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11/10/2023 | LUXEMBOURG | N°46830

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2023, 46830


Tribunal administratif N° 46830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46830 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2021 Audience publique du 11 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46830 du rôle et déposée le 27 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à …, ayant élu domicile auprès de Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée cont

re une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 septembre...

Tribunal administratif N° 46830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46830 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2021 Audience publique du 11 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46830 du rôle et déposée le 27 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à …, ayant élu domicile auprès de Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 septembre 2021, référencée sous le numéro …, portant rejet de sa demande de remise gracieuse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 octobre 2023, Monsieur … s’étant excusé.

Le 20 novembre 2013, le bureau d’imposition Luxembourg Z, section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, désignée ci-après par « l’administration », émit le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2012 à l’égard de Monsieur ….

Par courrier du 28 décembre 2018, Monsieur … introduisit une réclamation contre ledit bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2012. Ladite réclamation fut déclarée irrecevable par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », du 23 avril 2019, référencée sous le numéro C25829, au motif d’avoir été introduite de manière tardive.

Par courrier daté au 26 août 2021, entré auprès de l’administration des Contributions directes le 7 septembre 2021, Monsieur … s’adressa au directeur afin de solliciter une remise par voie gracieuse de l’impôt sur le revenu de l’année 2012.

Par décision du 24 septembre 2021, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta la demande de remise gracieuse lui soumise par Monsieur …, dans les termes suivants :

« (…) Vu la demande présentée le 7 septembre 2021 par le sieur …, demeurant à D-…, ayant pour objet une remise par voie gracieuse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2012 ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que le bulletin d'imposition de l'année 2012 a été émis en date du 20 novembre 2013 ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu'en vertu du § 153 AO, les droits à restitution permis en dehors des cas visés aux §§ 151 et 152 AO s'éteignent si la demande en remise gracieuse ou en restitution n'a pas été introduite avant la fin de l'année qui suit celle de la survenance des faits à l'origine du droit ;

Considérant qu'en l'espèce la demande en remise gracieuse, entrée le 7 septembre 2021, n'a donc pas été introduite dans le délai précité ;

Considérant que le paragraphe 131 AO n'autorise pas le directeur à faire abstraction de la déchéance légale ainsi encourue par le demandeur ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2021, inscrite sous le numéro 46830 du rôle, Monsieur … a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale précitée du 24 septembre 2021.

Dans le cadre de son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’élection de domicile dans la requête introductive d’instance.

Ce moyen d’irrecevabilité est toutefois à rejeter à double titre. Tout d’abord, il y a lieu de constater que contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement, le demandeur a bien formulé une élection de domicile auprès d’un administré domicilié au Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre de sa requête introductive d’instance. En effet, le demandeur a explicitement indiqué à la deuxième page de ladite requête « Zustellungsvertreter im Inland Mr … (…) L-… », de sorte qu’il s’est parfaitement conformé aux dispositions de l’article 57 de loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », exigeant que la requête introductive d’instance contienne une élection de domicile au Grand-Duché lorsque le requérant ou son mandataire demeurent à l’étranger.

Ensuite, et, dans le seul souci d’être complet, le tribunal ajoute qu’en tout état de cause l’obligation de formuler une élection de domicile dans le cadre de la requête introductive d’instance ne saurait être, selon la jurisprudence des juridictions administratives, de nature à limiter l’accès au prétoire dans la mesure où l’inobservation de la règle afférente n’a point eu pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense de la partie étatique1, ce qui - outre le fait que la requête introductive d’instance contient de toute façon une élection de domicile - n’a pas été le cas en l’espèce, dans la mesure où le délégué du gouvernement a utilement pu prendre position par rapport à la requête introductive d’instance dans le cadre d’un mémoire en réponse.

Le moyen d’irrecevabilité du recours afférent est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

Il convient ensuite de relever que lorsque la requête introductive d’instance omet, comme en l’espèce, d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi2.

Conformément aux dispositions combinées du § 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts. Il y a partant lieu d’admettre que le tribunal est, en l’espèce, saisi d’un recours en réformation dirigé à l’encontre de la décision directoriale déférée et qu’il est compétent pour en connaître.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste en premier lieu le montant de l’impôt réclamé, en argumentant en substance qu’en application de l’article 130, paragraphe (5) de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », un abattement de … euros aurait dû être diminué du montant de la plus-value réalisée lors de la vente de la maison de ses parents qu’il aurait acquise par voie de succession. Le demandeur estime ensuite que le simple renvoi au dépassement des délais par le directeur ne pourrait pas constituer une solution pour le contribuable dont le revenu imposable aurait été fixé de manière disproportionnellement élevée en raison de la prise en compte d’un abattement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Force est au tribunal de constater que la décision directoriale déférée a rejeté la demande de remise gracieuse introduite par le demandeur au seul motif qu’elle n’a pas été déposée en dans les délais légaux, de sorte que l’examen du tribunal se limitera à la question de savoir si c’est à bon droit que le directeur a déclaré la demande de remise gracieuse tardive en ce qui concerne l’année d’imposition 2012.

A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu du § 131 AO : « Sur demande dûment justifiée du contribuable endéans les délais du §153 AO, le directeur de l’administration des 1 Cour adm. 25 novembre 2021, n° 46285C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

2 Trib. adm., 18 janvier 1999, n°10760 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°1248 et les autres références y citées.contributions directes ou de son délégué accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Sa décision est susceptible d’un recours au tribunal administratif, qui statuera au fond ».

Le § 153 AO, auquel il est ainsi renvoyé, prévoit ce qui suit : « Wo außer den Fällen der §§ 151 und 152 Erstattungsansprüche aus Rechtsmitteln zugelassen sind, erlöschen sie, falls nicht anders bestimmt ist, wenn sie nicht bis zum Schluss des Jahres geltend gemacht werden, das auf das Jahr folgt, in dem die Ereignisse, die den Anspruch begründen, eingetreten sind », étant encore précisé à cet égard que même si ladite disposition légale se réfère à des « Erstattungsansprüche », il n’en reste pas moins qu’il ressort de manière non équivoque du libellé du § 131 AO précité que le législateur a expressément subordonné au respect du délai prévu par ledit § 153 AO non seulement les restitutions d’impôts, mais aussi les remises d’impôts3.

Ainsi, le tribunal relève qu’aux termes du § 153 AO, précité, le délai pour introduire une demande de remise gracieuse expire à la fin de l’année civile suivant l’année au cours de laquelle les évènements sur lesquels la demande est fondée se sont produits.

En l’espèce, à défaut de renseignements factuels de la part du demandeur quant aux évènements sur lesquels il base sa demande, il y a lieu de conclure que l’évènement sur lequel sa demande est fondée est l’émission du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 20124, à savoir le 20 novembre 2013, de sorte que le délai pour introduire une demande de remise gracieuse a expiré le 31 décembre 2014.

Dans la mesure où la demande de remise gracieuse de Monsieur … a été introduite auprès du directeur par courrier réceptionné par le directeur le 7 septembre 2021, soit presque sept ans après l’expiration du délai légal par rapport au bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2012, c’est à juste titre que le directeur a considéré que la demande en question était tardive et l’a rejetée.

Il s’ensuit, à défaut de tout autre moyen, que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

3 Cour adm. 1er février 2022, n° 46581C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

4 Voir en ce sens : trib. adm., 17 novembre 2009, n° 25182 du rôle, Pas. 2022, V° Impôts, n° 1217 et les autres références y citées.Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 11 octobre 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46830
Date de la décision : 11/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-11;46830 ?

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