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16/10/2023 | LUXEMBOURG | N°46603

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 octobre 2023, 46603


Tribunal administratif N° 46603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46603 2e chambre Inscrit le 22 octobre 2021 Audience publique du 16 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la société anonyme “A” SA et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46603 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2021 p

ar la société à responsabilité limitée Etude d’avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL, insc...

Tribunal administratif N° 46603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46603 2e chambre Inscrit le 22 octobre 2021 Audience publique du 16 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la société anonyme “A” SA et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46603 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2021 par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, établie et ayant son siège social à L-9234 Diekirch, 30, route de Gilsdorf, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B239498, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Charles Weiler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 25 août 2021 ayant autorisé à la société anonyme “A” SA l’exploitation d’un ensemble d’émetteurs électromagnétiques à … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey Gallé demeurant à Luxembourg, du 28 octobre 2021, portant signification de ce recours 1) à la société anonyme “A” SA, établie et ayant son siège social à L-8070 Bertrange, 18, rue du Puits Romain, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B19669, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et 2) à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à L-2090 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2021 par la société anonyme Schiltz & Schiltz SA, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1610 Luxembourg, 24-26, avenue de la Gare, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220251, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Anne Ferry, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme “A” SA, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2021 par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2022 par Maître Arsène Kronshagen, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2022 par la société anonyme Schiltz & Schiltz SA, au nom de la société anonyme “A” SA, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2022 par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL, au nom de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2022 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2022 par la société anonyme Schiltz & Schiltz SA, au nom de la société anonyme “A” SA, préqualifiée ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de la société à responsabilité limitée Etude d’avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL, préqualifiée, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2023, pour le compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que l’arrêté critiqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Biltgen, Maître Anne Ferry et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2023, Maître Arsène Kronshagen s’étant excusé.

_____________________________________________________________________________

En date du 29 septembre 2020, un « Avis au public - Avis en matière de commodo et incommodo », concernant plusieurs demandes en vue de différentes autorisations d’exploitation dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », fut publié par l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après désignée par « l’administration communale », dans le journal Luxemburger Wort.

Par courrier recommandé avec accusé de réception datant du 16 octobre 2020, Monsieur … introduisit une réclamation à l’encontre de la demande d’autorisation d’exploitation « Etablissement de la classe 1 : Exploitation d’un site d’installations radiotechniques sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro … de la section … de la Ville Haute et sise … » auprès de l’administration communale, restée sans réponse.

Par arrêté du 25 août 2021, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », autorisa la société anonyme “A” SA, ci-après désignée par « la société “A” », d’exploiter à L-… un ensemble d’émetteurs électromagnétique, ledit arrêté, lequel a été notifié à Monsieur … par courrier recommandé du 10 septembre 2021, a la teneur suivante :

« […] Vu la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ;

Considérant la demande du 9 juillet 2020, présentée par “A” S.A., aux fins d’obtenir l’autorisation d’exploiter à L-…, LUREF: …, …, sur la toiture d’un immeuble, les établissements classés suivants :

[…] Considérant l’arrêté 3/17/0062 du 20 juillet 2017, délivré par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, autorisant la société “A” S.A. à exploiter un site d’installations radioélectriques fixe situé dans la commune de LUXEMBOURG ;

Considérant que l’objet du dossier de demande concerne :

- l’ajout de fréquences de la technologie 5G-700 MHz et de la technologie 5G-3,6 GHz ;

- la modification de la puissance à l’entrée des antennes des technologies 2G, 3G et 4G ;

- le remplacement d’antennes ;

Considérant le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés ;

Considérant la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement ;

Considérant le règlement grand-ducal du 25 janvier 2006 déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel stations de base pour réseaux publics de communications mobiles ;

Considérant le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, notamment son article 191 relatif à la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement et disposant que la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement est fondée entre autres sur les principes de précaution et d’action préventive afin de contribuer à un niveau de protection élevé ;

Considérant la recommandation du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz) (1999/519/CE) ;

Considérant l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 10 novembre 2020 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de de LUXEMBOURG ;

Considérant que pendant le délai légal d’affichage, des observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;

Considérant que ces observations trouvent leur retombée dans les conditions de l’arrêté pour autant que la législation sur les établissements classés constitue une base habilitante ;

Considérant que ces observations se réfèrent au déploiement de la technologie de téléphonie mobile de la 5e génération ; qu’en application du principe de précaution la période d’exploitation est limitée dans le temps et l’intensité du champ électrique est limitée à 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens ;

Considérant que la somme des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes de l’ensemble du site d’installations radioélectriques est supérieure à 2.500 W ;

Considérant que, conformément à l’article 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, les compétences en matière d’autorisation du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions se limitent aux établissements des classes 1, 1B, 3 et 3B selon le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 ; que le présent arrêté est donc limité à ces établissements classés ;

Considérant qu’en raison d’une approche intégrée, l’arrêté relatif à l’établissement délivré antérieurement et étant actuellement encore en vigueur est intégré dans le présent arrêté ;

que par conséquent l’arrêté 3/17/0062 du 20 juillet 2017 est à abroger ;

Considérant qu’en application du principe de précaution la période d’exploitation est limitée dans le temps et l’intensité du champ électrique est limitée à 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens ; que les normes définissant la méthodologie de mesurage du champ électrique en provenance des antennes du service radiocommunication téléphonie mobile utilisant la technologie massive MIMO (massive multiple input multiple output) et la technologie des faisceaux dirigeables se trouvent pour l’instant encore en procédure d’officialisation ;

Considérant que les conditions imposées dans le cadre du présent arrêté sont de nature à limiter les nuisances sur l’environnement à un minimum ;

Que partant il y a lieu d’accorder l’autorisation sollicitée, ARRÊTE:

Article 1er : Cadre légal L’autorisation sollicitée en vertu de la législation relative aux établissements classés est accordée sous réserve des conditions reprises aux articles subséquents.

Article 2 : Domaine d’application 1. Objets autorisés a) Dans le cadre du présent arrêté, le terme « établissement classé » se rapporte aux établissements, installations et activités à risques potentiels repris dans la nomenclature et classification des établissements classés. Font partie intégrante d’un établissement classé toute activité et installation s’y rapportant directement, susceptible d’engendrer des dangers ou des inconvénients à l’égard des intérêts environnementaux repris à l’article 1er de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.

b) Sont autorisés les établissements classés suivants :

N° de nomenclature Désignation sites d’installations radioélectriques fixes*, dont la somme des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes est de 3.680,87 W 500101 02 * endroit fixe où sont installées sur une même parcelle cadastrale une ou plusieurs installations radioélectriques de la même technologie 2. Emplacement L’établissement classé ne peut être aménagé et exploité qu’à l’emplacement suivant :

Adresse L-… Cadastre Luxembourg, Section … de la Ville Haute … Installation sur la toiture d’un immeuble Site Opérateur Radiotechnique Site L0488 LUREF 76933, 74995 □ nouveau site □ nouvel opérateur sur site existant  site existant Technologie autorisées  2G  3 G  4G  5G LUREF du point de mesure du champ électrique global PM/EM/355 76989, 74974 3. Conformité à la demande Les établissements classés doivent être aménagés et exploités conformément à la demande du 9 juillet 2020 sauf en ce qu’elle aurait de contraire aux dispositions du présent arrêté. Ainsi la demande fait partie intégrante du présent arrêté. L’original de la demande, qui vu sa nature et sa taille, n’est pas jointe au présent arrêté, peut être consultée par tout intéressé au siège de l’Administration de l’environnement, sans déplacement.

4. Délais et limitation dans le temps a) Le site d’installations radioélectriques fixes doit être mis en exploitation dans un délai de 36 mois à compter de la date du présent arrêté.

b) L’exploitant doit communiquer préalablement à l’Administration de l’environnement la date du début de l’exploitation des divers établissements classés.

c) L’exploitation des fréquences 5G : 700 MHz et 3,6 GHz est limitée à une durée de 12 mois à compter de la date de mise en exploitation des installations.

Article 3 : Conditions fixées en vertu de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés […] 2. Conditions spécifiques […] 2.1.3. Limitation des émissions d’ondes électromagnétiques en provenance des sites radiotechniques de la téléphonie mobile a) En ce qui concerne l’ensemble des éléments rayonnants du service radiocommunication téléphonie mobile utilisant la technologie massive-MIMO (massive-multiple input multiple output) et la technologie des faisceaux dirigeables, l’apport au champ électrique global doit être inférieur ou égal à 3 V/m, moyenne des valeurs effectives (RMS, route mean square) dans les lieux où peuvent séjourner des gens. La moyenne des valeurs effectives est formée sur un intervalle de temps de 6 minutes. Le rapport entre l’amplitude du pic du signal et la valeur effective (facteur de crête) du signal mesuré doit rester inférieur à 2.

b) En ce qui concerne les éléments rayonnants du service radiocommunication téléphonie mobile n’utilisant ni la technologie massive-MIMO (massive-multiple input multiple output) ni la technologie des faisceaux dirigeables, l’apport au champ électrique global doit être inférieur ou égal à 3 V/m, valeur maximale dans les lieux où peuvent séjourner des gens.

c) Pour des raisons de précaution, les effets athermiques pouvant résulter d’un émetteur d’ondes électromagnétiques ne doivent pas engendrer des risques pour l’environnement humain.

d) L’exploitant doit tenir un registre contenant les paramètres d’exploitation du site radioélectrique. Ce registre doit être tenu à disposition des agents de contrôle. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté précité.

Etant donné que l’article 19, alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999 prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

I. Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, l’administration communale a soulevé l’irrecevabilité du présent recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur. A l’appui de ce moyen, elle soutient que l’intérêt ne consisterait pas en un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecterait négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui pourrait partant titrer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif, tout en se référant à ce propos à un arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2009, inscrit sous les numéros 23857C et 23871C du rôle. Ainsi, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative devrait justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. En l’espèce, même si la proximité du voisinage constituait un indice pour établir un intérêt à agir, elle ne suffirait pas à elle seule pour le fonder. Il faudrait encore que l’inobservation éventuelle « de ces règles » soit de nature à entraîner une aggravation concrète de la situation des voisins. Or, à part le fait d’indiquer que la direction des rayonnements serait exclusivement braquée sur son appartement et sur son balcon, les préjudices invoqués par Monsieur … constitueraient de pures allégations, en ce qu’il resterait en défaut de prouver que la décision administrative affecte négativement sa situation, et ce de manière concrète.

Dans son mémoire en réponse, la société “A” se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Il y a lieu de relever qu’afin de sous-tendre son intérêt à agir contre l’autorisation litigieuse du 25 août 2021, le demandeur a expliqué dans la requête introductive d’instance que son appartement se trouverait au dernier étage de l’immeuble sis à …, de sorte à se situer à une distance inférieure à 3 mètres du lieu d’implantation d’installations radiotechniques projeté, à savoir sur la toiture de l’immeuble adjacent sis à …. La direction des rayonnements serait exclusivement braquée sur son appartement, voire sur son balcon, ce qui aurait comme conséquence qu’il serait directement et inévitablement exposé aux pulsations et fréquences des champs électromagnétiques. Or, comme des études scientifiques récentes, sinon plus anciennes, établiraient l’existence d’effets nocifs sur la « santé humaine, végétale et animale », il aurait un intérêt manifeste à agir contre l’arrêté déféré, dans la mesure où sa santé serait mise en danger suite à l’installation d’ondes électromagnétiques supplémentaires sur le site litigieux.

Dans son mémoire en réplique, il ajoute qu’au vu de la distance, de la puissance et de la directivité des rayonnements émanant des différentes antennes sur sa propriété, il serait exposé à des risques à tout le moins potentiels pour sa santé, de sorte à justifier d’un intérêt suffisant, sa situation personnelle se trouvant aggravée du fait des installations radioélectriques dont question.

Il convient de relever qu’en matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif.1 Autrement dit, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.2 Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences.3 En matière d’établissements classés, les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé.4 En effet, pour être recevable à exercer un recours en matière administrative, le demandeur doit pouvoir se prévaloir d’une lésion à caractère individuel dérivant directement de l’acte attaqué et distinct de l’intérêt général.5 En l’espèce, force est de constater que la parcelle du demandeur, se situant au numéro … à …, et celle accueillant les émetteurs électromagnétiques, se situant au numéro … de la même …, sont adjacentes, fait d’ailleurs non contesté par les parties défenderesse et tierces intéressées.

Il ressort encore des pièces versées en cause par le demandeur que le lieu d’implantation des antennes litigieuses se situe à quelques mètres de son balcon. Dans la mesure où il n’est, par ailleurs, pas contesté que les antennes litigieuses projettent un certain rayonnement et au vu de leur proximité avec la propriété du demandeur, le tribunal est amené à retenir que celui-ci justifie d’un intérêt personnel et direct suffisant pour agir contre l’arrêté, précité, du 25 août 2021.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation de l’administration communale consistant à dire que le demandeur n’apporterait pas la preuve que la décision administrative affecterait négativement sa situation est à rejeter, alors qu’une telle analyse, consistant à apprécier s’il existe un risque potentiel pour la santé du demandeur trouvant son origine dans l’ensemble 1 Cour adm., 14 juillet 2009, n°s 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.

3 En ce sens : trib. adm., 7 novembre 2016, n°s 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 14 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 131 et les autres références y citées.

5 En ce sens : trib. adm., 24 mars 1997, n° 9577 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 161 et les autres références y citées.

d’émetteurs électromagnétiques devant être exploités sur la propriété adjacente, requiert du tribunal qu’il examine le fond de l’affaire, étant relevé que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit, en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés.

Sur base des considérations qui précèdent, le moyen tiré d’un défaut d’intérêt à agir est dès lors à rejeter.

En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité soulevés, le recours principal en réformation est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

II. Quant au fond En droit, le demandeur reproche au ministre une violation du principe de précaution tel que consacré par l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui aurait pour spécificité de prendre en compte des catégories de risques pesant sur la santé ou l’environnement lesquels auraient comme caractéristique de pouvoir être incertains. Toutefois, même l’absence de certitude scientifique quant à l’existence et/ou la portée d’un risque pour la santé et/ou l’environnement ne pourrait être un obstacle à l’adoption de mesures visant à prévenir ce risque.

Le demandeur rappelle qu’il habiterait à moins de 3 mètres du lieu d’implantation des installations radioélectriques de la 5e génération, voire des antennes d’ores et déjà présentes dont la puissance à l’entrée des antennes des technologies 2G, 3G et 4G serait modifiée, respectivement considérablement augmentée. Différentes études scientifiques établiraient l’existence d’effets nocifs sur la santé humaine, végétale et animale, tout en précisant que des malformations auraient été constatées sur des animaux domestiques se trouvant à une proximité accrue de telles installations.

Le demandeur soutient dans ce contexte que des centaines de chercheurs indépendants auraient démontré l’impact sanitaire des émissions électromagnétiques sur l’Homme et sur l’environnement. Ainsi, le rapport intitulé « Rapport BioInitiative, Arguments pour des seuils de protections du public fondés sur les effets biologiques des rayonnements électromagnétiques (EBF et MO) » du 31 octobre 2007, actualisé le 7 janvier 2013 par le rapport « BioInitiative 2012 Report Issues New Warnings on Wireless and EMF », ci-après désigné par « le rapport BioInitiative », dressé par 29 scientifiques provenant de 10 pays, aurait « recensé des milliers d’études allant dans ce sens ». Une synthèse de ces études aurait été présentée et exposée devant la Commission de l’Environnement du Conseil de l’Europe en mai 2011 dans le rapport intitulé « Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement », lequel classerait les champs électromagnétiques comme potentiellement cancérigènes pour l’Homme, en ce qu’il existerait un risque accru de gliome, c’est-à-dire un cancer du cerveau, de sorte qu’il importerait d’effectuer des recherches supplémentaires et de prendre entretemps des mesures pratiques afin de réduire l’exposition.

Monsieur … ajoute qu’il existerait à l’heure actuelle une « dispute scientifique » entre les chercheurs « orchestrés » par l’industrie et les chercheurs neutres et indépendants. En effet, les premiers ne feraient mention que d’un risque thermique, nonobstant le fait que des milliers d’études concluraient à des risques biologiques, notamment sur les cellules humaines.

Il renvoie encore à une analyse scientifique intitulée « Le déploiement de la 5G entraînera une augmentation massive de l’exposition involontaire et incontournable au rayonnement sans-

fil », publiée par 5G Space Appeal, dont la date de publication n’est pas renseignée. Il s’agirait d’un « appel international » sollicitant l’arrêt du déploiement de la 5G alors que les effets nocifs des radiations de fréquence seraient accablants et fortement préjudiciables pour la santé humaine, causant des effets graves et irréversibles sur les êtres humains et des dommages permanents à tous les écosystèmes terrestres. Le demandeur en conclut que le risque pouvant résulter de l’exposition aux champs électromagnétiques serait établi.

Monsieur … poursuit en soulevant que l’intensité maximale du champ électrique de 3 V/m, norme actuelle édictée par les autorités luxembourgeoises, ne serait pas suffisamment protectrice de la santé publique. En effet, les experts à l’origine du rapport BioInitiative définiraient une « valeur limite de précaution de 0.1 µW/cm2 (c’est-à-dire 0.614 V/m) à adopter pour ce qui est de l’exposition extérieure et cumulative aux radiofréquences », afin d’éviter au mieux un impact significatif sur la santé et le bien-être.

Il met à cet égard en exergue que le principe de précaution s’imposerait tant au ministre qu’à l’administration communale. Son application reposerait, en effet, sur un risque potentiel, mais étayé, c’est-à-dire dont la plausibilité serait soutenue par des retours d’expérience, sans qu’il ne soit toutefois exigé un risque avéré, alors que la précaution serait relative à des risques potentiels, tandis que la prévention viserait des risques avérés. Le demandeur se réfère à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 20 décembre 2007, inscrit sous le numéro 23140C du rôle.

En citant un autre arrêt de la Cour administrative du 1er avril 2003, inscrit sous le numéro 15498C du rôle, selon lequel « […] en cas de danger avéré pour la santé des individus ou pour l’environnement, même une impossibilité absolue d’éliminer ce danger ou des coûts prohibitifs pour ce faire ne sauraient légitimer une telle activité dangereuse et justifier des autorisations administratives afférentes […] », le demandeur rappelle que son appartement se situerait à moins de 3 mètres du lieu d’implantation des ondes électromagnétiques, de même que les rayonnements viseraient directement sa propriété, de sorte à être exposé à des risques potentiels, notamment en tenant compte de la « directivité » des rayonnements émanant des différentes antennes sur sa propriété.

Monsieur … reproche ainsi au ministre de ne pas avoir respecté, sinon de ne pas avoir suffisamment pris en compte les objectifs tels que fixés dans la loi du 10 juin 1999, à savoir la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements, la protection de la sécurité, de la salubrité et de la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail ainsi que de l’environnement humain et naturel et de promotion d’un développement durable. Ce non-respect aurait pour conséquence la violation du principe de précaution.

Dans son mémoire en réplique, il rappelle que le principe de précaution viserait à imposer aux « décideurs » de prendre des mesures de protection lorsque les preuves scientifiques relatives à un danger pour la santé humaine et/ou l’environnement seraient incertaines et que les enjeux seraient importants.

En ce qui concerne le reproche des parties défenderesse et tierces intéressées que les risques potentiels invoqués ne seraient pas étayés, il donne à considérer qu’il aurait versé différentes études scientifiquement reconnues lesquelles démontreraient les dangers voire les effets nocifs de l’exposition prolongée à des champs électromagnétiques pour l’organisme humain. Il aurait ainsi été retenu dans le rapport BioInitiative, prémentionné, au sujet de la téléphonie mobile et d’autres radiofréquences, des taux anormalement élevés de tumeurs du cerveau et de neurinomes de l’acoustique, des effets sur le système nerveux et le fonctionnement cérébral, des effets sur les gènes, sur les protéines de stress cellulaire et sur le système immunitaire.

En outre, la résolution 1815 du Conseil de l’Europe de 2011, intitulée « Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement », démontrerait les effets potentiels, sur la santé, des champs magnétiques de très basse fréquence entourant les lignes et appareils électriques, lesquels feraient « actuellement » toujours l’objet de recherches.

Le demandeur continue en soulevant que même si on ne disposait à l’état actuel pas de preuves scientifiques irrécusables de l’existence d’effets biologiques à des puissances inférieures aux limites légales actuellement admises, et en particulier en cas d’exposition prolongée, voire permanente à un « wattage » élevé, il ne serait pas possible d’exclure des effets de santé négatifs.

Monsieur … conteste encore les normes invoquées par le délégué du gouvernement et la société “A”, à savoir l’intensité maximale de 3V/m, alors qu’elles ne seraient nullement suffisantes pour garantir une protection adéquate et proportionnée contre les champs électromagnétiques. L’arrêté prévoirait l’installation et l’exploitation d’un ensemble d’émetteurs électromagnétiques se composant de 6 émetteurs, en supplément de ceux déjà présents sur le même site, dont chacun alimenterait 64 antennes, soit 384 au total, de sorte à intensifier le risque potentiel pour sa santé. La somme des puissances à l’entrée des différentes antennes serait de 3.680,87W, celle d’un téléphone portable étant limitée à 2W. Cette puissance élevée à une distance de quelques mètres, de même que l’impulsion et la fréquence à laquelle il serait exposé en raison de la densité d’un tel réseau d’antennes, serait considérable et constituerait un réel danger pour sa santé. A l’analyse des illustrations contenues dans le dossier de consultation publique au sujet de la 5G, il se serait avéré que les points de mesurage se trouveraient à une certaine distance des antennes, à savoir à 20m, 50m et 80m. Cependant, aucun mesurage n’aurait été effectué à une distance de 3 à 5m.

En ce qui concerne la référence faite par les parties défenderesse et tierces intéressées à la recommandation européenne 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz), ci-après désignée par « la recommandation européenne 1999/519/CE », par rapport aux valeurs limites d’exposition aux champs électromagnétiques, Monsieur … donne à considérer que ces limites d’exposition n’auraient pas de caractère contraignant pour les Etats membres de l’Union européenne et qu’elles auraient été contestées à de multiples reprises par de nombreux scientifiques lesquels auraient sollicité auprès de la Commission européenne une révision de la base scientifique et du bien-fondé des limites fixées pour les champs électromagnétiques dans la recommandation en question.

Enfin, le demandeur conteste que « les niveaux à respecter s[eraient] garantis à tout moment de l’exploitation » tel que soutenu par le délégué du gouvernement, une telle preuve faisant, selon lui, défaut, de même que la jurisprudence invoquée par la société “A” n’exempterait pas les autorités compétentes à respecter le principe de précaution auquel elles devraient se conformer en toute hypothèse.

Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent chacune au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève que le demandeur avance comme seul moyen à l’appui de son recours la violation du principe de précaution par le ministre.

L’article 1er de la loi du 10 juin 1999 déterminant l’objet et le champ d’application de la réglementation relative aux établissements classés, dispose que « 1. La présente loi a pour objet de :

- réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements ;

- protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des salariés au travail ainsi que l’environnement humain et naturel ;

- promouvoir un développement durable.

2. Sont soumis aux dispositions de la présente loi tout établissement industriel, commercial ou artisanal, public ou privé, toute installation, toute activité ou activité connexe et tout procédé […] dont l’existence, l’exploitation ou la mise en œuvre peuvent présenter des causes de danger ou des inconvénients à l’égard des intérêts dont question au point 1. […] ».

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 13 de la loi, précitée, du 10 juin 1999, « Les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et en matière de protection des personnes.

Ces autorisations peuvent être limitées dans le temps et peuvent fixer le délai dans lequel l’établissement devra être mis en exploitation.

Si une norme de qualité environnementale nécessite des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles, des conditions supplémentaires sont notamment requises par l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. ».

Il convient de relever qu’un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformé ou annulé en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application.6 Cette règle s’applique plus particulièrement en matière d’établissements classés, de sorte qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que de tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices que ces tiers intéressés déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse ne sont pas de nature à leur 6 Trib. adm., 16 juillet 2023, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 157 et les autres références y citées.

donner satisfaction. En effet, ce n’est que dans ces conditions que le tribunal peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi en matière d’établissements classés, le caractère approprié des conditions fixées par l’autorisation litigieuse et ordonner, le cas échéant, au cas où il estime ne pas disposer de toutes les connaissances techniques nécessaires, une expertise technique.7 En ce qui concerne plus particulièrement le principe de précaution, il se trouve à la base des dispositions de la loi du 10 juin 1999 et plus particulièrement de son article 1er, sous l’aspect des objectifs à atteindre, et 13, du point de vue des moyens à déployer en vue de la réalisation de ces objectifs, en ce sens que l’invocation de ce principe ne saurait suffire pour combler l’absence par la partie requérante de fournir des éléments permettant de mettre en cause utilement et précisément les seuils par elle visés.8 Loin d’exclure péremptoirement la prise de tout risque, connu ou inconnu, et d’imposer l’abstention face à toute activité qui comporte un risque, le principe de précaution, tel qu’il est d’ailleurs consacré par l’article 191 du TFUE, invoqué en l’espèce, impose d’éliminer les risques dans la mesure du possible, et d’encadrer les activités qui comportent un risque qui ne peut pas être mesuré dans le sens d’en réduire au maximum les effets nocifs potentiels. En toute hypothèse, l’absence de certitudes ne doit ni conduire à un immobilisme, ni dispenser de l’adoption de mesures effectives et proportionnées à un coût économiquement acceptable, étant entendu qu’en cas de danger avéré pour la santé des individus ou pour l’environnement, même une impossibilité absolue d’éliminer ce danger ou des coûts prohibitifs pour le faire ne sauraient légitimer une telle activité dangereuse et justifier des autorisations administratives afférentes. 9 Il échet encore de relever que l’application du principe de précaution repose sur un risque potentiel, mais étayé, c’est-à-dire dont la plausibilité est soutenue par des retours d’expérience, mais n’exige pas un risque avéré, la précaution étant en effet relative à des risques potentiels, tandis que la prévention est relative à des risques avérés.10 En l’espèce, il se dégage de l’autorisation délivrée par le ministre qu’en application du principe de précaution, la période d’exploitation est limitée dans le temps, plus particulièrement, en vertu de l’article 2, point 4 de ladite autorisation, l’exploitation des fréquences 5G de 700 MHz et 3,6 GHz est limitée à une durée de 12 mois à compter de la date de mise en exploitation des installations, de même qu’en vertu de son article 3, point 2.1.3., l’intensité du champ électrique est limitée à 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens. S’y ajoute que différentes conditions spécifiques ont encore été fixées dans l’autorisation litigieuse à l’article 3, point 2.1.3 intitulé « Limitations des émissions d’ondes électromagnétiques en provenance des sites radiotechniques de la téléphonie mobile », tel que reproduit ci-dessus.

Selon les explications fournies par la partie étatique confirmée par la partie communale et la société “A”, ces précautions ont été prises suite à une évaluation des fréquences radioélectriques émises lors de l’exploitation du site en question, à savoir un site radiotechnique se composant de six antennes de téléphonie mobile rayonnant dans trois directions différentes et totalisant une puissance à l’entrée de l’ensemble des antennes, évaluation dont il n’est pas contesté qu’elle a été 7 Trib. adm., 16 juillet 2023, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etablissements classés, n° 165 et les autres références y citées.

8 Cour adm., 12 juillet 2007, n° 22717C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etablissements classés, n° 90.

9 Trib. adm., 16 mai 2022, n° 13754 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etablissements classés, n° 88 et les autres références y citées.

10 Trib. adm., 23 mai 2007, n° 21520 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etablissements classés, n° 89 et les autres références y citées.

faite en tentant compte principalement de trois sources importantes, à savoir l’International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP), l’Organisation mondiale de Santé (OMS) et la recommandation 1999/519/CE. Il y a, à cet égard, lieu de constater que la recommandation 1999/519/CE, à laquelle se réfèrent les parties défenderesse et tierces intéressées pour justifier la limite de 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens, qui a été adoptée par le Conseil de l’Union européenne, tenu par le principe de précaution selon l’article 191 du TFUE, et dont les propositions ont été adoptées par les Etats membres limitrophes, recommande un seuil de valeurs limites maximales encore plus restrictif que celui recommandé par l’ICNIRP et auquel se réfère également l’OMS qui se rallie aux travaux scientifiques de l’ICNIRP.

Dans la mesure où le ministre a pris des mesures pour limiter l’effet nuisible et réduire les risques en ramenant l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques en provenance des émetteurs de la téléphonie mobile à un niveau suffisamment bas pour que, de manière non contestée, les limitations proposées au niveau européen, notamment par la recommandation 1999/519/CE soient respectées à tout moment, il ne saurait se voir reprocher en l’espèce une violation du principe de précaution.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation du demandeur selon laquelle (i) les Etats membres ne seraient pas tenus par la recommandation 1999/519/CE et (ii) la valeur de 3 V/m ne serait pas assez protectrice de la santé publique et notamment pas de la sienne au vu de la distance de quelques mètres seulement entre son appartement et le lieu d’implantation des antennes.

En effet, le tribunal relève tout d’abord qu’il s’est d’ores et déjà prononcé dans le passé quant à l’importance à attribuer aux trois sources internationales sur lesquelles s’est fondée le ministre en l’espèce, et plus particulièrement à la recommandation 1999/519/CE, qui certes n’est qu’une recommandation, mais qui a cependant été établie conformément au principe de précaution et dont les propositions ont été adoptées par les Etats membres limitrophes au Luxembourg11 et qu’il n’entend pas se départir de cette conclusion, ce d’autant plus que l’ICNIRP a procédé récemment, en 2020, à une réévaluation de ses recommandations et n’a rien changé dans son appréciation.

Le tribunal constate dans ce contexte, à l’instar de la société “A”, que le rapport BioIniative, - auquel se réfère le demandeur pour sous-tendre son argumentation selon laquelle l’intensité maximale du champ électrique à 3 V/m ne serait pas suffisamment protectrice de la santé publique, ledit rapport préconisant une valeur limite de 0,614 V/m -, n’est pas suffisant pour remettre en cause les études scientifiques utilisées comme référence pour procéder en l’espèce à l’évaluation des fréquences radioélectriques en l’espèce et pour fixer les conditions retenues dans l’autorisation déférée. En effet, le rapport en question, émis en 2007 et actualisé en 2012, est un rapport isolé ayant également fait l’objet de critiques, tandis que les autres documents versés en cause par le demandeur sont majoritairement des articles de presse, sinon un témoignage, respectivement une lettre ouverte, lesquels ne peuvent être considérés comme des rapports scientifiques permettant d’étayer un risque potentiel pour la santé qui ne serait pas suffisamment couvert par les conditions fixées dans l’autorisation. Il en va de même de la résolution 1815 sur laquelle se base encore Monsieur … et à la lecture de laquelle il ne peut pas être conclu qu’elle recommande expressément de revoir la limite de 3 V/m à la baisse, puisqu’elle se contente, en effet, de donner des recommandations générales, sinon spécifiques pour l’utilisation individuelle du téléphone portable.

11 En ce sens : trib. adm., 20 janvier 2011, n°s 26928 et 26929 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

Comme le demandeur reste en défaut d’apporter une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée pour établir un risque potentiel qui ne serait pas couvert par les conditions fixées dans l’autorisation litigieuse, le moyen tenant à une violation du principe de précaution est à rejeter.

Il suit des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours est à déclarer non fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, telle que formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est également à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, Annemarie Theis, premier juge et lu à l’audience publique du 16 octobre 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46603
Date de la décision : 16/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-16;46603 ?

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