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06/10/2023 | LUXEMBOURG | N°46932

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 octobre 2023, 46932


Tribunal administratif N° 46932 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46932 5e chambre Inscrit le 25 janvier 2022 Audience publique du 6 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46932 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2022 par a société à responsabilité limi

tée Gross & Associes SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxem...

Tribunal administratif N° 46932 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46932 5e chambre Inscrit le 25 janvier 2022 Audience publique du 6 octobre 2023 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46932 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2022 par a société à responsabilité limitée Gross & Associes SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2155 Luxembourg, 78, Mühlenweg, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B250053, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Isabelle Ceccarelli, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 émis en date du 2 décembre 2020, 2) du bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016, émis à la même date et 3) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 novembre 2021, référencée sous le numéro C29131, portant partiellement rejet de sa réclamation introduite le 12 février 2021 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2022 ;

Vu le mémoire en réplique, déposé le 19 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Gross & Associés SARL, préqualifiée, au nom de Monsieur …, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 septembre 2023.

Par un jugement de la quatrième chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 14 décembre 2017, inscrit sous le numéro 186193 du rôle, le divorce entre Madame … et Monsieur … fut prononcé et les effets du divorce furent fixés au 29 septembre 2016.

Le 22 mars 2018, le bureau d’imposition Luxembourg 2 de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », réceptionna la déclaration conjointe de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 de Madame … et de Monsieur ….

En date du 2 décembre 2020, le bureau d’imposition émit le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire ainsi que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 à l’égard de Madame … et de Monsieur …, imposés collectivement. Le bulletin de l’impôt sur le revenu en question précisa que l’imposition différerait de la déclaration sur la déclaration de l’impôt sur le revenu sur les points suivants : « mise en compte du bénéfice de spéculation réalisée sur la vente de l’immeuble sis à … ».

Par courrier de son litismandataire du 10 février 2021, Monsieur … introduisit une réclamation à l’encontre dudit bulletin auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ». Cette réclamation fut réceptionnée par le directeur le 12 février 2021.

Par décision du 2 novembre 2021, référencée sous le numéro C 29131 du rôle, le directeur déclara la réclamation de Monsieur … partiellement fondée tout en déclarant que les conditions de l’article 102 bis de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », ne seraient pas remplies en l’espèce. Ladite décision est basée sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu la requête introduite le 12 février 2021 par Me Alain Gross, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin rectificatif de l'impôt sur le revenu de l'année 2016, émis en date du 2 décembre 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 234, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé un revenu net divers provenant d'un bénéfice de spéculation réalisé lors de la vente d'une maison d'habitation sise à …, alors que la maison d'habitation serait à qualifier de résidence principale ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le bulletin originaire de l'année 2016, qui fut émis en date du 16 mai 2018, a été redressé sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO par un bulletin rectificatif du 2 décembre 2020 ; qu'au moment de l'émission du bulletin rectificatif, le bulletin d'origine avait acquis force de la chose décidée ; que d'autre part, la réclamation interjetée contre le bulletin rectificatif a empêché ce dernier d'acquérir force de chose décidée alors que le bulletin originaire était à qualifier de définitif jusqu'au moment où il a été rectifié ; qu'il s'ensuit que la réclamation interjetée contre le bulletin rectificatif de l'année 2016, émis en date du 2 2 décembre 2020, est attaquable dans la mesure où la cote d'impôt rectifiée dépasse la cote originaire (§ 234 AO) ;

Considérant que la maison d'habitation sise à … a été acquise en date du 28 octobre 2015 par le réclamant et son ex-épouse ; qu'ils l'ont vendue en date du 13 octobre 2016 et que suivant les dires du réclamant « les ex-époux n'ont jamais occupé physiquement la maison sise à … » ;

Considérant qu'en guise de motivation le réclamant fait valoir, par extraits, ce qui suit :

« La présente réclamation est basée sur l'article 102 bis de la loi sur l'impôt sur le revenu (ci-

après LIR).

La présente réclamation se base sur une analyse approfondie de la situation personnelle et patrimoniale des parties …-… aux termes de l'article 102 bis LIR, et plus particulièrement audit article dans son alinéa 2 (cfTA (4ème Chambre) 06. 12. 2016, rôle 37509).

Suivant l'article 102 bis alinéa 2 LIR :

« une habitation appartenant au contribuable et qui n'est pas occupée par lui est assimilée à une résidence principale, lorsque le contribuable l'a occupé (sic) à la suite de l'acquisition ou de l'achèvement, qu'il n'est pas propriétaire d'une autre habitation et que l'abandon de cette habitation a été motivé par des raisons d'ordre familial ou par un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire. » Qu'il est retenu par la jurisprudence que la notion « depuis l'acquisition » ou « l'achèvement de l'habitation » est à interpréter avec discernement, en ce qu'il faut laisser au contribuable le temps nécessaire pour s'installer dans la maison nouvellement construite ou achevée.

Si l'ex immeuble conjugal n'a pas pu être occupé par les ex-époux, cet élément factuel est justifié par des raisons d'ordre familial.

(…) Au vu de ce qui précède, la situation du sieur … et de son ex épouse entre dans la définition de l'article 102 bis LIR. Comme vu ci-dessus, les conditions de l'article sont à nuancer et à analyser eu égard à la situation personnelle du contribuable au jour de la réalisation de l'ex-immeuble conjugal intervenue le 13. 10.2016.

- il était convenu que les époux …-… occupent la maison une fois les travaux terminés, ce qui n'a pu se faire car ces derniers se sont séparés avant même que les travaux soient finalisés ; la condition de l'occupation n'est pas remplie mais amplement justifiée par des considérations d'ordre familial telles que présentées ci-dessus ;

- les ex époux …-… n'étaient pas propriétaires d'autres biens immobiliers au jour de l'aliénation ; » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 99bis, alinéa 1er, n° 1 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (LIR.) sont imposables les réalisations de biens récemment acquis à titre 3 onéreux ; que les biens sont censés récemment acquis lorsque l'intervalle entre l'acquisition et la réalisation ne dépasse pas deux ans pour les immeubles ; que cette disposition n'est cependant pas applicable, en vertu de l'article 99bis, alinéa 3 L.I.R., dans la mesure où l'aliénation porte sur un immeuble qui constitue, au sens de l'article 102bis L.I.R., la résidence principale du contribuable ;

Considérant qu'en l'espèce, l'intervalle entre l'acquisition (28 octobre 2015) et la réalisation (13 octobre 2016) de la maison d'habitation ne dépasse pas deux ans de sorte que le bénéfice résultant de cette vente est à ranger parmi le bénéfice de spéculation au sens de l'article 99bis L.I.R. ;

Considérant que le réclamant argumente qu'il n'aurait pas pu occuper la maison d'habitation pour des raisons d'ordre familial et que pour cette raison la maison serait à considérer comme sa résidence principale au sens de l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. ;

Considérant qu'en vertu de l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. une habitation appartenant au contribuable et qui n'est pas occupée par lui est assimilée à une résidence principale, lorsque le contribuable l'a occupée à la suite de l'acquisition ou de l'achèvement, qu'il n'est pas propriétaire d'une autre habitation et que l'abandon de cette habitation a été motivé par des raisons d'ordre familial ou par un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire ;

Considérant que les conditions de l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. ne sont donc pas remplies en l'espèce étant donné que la maison n'a jamais été occupée par les ex-époux, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté ; que même si la non-occupation de la maison était due à des raisons d'ordre familial, il n'en reste pas moins que l'occupation de la maison est une des conditions dictées par l'article 102bis, alinéa 2 L.I.R. et que les motifs d'ordre familial ne sont valables que pour justifier l'abandon d'un immeuble et non pas pour justifier une non-

occupation ;

Considérant que les conditions de l'article 102bis L.I.R. ne sont donc pas remplies en l'espèce ;

Considérant qu'aux termes de l'article 99bis, alinéa 2 L.I.R. le bénéfice de spéculation est égal à la différence entre, d'une part, le prix de réalisation et, d'autre part, le prix d'acquisition ou de revient augmenté des frais d'obtention ;

Considérant qu'aux termes de l'article 25, alinéa 1er L.I.R. le prix d'acquisition d'un bien est l'ensemble des dépenses assumées par l'exploitant pour le mettre dans son état au moment de l'évaluation ; que le prix de revient d'un bien englobe toutes les dépenses assumées en raison de la fabrication du bien envisagé (article 26 L.I.R.) ;

Considérant que la maison d'habitation a été acquise ensemble avec un bâtiment agricole pour … euros ; que le bâtiment agricole a été vendu en 2015 pour … euros et que le bureau d'imposition a estimé le prix d'achat de la maison d'habitation à (…/(…+…)*…, i.e.) … euros ; que cette détermination du prix d'achat n'est pas litigieuse et ne prête pas à critique ; que sur base du prix d'achat et des pièces fournies par le réclamant, le prix de revient de l'immeuble litigieux est à établir comme suit :

Prix d'acquisition de l'immeuble … euros Frais d'acte (… /(… +…)*…, i.e.) … euros Prix de revient global … euros Considérant qu'il résulte du dossier fiscal que les ex-époux ont encore déboursé (… +…+…+…+…, i.e.) … euros à titre de rénovations ; qu'en l'espèce ces frais sont à qualifier de frais d'obtention au sens de l'article 105 L.I.R.

Considérant que le revenu net divers des ex-époux est donc à déterminer de la manière suivante : (…) Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;

Considérant que le redressement du bulletin rectificatif de l'impôt sur le revenu de l'année 2016 fait l'objet de l'annexe qui constitue une partie intégrante de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la dit partiellement fondée, ramène l'impôt sur le revenu de l'année 2016, y compris la contribution au fond pour l'emploi, à 113.795 euros, renvoie au bureau d'imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2022, inscrite sous le numéro 46932 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 émis en date du 2 décembre 2020, 2) du bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016, émis à la même date et 3) de la décision du directeur précitée du 2 novembre 2021, portant partiellement rejet de sa réclamation introduite le 10 février 2021 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 ainsi que le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016 au motif que le directeur a statué sur la réclamation de Monsieur … par une décision du 2 novembre 2021.

Le demandeur n’a pas pris position quant au moyen d’irrecevabilité ainsi soulevé ni dans son mémoire en réplique ni oralement à l’audience publique des plaidoiries.

En vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-aprèspar la « loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO » a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre les bulletins d’impôt1.

Dans la mesure où, en l’espèce, il est constant en cause que le directeur a statué sur la réclamation de Monsieur … par une décision du 2 novembre 2021, il y a lieu de retenir l’irrecevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 ainsi que le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016.

S’agissant ensuite de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 2 novembre 2021, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 précitée, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre des bulletins de l’impôt. Le recours en réformation, par ailleurs, introduit dans les délai et formes prévus par la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors par lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision du directeur du 2 novembre 2021.

Argumentation des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique de prime abord qu’il aurait été marié à Madame … et que suite à une assignation en divorce introduite le 29 juin 2017, leur divorce aurait été prononcé par un jugement du 14 décembre 2017. Il explique ensuite qu’il aurait encore été imposable collectivement avec son épouse pour l’année 2016. Le décompte établi sur base des bulletins de l’impôt de l’année 2016 leur réclamerait un solde dû de … euros.

Selon le demandeur, le quantum de l'impôt sur le revenu aurait été calculé sur base du prix de réalisation de la vente de l'immeuble commun sis à L-…. Ledit immeuble aurait été acquis par Madame … et Monsieur … le 28 octobre 2015 au prix de … euros et revendu le 13 octobre 2016 au prix de … euros. Le couple aurait eu l’intention d'investir dans l'immeuble pour en faire leur domicile familial, ce qui n’aurait pourtant jamais pu être réalisé puisque le couple se serait séparé avant même la fin des travaux.

Le demandeur explique qu'au jour de l'acquisition de l’immeuble, Madame … et lui-

même auraient eu leur adresse commune à …, qu’ils n’auraient jamais habité dans l'immeuble litigieux sis à … puisqu’ils auraient été en phase de séparation, mais que de gros travaux de restauration auraient été entrepris. Il ajoute avoir habité seul « quelque temps dans cette maison » avant la mise en vente et verse à l’appui de cette affirmation un certificat de changement d’adresse établi par l’administration communale de … attestant que sa nouvelle adresse était fixée à L-…, à partir du 12 octobre 2016.

1 Trib. adm., 6 janvier 1999, nos 10357 et 10844 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1264 et les autres références y citées.

En droit, le demandeur estime qu’il aurait dû pouvoir bénéficier de l’exonération de l’imposition de la plus-value réalisée lors de l’aliénation de l’immeuble sis à … en application des articles 99bis et 102 bis, alinéa (2) LIR au motif que si ledit immeuble n’aurait pas pu être occupé par lui-même et son ex-épouse ce fait s’expliquerait par des raisons d’ordre familial et personnel, à savoir le fait que le couple se serait séparé avant même la fin des travaux de rénovation dudit immeuble. Il argumente que la notion d’« ordre familial et personnel » serait à interpréter de manière large. L’immeuble sis à … serait donc à assimiler à la résidence principale du couple au sens de l’article 102 bis, alinéa (2) LIR. D’ailleurs, il n’aurait pas été propriétaire d’un autre immeuble et il aurait occupé l’immeuble à … , même si ce n’aurait été que pour un bref laps de temps. Dès lors, l’exonération de l’imposition prévue par les article 99bis et 102 bis, alinéa (2) LIR serait applicable.

Enfin, le demandeur fait valoir qu’en tout état de cause en ce qui concerne le quantum des « travaux retenus par l'Administration des Contributions Directes dans sa décision a quo » « le montant des travaux donnant lieu à déduction » serait à revoir à la hausse. Ainsi, le montant des frais d'obtention réels ne se limiteraient pas à … euros mais à davantage. Une grande partie des pièces relatives à ces travaux se trouveraient en possession de son ex-épouse.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. Il argumente en substance que les termes de l’article 102bis LIR seraient clairs en ce qu’il faudrait une occupation effective de l’immeuble, de surplus par les deux parties, pour pouvoir bénéficier de l’exonération prévue aux articles 99bis et 102bis LIR.

Appréciation du tribunal Les parties sont en désaccord sur la question de l’imposition de la plus-value réalisée à l’occasion de la vente de l’immeuble prédécrit sis à … . Le demandeur estime, en effet pouvoir bénéficier de l’exonération de l’imposition de la plus-value prévue par les articles 99bis, alinéa (3) et 102 bis, alinéa (2) LIR, tandis qu’aux yeux de la partie étatique les conditions d’application de ladite exonération de l’imposition ne sont pas remplies.

Aux termes de l’article 99 bis LIR : « (1) Sont imposables aux termes du présent article les bénéfices résultant des opérations de spéculation ci-après spécifiées pour autant qu’ils ne sont pas imposables dans une catégorie de revenus visée sub 1 à 7 de l’article 10:

1. Les réalisations de biens récemment acquis à titre onéreux. Les biens sont censés récemment acquis lorsque l’intervalle entre l’acquisition ou la constitution et la réalisation ne dépasse pas:

a) deux ans pour les immeubles;

b) six mois pour les autres biens. (…) (3) Le présent article n’est pas applicable dans la mesure où un immeuble aliéné constitue, au sens de l’article 102bis, la résidence principale du contribuable. ».

Ledit article 102bis LIR dispose que : « (1) Aux fins de l’application des articles 99bis et 99ter une habitation appartenant au contribuable est à considérer comme sa résidence principale, lorsqu’elle constitue sa résidence habituelle depuis l’acquisition ou l’achèvement de l’habitation ou au moins pendant les cinq années précédant la réalisation. Cette condition de durée ne doit cependant pas être remplie, lorsque l’habitation est réalisée pour des motifs 7 d’ordre familial ou en vue d’un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire.

(2) Une habitation appartenant au contribuable et qui n’est pas occupée par lui est assimilée à une résidence principale, lorsque le contribuable l’a occupée à la suite de l’acquisition ou de l’achèvement, qu’il n’est pas propriétaire d’une autre habitation et que l’abandon de cette habitation a été motivé par des raisons d’ordre familial ou par un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire.

(3) Est encore assimilée à une résidence principale l’habitation antérieurement occupée par le contribuable, lorsque la réalisation de cette habitation intervient au cours de l’année qui suit le transfert dans une nouvelle habitation.

(4) Une habitation dont le contribuable est copropriétaire est considérée comme une habitation appartenant au contribuable, dans la mesure où la valeur de cette habitation ne dépasse pas la valeur de la quote-part du contribuable dans l’indivision dont dépend l’habitation.

(5) La résidence principale au sens des alinéas qui précèdent comprend les dépendances normales du bâtiment et du terrain formant l’assiette du bâtiment. Un règlement grand-ducal pourra désigner les parties du bâtiment et du terrain qui ne constituent pas des dépendances normales de la résidence principale. » Il suit de ces dispositions qu’est imposable en tant que bénéfice d’une opération de spéculation, la plus-value résultant de la cession d’un immeuble moins de deux ans après son acquisition à titre onéreux, à l’exception toutefois de la plus-value réalisée par l’aliénation de la résidence principale du contribuable, dont la notion est définie à l’article 102bis LIR. Ainsi, par l’effet combiné des articles 99bis, alinéa (3) et 102bis LIR, le bénéfice résultant de l’aliénation d’un immeuble constituant la résidence principale du contribuable échappe à l’imposition sous certaines conditions.

En l’espèce, il est constant en cause que l’aliénation de l’immeuble sis à … par le demandeur et son ex-épouse a généré une plus-value. Il est encore constant en cause que les conditions d’application de l’article 99bis, alinéa (1), point 1, a) LIR sont remplies. Il n’est ainsi pas contesté et il ressort des documents soumis au tribunal et plus particulièrement des actes de vente par-devant notaire des 28 octobre 2015 et 13 octobre 2016 que le demandeur et son ex-épouse ont acquis l’immeuble sis à … en date du 28 octobre 2015 pour le revendre en date du 13 octobre 2016, de sorte que l’intervalle entre l’acquisition et la réalisation dudit immeuble ne dépasse pas deux ans et que la plus-value résultant de la revente est partant en principe imposable.

Le désaccord des parties porte, en revanche, sur la question de savoir si le demandeur peut bénéficier d’une exonération de ladite plus-value en application de l’article 99bis, alinéa (3) LIR, précité, selon lequel la plus-value n’est pas imposée lorsque l’immeuble aliéné constitue, au sens de l’article 102 bis LIR, la résidence principale du contribuable. Le demandeur invoque, dans ce contexte, le seul article 102 bis, alinéa (2) LIR, en application duquel il estime que l’immeuble sis à …, serait à assimiler à sa résidence principale.

S’agissant plus particulièrement dudit article 102 bis, alinéa (2) LIR, il convient de constater que contrairement à son, alinéa (1) LIR lequel vise le cas où, au moment de la réalisation, l’habitation est effectivement occupée par le propriétaire, l’article 102 bis, alinéa (2) LIR assimile, dans certains cas, à la résidence principale l’habitation qui n’est pas occupée par le propriétaire au moment de la vente2.

Par ailleurs, l’article 102 bis, alinéa 2 LIR précité prévoit quatre conditions afin qu’une habitation qui n’est pas occupée par le contribuable au moment de la vente puisse être assimilée à sa résidence principale. Ainsi, il faut (i) que le contribuable soit le propriétaire de ladite habitation, (ii) qu’il ait occupé ladite habitation suite à l’acquisition ou l’achèvement, (iii) qu’il ne soit pas propriétaire d’une autre habitation et, enfin, (iv) que l’abandon de ladite habitation ait été motivé par des raisons d’ordre familial.

Les conditions selon lesquelles le contribuable doit être propriétaire de l’habitation en question et qu’il ne soit pas propriétaire d’une autre habitation ne sont pas litigieuses en l’espèce.

Il appartient dès lors au tribunal de vérifier si les autres conditions sont remplies, à savoir, si le demandeur n’a pas occupé l’immeuble sis à … au moment de la vente - condition sine qua non à l’applicabilité de l’alinéa (2) de l’article 102 bis LIR - et, le cas échéant, d’une part, si le demandeur l’a occupé suite à l’acquisition ou l’achèvement des travaux et, enfin, d’autre part, s’il y a eu abandon dudit immeuble pour des raisons d’ordre familial.

Concernant la première question à savoir celle de savoir si le demandeur n’a pas occupé l’immeuble sis à … au moment de la vente, force est de constater qu’il ressort des documents versés en cause et plus particulièrement d’un certificat de changement de résidence dressé par l’administration communale de … en date du 12 octobre 2016 que Monsieur … a établi sa résidence dans la commune de … et plus précisément à l’immeuble concerné en cause sis à L-

… à partir du 12 octobre 2016. Il n’est par ailleurs pas contesté et il ressort de l’acte notarié de vente versé en cause que ledit immeuble a été réalisé en date du 13 octobre 2016, soit le lendemain du jour où Monsieur … y a établi sa résidence. Il s’ensuit qu’a priori, Monsieur … est à considérer comme ayant occupé l’immeuble sis à … au moment de la vente dudit immeuble, de sorte que la première condition énoncée par l’article 102bis, alinéa (2) LIR devrait être considérée comme n’étant pas remplie et que ledit article ne devrait pas trouver application. Le moyen du demandeur fondé sur l’article 102bis, alinéa (2) LIR serait partant a priori à rejeter.

Toujours est-il qu’un certificat de résidence ne constitue qu’un indice, insuffisant à lui seul comme moyen de preuve pour établir que l’habitation a effectivement été occupée par le contribuable3, de sorte qu’il ne saurait être établi sur base de ce seul certificat que Monsieur … aurait occupé l’immeuble litigieux de manière effective au titre de résidence principale au moment de la vente. Le tribunal est, dès lors, amené à rejoindre le délégué du gouvernement dans son raisonnement selon lequel une occupation d’un seul jour avant la vente de l’immeuble ne saurait pas être assimilée à une occupation effective de l’immeuble au moment de la vente de l’immeuble et donc à admettre que le demandeur n’ait pas occupé l’habitation en question au moment de la vente, de sorte que la première condition de l’article 102bis, alinéa (2) LIR est tout de même remplie.

2 Paul Lauterbour, Régime d’imposition des plus-values générées par la réalisation de biens du patrimoine privé, in Etudes fiscales n° 116/117/118/119, novembre 1999, p.51.

3 trib. adm. 23 mai 2003, n°15871 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°295 et l’autre référence y citée Toutefois, il convient de constater que la seconde condition selon laquelle le contribuable doit avoir occupé l’immeuble concerné à la suite de son acquisition ou de son achèvement, énoncée par ledit article n’est pas remplie en l’espèce.

En effet, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que le demandeur aurait occupé l’immeuble sis à …, que ce soit suite à son acquisition, ou encore suite à son achèvement. A cet égard, le demandeur lui-même affirme précisément qu’une occupation suite à l’acquisition aurait été exclue en raison des travaux de rénovation à réaliser préalablement à toute possibilité d’installation dans l’immeuble. Si le demandeur affirme ensuite s’être installé dans ledit immeuble suite à la séparation du couple et d’y avoir vécu quelques semaines avant la réalisation de l’immeuble, le tribunal constate toutefois, outre le fait qu’il n’est pas précisé si cette occupation alléguée de l’immeuble sis à … avait eu lieu « à la suite à l’achèvement » de l’immeuble en application de l’article 102bis, alinéa (2) LIR, que cette affirmation n’est corroborée par aucun élément concret de la cause. En effet, tel que retenu ci-avant, le certificat de résidence ne constitue qu’un indice, insuffisant à lui seul comme moyen de preuve pour établir l’occupation effective de l’immeuble par le contribuable. En l’espèce, le certificat de résidence n’atteste l’établissement de la résidence du demandeur dans l’immeuble concerné que pendant une seule journée, à savoir la veille de l’aliénation dudit immeuble, de sorte à ne pas pouvoir établir une occupation effective de l’immeuble à titre de résidence principale. Le demandeur ne soumet aucun document au tribunal permettant de conclure à une occupation de l’immeuble. S’il explique encore avoir eu l’intention d’établir sa résidence principale dans l’immeuble sis à … mais qu’en raison de son divorce tel n’aurait jamais été le cas, il convient en premier lieu au tribunal de constater que cette affirmation est en contradiction avec son affirmation selon laquelle il aurait vécu quelques semaines dans l’immeuble concerné. Le tribunal constate ensuite que la seule intention de s’installer dans un immeuble ne peut pas être assimilée à une occupation effective de l’immeuble par le demandeur4. En effet, l’article 102bis, alinéa (2) LIR impose explicitement que l’habitation ait été « occupée à la suite de l’acquisition ou de l’achèvement » par le contribuable, de sorte à exiger une occupation effective de l’immeuble, indépendamment des raisons ayant amené le contribuable à aliéner l’immeuble par la suite.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure qu’en tout état de cause la condition selon laquelle le demandeur aurait occupé l’immeuble litigieux suite à son acquisition ou son achèvement n’est pas remplie dans son chef, de sorte que l’article 102bis, alinéa (2) LIR ne trouve pas application en l’espèce. Le moyen afférent du demandeur fondé sur une exonération de l’imposition de la plus-value en application dudit article 102bis, alinéa (2) LIR est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, que le directeur a valablement pu rejeter la réclamation du demandeur comme étant non fondée et que le recours en réformation est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a encore lieu de rejeter la demande du demandeur en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

4 voir en ce sens, trib. adm. 3 décembre 2018, n° 40114 du rôle, confirmé par Cour adm. 14 août 2019, n° 42215C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°298 et les autres références y citées.

10 Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 émis en date du 2 décembre 2020, ainsi que le bulletin de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016, émis à la même date ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 novembre 2021 ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46932
Date de la décision : 06/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-06;46932 ?

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