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16/10/2023 | LUXEMBOURG | N°47542

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 octobre 2023, 47542


Tribunal administratif Numéro 47542 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47542 2e chambre Inscrit le 10 juin 2022 Audience publique du 16 octobre 2023 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47542 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2022 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Tribunal administratif Numéro 47542 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47542 2e chambre Inscrit le 10 juin 2022 Audience publique du 16 octobre 2023 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47542 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2022 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Afghanistan), demeurant actuellement à L-…, de Monsieur …, né le … à … (Afghanistan), demeurant actuellement en Afghanistan, de Madame …, née le … à … (Afghanistan), demeurant actuellement en Afghanistan, tous les trois de nationalité afghane, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte des enfants mineurs …, née en …, …, née en …, …, née en …, et …, née le …, tous les quatre de nationalité afghane et demeurant actuellement en Afghanistan, ayant tous élu domicile en l’étude de Maître Ardavan Fatholahzadeh, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 mars 2022 rejetant leur demande de regroupement familial, sinon leur demande d’une autorisation de séjour pour raisons privées, sinon leur demande d’autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2022 par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom de ses mandants, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, et Maître Ardavan Fatholahzadeh ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2023.

En date du 14 juillet 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1 Par décision du 20 juin 2017, remise en mains propres à l’intéressé le18 juillet 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », accorda à Monsieur … le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi qu’une autorisation de séjour valable jusqu’au 19 juin 2022, qui fut renouvelée jusqu’au 14 juin 2027.

Par courrier du 28 septembre 2021, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, principalement une demande de regroupement familial au sens des articles 69 et 70 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », subsidiairement une demande d’autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe (3) de ladite loi et encore plus subsidiairement une demande d’ autorisation de séjour pour raisons privées au sens de l’article 78, paragraphe (1) de la même loi dans le chef de son père Monsieur …, de sa mère Madame …, de ses sœurs …, … et …, ainsi que de son frère ….

Par décision 21 mars 2022, le ministre refusa de faire droit à cette demande sur base des considérations et motifs suivants :

« […] J’accuse bonne réception de votre courrier reprenant l'objet sous rubrique qui m'est parvenu en date du 28 septembre 2021, par lequel vous sollicitez à titre principal une autorisation de séjour en tant que membre de famille, à titre subsidiaire une autorisation de séjour vie privée pour des motifs humanitaires et à titre encore plus subsidiaire une autorisation de séjour vie privée basée sur les liens familiaux dans le chef des membres de famille de votre mandant.

I. Demande de regroupement familial en faveur des parents et de la fratrie de votre mandant Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

En effet, conformément à l'article 73, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, « la demande en obtention d'une autorisation de séjour en tant que membre de la famille est accompagnée des preuves que le regroupant remplit les conditions fixées et de pièces justificatives prouvant les liens familiaux, ainsi que des copies intégrales des documents de voyage des membres de la famille ».

Etant donné qu’à l’exception d’une copie du passeport du père de votre mandant, aucun document traduit concernant les personnes à regrouper a été joint à la demande de regroupement familial, je ne suis pas en mesure d’établir l’identité des personnes à regrouper ni le lien familial entre votre mandant et eux.

Même si conformément à l’article 73, paragraphe (3) : « lorsqu’un bénéficiaire d'une protection internationale ne peut fournir les pièces justificatives officielles attestant les liens familiaux, il peut prouver l’existence de ces liens par tout moyen de preuve. La seule absence de pièces justificatives ne peut motiver une décision de rejet de la demande de regroupement familiale », », il ressort de l’article 70 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration que « l’entrée et le séjour peuvent être autorisés par le ministre 2aux ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans leurs pays d’origine » et que le regroupement familial de la fratrie n’est pas prévu.

Or, il n’est également pas prouvé que les parents de votre mandant sont à sa charge, qu’ils sont privés du soutien familial dans son pays d'origine et qu’ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens.

Par conséquent, l’autorisation de séjour en tant que membre de famille leur est refusée sur base des articles 75 et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée.

[…] II. Demande d’autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité Il y a lieu de soulever que le ressortissant d’un pays tiers doit se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois conformément à l’article 39, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration pour solliciter une autorisation de séjour sur base de l'article 78 (3).

Dans ce contexte, je me permets de citer une partie d’un arrêt de la Cour administrative du 25 juin 2015 (numéro 36058C du rôle) et une partie d’un jugement du 2 décembre 2015 (numéro 35581 du rôle) :

« Cette façon de procéder de la norme communautaire consiste à conférer aux Etats membres une option par rapport à laquelle ceux-ci ont conservé la possibilité d’en faire usage ou de ne pas en faire usage et, dans l’hypothèse où ils en font l’usage, de le faire avec une plus ou moins grande latitude, étant entendu que les raisons de la délivrance du titre de séjour à une personne, par hypothèse en séjour irrégulier, relèvent du spectre humanitaire au sens large. Dès lors, les Etats membres ont gardé la latitude de prendre en considération des motifs du spectre humanitaire au sens large avec plus ou moins d’amplitude et ont dès lors conservé la possibilité d’encadrer plus ou moins strictement la délivrance de pareil titre de séjour, s’agissant par hypothèse de personnes en séjour irrégulier, pourvu toutefois que la base humanitaire n’en fasse pas défaut ».

« En ce qui concerne le refus de qualifier les faits invoqués de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, force est au tribunal de rappeler que cette disposition est le fruit de la transposition de l'article 6 paragraphe 4 de la directive européenne 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, prévoyant la possibilité pour les Etats membres d'accorder un titre de séjour autonome pour des « motifs charitables, humanitaires ou autres » à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Le législateur luxembourgeois en prévoyant à ce titre une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité a limité ce pouvoir discrétionnaire aux cas d'espèces où les faits ou circonstances invoqués sont de nature à léser de manière gravissime des droits fondamentaux de l’Homme ».

3La demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires d’une exceptionnelle gravité dans le chef des intéressés précités et séjournant hors territoire luxembourgeois n'est en conséquence pas recevable.

[…] III. Demande d'autorisation de séjour vie privée basée sur les liens familiaux Vous sollicitez à titre subsidiaire une autorisation de séjour pour raisons privées conformément à l’article 78 de la loi du 29 août 2008 précitée en faveur des membres de famille de votre mandant.

Je suis au regret de vous informer que je ne suis non plus en mesure de faire droit à cette requête. En effet, afin de pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour pour des raisons privées sur base de l’article 78, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 précitée, les intéressés doivent, conformément à l’article 78, paragraphe (2) de la loi, témoigner de ressources suffisantes ainsi que des liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité. Je ne dispose cependant d’aucune preuve que les intéressés remplissent ces conditions.

Je vous rappelle que « l’article 8 de la CEDH garantit seulement l'exercice du droit au respect d’une vie familiale « existante ». Ainsi, la notion vie familiale ne se résume pas uniquement à l'existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective, c'est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres et existante, voire préexistante, à l’entrée sur le territoire national. D’ailleurs une vie familiale n’existe pas du seul fait du soutien financier apporté par une personne à une autre sans qu’aucun autre rapport ne lie les deux personnes. De plus, une personne adulte voulant rejoindre sa famille dans le pays de résidence de celle-ci ne saurait être admise au bénéfice de l’article 8 de la CEDH que lorsqu’il existe des éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux ». Or, aucun document ne témoigne de liens familiaux au-delà d’éventuels liens affectifs normaux entre des membres de famille.

Par ailleurs, les membres de famille de Monsieur … ne remplissent aucune condition qui lui permettrait de bénéficier d’une autorisation de séjour dont les catégories sont fixées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

Par conséquent, l’autorisation de séjour leur est refusée sur base des articles 75 et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 21 mars 2022.

Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de regroupement familial, respectivement d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit en la présente matière, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation sous analyse, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

4A l’appui de leur recours, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision ministérielle pour violation de la loi et erreur d’appréciation, voire erreur manifeste d’appréciation des faits et se prévalent dans ce contexte de l’article 75, paragraphe (2), point c) de la loi du 18 décembre 2015.

Ils citent ensuite l’article 69 de la loi du 29 août 2008 et affirment que les traductions assermentées de leurs pièces d’identité auraient dûment été transmises dans le cadre de la demande initiale de regroupement familial telles que cela pourrait être constaté dans la pièce 2 versée en l’espèce.

Les demandeurs exposent les enseignements qu’il conviendrait de tirer de l’arrêt TB contre Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal, C-519/18 rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », en date du 12 décembre 2019, à savoir que la dépendance à l’égard du regroupant devrait être réelle et établie. Ils ajoutent qu’une personne en situation de précarité pourrait difficilement subvenir aux besoins de sa famille entière et que « l’argument de l’autorité ministérielle en la matière » serait malvenu puisqu’ils auraient transmis la preuve de versements importants envers leur famille.

Ils expliquant que la notion de « famille » serait à interpréter au sens large en Afghanistan, que leur situation familiale serait caractéristique d’une dépendance réelle et établie, et que leurs liens seraient particulièrement forts, de sorte à installer naturellement une solidarité entre eux. Monsieur … ne saurait en effet vivre sans penser à ses parents et à sa fratrie, qui vivraient actuellement dans le besoin, dans un pays où le danger serait permanent.

L’autorité ministérielle ne serait, selon eux, pas dans l’obligation d’accorder systématiquement le regroupement familial à tous les membres de la famille, il serait pourtant nécessaire de préciser que d’autres obligations lui incomberaient, en ce que les dispositions nationales devraient être lues à la lumière de certains principes fondamentaux de droit international et de droit européen, dont notamment ceux destinés à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que l’unité familiale.

Les demandeurs soutiennent que la décision ministérielle violerait l’article 69 de la loi du 29 août 2008, alors que la famille se retrouverait « disloquée par l’abandon de personnes en situation de vulnérabilité », contraintes de rester en Afghanistan où leurs vies seraient en péril.

Tout en se référant au considérant 8 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial, ci-après désignée par « la directive 2003/86 », et à un arrêt de la CJUE du 13 mars 2019 E. contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, C-635/17, les demandeurs soulignent que la CJUE permettrait de faire émerger un objectif de protection accrue des personnes ayant obtenu la protection internationale d’un Etat membre et demandant le regroupement familial, d’autant plus lorsque le regroupement concernerait des mineurs à regrouper impérativement en vertu des principes protégeant l’intérêt supérieur des enfants.

Ils citent encore un jugement du tribunal administratif du 7 décembre 2021, inscrit sous le numéro 45054 du rôle, en expliquant que ledit jugement aurait permis une interprétation moins restrictive de la notion d’ascendants directs que celle appliquée par l’autorité étatique, en permettant aux personnes à charge du demandeur, et qui ne pourraient pas subvenir seuls à 5leurs besoins, notamment les frères et sœurs, de « bénéficier des conditions du regroupement familial ».

Il y serait encore indiqué qu’une interprétation restrictive de l’article 70 de la loi du 29 août 2008 entrerait en contradiction avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CEDH », dont les dispositions orienteraient celles de droit national, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure que Monsieur … serait à considérer comme un membre à part entière de sa famille et comme étant l’unique personne pouvant subvenir aux besoins de cette dernière. De ce fait, il existerait un lien réel, particulier et suffisamment étroit entre lui et les membres de sa famille.

Les demandeurs reprochent encore au ministre d’avoir méconnu l’intérêt supérieur de l’enfant alors que Monsieur … représenterait actuellement la « seule figure parentale » aux yeux de sa fratrie mineure, et ce, autant sur le plan financier que sur le plan émotionnel. La décision ministérielle violerait ainsi les deux premiers paragraphes de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la CIDE » et l’article 75 de la loi du 18 décembre 2015. Les demandeurs soutiennent dans ce contexte que l’Afghanistan demeurerait un pays dangereux pour les femmes, qui seraient en situation de vulnérabilité, et plus particulièrement pour les femmes d’origine Hazaras. Ils citent à cet égard différents articles de presse pour illustrer la situation qui règnerait actuellement en Afghanistan et concluent à l’annulation de la décision litigieuse au nom de l’intérêt de l’unité familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

A titre subsidiaire, les demandeurs se prévalent de l’article 78, paragraphe (1), point (c) de la loi du 29 août 2008 à l’appui de leur demande d’autorisation de séjour pour raisons privées, en soutenant qu’ils auraient toujours vécu ensemble et que Monsieur … aurait fait tout son possible pour que sa famille puisse survivre en Afghanistan. Ils renvoient à l’arrêt du 12 décembre 2019 rendu par la CJUE, précité, pour rappeler que les difficultés financières auxquelles serait confronté ce dernier ne sauraient entraver sa demande de regroupement familial sans violer les dispositions de droit international en la matière. Ils insistent ainsi sur le fait que, dans certaines situations, le demandeur ne saurait être en mesure de prouver qu’il subvient effectivement aux besoins des personnes dont il a la charge en raison de sa situation financière personnelle, et que l’autorité étatique devrait prendre en compte ces difficultés.

Les demandeurs expliquent qu’en l’espèce, Monsieur … aurait fui son pays d’origine en raison du risque d’y subir des traitements inhumains et dégradants et qu’il éprouverait, de ce fait, des difficultés à subvenir à ses propres besoins au Grand-duché de Luxembourg. Il serait inconcevable de lui reprocher que sa famille ne serait pas à sa charge, alors qu’il aurait envoyé « l’ensemble des moyens financiers qu’il pouvait dégager », tel que les pièces versées à l’appui de leur recours l’attesteraient. Il serait dès lors, selon les demandeurs, injuste de ne pas prendre en compte la situation de vulnérabilité de Monsieur … et de le contraindre à abandonner les membres de sa famille à leur sort, de sorte que la décision ministérielle violerait l’article 8 de la CEDH et l’article 3 de la CIDE.

Les demandeurs invoquent également une violation des articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », alors que la décision attaquée empêcherait les quatre enfants mineurs d’avoir droit à une protection et aux soins nécessaires à leur bien-être, ainsi que d’entretenir régulièrement des relations 6personnelles avec leur frère ainé, et estiment que l’intérêt supérieur de ces enfants n’aurait pas été pris en considération.

A titre plus subsidiaire, les demandeurs soutiennent que, contrairement à l’affirmation des autorités luxembourgeoises, une autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité aurait dû leur être octroyée, en raison de la situation politique et économique qui règnerait actuellement en Afghanistan, « pays gangréné par le régime taliban et une crise alimentaire sans précédents » ainsi que de l’exceptionnelle gravité de la situation qui les toucherait.

Ils précisent, enfin, qu’ils ne constitueraient, par ailleurs, aucune menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs expliquent, concernant les arguments de l’autorité ministérielle visant à évincer l’application de l’article 78, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, que l’article 39 de la même loi imposerait aux demandeurs d’une autorisation de séjour d’introduire une demande auprès de l’autorité ministérielle avant l’entrée sur le territoire, hormis les cas expressément cités audit article 78, paragraphe (3). Il s’agirait d’une « obligation incombant uniquement dans les cas susvisés, et qui ne précise[rait] pas s’il existe une obligation inverse d’être sur le territoire pour les exceptions mentionnées, telle que la demande d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires exposé à l’article 78, paragraphe 3, de la même loi ». Leur demande serait de ce fait recevable, alors « qu’aucune condition concernant le dépôt de la demande en dehors ou en dedans le territoire luxembourgeois » n’aurait été fixée par le législateur.

Les demandeurs expliquent que l’ajout de cette condition par l’autorité ministérielle, qui ne serait pas prévue par la loi luxembourgeoise, violerait l’article 3 de la CEDH, combiné aux articles 2, 5, et 8 de cette même convention, dans la mesure où des risques graves de persécution existeraient dans leur chef. En effet, Monsieur … aurait fait l’objet de menaces de la part des talibans parce qu’il aurait travaillé pour le service aérien afghan en 2014, ce qui mettrait également en danger sa famille. Ils invoquent encore le sort qui serait réservé à l’ethnie hazara et aux femmes en Afghanistan, en renvoyant à différents articles de presse et notamment (i) à un communiqué de presse du 12 septembre 2022, publié par le Haut- Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme, (OHCHR) intitulé « Le Conseil des droits de l’homme se penche sur la situation des droits humains, en particulier ceux des femmes et des filles, en Afghanistan », (ii) à un article de l’Organisation suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR) du 14 octobre 2022, intitulé « Afghanistan : derniers développements », (iii) à un article du journal L’Express du 29 mai 2018, intitulé « En Afghanistan, la justice fait toujours défaut aux femmes », (iv) au rapport mondial de Human Rights Watch du 13 janvier 2022, (v) à un article du journal France info du 23 novembre 2022, intitulé « Afghanistan : les filles interdites d’école dès le premier jour de classe », (vi) à un article de presse du 18 mars 2022 de Le Monde, intitulé « En Afghanistan, les talibans interdisent aux femmes non accompagnées d’un parent masculin de prendre l’avion », (vii) à un article du 15 août 2022 d’ONU FEMMES, intitulé « Gros plan : Les femmes en Afghanistan un an après la prise de contrôle par les talibans », (viii) à un article de l’OHCHR du 10 octobre 2022, intitulé « On nous efface », (ix) à un article du journal L’Express du 10 novembre 2022 intitulé « Afghanistan : les talibans interdisent les parcs de Kaboul aux femmes, qui se morfondent ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

7 A titre liminaire, en ce qui concerne la demande de communication du dossier administratif formulée au dispositif de la requête introductive d’instance, force est de constater que concomitamment à son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a versé au greffe du tribunal administratif une copie du dossier administratif comprenant a priori l’ensemble des documents soutenant la décision déférée et que les demandeurs n’ont pas fait état d’éléments qui leur feraient défaut ni d’éléments qui leur permettraient d’affirmer qu’ils n’auraient pas eu communication de l’intégralité du dossier administratif à la base du présent litige, de sorte que cette demande est à rejeter pour ne pas être fondée.

Le tribunal rappelle ensuite qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les demandeurs, mais qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le tribunal constate que la demande de regroupement familial formulée par les demandeurs vise, d’une part, les parents de Monsieur …, à savoir Madame … et Monsieur …, et d’autre part, ses sœurs mineures …, … et …, ainsi que son frère mineur ….

En ce qui concerne d’abord l’article 75 de la loi du 18 décembre 2015, dont les demandeurs sollicitent l’application, celui-ci dispose que « (1) Le bénéficiaire de la protection temporaire peut solliciter le regroupement familial en faveur d’un ou de plusieurs membres de sa famille si la famille était déjà constituée dans l’Etat d’origine et qu’elle a été séparée en raison de circonstances entourant l’afflux massif.

(2) Sont considérés comme membres de la famille au sens du présent article:

a) le conjoint du regroupant;

b) les enfants mineurs célibataires du regroupant ou de son conjoint, qu’ils soient légitimes, nés hors mariage ou adoptés;

c) d’autres parents proches qui vivaient au sein de l’unité familiale au moment des événements qui ont entraîné l’afflux massif et qui étaient alors entièrement ou principalement à charge du regroupant. […] (6) Le ministre peut accorder le regroupement familial aux membres séparés de la famille qui ne sont pas encore présents sur le territoire d’un Etat membre, qui nécessitent une protection et dont il a acquis l’assurance qu’ils correspondent à la description du paragraphe (2), point c), en tenant compte, au cas par cas, des difficultés extrêmes qu’ils rencontreraient si le regroupement ne se réalisait pas. […] ».

Force est de constater que ledit article ne s’applique pas à la situation du regroupant, ce dernier n’étant pas bénéficiaire d’une protection temporaire mais d’une protection internationale depuis le 20 juin 2017, de sorte que le moyen tiré d’une violation dudit article 75 de la loi du 18 décembre 2015 encourt le rejet pour être non fondé.

S’agissant ensuite de l’article 69 de la loi du 29 août 2008, il convient de préciser qu’il dispose que « (1) Le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée, peut demander le regroupement familial des membres de sa famille définis à l’article 70, s’il remplit les conditions suivantes :

1. il rapporte la preuve qu’il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, 8sans recourir au système d’aide sociale, conformément aux conditions et modalités prévues par règlement grand-ducal ;

2. il dispose d’un logement approprié pour recevoir le ou les membres de sa famille ;

3. il dispose de la couverture d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille.

(2) Sans préjudice du paragraphe (1) du présent article, pour le regroupement familial des membres de famille visés à l’article 70, paragraphe (5) le regroupant doit séjourner depuis au moins douze mois sur le territoire luxembourgeois.

(3) Le bénéficiaire d’une protection internationale peut demander le regroupement des membres de sa famille définis à l’article 70. Les conditions du paragraphe (1) qui précède, ne doivent être remplies que si la demande de regroupement familial est introduite après un délai de six mois suivant l’octroi d’une protection internationale. ».

L’article 70 de la loi du 29 août 2008, qui définit les membres de la famille susceptibles de rejoindre un bénéficiaire d’une protection internationale dans le cadre du regroupement familial, dispose que : « (1) Sans préjudice des conditions fixées à l’article 69 dans le chef du regroupant, et sous condition qu’ils ne représentent pas un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, l’entrée et le séjour est autorisé aux membres de famille ressortissants de pays tiers suivants :

a) le conjoint du regroupant ;

b) le partenaire avec lequel le ressortissant de pays tiers a contracté un partenariat enregistré conforme aux conditions de fond et de forme prévues par la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats ;

c) les enfants célibataires de moins de dix-huit ans, du regroupant et/ou de son conjoint ou partenaire, tel que défini au point b) qui précède, à condition d’en avoir le droit de garde et la charge, et en cas de garde partagée, à la condition que l’autre titulaire du droit de garde ait donné son accord.

(2) Les personnes visées aux points a) et b) du paragraphe (1) qui précède, doivent être âgées de plus de dix-huit ans lors de la demande de regroupement familial.

(3) Le regroupement familial d’un conjoint n’est pas autorisé en cas de mariage polygame, si le regroupant a déjà un autre conjoint vivant avec lui au Grand-Duché de Luxembourg.

(4) Le ministre autorise l’entrée et le séjour aux fins du regroupement familial aux ascendants directs au premier degré du mineur non accompagné, bénéficiaire d’une protection internationale, sans que soient appliquées les conditions fixées au paragraphe (5), point a) du présent article.

(5) L’entrée et le séjour peuvent être autorisés par le ministre :

a) aux ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans leur pays d’origine ;

9 b) aux enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé ;

c) au tuteur légal ou tout autre membre de la famille du mineur non accompagné, bénéficiaire d’une protection internationale, lorsque celui-ci n’a pas d’ascendants directs ou que ceux-ci ne peuvent être retrouvés. ».

Les articles 69 et 70 de la loi du 29 août 2008 règlent dès lors les conditions dans lesquelles un ressortissant de pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant de pays tiers résidant légalement au Luxembourg, peut rejoindre celui-ci. L’article 69 concerne les conditions cumulatives à remplir par le regroupant pour être admis à demander le regroupement familial, tandis que l’article 70 définit les conditions à remplir par les différentes catégories de personnes y visées pour être considérées comme membre de famille, susceptibles de faire l’objet d’un regroupement familial.

En ce qui concerne la demande de regroupement familial dans le chef des parents de Monsieur …, il se dégage de l’article 69, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 que lorsqu’un bénéficiaire d’une protection internationale introduit une demande de regroupement avec un membre de sa famille, tel que défini à l’article 70, notamment avec un ascendant en ligne directe au premier degré, dans un délai de six mois suivant l’octroi d’une protection internationale, il ne doit pas remplir les conditions du paragraphe (1) de l’article 69, à savoir celles de rapporter la preuve qu’il dispose (i) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d’aide sociale, (ii) d’un logement approprié pour recevoir le membre de sa famille et (iii) de la couverture d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. Cette demande doit en principe contenir toutes les indications nécessaires concernant les membres de la famille à regrouper et, en vertu de l’article 73, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, être accompagnée des preuves que le regroupant remplit les conditions fixées et de pièces justificatives officielles prouvant les liens familiaux, ainsi que des copies certifiées conformes des documents de voyage des membres de la famille, sous réserve de la dérogation relative aux pièces justificatives officielles établies à l’article 73, paragraphe (3).

Indépendamment de la question de savoir si le regroupant a introduit sa demande de regroupement familial dans le délai légal, accompagnée des preuves nécessaires pour être dispensé des conditions prévues au premier paragraphe de l’article 69 de la loi du 29 août 2008 relatives à sa personne et de l’article 73, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal de constater que les intéressés, tel que soulevé à juste titre par la partie étatique, ne remplissemt pas les conditions cumulatives figurant à l’article 70, paragraphe (5), point a) de la loi du 29 août 2008, à savoir la circonstance que l’ascendant est à charge du regroupant et qu’il est privé du soutien familial nécessaire dans son pays d’origine.

A cet égard, il y a lieu de relever que le ministre dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire ce qui ne doit cependant pas l’empêcher de respecter le principe général de proportionnalité. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire du ministre n’échappe pas au contrôle des juridictions administratives, en ce que le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire. En effet, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et 10éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis. Au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait dès lors entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision1.

En ce qui concerne la question de savoir si Madame … et Monsieur … sont à charge de leur fils, il convient de relever que l’article 70, paragraphe (5) de la loi du 29 août 2008 se limite à imposer que l’ascendant y visé soit « à charge », sans autrement préciser la portée exacte de cette notion que ce soit quant au degré de dépendance financière requis ou encore quant à l’époque à laquelle l’intéressé doit être à charge. Il se dégage néanmoins de la jurisprudence entretemps constante des juridictions administratives qu’afin de pouvoir déterminer le sens de ladite notion, il y a lieu de se référer par analogie aux travaux parlementaires se trouvant à la base de l’élaboration de la loi du 29 août 2008, et plus particulièrement au commentaire de l’article 12 de cette loi concernant le regroupement familial avec un ressortissant communautaire où les auteurs de la loi ont relevé qu’on entend par « être à charge », « le fait pour le membre de la famille […] de nécessiter le soutien matériel de ce ressortissant ou de son conjoint afin de subvenir à ses besoins essentiels dans l’Etat d’origine ou de provenance de ce membre de la famille au moment où il demande à rejoindre ledit ressortissant […] La preuve de la nécessité d’un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du ressortissant communautaire ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l’existence d’une situation de dépendance réelle de celui-ci (CJCE du 9 janvier 2007, affaire C-1-05). » 2.

Il s’ensuit que la notion d’être « à charge » est essentiellement à entendre dans le sens d’un soutien matériel, fourni par le regroupant et nécessité par le membre de la famille pour subvenir à ses besoins essentiels dans son pays d’origine ou de provenance, respectivement que l’absence de ce soutien aurait pour conséquence de priver le membre de la famille des moyens pour subvenir à ses besoins essentiels3.

A ce sujet, le tribunal se doit de constater qu’aucune preuve d’un support matériel que Monsieur … aurait jusqu’à présent apporté à ses parents n’est versée aux débats, permettant d’établir que Madame … et Monsieur … remplissent la première condition d’être « à charge » du regroupant au sens de l’article 70 de la loi du 29 août 2008. En effet, les envois d’argents versés en cause par les demandeurs n’ont été effectués ni au bénéfice de la mère du regroupant, ni au bénéfice de son père. Les demandeurs restent ainsi en défaut de prouver que les parents de Monsieur … se trouvaient, au moment de l’introduction de la demande, personnellement dans un lien de dépendance financière à son égard à un tel point que, sans ce soutien matériel, ils ne pourraient pas subvenir à leurs besoins essentiels dans leur pays d’origine.

Au vu des considérations qui précèdent, les demandeurs ne sauraient en l’état actuel d’instruction du dossier, reprocher au ministre d’avoir retenu que les parents de Monsieur … ne sont pas à considérer comme étant « à charge » de leur fils au sens de la loi.

La première des deux conditions cumulatives de l’article 70 de la loi du 29 août 2008, précité, ne se trouvant pas remplie en l’espèce, il devient surabondant d’examiner le respect de 1 Par analogie : Trib. adm., 8 mai 2017, n° 38205 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 584.

2 Cf. documents parlementaires n° 5802, commentaire des articles, p. 61.

3 Trib. adm., 25 septembre 2013, n° 31593 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

11la deuxième condition tenant à l’existence d’un soutien familial auquel les parents de Monsieur … pourraient prétendre dans leur pays d’origine.

Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où il vient d’être retenu ci-

avant qu’il n’est pas établi que la première condition imposée par l’article 70, paragraphe (5), point a), de la loi du 29 août 2008 est remplie dans le chef des parents de Monsieur …, le refus du ministre d’accorder le regroupement familial dans leur chef n’est a priori pas sujet à critique.

S’agissant ensuite de la demande de regroupement familial en ce qu’elle vise la fratrie de Monsieur …, le tribunal est amené à constater que l’article 70 de la loi du 29 août 2008 ne vise pas la fratrie au titre de membres de la famille susceptibles de faire l’objet d’un regroupement familial avec un regroupant installé au Luxembourg, de sorte que le refus du ministre, visant la fratrie de Monsieur …, n’est dès lors pas non plus sujet à critique au regard des dispositions des articles 69 et 70 de la loi du 29 août 2008.

Partant, c’est a priori à bon droit que le ministre a refusé la demande de regroupement familial aux parents et à la fratrie de Monsieur … au regard des dispositions des articles 69 et 70 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne le moyen fondé sur les articles 7 de la Charte et 8 de la CEDH, dont les termes respectifs sont les suivants « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications […] » et « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. », il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le principe de primauté du droit international, en vertu duquel un traité international, incorporé dans la législation interne par une loi approbative -

telle que la loi du 29 août 1953 portant approbation de la CEDH - est une loi d’essence supérieure ayant une origine plus haute que la volonté d’un organe interne. Par voie de conséquence, en cas de conflit entre les dispositions d’un traité international et celles d’une loi nationale, même postérieure, la loi internationale doit prévaloir sur la loi nationale4, 5.

Partant, si les Etats ont le droit, en vertu d’un principe de droit international bien établi, de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux, ils doivent toutefois, dans l’exercice de ce droit, se conformer aux engagements découlant pour eux de traités internationaux auxquels ils sont parties, y compris la CEDH6.

Etant relevé que les Etats parties à la CEDH ont l’obligation, en vertu de son article 1er, de reconnaître les droits y consacrés à toute personne relevant de leurs juridictions, force est au tribunal de rappeler que l’étranger a un droit à la protection de sa vie privée et familiale en 4 Trib. adm., 25 juin 1997, nos 9799 et 9800 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 décembre 1997, nos 99805C et 10191C, Pas. adm. 2022, V° Lois et règlements, n° 32 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 26 avril 2019, n° 41089 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 471 et les autres références y citées.

6 Voir par exemple en ce sens CEDH, 11 janvier 2007, Salah Sheekh c. Pays-bas, (req. n° 1948/04), § 135, et Trib. adm., 24 février 1997, n° 9500 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 644.

12application de l’article 8 de la CEDH, d’essence supérieure aux dispositions légales et réglementaires faisant partie de l’ordre juridique luxembourgeois7.

Incidemment, il y a lieu de souligner que « l’importance fondamentale »8 de l’article 8 de la CEDH en matière de regroupement familial est par ailleurs consacrée en droit de l’Union européenne et notamment par la directive 2003/86, transposée par la loi du 29 août 2008 et dont le préambule dispose, en son deuxième alinéa, que « Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne pour la protection des droits humains et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. ».

Il échet de conclure de ce qui précède qu’au cas où la législation nationale n’assure pas une protection appropriée de la vie privée et familiale d’une personne, au sens de l’article 8 de la CEDH, cette disposition de droit international doit prévaloir sur les dispositions législatives éventuellement contraires. En ce sens également, une lacune de la loi nationale ne saurait valablement être invoquée pour justifier de déroger à une convention internationale.

A cet égard, il convient de relever qu’en matière d’immigration, le droit au regroupement familial consacré par l’article 8 de la CEDH est reconnu s’il existe des attaches suffisamment fortes avec l’Etat dans lequel le noyau familial entend s’installer, consistant soit en des obstacles rendant difficile de quitter ledit Etat d’accueil ou s’il existe des obstacles rendant difficile de rester ou de s’installer dans l’Etat d’origine. Cependant, l’article 8 de la CEDH ne saurait s’interpréter comme comportant pour un Etat contractant l’obligation générale de respecter le choix par les membres d’une famille de leur domicile commun et d’accepter l’installation d’un membre non national d’une famille dans le pays. En effet, l’article 8 de la CEDH ne garantit pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale et il faut des raisons convaincantes pour qu’un droit de séjour puisse être fondé sur cette disposition.

Concernant plus particulièrement l’hypothèse de personnes adultes désireuses de venir rejoindre un membre de leur famille dans le pays d’accueil, elles ne sauraient être admises au bénéfice de la protection de l’article 8 de la CEDH, qui peut s’étendre également à des frères et sœurs, que lorsqu’il existe des éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine9.

A cet égard, il convient de relever que la notion de vie familiale ne se résume pas uniquement à l’existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres, et existantes, voire préexistantes à l’entrée sur le territoire national et que le but du regroupement familial est de 7 Trib. adm., 8 janvier 2004, n° 15226a du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 471 et les autres références y citées.

8 Voir « Proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial », COM/99/0638 final -

CNS 99/0258, 1er décembre 1999, point 3.5.

9 Cour adm. 15 mars 2015, n° 40345C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 498.

13reconstituer l’unité familiale, avec impossibilité corrélative pour les intéressés de s’installer et de mener une vie familiale normale dans un autre pays.

Or, le tribunal relève que les liens étroits que Monsieur … déclare entretenir avec ses parents et sa fratrie restent à l’état de pure affirmation, les demandeurs n’ayant, en effet, face aux contestations de la partie étatique, rapporté une quelconque preuve de nature à démontrer l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance autres que les liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine et s’étant limités à affirmer l’existence de tels liens, sans fournir une explication concrète à cet égard, et encore moins des justificatifs démontrant l’existence plus particulièrement de contacts réguliers avant l’introduction de la demande de regroupement familial, étant précisé que Monsieur … a quitté son pays d’origine en 2014, qu’il a obtenu sa protection internationale en 2017 et qu’il n’a introduit sa demande de regroupement familial qu’en 2021, soit près de 4 années plus tard.

Dès lors, les demandeurs ne faisant état ni d’une vie familiale effective, ni d’éléments particuliers supplémentaires de dépendance, autres que des liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine permettant d’invoquer le droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH, le moyen y référant est partant rejeté.

Le tribunal relève, à cet égard, que la législation luxembourgeoise n’exclut pas la délivrance d’une autorisation de séjour à des personnes ne pouvant pas être qualifiées de membres de la famille au sens de l’article 70 de la loi du 29 août 2008. En effet, l’article 78, paragraphe (1), point (c) de la même loi, aux termes duquel « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées : […] c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ; », envisage la possibilité pour le ministre d’accorder une autorisation de séjour aux ressortissants de pays tiers ne remplissant certes pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux sont tels que le refus d’autoriser le séjour porterait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée ou familiale, et article rejoignant ainsi les requis de l’article 8 de la CEDH.

Il ressort de l’article précité qu’afin de pouvoir prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées, un demandeur doit tout d’abord remplir les conditions énumérées de manière générale au premier et deuxième paragraphes de l’article 78 précité de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, disposer de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, ainsi que de ressources suffisantes, ces ressources étant définies par règlement grand-ducal. Ensuite, il faut qu’au moins l’une des conditions énumérées aux points a), b) et c) de l’article 78, paragraphe (1) de ladite loi soit remplie, étant précisé que seul le point c) est pertinent en l’espèce.

Le tribunal venant de retenir que les demandeurs n’ont pas fait état d’une vie familiale effective au sens de l’article 8 de la CEDH, il y a lieu de conclure sur base du même raisonnement et à défaut d’éléments supplémentaires fournis par les demandeurs, qu’ils n’ont 14pas non plus établi que le refus de délivrance d’une autorisation de séjour porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée ou familiale au sens de l’article 78, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008.

Force est ainsi au tribunal de constater que les conditions de cette disposition ne sont pas remplies en l’espèce, de sorte que le ministre pouvait, de bon droit, refuser d’octroyer aux parents et à la fratrie de Monsieur … une autorisation de séjour pour raisons privées.

Le moyen basé sur l’article 78, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 encourt, dès lors, le rejet.

Quant au moyen relatif à une violation de l’intérêt supérieur de l’enfant et plus particulièrement de l’article 3, paragraphes (1) et (2) de la CIDE, prévoyant que « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. », ainsi que des articles 7 et 24 de la Charte, force est de relever que ces dispositions ne tiennent pas en échec les dispositions légales relatives aux conditions d’entrée et de séjour au Luxembourg, de même qu’elles ne confèrent pas un droit subjectif à un enfant en l’autorisant à séjourner dans un pays de son choix10, étant, à cet égard, rappelé que non seulement la fratrie n’est pas prévue au titre des membres de la famille au sens de l’article 70 de la loi du 29 août 2008 susceptibles de faire l’objet d’un regroupement familial avec un regroupant installé au Luxembourg, mais également qu’en l’espèce, les frères et sœurs mineurs du regroupant vivent avec leurs parents et que leur frère aîné, Monsieur …, se trouve également en Afghanistan, de sorte qu’à défaut d’éléments concrets mis en avant par les demandeurs permettant de retenir qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants de vivre séparés de leurs parents et de leur frère, la préservation de ce lien doit prévaloir, sans que la simple invocation par les demandeurs de la situation sécuritaire en Afghanistan ne saurait être suffisante pour retenir le contraire.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3, paragraphes (1) et (2) de la CIDE et au sens des articles 7 et 24 de la Charte est également à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant du volet du recours ayant trait à la demande d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, il convient de relever qu’aux termes de l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, « A condition que sa présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au ressortissant de pays tiers. ».

L’article 78, paragraphe (3), précité, permet dès lors au ministre, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, d’accorder un droit de séjour s’il estime que le ressortissant du pays tiers a fait état de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.

10 Cour adm. 1er octobre 2019, n° 42753C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 590.

15 Quant à la condition de l’existence de « motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité » et à la violation de l’article 3 de la CEDH, combiné aux articles 2, 5 et 8 de cette même convention, il y a lieu de rappeler que l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 est le fruit de la transposition de l’article 6, paragraphe (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, prévoyant la possibilité pour les Etats membres d’accorder un titre de séjour autonome pour des « motifs charitables, humanitaires ou autres » à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Le législateur luxembourgeois, en prévoyant à ce titre une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, a limité ce pouvoir discrétionnaire aux cas d’espèce où les faits ou circonstances invoqués sont de nature à léser de manière gravissime des droits fondamentaux de l’Homme.

Afin d’établir l’existence dans leur chef de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, les demandeurs se prévalent en substance de la situation politique et économique de l’Afghanistan et « l’exceptionnelle gravité de sa situation » touchant les demandeurs.

Or, tel que l’a justement soulevé la partie étatique, la personne au profit de laquelle une autorisation de séjour est demandée doit, conformément à l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, afin de pouvoir se voir octroyer ladite autorisation.

En effet, s’il est vrai que l’article 78, paragraphe (3) précité ne reprend pas les termes « en séjour irrégulier », cette prémisse de base conditionne cependant fondamentalement le cas de figure légalement entrevu de l’octroi d’une autorisation de séjour à titre humanitaire.

Cette conclusion s’impose aussi à la lumière d’une lecture combinée des articles 34, 38 et 78 de la loi du 29 août 2008, voire a fortiori dans une approche systémique des lois du 29 août 2008 et du 18 décembre 2015 et de leurs champs d’application respectifs. En effet, l’interaction de ces textes et la logique des choses ne permet pas d’admettre que des ressortissants de pays tiers se trouvant hors du territoire luxembourgeois puissent solliciter depuis l’extérieur une autorisation de séjour à titre humanitaire. Admettre le contraire, c’est-à-

dire admettre que par le truchement d’une demande d’autorisation de séjour à titre humanitaire formulée depuis l'extérieur des Etats de l'Union européenne, serait admettre que la législation européenne relative à l’asile puisse être largement déjouée11.

Force est cependant de constater que les parents et la fratrie de Monsieur … ne se trouvent actuellement pas en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, mais demeurent toujours en Afghanistan, de sorte que le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande d’octroi d’une autorisation de séjour à titre humanitaire dans leur chef.

Le moyen ayant trait à une violation de l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et de l’article 3 de la CEDH, combiné aux articles 2, 5 et 8 de cette même convention est partant rejeté pour être non fondé.

11 Cour adm., 5 décembre 2017, n° 39776C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 583 et les autres références y citées.

16Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours en annulation pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en communication de l’intégralité du dossier administratif ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 16 octobre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47542
Date de la décision : 16/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-16;47542 ?

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