniquement être dirigées contre le PAG et non pas contre l’étude préparatoire.

A titre subsidiaire, il convient de considérer que le schéma directeur peut de toute manière encore être adapté dans le cadre de l’adoption du plan d’aménagement particulier de sorte à ce que le bassin puisse encore être déplacé.

Quant aux revendications indemnitaires formulées dans ce contexte, il y a lieu de constater qu’elles sont prématurées alors qu’elles relèvent de la phase d’exécution du plan d’aménagement général et non pas de son élaboration ou de son adoption.

Les réclamations sont partant non fondées sur ce point. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2021, la société “A” a fait introduire un recours tendant à l’annulation, d’une part, de « […] la décision du conseil communal du 10 mars 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de STRASSEN […] » et, d’autre part, de « […] la décision de Madame la Ministre de l’Intérieur du 23 mars 2021, approuvant la délibération du conseil communal du 10 mars 2020 portant approbation du projet de la refonte du PAG de la commune de STRASSEN […] ».

I) Quant à la compétence du tribunal et quant à la recevabilité du recours Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 23 mars 2021 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes réglementaires, n° 55 et les autres références y citées.

ayant statué sur les réclamations introduites par la société demanderesse, intervenues dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

II) Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général, désigné ci-après par « le PAG », est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 30 juillet 2021, entrée en vigueur postérieurement à la décision d’approbation du conseil communal du 10 mars 2020 et à la décision ministérielle du 23 mars 2021, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.

III) Quant au fond A l’appui de son recours et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base des décisions prémentionnées, la société demanderesse explique être propriétaire de la parcelle n° …, section … de Strassen, place (occupée), lieu-dit « … », d’une contenance de … ares … centiares, ci-après désignée par « la parcelle n° … », ainsi que de la parcelle adjacente à l’ouest, à savoir la parcelle n° …, sise sur le territoire de la commune de Bertrange et que sous l’ancien PAG de la commune de Strassen, la parcelle n° … aurait été classée en « zone FDI-secteur de faible densité », tandis que suivant le PAG refondu, la parcelle n° … aurait été classée en « zone d’habitation 1 [HAB-

1] » et en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », laquelle serait orientée par le schéma directeur « … », ci-après désigné par « le schéma directeur ». La société demanderesse continue en expliquant que suite au vote du conseil communal de Strassen en date du 10 mars 2020, le schéma directeur aurait été modifié dans sa partie graphique de manière à renseigner au sud de la parcelle n° … la mise en place d’un « bassin de rétention / eaux pluviales », tel que sollicité dans l’avis de la commission d’aménagement pris lors de sa séance du 8 mai 2019.

En droit, la société demanderesse se prévaut, d’un côté, de moyens tenant à la légalité externe des décisions attaquées et, de l’autre côté, de moyens tenant à leur légalité interne.

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, il n’est pas lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l’instance, mais qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

A. Quant à la légalité externe des décisions litigieuses i.

Quant à la violation alléguée de l’article 12 de la loi du 19 juillet 2004 En ce qui concerne la légalité externe, la société demanderesse conclut à une violation de l’article 12 de la loi du 19 juillet 2004 alors que l’intégralité du dossier de PAG, plus précisément la fiche de présentation, telle que prévue à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, n’aurait pas été affichée sur le site internet de la commune de Strassen, ci-après désignée par « la commune », ou du moins aurait été introuvable. A défaut de publication de cette fiche de présentation sur le site internet de la commune, la procédure serait viciée.

Tant la commune que la partie étatique contestent l’argumentation de la société demanderesse et concluent au rejet du moyen relatif à une irrégularité dans la procédure d’élaboration du PAG pour ne pas être fondé.

L’article 12 de la loi du 19 juillet 2004 dispose comme suit : « Dans les quinze jours qui suivent l’accord du conseil communal, le projet d’aménagement général est déposé avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, et publié, pendant la même durée, sur le site Internet de la commune où le public peut en prendre connaissance. Seules les pièces déposées à la maison communale font foi. […] ».

Aux termes de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, « Le projet d’aménagement général avec l’étude préparatoire, la fiche de présentation ainsi que, le cas échéant, le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément à la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement est soumis à la délibération du conseil communal […]. ».

Ainsi, l’article 12 de la loi du 19 juillet 2004 impose, dans les quinze jours qui suivent l’accord du conseil communal, le dépôt du projet d’aménagement général à la maison communale pendant un délai de trente jours ainsi que sa publication pendant la même durée sur le site internet de la commune, ledit projet d’aménagement général devant contenir entre autres la fiche de présentation.

En l’espèce, même à admettre que contrairement au prescrit de l’article 12 de la loi du 19 juillet 2004, la fiche de présentation n’ait pas été publiée sur le site internet de la commune et dans la mesure où il n’est pas contesté qu’elle a été déposée ensemble avec le projet de PAG à la maison communale, force est de constater que l’obligation de publication prévue par l’article 12 précité ne constitue pas une fin en soi, mais est destinée à préserver les droits des administrés à être informés et à pouvoir participer à l’élaboration du PAG.

En l’espèce, c’est dès lors à juste titre que l’administration communale de Strassen fait valoir que la société demanderesse ne se prévaut pas d’un quelconque préjudice qu’elle aurait subi en raison de cet éventuel défaut de publication sur le site internet de la commune, la société demanderesse n’émettant d’ailleurs que des affirmations vagues à cet égard. Ce constat s’impose d’autant plus que le prétendu défaut de publication sur le site internet n’a pas empêché la société demanderesse d’introduire des réclamations auprès du ministre en connaissance de cause.

Dans ces circonstances, il n’est pas établi qu’une éventuelle non-publication de la fiche de présentation sur le site internet de la commune ait été de nature à avoir vicié la procédure d’adoption du PAG à ce point que les droits de la société demanderesse puissent être considérés comme ayant été lésés. Il s’ensuit que même à admettre un non-respect de l’article 12, celui-ci ne saurait être considéré comme étant suffisant pour justifier à lui seul l’annulation des décisions attaquées. Le moyen afférent est partant à rejeter pour être non fondé.

ii.

Quant au moyen tenant à un défaut de motivation du reclassement projeté La société demanderesse estime encore que l’ajout du bassin de rétention sur la parcelle n° … aurait été effectué sans motivation adéquate.

Dans son mémoire en réplique, elle se demande pour quelles raisons elle devrait supporter un bassin de rétention destiné à recevoir les eaux venant des constructions à ériger sur le futur plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » (PAP NQ) de la commune voisine. Il serait d’ailleurs surprenant que le schéma directeur concerne également la commune de Bertrange alors qu’en matière urbanistique, le conseil communal de cette commune ne serait aucunement lié par ce qui serait voté dans la commune de Strassen. Ce serait également sur la commune de Bertrange que se trouverait l’essentiel des constructions et des infrastructures, de sorte qu’il serait « inadmissible » que la commune de Strassen prescrive une telle infrastructure sur son terrain au profit des terrains limitrophes tous situés à la commune de Bertrange et donc dans un autre PAP NQ.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Il convient de rappeler que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des constructions qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé2. Le fait qu’un acte est susceptible d’avoir des effets sur un nombre indéterminé de personnes suffit à lui seul pour lui conférer le caractère d’un acte règlementaire, même s’il n’établit pas de mesure générale et abstraite. Les projets d’aménagement ont pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et les régimes des constructions à y ériger. Ces dispositions s’imposent indistinctement à toutes les 2 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 78 et les autres références y citées.

propriétés foncières comprises dans le rayon des plans3. Or, contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière réglementaire, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative4.

Force est de constater que la société demanderesse ne remet pas en cause la motivation à la base du classement de sa parcelle n° … en « zone d’habitation 1 [HAB-1] » et en superposition en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », mais la motivation à la base de l’ajout d’un bassin de rétention sur cette parcelle. Le tribunal relève toutefois que le PAG, objet du présent recours, ne prévoit pas de bassin de rétention sur la parcelle n° … de la société demanderesse. Dès lors, le moyen d’un défaut de motivation à la base de l’ajout d’un bassin sur la parcelle de la société demanderesse est à rejeter pour être non fondé.

B. Quant à la légalité interne des décisions litigieuses i.

Quant aux contestations dirigées contre le schéma directeur En premier lieu, la société demanderesse s’appuie sur les articles 7 (2) et 29 (2) de la loi du 19 juillet 2004 pour soutenir que les prescriptions contenues dans un schéma directeur, qui s’imposeraient lors de l’élaboration du ou des plans d’aménagement particulier (PAP) subséquents, auraient un caractère contraignant. En outre, avant que le ministre ne statue sur les réclamations en application de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, il devrait vérifier la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de la loi.

Comme le schéma directeur serait dès lors un acte ayant des effets de droit, le ministre de tutelle ne pourrait vérifier la régularité d’un PAG sans s’attarder sur la régularité du schéma directeur lui-même. Or, au vu des « violations dénoncées dans les observations du 13 juillet 2020 », l’autorité de tutelle aurait, en l’espèce, dû refuser d’approuver le PAG et le schéma directeur visé.

Elle ajoute que les irrégularités d’un schéma directeur n’échapperaient pas non plus au contrôle du juge administratif, tout en se référant à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 30 juillet 2014, inscrit sous le numéro 33181 du rôle.

Dans son mémoire en réplique, la société “A” met tout d’abord l’accent sur le fait qu’elle critiquerait les décisions d’adoption et d’approbation du PAG dans son ensemble, c’est-à-dire avec le schéma directeur. Elle fait ensuite valoir qu’il existerait deux types d’instruments « planologiques » d’urbanisme, à savoir ceux à valeur réglementaire, ayant une force contraignante dans le sens où il ne serait pas possible d’y déroger, sauf dans les cas où le plan lui-

même ou la norme prévoirait des dérogations précises, et ceux à valeur indicative, n’ayant aucune force contraignante, intervenant en dehors de toute contrainte légale ou réglementaire. La valeur indicative d’un plan ou d’un schéma impliquerait donc nécessairement la possibilité de s’en écarter. Or, en ce qui concerne le schéma directeur, il ne serait pas possible de s’en écarter « en toutes hypothèses », la loi fixant les cas bien précis permettant une dérogation aux orientations y fixées. Il serait d’ailleurs impossible de dire qu’un schéma directeur n’aurait pas de force contraignante alors que les orientations du schéma directeur devraient en principe être respectées 3 Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 79 et les autres références y citées.

4 Cour adm., 7 décembre 2004, n° 18142C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 117 et les autres références y citées.

par le PAP NQ, une commune pouvant valablement refuser un plan d’aménagement particulier (PAP) non conforme au schéma directeur. Il ne pourrait pas non plus s’agir d’un simple acte préparatoire qui n’aurait aucune incidence en soi alors que le schéma directeur revêtirait au contraire un caractère décisionnel susceptible de causer grief. Ainsi, si l’administration approuvait le PAG, et par conséquent également le schéma directeur, elle entendrait lui donner les effets de droit découlant de l’application de la loi du 19 juillet 2004. La société demanderesse en conclut que le schéma directeur produirait en lui-même des effets de droit.

En deuxième lieu, la société demanderesse soulève, dans son mémoire en réplique, la violation du droit à un recours effectif garanti pourtant par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH ». Elle estime, en effet, que si un administré ne pouvait pas critiquer les prescriptions d’un schéma directeur au moment de l’approbation du PAG, alors se poserait la question de savoir à quel moment il pourrait le faire. Il ne serait en effet pas possible de critiquer un PAP NQ qui respecterait des choix urbanistiques, - même irréguliers -, fixés dans un schéma directeur, la loi disposant « expressément que le PAP NQ [devrait] respecter ce [schéma directeur] », sauf hypothèses bien précises. Un PAP NQ serait d’ailleurs irrégulier s’il ne respectait pas le schéma directeur. Ainsi, lorsqu’un PAP NQ serait attaqué, ce serait cette décision d’approbation du PAP NQ qui serait querellée à travers le recours, et non le schéma directeur qui l’aurait orienté et qui aurait été approuvé en amont lors du vote du PAG. La société demanderesse en tire la conclusion que les orientations du schéma directeur ne pourraient jamais être critiquées.

En troisième lieu, toujours dans le cadre de son mémoire en réplique, la société demanderesse, après avoir cité les articles 95bis (1) de la Constitution et 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996, s’interroge sur la compatibilité de l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996, interprété en ce sens que les juridictions administratives ne seraient pas compétentes pour analyser la régularité d’un schéma directeur, avec la Constitution. Elle estime qu’en refusant d’analyser la légalité d’un acte administratif à caractère réglementaire, lui causant grief, les juridictions administratives violeraient les dispositions légales et constitutionnelles leur attribuant expressément cette compétence.

Enfin, dans son mémoire en réplique, la société demanderesse indique que le Conseil d’Etat belge aurait accepté des recours introduits contre des documents « planologiques », même contre ceux à valeur indicative. Il ressortirait dès lors de la jurisprudence belge qu’un instrument d’urbanisme serait susceptible de faire l’objet d’un recours administratif dès lors qu’il modifierait l’ordonnancement juridique en déterminant des orientations qui devraient être suivies lors de décisions ultérieures. Cette jurisprudence serait « à transposer au Grand-duché » alors qu’à défaut, le droit à un recours effectif contre cet instrument serait dénié aux administrés.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de ces moyens pour être non fondés.

Le tribunal relève que l’article 7 (2), alinéa 4 de la loi du 19 juillet 2004 dispose que :

« […] Le projet d’aménagement général est élaboré sur base d’une étude préparatoire qui se compose : […] c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tels que définis à l’article 25. […] Un règlement grand-ducal précise le contenu de l’étude préparatoire. ».

Quant à la nature juridique d’un schéma directeur, il se dégage des travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 juillet 2011 modifiant celle du 19 juillet 2004, qu’il s’agit d’un « […] instrument de planification d’une hiérarchie supérieure, sans effet juridique direct, qui oriente non seulement l’élaboration des plans d’aménagement particulier „nouveau quartier“ mais qui permet également déjà au niveau de l’élaboration du projet d’aménagement général de définir des zones et leurs délimitations en connaissance de cause. »5.

Il convient dès lors de retenir que le schéma directeur constitue une composante de l’étude préparatoire sur base de laquelle un projet d’aménagement général est élaboré. L’étude préparatoire, tel que son nom l’indique, doit forcément précéder l’adoption d’un nouveau ou la modification d’un PAG. Le schéma directeur, faisant partie de l’étude préparatoire, constitue donc un élément préalable à l’élaboration ou la modification d’un PAG et est partant à considérer comme instrument d’orientation du développement urbain, dépourvu d’effet juridique direct6.

Ainsi, un schéma directeur n’est pas une fin en soi, en ce qu’il ne s’agit que d’un instrument de planification, ayant pour objet, notamment, de déterminer les orientations servant à définir et à délimiter les zones du projet d’aménagement général et à élaborer les PAP NQ7.

En effet, la loi du 19 juillet 2004 prévoit le schéma directeur sous la forme de document d’accompagnement du PAG, plus particulièrement en tant qu’instrument de planification en vue de l’élaboration du PAP NQ. Ainsi, son article 29 (2) dispose que « […] le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » est orienté par le schéma directeur […]. [L]e schéma directeur peut être adapté ou modifié par le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » à condition qu’une telle modification ou adaptation s’avère indispensable pour réaliser le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement pour améliorer la qualité urbanistique, ainsi que la qualité d’intégration paysagère. […] ». Les orientations du schéma directeur ne revêtent dès lors un caractère ni absolu, ni figé.

Dès lors, en principe, le schéma directeur s’impose au PAP NQ qui est appelé à suivre les orientations par lui données. Par exception, le PAP NQ peut adapter ou modifier le schéma directeur dans la mesure où les conditions de la loi se trouvent vérifiées. Ces conditions se déclinent par le caractère indispensable en vue de la réalisation du PAP NQ, voire par l’amélioration de la qualité urbanistique ainsi que de la qualité d’intégration paysagère dudit PAP.

Comme le contenu du schéma directeur et les règles d’urbanisme en découlant feront ainsi partie intégrante du PAP NQ, ils pourront faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans le cadre d’un recours à diriger le cas échéant contre les décisions d’adoption et d’approbation dudit PAP NQ.

Il s’ensuit, d’un côté, qu’un schéma directeur en tant qu’acte préparatoire d’un PAG, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une annulation par le juge administratif, et, de l’autre côté, qu’une erreur affectant un schéma directeur ne saurait justifier l’annulation du PAG que si elle a eu pour conséquence concrète des choix urbanistiques contraires à l’intérêt général.8 Le tribunal constate cependant que la société demanderesse ne conteste pas le PAG en ce qu’il a classé sa parcelle n° … en zone de base « zone d’habitation 1 [HAB-1] » et en superposition en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », mais limite ses contestations au contenu du schéma directeur en ce qu’il renseigne au sud de la parcelle litigieuse la mise en place d’un « bassin de rétention / eaux pluviales », sans remettre en cause des choix 5 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p. 4.

6 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p.4, et commentaire des articles, ad article 6, p. 24.

7 Trib. adm., 13 juillet 2021, n° 43826 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

8 Trib. adm., 15 avril 2020, n° 42071 du rôle, confirmé par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44457C du rôle, Pas. adm.

2022, V° Urbanisme, n° 36 et les autres références y citées.

pris au niveau du PAG qui seraient contraires à l’intérêt général. Au vu des principes relevés ci-

avant, les éventuelles irrégularités touchant le schéma directeur ne sauraient en l’espèce justifier l’annulation des décisions d’adoption et d’approbation du PAG litigieux.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements de la société demanderesse relatifs à une violation de l’article 13 de la CEDH disposant que « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. », alors qu’au vu du fait que, tel que relevé ci-avant, le contenu du schéma directeur est appelé à orienter le contenu d’un futur PAP NQ, les règles d’urbanisme en découlant feront partie intégrante du PAP NQ et pourront faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans le cadre d’un recours contre le PAP NQ.9 Le droit à un recours effectif est partant garanti et le moyen relatif à une violation de l’article 13 de la CEDH est à rejeter pour être non fondé.

Il en va de même des développements de la société demanderesse tenant à une prétendue incompatibilité de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 avec l’article 95bis de la Constitution.

En effet, l’article 95bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, dispose en son paragraphe 1er que « Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative. […] ».

Aux termes de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996, « Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements. ».

Il s’ensuit que l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 attribue compétence au juge administratif pour connaître des recours dirigés contre des décisions administratives individuelles faisant grief. Or, et tel que retenu ci-avant, le schéma directeur est un acte préparatoire, de sorte à ne pas avoir de caractère décisionnel. Ainsi, l’article 2 (1), précité, n’est pas applicable en l’espèce et ne peut pas non plus être contradiction avec l’article 95bis de la Constitution. Le moyen tenant à une violation des articles 95bis de la Constitution et 2 de la loi du 7 novembre 1996 est dès lors à rejeter pour être non fondé.

Enfin, il convient également de rejeter le moyen relatif à une violation du droit comparé.

En effet, si la jurisprudence étrangère peut, dans certains cas, s’appliquer à titre supplétif ou servir de source d’inspiration au juge administratif pour régler certains incidents de procédure, là où les dispositions légales sur la procédure administrative contentieuse luxembourgeoise sont lacunaires, il n’en est tout de même pas tenu, aucune obligation de transposition n’existant. Ce constat s’impose d’autant plus que la société demanderesse n’explique pas dans quelle mesure les dispositions légales belges qui sont à la base de la jurisprudence du Conseil d’Etat belge seraient similaires voire du moins comparables aux règles issues de la loi du 19 juillet 2004. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour être non fondé.

9 Cour adm., 6 mai 2021, n° 44579C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

ii.

Quant à la violation alléguée des articles 4, 7 et 8 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un projet d’aménagement général, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 » Après avoir cité les articles 4, 7 et 8 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, la société demanderesse fait valoir que le but d’un schéma directeur serait de fixer « le principe de la constructibilité d’une zone définie ainsi que les grandes lignes de son orientation urbanistique ».

Or, à la lecture des articles 4 et 7 dudit règlement grand-ducal, il n’y apparaîtrait aucune nécessité d’arrêter, respectivement de fixer déjà « à ce stade » les bassins de rétention, mais que le schéma directeur devrait juste fixer un concept d’infrastructure, c’est-à-dire une idée générale. D’ailleurs, l’annexe « légende-type du schéma directeur » du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 ne prévoirait « aucunement un sigle pour une indication précise d’un bassin de rétention ».

De l’avis de la société demanderesse, le schéma directeur ne devrait pas contenir d’indication précise concernant un bassin de rétention surtout que les ouvrages de rétention devraient compenser l’imperméabilisation des surfaces urbanisées en régulant le débit issu des surfaces aménagées et qu’« à ce stade ces données, à savoir les surfaces urbanisées et le débit des surfaces aménagées ne [seraient] pas connues ». La réalisation d’un bassin de rétention ne pourrait être fixée et figée à un stade aussi précoce qu’au niveau du schéma directeur. Les données y fixées « hypothèque[raient] » les options urbanistiques à mettre en œuvre au stade du PAP, de sorte à aller dans le sens d’une moins bonne qualité urbanistique.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Le tribunal constate que la société demanderesse allègue une violation des articles 4, 7 et 8 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 en ce que le schéma directeur aurait arrêté la mise en place d’un bassin de rétention sans que cela ne soit nécessaire à ce stade. Or, au regard de ce qui a été retenu ci-avant dans le cadre de l’analyse des contestations dirigées contre le schéma directeur, il doit être admis qu’il s’agit là de moyens à faire valoir dans le cadre d’un recours à diriger le cas échéant contre les décisions d’adoption et d’approbation du PAP-NQ, mais non pas dans le cadre du recours sous analyse. Le moyen afférent est dès lors à rejeter.

iii.

Quant au moyen ayant trait à une violation tant des articles 16 de la Constitution et 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désigné par « le premier Protocole », que de l’article 10bis de la Constitution La société demanderesse soulève tout d’abord une violation des articles 16 de la Constitution et 1er du premier Protocole en ce qu’elle se verrait privée de son droit de propriété.

Elle estime que si l’administration communale souhaitait ériger un bassin de rétention à l’endroit en cause, elle aurait dû, au préalable, procéder à l’acquisition du terrain concerné, le cas échéant par voie d’expropriation.

En ce qui concerne ensuite la violation alléguée de l’article 10bis de la Constitution, elle fait remarquer que le principe d’égalité de traitement interdirait le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. En l’espèce, il ressortirait cependant de la partie écrite du schéma directeur qu’il pourrait y avoir plusieurs PAP, voire plusieurs phasages, ce qui aurait comme conséquence que plusieurs propriétaires seraient exclus de la phase comprenant la réalisation du bassin de rétention, voire même que certains futurs habitants de la commune voisine profiteraient de ces installations. L’installation du bassin de rétention sur sa parcelle entraînerait dès lors une rupture d’égalité de traitement.

En outre, la réalisation du bassin de rétention ferait peser sur elle une charge financière exorbitante, et ce pour les besoins de la collectivité. En effet, le « reclassement » la priverait d’une partie de sa parcelle au profit de tous les propriétaires des parcelles concernées par le PAP NQ.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse rappelle tout d’abord que la superficie visée par le schéma directeur se trouverait sur deux communes différentes et donc également sur deux zones à PAP NQ différentes. Si un bassin de rétention devait réellement être créé « au sud » pour accueillir les eaux pluviales des parcelles limitrophes déjà urbanisées dans la commune de Strassen ou à urbaniser dans la commune de Bertrange, une expropriation de son terrain serait nécessaire alors qu’elle ne bénéficierait aucunement du PAP NQ futur à élaborer sur la commune de Bertrange. Il s’agirait partant « de lui faire peser une charge au profit des autres, sans obliger ces autres à participer à ladite charge ». En effet, elle devrait débourser un montant considérable pour la réalisation du bassin, prix qu’elle ne pourrait pas répercuter sur les propriétaires voisins alors qu’ils se trouveraient dans une autre zone de PAP NQ. Elle se verrait également privée d’un terrain à bâtir, la mise en place de cette infrastructure ayant lieu dans le seul intérêt des propriétaires sis au nord-ouest de la commune de Bertrange, qui ne contribueraient cependant aucunement à sa réalisation. Elle ajoute à cet égard que l’article 7 (1) de la loi du 19 juillet 2004 ne prévoirait pas la possibilité d’élaborer un PAP sur le territoire de plusieurs communes. Même si tel était le cas, elle ne disposerait d’aucune garantie que son terrain serait repris dans un « PAP global » lui permettant de participer à un remembrement urbain qui couvrirait la totalité de la zone à urbaniser, seule hypothèse qui assurerait, selon elle, une égalité de traitement des propriétaires concernés devant les charges publiques.

Les parties communale et étatique concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Le tribunal constate que les développements de la société demanderesse relatifs à une violation tant des articles 16 de la Constitution et 1er du premier Protocole que de l’article 10bis de la Constitution, dans leurs versions applicables en l’espèce, concernent un bassin de rétention figurant sur le schéma directeur, mais non prévu par le PAG. Il s’agit, dès lors, là encore de moyens à faire valoir dans le cadre d’un recours à diriger le cas échéant contre les décisions d’adoption et d’approbation du PAP-NQ, mais non pas dans le cadre du recours sous analyse. Le moyen afférent est partant à rejeter.

iv.

Quant au moyen relatif à un détournement de l’article 34 de la loi du 19 juillet 2004 La société demanderesse cite encore l’article 29 (2) de la loi du 19 juillet 2004 pour argumenter que ce serait à juste titre que « les juridictions administratives [auraient] constaté qu’en principe un PAP ne [pourrait] se départir des orientations dégagées par le [schéma directeur] », tout en se référant à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 20 juin 2019, inscrit sous le numéro 42280C du rôle.

De l’avis de la société demanderesse, même à admettre qu’un schéma directeur puisse prévoir la mise en place de bassins de rétention, - ce qui ne serait pas le cas -, il s’agirait d’ores et déjà d’un détournement de la loi du 19 juillet 2004. Elle cite à cet égard l’article 34 de la loi précitée pour en tirer la conclusion qu’au vu de la topologie des terres sur le site concerné, il serait indéniable que le bassin de rétention serait également réalisé au profit notamment du futur « PAP « … » » sis sur la commune de Bertrange.

Dans son mémoire en réplique, et suite à l’argumentation de la partie étatique qu’elle ne comprendrait pas les explications relatives à ce moyen et celle de la partie communale contestant la démonstration d’un détournement de l’article invoqué, la société demanderesse précise que le bassin à réaliser, d’ores et déjà prévu par le schéma directeur « lequel devrait en principe être suivi par le PAP NQ futur sur la commune de Strassen », serait supposé être réalisé « dans l’intérêt du PAP NQ et « nécessaire » à la viabilité de ce PAP », de sorte que « cette infrastructure serait faite essentiellement au bénéfice de terrains soumis à un autre PAP NQ ». Le bassin en cause serait ainsi destiné à recevoir les eaux pluviales de tous ces terrains situés sur la commune de Bertrange, créant « une infrastructure à STRASSEN, via un PAP NQ sur [son] terrain […], au profit de terrains à BERTRANGE, soumis à un PAP NQ dont aucun […] propriétaire ne [serait] tenu de participer à la création dudit bassin ».

Tant la partie communale que la partie étatique concluent au rejet de ce moyen pour être non fondé.

Le tribunal relève que l’article 34 de la loi du 19 juillet 2004, intitulé « Cession des fonds réservés à la voirie et aux équipements publics nécessaires à la viabilité du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » et du plan d’aménagement particulier « quartier existant » », a trait à la seule mise en œuvre des PAP. Il s’ensuit que le moyen relatif à une violation de l’article 34 de la loi du 19 juillet 2004 est à rejeter pour être dénué de pertinence dans le cadre du présent recours dirigé contre les seules décisions d’adoption et d’approbation du PAG.

Au vu de tout ce qui précède, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens, sans qu’il n’y ait lieu de procéder à une visite des lieux, tel que cela a été suggéré à titre subsidiaire par la partie étatique.

C. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure La société demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Cette demande est à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 19 octobre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46171
Date de la décision : 19/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-19;46171 ?

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