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29/09/2023 | LUXEMBOURG | N°47501

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2023, 47501


Tribunal administratif N° 47501 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47501 1re chambre Inscrits le 2 juin 2022 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par la commune de …, …, contre un arrêté du ministre de la Culture et un arrêté du Conseil de Gouvernement en matière de sites et monuments

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47501 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des

avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxe...

Tribunal administratif N° 47501 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47501 1re chambre Inscrits le 2 juin 2022 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par la commune de …, …, contre un arrêté du ministre de la Culture et un arrêté du Conseil de Gouvernement en matière de sites et monuments

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47501 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de …, ayant ses bureaux établis à la maison communale sise à L-…, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du Conseil de Gouvernement du 2 mars 2022 classant comme monument national le cimetière situé à la rue …, inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro … ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 3 juin 2022 permettant aux parties de prendre un mémoire supplémentaire quant à l’incidence de la loi du 25 février 2022 relative au patrimoine culturel par rapport au litige en cours et fixant l’affaire à l’audience publique du 22 février 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 septembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2022 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, préqualifiée, pour compte de la commune de …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2022 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment l’arrêté déféré ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gilles Dauphin, assisté par Maître Felix Hennico, en remplacement de Maître Christian Point, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 février 2023.

1

___________________________________________________________________________

A la suite de la réalisation par le Service des sites et monuments nationaux, ci-après désigné par « le SSMN », de l’inventaire scientifique du patrimoine bâti et d’un avis favorable de la Commission des sites et monuments, ci-après désignée par « COSIMO », du 28 octobre 2020, le ministre de la Culture, ci-après désigné par « le ministre », informa en date du 24 février 2021 le Fonds …, ci-après désigné par « le Fonds », de ce qu’il proposait de classer « le cimetière sis rue …, inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds … » comme monument national.

Par courrier séparé du même jour, le ministre informa encore le bourgmestre de la commune de …, ci-après désigné par « le bourgmestre », de ce qu’il proposait de classer entre autres le cimetière de … comme monument national.

Dans sa séance publique du 24 mars 2021, le conseil communal de … s’opposa à l’unanimité au classement comme monument national du cimetière de … « appartenant au Fonds … », en citant les raisons suivantes : « Le cimetière est toujours en exploitation et géré par la commune de … et est le seul cimetière existant sur le territoire de la commune de …. Etant donné qu’un classement entraine juridiquement l’obligation pour le propriétaire de solliciter auprès du ministre de la Culture une autorisation pour faire réaliser des travaux sur l’immeuble, la confection et l’aménagement d’une tombe (actuellement existante ou non) entrainera une procédure administrative sans pareille et non compatible avec la loi du 1er août 1972 portant réglementation de l’inhumation et l’incinération des dépouilles mortelles et es règlement d’exécution. ».

Par arrêté ministériel du 30 août 2021, transmis le même jour tant au Fonds qu’au bourgmestre, le ministre proposa au classement comme monument national « le cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds … ».

Ledit arrêté est libellé comme suit :

« (…) Vu la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux ;

Vu l’avis de la Commission des sites et monuments nationaux du 28 octobre 2020 ;

Les observations du Fonds …, propriétaire, demandées ;

Vu l’avis du Conseil communal de la Commune de … du 24 mars 2021 ;

Arrête :

Art. 1er.- Est proposé au classement comme monument national en raison de son intérêt historique, architectural et esthétique, le cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds ….

2Art. 2.- L'intérêt historique, architectural et esthétique est motivé comme suit :

Der katholische Friedhof befindet sich, der Kirche … vorgelagert, an markanter Position über dem Ort in der Nähe des Waldrands. Seine Fläche wird an drei Seiten zum abfallenden Gelände und zur steil ansteigenden Rue … durch eine Stützmauer aus Naturstein begrenzt. Die räumliche Einheit von Friedhof und Kirche, die durch ihre topographische Lage und Einfassung hervorgehoben wird, ist typisch für die Friedhofskultur bis ins späte 19. Jahrhundert und inzwischen selten geworden (SEL, GAT, BTY) Erschlossen wird der Bereich über einen nordwestlich gelegenen Vorplatz oder südwestlich über eine monumentale Treppe aus Sandstein. Die Treppe, deren Antritt in der hohen Natursteinmauer durch gerundete Ecken eingeleitet wird, führt auf das Portal der Kirche zu.

Beidseits des Zuwegs sind in mehreren Reihen Grabstätten angeordnet. Einzelne Gräber befinden sich zudem an der Nordostseite, Fragmente von Grabmalen auch an der Nordwestseite der Kirche.

Eine Aussegnungshalle und ein Kolumbarium wurden 2012 in den Hang und nordwestlichen Teil der Kirchmauer eingefügt (ENT). Fragmente von Kenotaphen, die dort lagerten, wurden außerhalb des Kirchhofs aufgestellt.

Wie die Kirche weist der Friedhof eine hohe Nutzungskontinuität an dieser Stelle auf. Die Grabstätten und Kenotaphen zeigen dementsprechend eine gestalterische Vielfalt und breite zeitliche Streuung; die Anzahl von Kenotaphen aus der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts ist bemerkenswert.

Zu den ältesten Elementen aus der Zeit vor dem Bau der heutigen Kirche gehört auch ein barocker Bildstock im südwestlichen Mauerabschnitt, der seit den letzten Reparaturarbeiten der Mauer wieder sichtbar ist. Ein einfacher, mittelgroßer Sandstein mit segmentbogenförmigem Abschluss ist hier in die Mauer eingelassen. In seinem gut erhaltenen oberen Teil ist der Heilige …us im Bischofsornat dargestellt, der von einem Hirsch begleitet wird. (SEL, AUT).

An der Ecke der Kirchmauer zum nordwestlichen Ausgang befindet sich als einer der älteren Steine in der Mauer ein mannshoher barocker Grabstein. Er weist eine gespitzte Fläche für eine frühere runde Tafel auf, die in der oberen Hälfte von einem Relief aus Ähren umfasst und einer gebundenen Schleife mit flatternden Bändern gehalten wurde. Der Grabstein wird über einer geringen Verdachung durch einen gewölbten, pyramidal zulaufenden Schlussstein abgeschlossen (SEL, AUT).

Auch eine Reihe von neun Steinkreuzfragmenten außerhalb des Kirchhofs stammt aus dem Barock und wurde vermutlich wegen des benötigten Platzes für den Kirchenneubau umgesetzt. Die Kenotaphe sind als griechische Kreuze mit sich leicht verbreiternden Kreuzarmen gearbeitet. Drei Steine zeigen am Schnittpunkt der Kreuzarme eine Blume, eines weist die Darstellung des Herzens Jesu auf (SEL, AUT). An der südöstlichen Friedhofsmauer ist eine Reihe weiterer niedriger Kenotaphe vorhanden. Neben einem barocken Grabstein mit einem Kreuz auf abgerundeter, leicht geschwungener Grundfläche sind auch noch die Kreuze von …, … und …, die alle 1840 verstarben, im Stile des Spätbarocks gestaltet: Auch sie wurden als griechische Kreuze mit sich geringfügig verbreiternden Kreuzarmen und geschweiften Enden gefertigt. Ihre unteren Arme verbreitern sich beidseits um Voluten, die ihrerseits auf einer Basis aufsitzen (SEL, AUT, CHA).

Erwähnenswert ist in dieser Reihe ein ähnliches Kreuz aus dem gleichen Jahr mit höherer Basis, 3auf der eine Trauerweide detailreich eingearbeitet wurde (SEL, AUT). In einer Reihe davor befinden sich drei weitere, floral verzierte, niedrige Kreuze, von denen jenes der … von 1842 mit der Darstellung eines Hemds und des Herzens Jesu auf ein Kindergrab hindeutet (SEL, AUT).

Umfang und Bedeutung der lokalen Gusseisenproduktion wird auf dem Friedhof in der Verwendung gusseiserner Grabmale sichtbar (OHG): An der südöstlichen Mauer befindet sich ein filigran gearbeitetes, gusseisernes Kreuz auf einer steinernen, neogotischen Stele. Im Vorraum der Aussegnungshalle wird neben einem gusseisernen Kruzifix ohne Basis auch ein vollständig erhaltenes neogotisches Grabmal von 1871 der Eheleute „… /…“ mit ungewöhnlich detailreichem Unterbau aufbewahrt (SEL, AUT). Über einem pyramidal zulaufenden Fuß besitzt er übereinander zwei flache Tafeln, die jeweils von einer freistehenden, kannelierten und einer einseitig gefasste Säule gerahmt werden. Auf der oberen Tafel sind der Erzengel Michael und ein Schmetterling dargestellt, letzterer wird von einem Spitzbogen gefasst. Florale Ornamente verbinden den Unterbau mit dem Kruzifix. Auf dem Friedhof in … ist ein identisches Grabmal von 1928 erhalten.

An der Südwestfassade der Kirche … ist ein weiteres neogotisches, gusseisernes Kreuz von hoher Qualität mit stehender Christusfigur und einem im unteren Teil von zwei Engeln gehaltenen Spruchband mit der Aufschrift „MISERERE ME DEUS“ zu finden. Ungewöhnlich in der Menge des eingesetzten, kostspieligen Gusseisens sind die beiden Grabplatten, die rechts des Portals der Kirche an die Fassade gelehnt sind. Im Wesentlichen ohne größere Zier erinnern sie an die industriellen Errungenschaften der Hüttenbesitzer … und seines Sohns … (SEL, AUT, OHG, ERI).

Auf der Platte des Vaters ist zu lesen „CI GIT/…/… PROPRIETAIRE DES/FORGES DE …/ET … DECEDE À …/LE … 1812/AGE DE … ANS/R I P“ auf … „CIGIT/… …/MEMBRE DES ETATS/ PROVINCIEAUX DU GRAND/DUCHE DE Luxembourg PROPIETAIRE ET MAITRE DES… DECEDE A … LE ( … 1822/AGE DE … ANS/R I P“. Rechts davon befindet sich ein in der Wahl der Materialien ungewöhnlicher Kenotaph des …, der zwischen 1846 und 1860 als örtlicher Pfarrer auch den Kirchenbau begleitet hat. Vollständig aus Schieferstein geschaffen, werden die Basis, die schlichte zweigeteilte Stele und der geschwungene Schlussstein durch ein umlaufendes Bleiband zusammengehalten (SEL, AUT). Im Unterschied dazu ist das übermannshohe Grabdenkmal aus hellem Sandstein des Pfarrers … von 1868 Teil der Grabsteingruppe der Familie … aus … und ein prächtiges Beispiel eines typisch neogotischen Grabsteins: über einer leicht hochrechteckigen Basis mit Namestafel zeigt es auf der Stele unter einem Spitzgiebel die liturgischen Elemente Monstranz, Kelch und Stola als Relief. Nach oben wird es durch drei Fialen abgeschlossen, die an die Gestaltung der Kirche … erinnern (AUT, CHA). Auch die beiden nebenstehenden, neogotischen Steine der Familie zeigen handwerkliches Können, etwa des Steinbildhauers … aus … am Stein in der Mitte, insbesondere in der plastischen Gestaltung zweier die Stele flankierender Figuren. Am dritten Stein des … Kantonsabgeordneten und Richter …, jüngerer Bruder des …, von 1898 fällt die Ausarbeitung der floralen Elemente auf dem schräg abgetreppten Giebel auf (AUT, CHA).

Weitere neogotisch gestaltete Grabsteine von bildhauerischer Qualität des ausgehenden 19. Jahrhunderts sind jener niedrige, filigran gearbeitete Stein der Familie …, dessen Schrifttafel lokaltypisch von Dreipässen gerahmt wird oder der Stein der Familie … mit nur einen Dreipass, Ehrenkranz und Eichenblättern. Linker Hand des Zuwegs befindet sich außerdem der Grabstein der Familie … von 1895 mit einer Marienstatue und zwei Schrifttafeln, die von Dreipässen eingefasst werden (AUT, CHA).

4Grabmäler aus dem beginnenden 20. Jahrhundert etwas einfacherer Art sind etwa jene der Familien … von 1900, …/…/… von 1918 oder …: Sie besitzen auf einer Basis einen hochrechteckigen Stein, über dem ein pyramidal zulaufender Stein ein steinernes Kreuz trägt (AUT, CHA). Vermutlich aus der gleichen Zeit ist eine metallene Statue eines selteneren Grabmaltypus vorhanden, die eine kniende Frau zeigt (SEL). Der Friedhof besitzt aus dieser Zeit auch zwei Flächengräber mit höheren, mehrgliedrigen Aufbauten in Stein wie jenes der Familie … und der Familie …. Die Grabmäler bestehen aus grauem, unpoliertem Granit und zeigen eine Mischung aus Formen des Jugendstils und der Moderne. Aus der Mitte des 20. Jahrhundert stammen die Flächengräber mit querliegenden Steine etwa der Familien … von 1941, …, … oder …, die einen Einsatz einer qualitätvoll gearbeiteten Kupferreliefplatte aufweisen (CHA).

Trotz der wachsenden räumlichen Enge konnte der Kirchhof in seinen Ausmaßen und mit der gezielten Erhaltung bemerkenswerter Steine bewahrt und durch die Errichtung des Kolumbariums auch für die Zukunft gesichert werden.

Der Friedhof erfüllt aufgrund seiner erhaltenen Substanz wie auch seiner Anlage die Kriterien der Seltenheit, Authentizität, der zeittypischen Charakteristik, des Bautypus und der Gattung. Im geringeren Masse ist er zudem als Erinnerungsort und in Bezug auf seine Entwicklungsgeschichte und die Orts- und Heimatgeschichte von Bedeutung. Unter Berücksichtigend dieser Merkmale ist die Begräbnisstätte unter nationalen Denkmalschutz zu stellen.

Erfüllte Kriterien: (AUT) Authentizität, (SEL) Seltenheitswert, (GAT) Gattung, (CHA) Charakteristisch für eine Entstehungszeit, (ERI) Erinnerungsort, (OHG) Orts- und Heimatgeschichte, (BTY) Bautypus, (ENT) Entwicklungsgeschichte.

Art. 3.- Tous les effets du classement visés aux articles 9 à 16 de la loi du 18 juillet 1983, énumérés ci-après, s'appliquent de plein droit aux immeubles concernés à compter du jour de la notification du présent arrêté et suivent les immeubles classés en quelques mains qu'ils passent.

Art. 4.- Les effets légaux du classement sont les suivants :

- Quiconque aliène un immeuble classé est tenu de faire connaître à l'acquéreur l'existence du classement.

- Toute aliénation d'un immeuble classé doit, dans les quinze jours de sa date, être notifiée au Ministère de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (ci-après appelé 'Ministère') par celui qui l'a consentie.

- L'immeuble classé ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni changer d'affectation, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, que si le Ministère y a donné son autorisation. La décision du Ministère doit parvenir à l'intéressé dans les six mois de la demande ; passé ce délai, la demande est censée être agréée.

- Les travaux autorisés s'exécutent sous la surveillance du Service des Sites et Monuments nationaux.

- Le Ministère peut toujours faire exécuter par les soins de ce service et aux frais de l'Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d'entretien jugés indispensables à la conservation des monuments classés n'appartenant pas à l'Etat.

- Pour pouvoir constater la nécessité des travaux visés à l'alinéa qui précède, le Ministère peut faire procéder à des visites des lieux périodiques des immeubles classés. Les particuliers en 5sont informés, au moins quinze jours à l'avance, par lettre recommandée à la poste. Les agents désignés pour procéder à ces visites des lieux doivent justifier de leur qualité à toute demande.

- Lorsque la conservation d'un immeuble classé est gravement compromise par l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, le Ministère peut mettre en demeure le propriétaire de faire procéder auxdits travaux, en lui indiquant le délai dans lequel ceux-ci doivent être entrepris. Une part appropriée de la dépense doit être supportée par l'Etat. Cette mise en demeure doit être motivée et doit préciser aussi bien les travaux à effectuer par le propriétaire que les taux de participation à supporter par l'Etat. Les contestations relatives à la participation financière de l'Etat ou aux autres conditions et modalités d'exécution sont jugées en premier ressort par le tribunal d'arrondissement dans le ressort duquel se trouve l'immeuble classé.

- Pour assurer l'exécution des travaux urgents de consolidation dans les immeubles classés, le Ministère, à défaut d'accord amiable avec les propriétaires, peut faire procéder à l'occupation temporaire de ces immeubles ou des immeubles voisins. Cette occupation, dont la durée ne peut en aucun cas excéder six mois, est ordonnée par un arrêté du Gouvernement en conseil préalablement notifié au propriétaire. En cas de préjudice causé, elle donne lieu à une indemnité qui est réglée conformément aux dispositions de la loi du 15 mars 1979 sur l'expropriation.

- Aucune construction nouvelle ne peut être adossée à un immeuble classé sans une autorisation spéciale du Ministère, qui doit intervenir dans les six mois de la demande ; passé ce délai, la demande est censée être agréée.

- Nul ne peut acquérir, par voie de prescription, de droit sur un immeuble classé.

- Ne sont pas applicables aux immeubles classés les servitudes légales qui peuvent causer leur dégradation. Aucune servitude ne peut être établie par convention sur un immeuble classé qu'avec l'agrément du Ministère.

Art. 5.- Les servitudes ou obligations du classement donnent droit au paiement éventuel d'une indemnité représentative du préjudice pouvant en résulter pour le propriétaire. La demande éventuelle en indemnisation doit parvenir au Ministère dans les six mois à dater de la notification du présent arrêté. A défaut d'accord entre le Gouvernement et le propriétaire sur l'indemnité à payer, la contestation y relative est jugée en premier ressort par le tribunal d'arrondissement dans le ressort duquel se trouve l'immeuble classé.

Le Gouvernement peut ne pas donner suite à la proposition de classement dans les conditions d'indemnisation fixées par le tribunal et doit alors abroger le classement dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Art. 6.- En cas de consentement du propriétaire sur le principe et les conditions du classement, celui-ci est décidé par arrêté du Gouvernement en conseil. Les effets du classement cessent de s'appliquer si la décision de classement par le Gouvernement n'intervient pas dans les douze mois de la notification du présent arrêté.

Art. 7.- A défaut de consentement du propriétaire sur le principe du classement, celui-ci peut être prononcé par le Gouvernement en conseil. Les effets du classement restent applicables jusqu'au moment où le Gouvernement en conseil aura pris une décision qui doit intervenir dans un délai de douze mois de la notification de la décision du propriétaire.

6Art. 8.- La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le tribunal administratif de et à Luxembourg. Ce recours doit être intenté par ministère d'avocat dans les trois mois de la notification du présent arrêté, au moyen d'une requête à déposer au secrétariat du tribunal administratif.

Art. 9.- Le présent arrêté est transmis au propriétaire concerné. Copie en est transmise à la Commune de …. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2021, l’administration communale de …, ci-après désignée par « la commune », a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du ministre du 30 août 2021 proposant le classement comme monument national du cimetière de ….

Le Gouvernement en conseil procéda, par arrêté du 2 mars 2022, transmis au bourgmestre ainsi qu’au Fonds par courriers séparés du 18 mars 2022, au classement comme monument national « du cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds … ».

Cet arrêté gouvernemental est de la teneur suivante :

« (…) Vu la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux ;

Considéré l’intérêt public de protection et de conservation du cimetière à …, notamment aux points de vue historique et esthétique ;

Vu l’avis de la Commission des sites et monuments nationaux du 28 octobre 2020 ;

Vu l’avis du Conseil communal de la Commune de … du 24 mars 2021 ;

Les observations du Fonds …, propriétaire, demandées ;

Vu l’arrêté ministériel du 30 août 2021, proposant le classement comme monument national du cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds … ;

Arrête :

Art. 1er. Est classé monument national, cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro …, appartenant au Fonds ….

Art. 2. La présente décision est susceptible d’un recours au fond devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg. Ce recours doit être intenté par ministère d’avocat à la Cour dans les trois mois de la notification du présent arrêté au moyen d’une requête à déposer au secrétariat du Tribunal administratif.

7Art. 3. Ampliation du présent arrêté est transmis au ministre de la Culture aux fins d’exécution. Copie en est notifiée au propriétaire pré-qualifié et à la Commune de …, pour information et gouverne. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2022, la commune a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté du Conseil de Gouvernement du 2 mars 2022 classant comme monument national le cimetière de ….

I.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours en annulation Il convient de prime abord de déterminer la nature du recours susceptible d’être introduit en l’espèce, dans la mesure où la loi modifiée du 18 juillet 1983 concerant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 », sur base de laquelle la décision déférée 2 mars 2022 a été prise, a été abrogée par la loi du 25 février 2022 relative au patrimoine culturel, ci-après désignée par « la loi du 25 février 2022 », publiée au Mémorial A le 3 mars 2022 et entrée en vigueur le jour de sa publication conformément à l’article 136 de la même loi, partant entrée en vigueur après la prise de la décision du 2 mars 2022 mais avant l’introduction du présent recours.

Il échet de constater que la loi du 25 février 2022 ne prévoit qu’un recours en annulation contre les décisions prises en vertu de cette loi.

A défaut de dispositions transitoires afférentes, il convient de retenir qu’en ce qui concerne les voies de recours à exercer, seule la loi en vigueur au jour où la décision a été prise est applicable pour apprécier la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre elle, étant donné que l’existence d’une voie de recours est une règle du fond du droit judiciaire, de sorte que les conditions dans lesquelles un recours contentieux peut être introduit devant une juridiction doivent être réglées suivant la loi sous l’empire de laquelle a été prise la décision attaquée, en l’absence, comme en l’espèce, de mesures transitoires1.

Il s’ensuit que la recevabilité d’un recours contre une décision prise sur le fondement de la loi du 18 juillet 1983 devra être analysée conformément aux dispositions de cette même loi.

La loi du 18 juillet 1983 prévoyait dans ses articles 3 et 4 ce qui suit :

« Art. 3. L'immeuble appartenant à l'Etat, à une commune, à un établissement public ou à un établissement d'utilité publique est classé par le Gouvernement en conseil, les intéressés et le Conseil d'Etat entendus en leurs avis.

Art. 4. L'immeuble appartenant à toute personne autre que celles énumérées à l'article 3 est proposé au classement par arrêté du ministre, la Commission des Sites et Monuments nationaux et le conseil communal de la commune sur le territoire de laquelle l'immeuble est situé entendus en leurs avis, lesquels doivent être produits dans le délai de trois mois à partir de la notification de la proposition de classement Passé ce délai, la proposition est censée être agréée.

1 Trib. adm., 5 mai 2010, n° 25919 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 360 et les autres références y citées ; Cour adm., 13 décembre 2018, n° 41218C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

8L'arrêté détermine les conditions du classement.

La proposition de classement est notifiée au propriétaire, l'acte de notification énumérant les conditions du classement et informant le propriétaire de son droit au paiement éventuel d'une indemnité représentative du préjudice pouvant résulter pour lui des servitudes et obligations du classement.

La réponse du propriétaire, accompagnée le cas échéant de la demande en indemnisation, doit parvenir au Ministre dans les six mois à dater de la notification de l'arrêté proposant le classement.

En cas de consentement du propriétaire sur le principe et les conditions de classement, l'immeuble est classé par arrêté du Gouvernement en conseil.

A défaut de consentement du propriétaire sur le principe du classement, celui-ci peut être prononcé par le Gouvernement en conseil, le propriétaire jouissant d'un droit de recours au Conseil d'Etat, comité du Contentieux, statuant comme juge du fond.

A défaut d'accord du propriétaire sur l'indemnité à payer, la contestation y relative est jugée en premier ressort par le tribunal d'arrondissement dans le ressort duquel se trouve l'immeuble à classer. Le Gouvernement peut ne pas donner suite à la proposition de classement dans les conditions d'indemnisation ainsi fixées. Il doit alors, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, abroger l'arrêté de classement. ».

Le délégué du gouvernement conclut qu’en vertu de l’article 4, alinéa 6 de la loi du 18 juillet 1983, le tribunal serait compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

La commune fait également valoir que le recours pouvant être introduit à l’encontre de la décision déférée serait un recours en réformation et ce malgré le fait que le cimetière lui appartient, de sorte que la procédure prévue à l’article 3 de la loi du 18 juillet 1983 aurait dû trouver application. Ceci ne changerait rien à la nature du recours à introduire en vertu du principe de l’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis de la Constitution. Sa théorie serait par ailleurs confirmée par l’indication des voies de recours figurant sur la décision litigieuse.

A titre subsidiaire, la commune conclut à la compétence du tribunal pour connaître du recours en annulation en sa qualité de propriétaire du cimetière.

Pour autant que le tribunal ne reconnaîtrait pas sa qualité de propriétaire du cimetière, la commune, en se prévalant de l’article 4, alinéa 6 de la loi du 18 juillet 1983, soutient qu’elle pourrait introduire un recours en annulation en sa qualité de partie tierce intéressée.

Le tribunal constate qu’en son alinéa 6, l’article 4 de la loi du 18 juillet 1983, sur base duquel l’arrêté déféré a été adopté, prévoit un recours au fond contre un arrêté de classement comme monument national, de sorte qu’indépendamment de la question du bien-fondé du recours à la procédure prévue par ledit article 4 de la loi du 18 juillet 1983, au lieu de celle prévue à l’article 3 de la même loi, question qui relève du fond du litige, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

9Indépendamment de la question de savoir si la commune est le propriétaire du cimetière litigieux, il échet de constater qu’en sa qualité d’exploitant et de gestionnaire dudit cimetière, elle est directement concernée par l’impact de l’arrêté de classement déféré, de sorte qu’un intérêt à agir ne saurait lui être dénié.

Il suit de tout ce qui précède que le recours en réformation introduit par la commune est recevable pour encore avoir été introduit selon les formes et délai prévus par la loi.

II.

Quant à la loi applicable Il appartient ensuite au tribunal de déterminer la loi applicable à l’examen du bien-fondé de la décision litigieuse.

A cet égard, il y a, tout d’abord, lieu de rappeler que si, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d'une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise2, dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est, en principe, amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse3.

Il échet de relever que l’article 127 de la loi du 25 février 2022 prévoit à cet égard ce qui suit : « Avec l’entrée en vigueur de la présente loi, les biens immeubles classés comme monument nationaux en vertu de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux sont considérés classés comme patrimoine culturel national aux termes de la présente loi jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal de classement comme patrimoine culturel national des immeubles sur l’inventaire du patrimoine architectural pour la commune sur le territoire de laquelle les immeubles se situent. Ce règlement grand-ducal annule et remplace la mesure de classement de la loi précitée du 18 juillet 1983 ».

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le tribunal, saisi d’un recours en réformation, sera amené à examiner le bien-fondé de la décision déférée au regard de la loi du 25 février 2022, en vigueur au moment où il statue4 et plus particulièrement des articles 23 et suivants de cette même loi.

S’agissant cependant des moyens ayant trait à la légalité de la procédure de classement comme monument national, le tribunal est amené à relever que si certes le recours en réformation a cette spécificité de tenir compte de l’évolution de la situation, tant en fait qu’en droit, et ce de manière, en principe, générale jusqu’au jour où le juge est amené à statuer, une exception réside cependant dans le cas de figure des éléments de fait qui, à un moment donné, n’ont plus évolué ou ont cessé d’exister comme tels, de sorte à s’être cristallisés à un moment précis dans le passé et à appeler ainsi une analyse en droit, de bon sens, précisément à ce moment-là et non point au jour, par hypothèse plus tardif, où le juge va être appelé à statuer5. Ainsi, il ne fait pas de sens, ni en fait, 2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en reformation, n° 19 et les autres références y citées.

4 Cf. Cour adm., 13 décembre 2018, n° 41218C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

5 Cour adm., 13 décembre 2018, n° 41111C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 26.

10ni en droit, d’analyser dans le cadre d’un recours en réformation la procédure du classement litigieux en se référant à la législation en vigueur au jour où le juge statue.

Il s’ensuit que le tribunal appliquera les dispositions de la loi du 18 juillet 1983 dans le cadre de son analyse des moyens relatifs à la procédure de classement comme monument national.

III.

Quant au fond La commune invoque tout d’abord une irrégularité formelle en faisant valoir que l’avis du Conseil d’Etat n’aurait pas été recueilli, tel qu’il serait cependant imposé par l’article 3 de la loi du 18 juillet 1983 dans l’hypothèse de classement d’immeubles appartenant à des communes.

Quant au bien-fondé du classement du cimetière, la commune fait tout d’abord valoir que le classement ne présenterait aucun intérêt public d'un point de vue archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel. Il appartiendrait au Gouvernement en conseil de justifier de manière précise et circonstanciée que la conservation du cimetière présenterait un intérêt public, de sorte à mériter d’être protégé.

Or, l’arrêté déféré ne ferait état d'aucun motif justifiant un classement et ne se rallierait même pas explicitement à l’arrêté de proposition de classement. La commune soutient à cet égard qu’il ne saurait suffire que la proposition de classement contiendrait une simple description générale de certaines caractéristiques du cimetière pour en conclure que sa conservation présenterait un intérêt public. Il incomberait au contraire au Gouvernement en conseil de justifier de manière précise et circonstanciée, dans le cadre de la décision de classement d'un immeuble, de la valeur de la conservation de l'immeuble en ce qu'il s'agirait d'un véritable patrimoine digne de protection. L'intérêt public nécessiterait une démonstration que le cimetière ait une valeur pour la société, c'est-à-dire une véritable signification culturelle.

La commune fait encore valoir que l’appréciation de l'intérêt public devrait se faire de manière stricte pour éviter que tout immeuble en général, et tout cimetière en particulier, qui date d'une certaine époque ne puisse être classé comme monument national sans pour autant avoir une valeur particulière justifiant qu'il soit digne de protection.

La commune reproche à la partie étatique d’avoir classé le cimetière comme monument national dans son entièreté sans faire état d’un motif à part la référence dans le préambule de l’arrêté déféré, aux termes duquel le Gouvernement en conseil affirmerait avoir « [c]onsidéré l'intérêt public de protection et de conservation du cimetière à …, notamment aux points de vue historique et esthétique ». La décision litigieuse ne prétendrait pas explicitement s'appuyer sur la « motivation » de la proposition de classement.

La commune en conclut que la décision déférée serait à réformer pour ne pas être motivée à suffisance de droit.

Quant au bien-fondé de la description contenue dans l’arrêté de proposition de classement, la commune donne à considérer à titre préliminaire que la décision déférée classerait l’entièreté du cimetière, alors que l’arrêté de proposition de classement ne décrirait que certaines parties du 11cimetière, à savoir une minorité de monuments funéraires sans expliquer pour quelles raisons il serait nécessaire de classer le cimetière dans son entièreté.

La majorité des tombes du cimetière ne seraient pas mentionnées dans l’arrêté de proposition de classement, de sorte que leur conservation ne présenterait aucun intérêt public.

La commune en conclut que la décision ne serait pas justifiée et en tout état de cause disproportionnée.

Elle fait encore valoir que la position de la partie étatique aboutirait à un classement systématique de tous les cimetières sur lesquels se trouvent quelques tombes présentant un intérêt public en faisant abstraction de la fonction propre d'un cimetière, qui ne serait pas à considérer comme un musée. En admettant qu’un cimetière, qui par sa fonction même serait censé faire remémorer le passé, revêtirait par essence un caractère historique, il n’en resterait pas moins que le caractère historique du cimetière litigieux ne saurait justifier qu'il soit classé comme monument national.

La commune affirme encore que la description contenue dans l’arrêté de proposition de classement serait essentiellement vague. Il ne serait en effet pas suffisant de se référer à un caractère baroque, néogothique, en fonte ou à un mélange de styles Art nouveau et Art moderne revêtu par une partie du cimetière, pour justifier le classement du cimetière dans sa totalité, voire même en partie.

Plusieurs éléments auxquels il est fait référence dans l’arrêté de proposition de classement longeraient d'ailleurs le mur du cimetière, voire se trouveraient à l'extérieur de ce dernier, de sorte à ne pas être visés par le classement. Ainsi, certaines pierres en croix mentionnées dans la description du cimetière se trouveraient sur le parking à l'extérieur du cimetière.

La commune soutient que les pierres tombales dont la partie étatique affirmerait qu'elles auraient un caractère inhabituel en raison de la quantité de fonte coûteuse utilisée, seraient sans ornementation majeure, que le cénotaphe, mentionné comme étant inhabituel par le choix des matériaux, serait entièrement réalisé en ardoise et, que concernant la statue en métal d'un type de tombe plus rare, l'époque n’aurait pu être déterminée.

Il en résulterait que la décision déférée ne justifierait pas que la totalité, ni même une partie, du cimetière ait un intérêt public, c'est-à-dire une véritable valeur ou signification culturelle pour la société.

La commune fait ensuite valoir que l'impact de la décision déférée serait incompatible avec ses obligations d'intérêt général en lien avec le cimetière. Elle précise dans ce contexte que le cimetière serait quotidiennement utilisé et fréquenté et qu’elle aurait plusieurs obligations d'intérêt général en vertu de la loi du 1er août 1972, du règlement grand-ducal du 21 juin 1978 relatif à la dispersion des cendres, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 juin 1978 » et du règlement communal de la commune de … concernant les cimetières et les inhumations, ci-après désigné par « le règlement communal ».

12Elle serait ainsi obligée de remplir ces obligations pour se conformer à la loi et afin de répondre aux attentes légitimes des citoyens. Elle rappelle dans ce contexte que la loi du 1er août 1972 règlerait des questions de police et de salubrité publiques qui seraient d'ordre public. Les effets qu’impliquerait la décision déférée seraient incompatibles avec les obligations d'intérêt général de la commune et il en résulterait une multitude de problèmes pratiques. Ainsi, le cimetière ne pourrait, à défaut d’autorisation de la part du ministre, plus être détruit ou déplacé, même en partie, ni changer d'affectation, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, et aucune construction nouvelle ne pourrait y être adossée sans une autorisation spéciale du ministre. L'autorisation du ministre devrait intervenir dans les six mois de la demande et, à défaut, la demande serait considérée comme étant agréée.

Selon la commune, seraient concrètement soumis à autorisation du ministre (i) l'entretien du cimetière à partir du moment où cela impliquerait la destruction ou le déplacement d'une partie du cimetière, un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque ou l'adossement d'une construction nouvelle au cimetière, (ii) les enterrements qui devraient avoir lieu entre la 24e et 72e heure après le décès, (iii) l'agrandissement et le réaménagement du cimetière, (iv) la fermeture définitive ou temporaire de la totalité ou d'une partie du cimetière à partir du moment où cela impliquerait la destruction ou le déplacement d'une partie du cimetière, un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque ou l'adossement d'une construction nouvelle au cimetière, (v) la fondation d'une sépulture par un administré sur base d'une concession dans le cimetière accordée par le conseil communal, (vi) le fait de faire ériger un monument ou une bordure sur la tombe, droit dont disposerait tout concessionnaire, (vii) la réparation et l'entretien des pierres et monuments incombant aux concessionnaires à partir du moment où cela impliquerait la destruction ou le déplacement d'une partie du cimetière, un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque ou l'adossement d'une construction nouvelle au cimetière, (viii) le placement sur la tombe de son parent ou de son ami d'une pierre sépulcrale ou d'un autre signe indicatif de sépulture, droit dont disposerait toute personne et encore (ix) la création et l'aménagement d'une parcelle de terrain située dans l'enceinte du cimetière affectée à la dispersion des cendres ainsi que (x) l'entretien du terrain situé dans l'enceinte du cimetière affecté à la dispersion des cendres à partir du moment où cela impliquerait la destruction ou le déplacement d'une partie du cimetière, un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque ou l'adossement d'une construction nouvelle au cimetière.

La commune s’interroge comment elle pourrait concrètement garantir que les enterrements aient lieu dans un délai de 72 heures, alors que l'autorisation du ministre ne devrait intervenir que dans les 6 mois de la demande, rappelant dans ce contexte que le délai de trois jours endéans duquel il convient d'inhumer un être humain serait une mesure d'ordre public imposée pour des raisons de sécurité et de salubrité publiques, de sorte qu’un délai de 6 mois ne serait pas adapté.

Selon la commune, il serait indiscutable qu'un enterrement donnerait lieu à des « modifications quelconques » du cimetière auxquelles elle ne pourrait procéder sans l'autorisation du ministre conformément à l'article 10, alinéa 1er de la loi 18 juillet 1983. Ainsi, afin de procéder à une inhumation, il serait notamment nécessaire d'ouvrir une tombe, de déplacer des pierres et de creuser une fosse. Elle s’interroge sur la procédure à suivre s’il y avait lieu de changer le nom sur un monument ou sur le columbarium ou en cas d'installation d'une nouvelle pierre tombale.

13Elle donne encore à considérer que la partie étatique serait consciente des problèmes pratiques qu’engendrerait le classement du cimetière et les reconnaîtrait expressément, étant donné qu’elle admettrait que le SSMN projetterait d'élaborer un catalogue avec des lignes directrices renseignant sur les techniques à employer, les matériaux à utiliser et les aides financières à octroyer dans le cadre de travaux liés à la conservation et à la rénovation des cimetières faisant l'objet d'une mesure de protection.

La commune fait encore valoir que le cimetière serait le seul à se trouver sur son territoire, de sorte qu’elle serait dans l’impossibilité de recourir à un autre cimetière, d’autant plus qu’il ne serait pas envisageable de procéder à un agrandissement du cimetière compte tenu de sa localisation ou de faire ériger un nouveau cimetière communal tant au regard de la taille de la commune que des terrains disponibles, respectivement de leur coût.

La décision déférée serait dès lors à annuler pour violation de la loi et pour violation des « principes généraux supérieurs par essence, à la fois de réalisme, de cohérence et de sécurité juridique ».

La commune fait ensuite valoir que l’arrêté déféré serait disproportionné par rapport à son but au regard de son impact sur la commune et ses obligations d'intérêt général relativement au cimetière. Elle rappelle dans ce contexte la difficulté qu’engendrerait une demande d’autorisation auprès du ministre dans l’organisation notamment d’inhumations.

Si l'on mettait en balance l'objectif de conservation du cimetière et son impact il serait clair que l’arrêté déféré serait manifestement disproportionné.

Elle donne dans ce contexte à considérer que le classement du cimetière ne serait pas nécessaire, étant donné que sa protection serait assurée au niveau local. Ainsi, lors de sa séance publique du 23 novembre 2020, le conseil communal aurait décidé d'adopter le projet de refonte du plan d'aménagement général. Le plan d’aménagement général, ci-après désigné par « le PAG », aurait été approuvé par le ministre de l'Environnement, du Climat et du Développement durable en date du 3 mars 2021 et par le ministre de l'Intérieur en date du 29 juillet 2021. Les modifications effectuées par le ministre de l'Intérieur suite aux réclamations auraient été approuvées par la ministre de l'Environnement, du Climat et du Développement durable en date du 22 septembre 2021. Selon la partie graphique du PAG, la parcelle accueillant le cimetière serait classée en « zone de bâtiments et d'équipements publics [BEP] » et se trouverait dans le secteur protégé de type « environnement construit » et dans le secteur protégé de type « vestiges archéologiques », de sorte à être d'ores et déjà protégé au niveau local grâce aux dispositions du PAG. Elle précise par ailleurs que le cimetière ne serait pas classé en « zone rouge », mais en « zone orange » du secteur protégé de type « vestiges archéologiques », de sorte que le Centre national de recherche archéologique, ci-après désigné par le « CNRA », devrait être contacté avant tout projet d’aménagement particulier « nouveau quartier », d’une surface minimum de trente ares. Selon la commune, un tel « classement » constituerait le juste équilibre entre, d'un côté, la protection du cimetière et, de l'autre, les obligations d'intérêt général de la commune relativement au cimetière, en ce qu'il permettrait son exploitation et sa gestion quotidienne.

Dans son mémoire en réponse, et s’agissant de l’absence d’avis du Conseil d’Etat, le délégué du gouvernement fait valoir que la position défendue par la commune serait contradictoire 14dans le sens qu’elle aurait conclu à la régularité formelle de l’arrêté ministériel dans le cadre de son recours, inscrit sous le numéro 46744 du rôle, introduit à l’encontre de l’arrêté de proposition de classement comme monument national. En reprochant à la partie étatique de ne pas avoir suivi la procédure de classement prévue par l’article 3 de la loi du 18 juillet 1983, elle conclurait implicitement à l’irrecevabilité de son recours introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel du 30 août 2021 pour ne pas être dirigé contre un acte administratif susceptible de recours, alors que ledit article ne prévoirait pas une proposition de classement préalable.

Le délégué du gouvernement donne à considérer que la commune n’aurait indiqué être propriétaire du cimetière qu’à travers son mémoire en réplique déposé le 3 février 2022 dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 46744 du rôle, soit presque six mois après la notification de l’arrêté ministériel du 30 août 2021, alors qu’elle aurait affirmé dans sa requête introductive d’instance seulement exploiter et gérer le cimetière qui appartiendrait au Fonds. La partie étatique ne se serait pas vu adresser une copie du courrier du 3 novembre 2021 adressé par le Fonds à la commune et aurait ignoré que la commune se serait comportée comme propriétaire du cimetière depuis plus de 30 ans. Le ministre n’aurait pris connaissance du courrier du litismandataire du Fonds du 4 mars 2022 qu’en date du 17 mars 2022, à savoir postérieurement à la prise de l’arrêté ministériel du 2 mars 2022. Il donne encore à considérer que ce ne serait pas parce que le Fonds informe la commune de ce qu’il ne se considère pas comme propriétaire du cimetière que cette dernière serait ipso facto à considérer comme propriétaire de la parcelle litigieuse.

Le délégué du gouvernement conclut ensuite au rejet du moyen ayant trait à un défaut de motivation de la décision déférée.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le délégué du gouvernement, après avoir exposé le cadre juridique de l’article 2 de la loi du 25 février 2022, fait valoir que pour pouvoir être inventorié comme bien immeuble susceptible de faire l'objet d'un classement comme patrimoine culturel national, un bien immeuble devrait être authentique pour avoir connu peu de modifications et avoir gardé des éléments de son époque et être représentatif et significatif au vu d'au moins un des autres critères énumérés par cet article. Ces critères pourraient s'appliquer de manière cumulative et le poids de chaque critère pourrait varier selon le bien immeuble concerné.

La partie gouvernementale expose que le cimetière remplirait non seulement le critère de l'authenticité, parce qu'il n'aurait connu que peu de modifications et parce qu'il aurait gardé des éléments de son époque, mais serait également représentatif et significatif au vu des critères de la rareté, critère vérifié pour des biens ayant été réalisés en nombre restreint ou qui sont devenus peu nombreux au fil du temps, du genre, critère vérifié pour des biens à fonction et destination initiales reconnaissables, de la période de réalisation, critère vérifié pour des biens ayant repris et transposé le style artistique ou l'esprit de l'époque de leur réalisation, du lieu de mémoire, critère vérifié pour des biens rappelant une personnalité ou un évènement important pour l'histoire du pays, de l'histoire locale, de l'habitat ou de l'urbanisation, critère vérifié pour des biens témoignant des caractéristiques d'un lieu ou d'une région et qui seraient significatifs du point de vue de la composition urbaine ou rurale, du type de bâti / de la typologie, critère vérifié pour des biens se caractérisant par leur composition et constitution spécifiques et de l'évolution et du développement des objets et sites, critère vérifié pour des biens ayant connu des transformations au cours du temps et qui témoigneraient de l'évolution du bâti en affichant des unités stratigraphiques, caractéristiques pour différentes époques.

15 Selon le délégué du gouvernement, les critères de l'histoire locale et du lieu de mémoire démontreraient l'importance du cimetière comme témoin pour l'histoire locale, voire nationale avec la présence de personnalités connues ayant eu une importance nationale, comme les membres de la famille …. Celle-ci n'aurait pas seulement une importance historique dans plusieurs localités de la commune, notamment … et …, mais se serait également forgée un nom au niveau national dans la sidérurgie. Ainsi, le cimetière représenterait un lieu de commémoration et de mémoire des personnalités qui auraient aidé à forger l'évolution du pays dans diverses branches.

D'autres critères, tels que l'authenticité, la période de réalisation et l'évolution et le développement des objets et sites, seraient représentatifs pour des valeurs artistiques, esthétiques, et historiques, qui seraient déterminées sur base des analyses et méthodes réalisés au niveau national, mais également au niveau international. Ces analyses seraient faites par des experts dans la matière qui se baseraient sur les concepts ancrés dans l'histoire de l'art et d'architecture au niveau mondial.

A l'affirmation de la commune suivant laquelle tous les cimetières seraient dignes de protection au vu des critères légaux pour présenter un intérêt public d'un point de vue historique, le délégué du gouvernement rétorque que le cimetière aurait été analysé selon les critères précités et aurait été considéré comme étant digne de protection.

Le délégué du gouvernement conteste ensuite le reproche de la commune selon lequel la partie étatique n’aurait fourni qu’une description générale du cimetière, alors qu’il s’agirait d'une analyse précise.

Il expose que l’arrêté déféré justifierait à suffisance l'intérêt public de protection et de conservation, alors qu'il énoncerait clairement au regard de critères légaux scientifiquement établis et publiés, identifiés par les agents du SSMN et confirmés par l'avis de la COSIMO qu'il existerait un intérêt historique et architectural à voir protéger le cimetière.

Il fait valoir que les critiques de la commune resteraient abstraites, alors qu'elle se contenterait, sans justifier ses allégations, d'affirmer que l'arrêté ne justifierait pas en quoi la conservation du cimetière aurait une « valeur pour la société, c'est-à-dire une véritable signification culturelle », alors qu’il ne saurait être nié que le cimetière serait un témoignage valable et significatif de l'architecture et de l'urbanisme du passé. Face à la motivation exhaustive et concrète de l'avis de la COSIMO, auquel l'arrêté renvoie, il appartiendrait à la commune de présenter des éléments permettant de contredire utilement les conclusions des experts de l'Institut national pour le patrimoine architectural, ci-après désigné par « INPA », et de la COSIMO et de détailler pourquoi les critères de l'authenticité, de la rareté, du genre, de la période de réalisation, du lieu de mémoire, de l'histoire locale et de l'histoire du pays d'origine, du type de bâti / de la typologie ainsi que de l'évolution et du développement des objets et sites, identifiés par I'INPA, ne seraient pas remplis.

Le délégué du gouvernement soutient encore que ce serait à tort que la commune reprocherait au Gouvernement en conseil d'avoir proposé le cimetière au classement en se prévalant d'une motivation pouvant être transposée à d'autres cimetières du Grand-Duché de Luxembourg, alors que rien ne s'opposerait à ce que d'autres cimetières présentant les mêmes caractéristiques que 16celui proposé au classement puissent également remplir les critères prévus par la loi, dont les critères de l'authenticité et de l'époque de construction et qu’il ne résulterait pas de la jurisprudence des juridictions administratives qu’uniquement les objets exceptionnels ou remarquables pourraient être sujets à classement.

Il conteste encore que ce serait à tort que seulement quelques éléments du cimetière seraient énumérés dans la proposition de classement, étant donné qu’il serait précisé pourquoi un classement comme monument national du cimetière dans sa totalité s'imposerait.

La partie gouvernementale donne à considérer que la commune admettrait du moins implicitement la valeur patrimoniale d'un certain nombre d'éléments du cimetière tout en affirmant que l’Etat n'apporterait pas de justification suffisante de l'intérêt public à classer le cimetière dans sa totalité.

Le délégué du gouvernement fait ensuite valoir qu’aux éléments cités dans l’avis de la COSIMO, respectivement dans l’arrêté de proposition de classement, s’ajouteraient d'autres tombes et monuments funéraires à conserver qui n'auraient pas été expressément mentionnés dans l'arrêté et qui rempliraient les critères prévus par la loi.

Le délégué du gouvernement fait valoir que l’arrêté ferait état d'un nombre impressionnant de tombes de la première moitié du 19e siècle voire de la moitié du 20e siècle, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la partie étatique de ne pas avoir énuméré chaque tombe de manière isolée et de se limiter à présenter de manière plus approfondie certains éléments particulièrement remarquables.

Il expose que le cimetière serait encore à classer dans son intégralité du point de vue de sa conception, à savoir sa composition autour de l'église dans son plan avec son entrée, ses murs et le placement des tombes. Les tombes seraient considérées comme des éléments bâtis du cimetière qui montreraient la compétence de la main d'œuvre et du savoir-faire artisanal d'antan et seraient des témoins importants de la culture funéraire du Luxembourg. Si certaines tombes sont décrites de façon plus détaillée, cela ne voudrait pas dire que seules les tombes décrites seraient dignes de protection. Elles auraient été choisies pour illustrer par leur exemplarité la qualité des tombes présentes sur le site. Le délégué du gouvernement soutient encore que « toutes les tombes dignes de protection [auraie]nt été repérées sur place et [auraie]nt été listées sur un document qui permettra[it] à la commune de savoir quels monuments funéraires [seraient] dignes de protection.

L'INPA reste[rait] à la disposition de la commune pour d'éventuelles questions sur ces tombes et pourra[it] transmettre la liste complète écrite avec une cinquantaine de tombes et la partie graphique y attenante ».

La partie gouvernementale donne à considérer qu’un classement de certaines parties seulement du cimetière manquerait de cohérence, alors que les différents éléments du site du cimetière formeraient un tout indivisible. L'objectif de protection et de conservation des différents éléments du cimetière et leur préservation pour les générations futures ne pourrait être atteint si tout le reste du cimetière pouvait faire l'objet de modifications portant atteinte à la substance bâtie. Une protection individuelle de certains éléments ne serait que peu cohérente.

17Dans ce contexte, le délégué du gouvernement précise encore qu’un cimetière ne consisterait pas seulement en une collection de tombes individuelles, mais serait un site commémoratif entier. Ceci serait particulièrement le cas pour le cimetière de …, dans la mesure où il serait séparé de son environnement immédiat à la fois spatialement et par les conditions topographiques. Le cimetière serait entouré d'un mur de grès imposant, surtout vers le sud, vers le village. Ce type de délimitation d'un « Gottesacker », comme on appellerait aussi les cimetières en allemand, serait caractéristique de ces lieux de sépulture aménagés au 19e siècle. Ce mur en particulier, qui entourerait une grande partie du cimetière, montrerait clairement que la protection ne pourrait pas concerner uniquement les tombes individuelles et historiques.

Le cimetière serait ainsi à considérer comme un ensemble cohérent avec son enceinte. Le délégué du gouvernement expose encore que l'entrée principale, constituant l'axe central du cimetière, offrirait une perspective remarquable en contre plongée sur l'église et créerait deux divisions majeures au sein du cimetière. Il y aurait dès lors lieu de considérer l'ensemble formé par le cimetière et l’église qui seraient indissociables et qui auraient été créés en même temps entre 1846 et 1851. Les deux lieux composeraient un marqueur fort du village et formeraient un ensemble architectural qui serait digne d'être protégé.

La partie gouvernementale explique que l’église aurait entretemps été classée par un arrêté du Gouvernement en conseil du 11 février 2022, à savoir avant le classement du cimetière et donne à considérer que la commune aurait rendu un avis positif à ce sujet.

Il observe encore que si l'entièreté du cimetière est soumise à protection nationale, la commune pourrait bénéficier de subventions pour la restauration de cette enceinte qui se montrerait assez urgente, notamment au niveau de la remise en état du mur.

Il serait important de garder une certaine homogénéité de l'aspect intégral du cimetière. Le raisonnement adverse aboutirait à la situation dans laquelle plus aucun cimetière ne pourrait faire l'objet d'un classement comme monument national, alors qu'il serait évident qu'aucun cimetière encore quotidiennement utilisé et fréquenté de nos jours ne serait composé que de tombes et de monuments funéraires authentiques d'une valeur patrimoniale exceptionnelle. Il ne s'agirait pas de faire du cimetière un musée, mais de le sauvegarder pour les générations à venir.

La partie gouvernementale fait ensuite valoir que le classement comme monument national ne porterait pas non plus atteinte à la fonction propre d'un cimetière, étant donné que la commune ne rapporterait pas la preuve que la décision prise par le Gouvernement en conseil serait manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, d’autant plus que seule une flagrante disproportion des moyens serait de nature à laisser entrevoir un usage excessif de son pouvoir.

Quant à l’impact de l’arrêté déféré sur les obligations de la commune, le délégué du gouvernement soutient que l’« affirmation vague [de la commune] [ne serait] toutefois pas autrement étayée par un moyen en droit ». Il précise que ce serait à tort que la commune alléguerait que le classement comme monument national du cimetière aurait pour effet de restreindre de manière générale l'usage ou la gestion du cimetière. En effet, aucune des prérogatives de l'autorité communale et aucun des droits des habitants de la commune ne serait restreint, ni a fortiori excessivement limité par la mesure de classement litigieuse. Le classement ne s'opposerait pas non plus à l'exercice des pouvoirs de police et de surveillance confiés à la commune et ne restreindrait 18pas la gestion journalière du cimetière. La commune resterait en défaut de préciser quelle obligation lui incombant ne pourrait plus être remplie du fait du classement. Elle n’expliquerait pas non plus en quoi le fait qu'un certain nombre de ses décisions en relation avec le cimetière pourraient être soumises à autorisation du ministre l’empêcherait concrètement de mettre en œuvre ces décisions et de se conformer de ce fait à la loi du 1er aout 1972 à moins de partir du principe que la commune se heurterait de manière systématique à un refus ou un manque de réactivité du ministre.

Or, même dans cette hypothèse particulièrement improbable, la commune disposerait d'un recours approprié contre les décisions ministérielles jugées injustifiées.

En ce qui concerne les travaux pour lesquelles une autorisation du ministre pourrait, le cas échéant, s'avérer nécessaire, c'est-à-dire les travaux ayant pour objet la protection et la conservation des monuments classés, le délégué du gouvernement précise que l'obligation d'autorisation ne serait pas à considérer comme une contrainte excessive d'un point de vue de la durée, étant donné que la plupart des décisions auxquelles se réfère la commune, telles que celles liées à l’agrandissement, le réaménagement, respectivement sa fermeture définitive ou temporaire, ne commanderaient pas d'agir d'urgence.

Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer que les travaux d'entretien à entreprendre sur un bien immeuble classé comme patrimoine culturel national seraient, en vertu de l’article 30 de la loi du 25 février 2022, dispensés d'une autorisation du ministre, que les délais de réponse du ministre seraient rationnellement et objectivement justifiés par les enjeux et les spécificités de la matière, et que la durée du délai de réponse du ministre varierait dans la pratique en fonction du degré de technicité du dossier, de sorte que les délais de réponse de plusieurs mois seraient exceptionnels.

Les effets d'une mesure de classement seraient par ailleurs prévus par la loi et résulteraient d'un choix du législateur de soumettre un certain nombre de travaux de restauration, de réparation ou de modification à une autorisation du ministre, alors que le raisonnement de la commune reviendrait à mettre en cause ce choix souverain, d’autant plus que les dispositions de police et de salubrité prévues à la loi du 1er août 1972 seraient d'ordre public, mais également les prescriptions de la loi du 25 février 2022, respectivement de la loi du 18 juillet 1983.

Quant à l’inquiétude de la commune d’être obligée de solliciter une autorisation de la part du ministre avant de pouvoir entamer des travaux, le délégué du gouvernement rétorque que la notion de « modifications quelconques » devrait être interprétée à la lumière de l'objet de la loi, à savoir la protection et la conservation du patrimoine culturel, de sorte que seraient seules visées les modifications susceptibles d'apporter un changement permanent et durable à un objet classé et d'avoir une incidence sur sa conservation et sa protection. Il n'aurait pas été dans l'intention des auteurs de la loi du 25 février 2022 d'empêcher la gestion et l'entretien courant des immeubles classés.

Il insiste sur le fait que les décisions prises par le conseil communal en matière de gestion et de surveillance du cimetière ne seraient pas soumises à autorisation du ministre en retenant qu’en tout état de cause, il ne saurait être admis que les prescriptions d'un règlement communal ou d'un règlement grand-ducal puissent l'emporter sur les dispositions de la loi du 25 février 2022 et de la loi du 18 juillet 1983.

19 Un classement comme monument national du cimetière ne s'opposerait pas à l'exécution de travaux d'entretien afin d'assurer un état d'entretien décent du cimetière. L'article 30 de la loi du 25 février 2022 prévoirait dorénavant expressément que les simples travaux d'entretien à faire réaliser à l'extérieur et à l'intérieur d'un immeuble classé comme patrimoine culturel national, tels que les modifications apportées aux aménagements verts des lieux, à condition de ne pas changer radicalement l'aspect général du lieu ou de lui faire perdre son authenticité, ne seraient pas soumises à autorisation du ministre, de sorte que les transformations régulières et ponctuelles, non définitives, ne seraient pas soumis à autorisation du ministre. La commune resterait par ailleurs en défaut d’établir dans quelle mesure le classement serait susceptible de s'opposer à l'organisation d'enterrements, étant donné qu’un classement n'empêcherait pas la commune d'agir à court terme lors d'un enterrement. L'obligation de procéder à un enterrement endéans un certain délai ne résulterait par ailleurs que du règlement communal.

Le délégué du gouvernement affirme encore qu’il n’aurait pas été dans l'intention des auteurs de la loi du 25 février 2022 d'empêcher un propriétaire d'agir à court terme en cas d'urgence, tel qu’en cas d'effondrement d'un monument funéraire, afin de procéder aux mesures conservatoires urgentes nécessaires à la conservation du bien immeuble auxquels l'INPA apporterait également son concours.

Quant aux inquiétudes de la commune de ne pas pouvoir remplir ses obligations lui imposées par d’autres dispositions législatives et réglementaires, le délégué du gouvernement fait valoir (i) que la délibération concernant l'agrandissement ou le réaménagement d'un cimetière serait d'ores et déjà soumise à l'approbation de l'Etat, de sorte que la nécessité d'une autorisation du ministre en ce qui concerne les travaux ayant une incidence sur la conservation des immeubles classés situés sur le site du cimetière ne soumettrait pas la commune à des obligations supplémentaires, (ii) que les modalités d’accès au cimetière ne seraient pas restreintes, à part que l’accès des représentants de l'INPA pour des visites des lieux ou l'exécution de travaux de réparation ou d'entretien jugés indispensables à la conservation des monuments nationaux devrait être garanti, (iii) que l'octroi de concessions perpétuelles ou d'une durée limitée serait d'ores et déjà réglementé et soumis à des restrictions au niveau communal et qu’il n'appartiendrait pas à la commune de défendre les intérêts particuliers de citoyens éventuellement concernés, (iv) que la réparation et l'entretien des pierres seraient d'ores et déjà soumis à des restrictions au niveau du règlement communal, (v) que des tombes sans valeur patrimoniale particulière ou qui ne sont plus authentiques par rapport à leur époque de construction pourraient être échangées, (vi) qu’avec l'accord du ministre, certains monuments pourraient être déplacés, (vii) que l'ouverture d'une tombe, le déplacement de pierres, le creusement d'une fosse ainsi que l’inscription d’un nom sur un monument ou sur le columbarium ne seraient pas soumis à une autorisation ministérielle, pour autant qu'ils ne portent pas atteinte à l'allure générale et à la substance bâtie du cimetière, (viii) que l'exercice du droit des administrés de placer des pierres sépulcrales ou d'autres signes indicatifs serait d'ores et déjà réglementé et soumis à des restrictions au niveau communal et (ix) que la création ou l'aménagement d'une parcelle destinée à la dispersion de cendres ne serait soumise à autorisation du ministre qu'au cas où cette création ou cet aménagement porterait atteinte à l'allure générale du cimetière.

Le délégué du gouvernement explique que même si une contradiction avec la loi du 1er août 1972 se présentait, il y aurait lieu d'admettre que le législateur aurait entendu déroger aux règles 20prévues par la loi du 1er août 1972 et que l'article 10 de la loi du 18 juillet 1983, respectivement l'article 30 de la loi du 25 février 2022, postérieures à celle de 1972 et spéciales en la présente matière, dérogeraient sur ce point aux principes généraux prévus par cette dernière pour ce qui est des cimetières classés comme patrimoine culturel national ou comme monument national.

Il observe que dans d'autres localités luxembourgeoises, une telle protection fonctionnerait déjà depuis longtemps, tel qu’à Lieler depuis 1968, à Esch-sur-Sûre depuis 1955 ou à Altlinster depuis 1984. Figureraient par ailleurs sur la liste des immeubles et objets classés monuments nationaux ou inscrits à l'inventaire supplémentaire les cimetières de Holler depuis 2012, Ellange depuis 2019, Livange et Peppange depuis 2020, respectivement 2021. Ces protections ne présenteraient aucun problème et les communes pourraient profiter de subventions élevées pour les travaux d'entretien des cimetières, dont notamment pour les tombes.

La partie gouvernementale souligne encore que les effets de la protection nationale s'appliqueraient au cimetière depuis la notification de l'arrêté ministériel du 30 août 2021 sans qu'une réclamation en relation avec un refus injustifié ou une réponse tardive du ministère relative à l'organisation d'un enterrement ou l'installation ou la remise en état d'un monument funéraire n'ait été portée à la connaissance du ministre.

Quant à la violation alléguée du principe de proportionnalité, le délégué du gouvernement rétorque qu’il aurait, à travers ses développements qui précèdent, démontré que la décision déférée ne serait pas disproportionnée et que cette conclusion ne serait pas énervée par l’affirmation de la commune selon laquelle elle assurerait elle-même les garanties nécessaires en matière de protection des sites et monuments au vœu de l'article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 » et que la parcelle sur laquelle se trouve le cimetière serait classé dans un secteur protégé au niveau du projet de refonte du PAG, alors que le régime de protection existant au niveau communal serait différent par rapport à celui instauré au niveau national et que le classement en « secteur protégé » du cimetière ne serait pas définitif, alors que rien n'empêcherait la commune de procéder à des modifications de son PAG à l'avenir.

Le délégué du gouvernement souligne encore qu’il y aurait une contradiction dans la position de la commune en ce qu’elle affirmerait, d'une part, qu'il n'y aurait pas d'intérêt suffisant pour rendre désirable la protection du cimetière comme monument national et, d'autre part, que le cimetière serait déjà suffisamment « protégé » de par son intégration dans un secteur protégé de type « environnement construit », ce qui démontrerait qu’aux yeux de la commune il existerait un intérêt suffisant à voir protéger le cimetière dans son intégralité. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement donne encore à considérer que la commune confirmerait que l'intégration du cimetière dans une « zone orange » du secteur protégé de type « vestiges archéologiques » permettrait d'assurer un juste équilibre entre sa protection et les obligations d'intérêt général de la commune, tout en observant que le CNRA devrait être systématiquement contacté dans le cadre de tout projet d'aménagement particulier « nouveau quartier » d'une surface minimale de trente ares afin de lui permettre de prescrire les mesures nécessaires avant une altération ou destruction des sites. Cette obligation ne différerait pas de celle attachée à un classement comme monument national soumettant des travaux de restauration, de réparation ou de modification à une autorisation préalable du ministre dès lors que ceux-ci sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la préservation du cimetière.

21 La partie gouvernementale soutient encore que l'obligation de s'adjoindre l'autorisation, dans les limites de la loi, se trouverait contrebalancée par les services gratuits de conseil offerts par les hommes de l'art de l'INPA et par les aides et subsides étatiques prévues par la législation applicable.

Le délégué du gouvernement affirme encore ne pas s'opposer à l'instauration d'une visite des lieux.

Dans son mémoire en réplique, la commune insiste sur le fait que le classement comme monument national aurait un impact important sur la gestion de son cimetière. Elle se réfère à un courrier figurant au dossier administratif adressé à la commune de … à travers lequel le ministre admettrait que des problèmes pratiques surgiraient à la suite d’un classement d’un cimetière.

Quant à la motivation du classement, la commune fait valoir qu’elle résulterait de la description du cimetière provenant de l’inventaire dressé par le SSMN, publié en 2018, et en conclut que la partie étatique ne pourrait plus compléter la motivation du classement du cimetière en prétendant que d’autres tombes et funéraires qui ne seraient pas mentionnés dans l’arrêté de proposition de classement seraient à conserver. Une telle pratique aurait pour conséquence de violer ses droits de la défense.

La commune insiste sur le fait que la décision déférée et les conséquences en découlant seraient incompatibles avec ses obligations d'intérêt général liées à l'exploitation et la gestion du cimetière en lien notamment avec les inhumations.

Quant au défaut d’avis du Conseil d’Etat, la commune fait valoir que pour autant qu’elle ne serait pas considérée comme propriétaire du cimetière, il y aurait lieu, en vertu du principe d’égalité inscrit à l’article 10bis de la Constitution, de ne pas faire de différence entre la commune et d’autres administrés.

La commune rappelle encore que l’intérêt public ne pourrait pas être démontré à travers une simple description vague et générique telle que celle figurant dans l’arrêté de proposition de classement et rappelle en substance ses développements contenus dans la requête introductive d’instance.

S’agissant explications de la partie gouvernementale quant aux raisons pour lesquelles il y aurait lieu de classer l’entièreté du cimetière, la commune fait valoir que le fait qu'un mur entoure le cimetière ne démontrerait pas qu'il s'agirait d'un tout indivisible, ni qu'il serait unifié, voire homogène, en son intérieur.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement se rapporte en substance aux développements contenus dans son mémoire en réponse, en précisant que les éléments de motivation figurant dans son mémoire en réponse n’auraient pas été ajoutés en cours de procédure tout en rappelant que l'administration aurait en tout état de cause la faculté de produire et de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.

Il donne encore à considérer que la commune resterait en défaut de prouver dans quelle mesure 22ses droits de la défense auraient été violés étant donné que ces éléments de motivation auraient été soumis au débat contradictoire entre les parties.

Le délégué du gouvernement conteste encore le reproche de la demanderesse ayant trait à un manque de collaboration, étant donné que la commune aurait été entendue en son avis conformément aux dispositions légales en vigueur et aurait participé à différentes entrevues avec les représentants de l'INPA.

Il soutient ensuite que le manque de collaboration sous l’angle du fait que les concessionnaires n’auraient pas été entendus ne serait soutenu par un quelconque développement en droit. Le raisonnement de la commune tendrait à dire que le titulaire d'une nouvelle concession serait obligé de « reprendre à son compte » le monument funéraire existant, alors qu’ « En fait, la commune ou, le cas échéant, le concessionnaire, [auraient] le droit de demander au ministre l'autorisation de modifier ou de déplacer un monument funéraire, étant donné que rien ne s'oppose[rait] a priori à la modification ou au déplacement des monuments funéraires sans valeur patrimoniale particulière, les demandes de déplacement, de modification ou d'enlèvement de monuments funéraires présentant une valeur patrimoniale étant à analyser au cas par cas ».

Appréciation du tribunal S’agissant tout d’abord du moyen ayant trait à l’absence d’avis du Conseil d’Etat, il échet de préciser qu’afin de pouvoir répondre à ce moyen, le tribunal sera amené à vérifier s’il se trouve dans le cas de figure de l’article 3 de la loi du 18 juillet 1983, dans le cadre duquel le propriétaire de l’immeuble concerné est une personne publique, ou dans le cas de figure de l’article 4 de la même loi, sur base duquel l’arrêté déféré a été adopté et qui traite de la situation d’un classement comme monument national d’un immeuble appartenant à toute autre personne, à savoir une personne de droit privé, l’obligation de solliciter l’avis du Conseil d’Etat ne s’imposant que dans le premier cas de figure.

Quant à la question de la propriété du cimetière litigieux, la commune explique dans la partie « Faits et rétroactes » de sa requête introductive d’instance qu’elle-même serait propriétaire dudit cimetière, ce qui ressortirait tant d’un courrier du 4 mars 2022 adressé au tribunal que d’un courrier du 3 novembre 2021 du Fonds à la commune. Elle soutient encore que la loi du 13 février 2018 sur la gestion des édifices religieux et autres biens relevant du culte catholique mentionnerait que l’église de … serait la propriété de la commune, tandis qu’il n’y aurait aucune référence du cimetière de …. L’extrait cadastral énoncerait à son tour comme propriétaire du cimetière « …, le Presbytère », ce qui, selon la commune, qui se réfère à cet égard à un avis du Conseil d’Etat, ne correspondrait pas à la dénomination d’une personne juridique, mais n’indiquerait que l’affectation cultuelle de l’édifice sans en désigner le propriétaire. Elle en conclut qu’elle devrait être considérée comme propriétaire du cimetière.

S’il est vrai (i) qu’il ressort d’un courrier du 4 mars 2022 adressé au tribunal par le litismandataire du Fonds que ce dernier aurait formellement confirmé à la commune qu’il n’aurait pas qualité de propriétaire mais « que la propriété de la Parcelle [serait] détenue par la commune, étant donné que l’administration communale de … s’est comportée comme propriétaire de la Parcelle depuis au moins plus de 30 ans » (ii) qu’aux termes d’un courrier du 3 novembre 2021 adressé par le Fonds au bourgmestre, ce dernier déclare expressément se « décharger de toutes 23revendication de la qualité de propriétaire » concernant la parcelle recueillant le cimetière et (iii) qu’il ressort du jugement rendu par le tribunal administratif en date de ce jour, inscrit sous le numéro 46744 du rôle, qu’à l’audience des plaidoiries du 22 février 2023, le litismandataire du Fonds a déclaré expressément que ce ne serait pas le Fonds mais la commune qui serait propriétaire du cimetière de …, il n’en reste pas moins que les parties restent en défaut de produire un quelconque élément probant qui permettrait au tribunal de retenir la commune comme propriétaire du cimetière.

Plus particulièrement, ils ne versent aucun titre de propriété relatif au cimetière, dont il se dégagerait que la commune en serait le propriétaire. L’extrait cadastral ne permet pas au tribunal de constater que le cimetière serait devenu la propriété de la commune.

S’agissant de l’affirmation du Fonds, contenue dans le courrier du 4 mars 2022, selon laquelle la commune se serait comportée comme propriétaire depuis au moins 30 ans, de sorte à invoquer la prescription acquisitive, le tribunal relève, d’une part, que n’est produite en l’espèce aucune décision du juge civil, seul compétent en la matière, qui aurait constaté que la commune aurait acquis la propriété du cimetière par le biais de l’usucapion et, d’autre part, qu’aucune disposition légale qui permettrait à l’administration de constater elle-même, en l’absence de décision afférente du juge civil, l’acquisition d’un immeuble par prescription n’est invoquée, de sorte qu’il ne saurait être reproché au ministre de ne pas avoir tenu compte de la possession, le cas échéant prolongée, du cimetière par la commune.

Ce constat se trouve encore conforté par le fait qu’à travers sa délibération du 24 mars 2021, le conseil communal affirme que le Fonds serait le propriétaire du cimetière.

Il s’ensuit que qu’aucun reproche ne peut être fait au ministre pour avoir considéré le Fonds, à savoir une personne de droit privé, comme le propriétaire du cimetière, de sorte que c’est à juste titre qu’il a procédé au classement du cimetière en vertu de la procédure inscrite à l’article 4 de la loi du 18 juillet 1983.

Il convient dès lors d’en conclure que le ministre n’était pas obligé de solliciter l’avis du Conseil d’Etat, qui ne s’impose que dans le cadre du classement d’immeubles appartenant à des propriétaires de droit public, et que le moyen afférent encourt le rejet.

Ce constat n’est pas infirmé par l’affirmation non autrement précisée de la commune selon laquelle il n’y aurait pas lieu de faire de différence entre la commune et d’autres administrés en vertu du principe d’égalité devant la loi, alors qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

S’agissant du moyen ayant trait à un défaut de motivation, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu´elle:

- refuse de faire droit à la demande de l´intéressé;

24- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu´elle y fait droit ;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

- intervient après procédure consultative, lorsqu´elle diffère de l´avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elle accorde une dérogation à une règle générale. (…) ».

En l’espèce, le tribunal relève que le Conseil de Gouvernement a basé sa décision de classement du 2 mars 2022 notamment sur l’arrêté ministériel du 30 août 2021 proposant le classement de l’immeuble litigieux, cité in extenso ci-avant, arrêté qui lui-même reprend en substance les termes de l’avis de la COSIMO du 28 octobre 2010 énonçant les éléments de fait et de droit sur base desquels la COSIMO a retenu que le cimetière mériterait d’être classé, motifs ayant ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance de la demanderesse6.

Le tribunal est amené à retenir que ces indications sont suffisantes pour répondre aux exigences de l’article 6, précité, étant relevé qu’il suffit que l’indication des motifs soit « sommaire ».

Le moyen fondé sur une absence d’indication des motifs dans la décision litigieuse doit dès lors être écarté pour ne pas être fondé et ce, indépendamment du bien-fondé de cette motivation qui sera analysé ci-après.

Le tribunal rappelle ensuite que le bien-fondé de la décision déférée sera, tel que retenu ci-

avant, analysé par rapport aux dispositions de la loi du 25 février 2022.

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il est constant en cause que le cimetière a été classé au motif qu’il présenterait un intérêt historique, architectural et esthétique digne de protection.

Aux termes de l’article 23 de la loi du 25 février 2022 « (2) Pour pouvoir être inventorié comme bien immeuble susceptible de faire l’objet d’un classement comme patrimoine culturel national, un bien immeuble doit être authentique pour avoir connu peu de modifications et avoir gardé des éléments de son époque. Outre ce critère d’authenticité, un bien immeuble doit être représentatif et significatif au vu d’au moins un des critères suivants :

1° Histoire de l’architecture, de l’art ou de l’ingénierie : biens représentant de façon exemplaire une certaine époque, un certain courant ou en illustrent l’apogée ;

2° Genre : biens à fonction et destination initiales reconnaissables ;

3° Typologie : biens se caractérisant par leur composition et constitution spécifiques ;

4° Rareté : biens ayant été réalisés en nombre restreint ou qui sont devenus peu nombreux au fil du temps ;

5° Période de réalisation : biens ayant repris et transposé le style artistique ou l’esprit de l’époque de leur réalisation ;

6 Trib. adm., 13 novembre 1997, n° 10268 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 mars 1998, n° 10458C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 65 et les autres références y citées.

256° Histoire industrielle, artisanale, économique ou scientifique : biens témoignant du développement technique de leur époque de réalisation ou qui sont représentatifs du développement d’un lieu ou d’une région ;

7° Lieu de mémoire : biens rappelant une personnalité ou un évènement important pour l’histoire du pays ;

8° Histoire politique et institutionnelle, nationale ou européenne : biens témoignant de l’organisation et de l’exercice du pouvoir et des institutions politiques tant au niveau national qu’international ;

9° Histoire militaire : biens rappelant des actions de défense, des faits de guerre ou représentant l’évolution des techniques militaires ;

10° Histoire sociale ou des cultes : biens illustrant la vie, le travail ou la vie spirituelle et religieuse ainsi que les traditions et les coutumes de différentes époques ;

11° Œuvre architecturale, artistique ou technique : biens ayant été conçus par un ou plusieurs créateurs reconnus pour la qualité de leur œuvre ;

12° Typicité du lieu ou du paysage : biens typiques pour une partie du territoire national, en fonction des spécificités géographique et géologique des lieux ;

13° Histoire locale, de l’habitat ou de l’urbanisation : biens témoignant des caractéristiques spécifiques d’un lieu ou d’une région et qui sont significatifs du point de vue de la composition urbaine ou rurale ;

14° Évolution et développement des objets et sites : biens ayant connu des transformations au cours du temps et qui témoignent de l’évolution du bâti en affichant des unités stratigraphiques, caractéristiques pour différentes époques.

Les critères énumérés aux points de l’alinéa 2 peuvent s’appliquer de manière cumulative et le poids de chaque critère peut varier selon l’objet inventorié. » La jurisprudence développée sous l’égide de la loi du 18 juillet 1983 a retenu qu’à côté du critère d’authenticité un bien immeuble doit être représentatif et significatif au regard d’au moins un des critères cités ci-avant et que pour pouvoir faire l’objet d’un classement, les immeubles concernés doivent mériter d’être protégés, mérite qui se mesure par rapport à l’intérêt public que présente leur conservation7. Cette jurisprudence reste, au regard des termes de l’article 23, précité, d’actualité.

Le constat selon lequel le critère d’authenticité doit être vérifié en plus de l’un des 14 critères énumérés ci-avant se trouve par ailleurs confirmé par les auteurs du projet de loi relatif au patrimoine culturel8 à la suite d’une question afférente posée par le Conseil d’Etat9.

7 Trib. adm., 17 avril 2013, n° 29956 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Sites et monuments, n°29 et les autres références y citées.

8 « Le paragraphe 1er précise les différents critères qui peuvent s’appliquer de manière cumulative, à côté du critère d’authenticité lequel est toujours requis. – L’amendement clarifie que la pondération entre les différents critères ne peut se faire que pour ceux énumérés aux tirets de l’alinéa 2 de sorte qu’un bien immeuble doit toujours remplir le critère de l’authenticité. Avec cette modification, les auteurs du projet de loi suivent l’avis du Conseil d’Etat », Doc.

parl. n° 747310, Amendements gouvernementaux, p. 21.

9 « Au paragraphe 1er, alinéa 3, il est prévu que les critères peuvent s’appliquer de manière cumulative et que le poids de chaque critère peut varier selon l’objet inventorié. Le Conseil d’État s’interroge sur le sens de cette disposition. En effet, pour pouvoir être inventorié comme bien immeuble susceptible de faire l’objet d’un classement comme patrimoine culturel national, un bien immeuble doit être représentatif et significatif au vu d’au moins un des points énumérés à l’alinéa 2 du même paragraphe. Quels critères sont visés ? S’agit-il des points précités ? Ou sont 26 En l’espèce, il se dégage tant de l’avis de la COSIMO que de l’arrêté de proposition de classement sur lequel le Gouvernement en conseil s’est notamment fondé pour décider du classement litigieux que l’intérêt à préserver le cimetière est justifié par des considérations historiques et esthétiques tenant au fait (i) que l’unité spatiale du cimetière et de l’église serait caractéristique des cimetières jusqu’à la fin du 19e siècle, tout comme l’escalier et différentes tombes individuelles (ii) qu’il y aurait une grande diversité de styles et que le nombre de cénotaphes de la première moitié du 19e siècle serait remarquable, (iii) que le mur entourant le cimetière compterait un pilier baroque ainsi qu’une pierre de grès simple et de taille moyenne avec un sommet en arc segmentaire tout comme une pierre tombale baroque de la hauteur d’un homme, (iv) qu’une série de neuf fragments de croix en pierre, située en dehors du cimetière, daterait de l’époque baroque, (v) que plusieurs monuments funéraires en fonte témoigneraient de l’ampleur et de l’importance de la production locale de fonte, (vi) que le cimetière comporterait également des monuments funéraires d’un style plus simple du début du 20e siècle et (vii) que le cimetière aurait pu préserver sa taille et ses pierres remarquables grâce à une conservation ciblée et que sa pérennité aurait été assurée pour l’avenir grâce à la construction du columbarium.

Le délégué du gouvernement, de son côté, a ajouté aux motifs contenus dans l’avis de la COSIMO, respectivement à l’arrêté de proposition de classement (i) qu’en raison de la présence de tombes de personnalités locales et nationales, le cimetière deviendrait un lieu de commémoration et de mémoire des personnalités qui auraient aidé à forger l'évolution du pays dans diverses branches, (ii) plusieurs autres tombes et monuments funéraires non explicitement mentionnés dans l’avis de la COSIMO rempliraient également les critères prévus par la loi, (iii) que la conception du cimetière serait particulière en ce qu’il entourerait l’église, (iv) que les tombes montreraient la compétence de la main-d’œuvre et du savoir-faire artisanal de l’époque et seraient des témoins importants de la culture funéraire luxembourgeoise, (v) que l’aménagement du cimetière serait caractéristique des lieux de sépulture aménagés au 19e siècle ce qui deviendrait visible par le fait qu’il serait entouré d’un mur de grès imposant afin de le séparer de son environnement immédiat et (vi) qu’il constituerait un ensemble cohérent avec l’entrée principal créant deux divisions majeures au sein du cimetière.

Force est tout d’abord au tribunal de constater que la plus grande partie du susdit avis de la COSIMO consiste en une description détaillée de l’intérêt historique de certaines tombes individuelles situées sur le cimetière, respectivement en une description de l’allure générale du cimetière.

Or, l’intérêt historique de quelques tombes isolées, aussi remarquables qu’elles soient, ne saurait justifier le classement du cimetière dans son intégralité à défaut par la partie étatique de justifier que le cimetière tout entier remplirait le critère d’authenticité et qu’il serait représentatif et significatif au regard d’un des critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022, précité.

visés également les critères d’authenticité et de représentativité ou le fait de devoir être significatif ? Est-ce qu’un manque d’authenticité pourrait être compensé par un excès de représentativité ou par la rareté du bien ? Le Conseil d’État estime que tel ne peut pas être le cas. Si sont visés par la notion de « critère » au troisième alinéa, uniquement les points énumérés à l’alinéa 2, pour quelles raisons faudrait-il procéder à une pondération de ces points, sachant qu’il est suffisant de satisfaire à un seul de ces points ? Le Conseil d’État estime que ledit alinéa 3 doit être revu et rendu autrement plus clair afin de préciser que la seule pondération peut avoir lieu entre les points repris aux tirets de l’alinéa 2 », Doc. parl. n° 74736, Avis du Conseil d’Etat, p. 11.

27 Le constat s’impose que la motivation de procéder au classement comme monument national du cimetière en dehors des quelques tombes individuelles décrites dans l’avis de la COSIMO est essentiellement succincte et n’a guère été concrétisée devant le juge administratif.

C’est ainsi que la partie étatique est restée en défaut d’indiquer concrètement dans quelle mesure les particularités du cimetière, en dehors de quelques tombes individuelles, présenteraient au vu d’un des critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022, un intérêt public méritant la protection de l’intégralité du cimetière. Si la partie étatique insiste dans le cadre du recours contentieux sur le fait que les tombes isolées ne sauraient être utilement protégées à défaut de classer le cimetière dans son ensemble et qu’une protection individuelle de ces éléments ne seraient pas cohérente, force est de constater que cette affirmation est également purement théorique, sans être corroborée par le moindre élément concret soumis à l’appréciation du tribunal pouvant faire face aux contestations circonstanciées afférentes de la commune.

En effet, pour justifier son classement, il ne suffit pas qu’un immeuble présente un certain cachet, mais il doit présenter un intérêt particulier suffisant justifiant sa préservation intégrale.

L’intérêt rendant désirable la protection doit en effet être particulièrement vérifié, dès lors qu’une décision de classement est généralement susceptible de porter gravement atteinte à la situation des propriétaires10.

Force est au tribunal de constater que les éléments de motivation lui soumis sont essentiellement basés sur une description des lieux, à savoir que le cimetière entoure l’église de … et que l’entrée principal crée deux divisions majeures au sein du cimetière.

Or, il ne se dégage pas de ces éléments mis en avant dans quelle mesure cette disposition des lieux ferait du cimetière un exemple typique de la culture funéraire du 19e siècle. Il s’agit en effet d’une affirmation tout à fait théorique et abstraite, alors que la partie étatique n’explique ni (i) en quoi consiste concrètement la culture funéraire à laquelle elle se réfère, (ii) ni dans quelle mesure l’aménagement et la disposition des lieux feraient du cimetière un objet représentatif et significatif au vu de l’un des critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022. La description du mur entourant le cimetière de même que de l’entrée au cimetière ou encore de l’escalier menant vers le cimetière, sans pour autant mettre ces éléments en relation avec un style précis, respectivement justifier s’ils se rapportent à une culture funéraire précise, n’est pas de nature à élucider cette question, étant relevé qu’il ne suffit pas de renvoyer à une période spécifique, mais encore faut-il expliquer pour quelle raison la constellation des lieux serait d’une particularité exceptionnelle conférant au cimetière le cachet d’un style architectural caractéristique ou d’une valeur historique justifiée. Si certes ces éléments sont rangés par le ministre dans les catégories de « Seltenheitswert », « Gattung » et « Bautyp », encore faut-il, au vu des contestations circonstanciées de la commune, justifier concrètement dans quelle mesure la disposition des lieux ferait du cimetière un bien rare, respectivement qui se caractérise par sa composition et sa constitution spécifiques, et dans quelle mesure il se distingue d’autres cimetières.

Il ne se dégage pas non plus des éléments à la disposition du tribunal dans quelle mesure une préservation de l’ensemble du cimetière pourrait se justifier en raison de sa qualité de témoin 10 Cour adm, 8 mai 2018, n° 40542C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Sites et monuments, n° 30.

28d’une époque déterminée ou bien d’objet significatif d’un point de vue architectural. Le seul fait que le cimetière abrite des tombes du 19e siècle n’en fait pas dans son ensemble un lieu particulièrement représentatif ou important d’un point de vue historique, alors que le fait qu’un cimetière ayant un certain âge présente des éléments datant du 19e siècle, respectivement représente différentes couches temporelles n’a en tout état de cause rien d’exceptionnel puisqu’il est évident que plus un immeuble est ancien, plus il y a de chances qu’il soit marqué par diverses phases historiques et caractéristiques de leur époque d’intervention.

La référence à la culture funéraire, sans en expliquer les critères, ne justifie pas non plus un classement intégral du cimetière comme monument national, étant donné que, d’un côté, la partie étatique n’explique pas dans quelle mesure cette circonstance serait de nature à tomber parmi l’un des critères de l’article 23 de la loi du 25 février 2022, et, d’un autre côté, ce constat s’applique a priori à tous les cimetières luxembourgeois, à défaut par la partie étatique d’expliquer pourquoi cette réalité serait particulièrement vraie pour le cimetière de ….

Si, certes, le cimetière peut être considéré comme un lieu de commémoration et de mémoire des personnalités qui ont aidé à forger l'évolution du pays dans diverses branches, tel qu’affirmé par le délégué du gouvernement, il n’en reste pas moins que cette réalité ne saurait à elle seule justifier le classement comme monument national du cimetière dans son ensemble.

Ce constat s’impose par ailleurs au vu du constat que le délégué du gouvernement affirme dans le cadre de la procédure contentieuse que « d’autres tombes et monuments funéraires à conserver qui n’ont pas été nommément mentionnés dans l’Arrêté (…), mais qui remplissent néanmoins les critères prévus par la loi », seraient à ajouter à la liste des tombes remarquables justifiant ainsi le classement de l’entièreté du cimetière. Cette liste de tombes sans en donner une quelconque description ne saurait justifier le classement de l’intégralité du cimetière.

Il suit de tout ce qui précède que la partie étatique ne justifie pas le classement de l’intégralité du cimetière.

Si certes le délégué du gouvernement affirme que l'objectif de protection et de conservation du site ne pourrait être atteint par une protection individuelle de certains éléments, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une affirmation purement abstraite sans justifier concrètement en quoi des protections individuelles porteraient atteinte à l’homogénéité du cimetière, étant précisé que ce dernier contient d’ores et déjà des tombes qui ne sont pas dignes de protection. En effet, le délégué du gouvernement a affirmé à cet égard que « toutes les tombes dignes de protection ont été repérées sur place et ont été listées sur un document qui permettra à la commune de savoir quels monuments funéraires sont dignes de protection », de sorte à admettre que les tombes ne sont pas toutes dignes de protection.

S’agissant finalement de la référence du délégué du gouvernement aux cimetières de Lieler, Esch-sur-Sûre et Altlinster, Holler, Ellange, Livange et Peppange, où, selon la partie étatique, la protection du cimetière ne poserait pas de problèmes à la commune, il échet de rappeler que le classement comme monument national doit être justifié pour chaque immeuble individuellement sur base de l’article 23 de la loi du 25 février 2022 ce que, concernant le cimetière de …, la partie étatique est restée en défaut de prouver, de sorte que si le classement d’autres cimetières se justifie le cas échéant, tel n’est pas ipso facto le cas pour le cimetière visé en l’espèce.

29 Force est encore au tribunal de constater que le classement de l’intégralité du cimetière, y compris des tombes qui, de l’aveu de la partie étatique sont moins remarquables, se heurte par ailleurs tant aux obligations imposées à la commune par la loi du 1er août 1972, qu’aux droits des bénéficiaires de concessions11, respectivement des usagers du cimetière12, tel que précisé de manière circonstanciée par la commune13.

Ce constat est conforté par le courrier du 17 septembre 2021 envoyé par le ministre au collège des bourgmestre et échevins de la commune de … à travers lequel le ministre informe le conseil échevinal, suite au classement du cimetière de …, que « les interventions ou modifications majeures à apporter au cimetière et à une quelconque tombe nécessitent l’accompagnement par mes services ainsi que des autorisations ministérielles au préalable » et que « Le Service des sites et monuments nationaux (SSMN) souhaiterait s’échanger avec votre commune autour de cette problématique, ceci afin d’établir des lignes directrices pour la conservation et la restauration de ce cimetière protégé ». Ce courrier est de nature à semer de sérieux doutes quant à la compatibilité du classement de l’intégralité du cimetière avec l’usage et la gestion au quotidien de ces lieux. En effet, la gestion du cimetière requiert une intervention en urgence afin de garantir l’inhumation dans les délais légaux de la personne décédée et s’accompagne dans tous les cas d’une période de deuil pour les proches du défunt, qui, du fait du classement litigieux supposant, tel qu’il peut être déduit du courrier précité, en cas d’intervention ou de modification à une quelconque tombe, y compris celles qui sont moins remarquables, une autorisation ministérielle, se verraient opposer des contraintes administratives supplémentaires.

S’agissant de la question de savoir si les éléments composant le cimetière justifient le classement de l’entièreté du cimetière, il échet de constater que tant l’avis de la COSIMO que l’arrêté de proposition de classement se limitent essentiellement à fournir une description des monuments funéraires et autres composants localisés sur le cimetière. Il en est ainsi de l’escalier menant au portail de l'église, des tombes disposées de part et d'autre de l'allée, des tombes individuelles se trouvant du côté nord-est, et des fragments de monuments funéraires présents du côté nord-ouest de l'église, du hall d'adieu et du columbarium.

11 Article 10 de la loi du 1er août 1972 : « Le conseil communal peut accorder dans les cimetières communaux des concessions aux personnes qui désirent y posséder une place distincte et séparée pour y fonder leurs sépultures.(…) Ces concessions sont accordées pour trente ans au plus et elles sont renouvelables.

Des concessions perpétuelles peuvent être accordées dans les lieux d'inhumation réservés à un culte religieux, si telle est l'exigence de ce culte. ».

Article 11 de la loi du 1er août 1972 : « Les concessions perpétuelles, accordées en vertu du décret impérial du 23 prairial an XII restent valables sans redevance nouvelle.

Toutefois une ou plusieurs personnes intéressées au maintien de ces concessions devront faire tous les trente ans à l'administration communale une déclaration par laquelle elles manifestent leur volonté de conserver leurs droits.

(…) ».

12 Article 14 de la loi du 1er août 1972 : « Toute personne a le droit de faire placer sur la tombe de son parent ou de son ami une pierre sépulcrale ou un autre signe indicatif de sépulture.

L'exercice de ce droit est réglementé par le conseil communal qui est habilité à établir un règlement relatif aux dimensions, formes et matériaux des monuments funéraires ainsi qu'à la nature des inscriptions qui y seront apposées.

Les dispositions du présent article sont également applicables aux columbariums. ».

13 Trib. adm., 5 juillet 2023, n° 46526 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

30Il est encore fait référence aux tombes et aux cénotaphes témoignant d'une grande diversité de styles et d'une large dispersion dans le temps, sans préciser quelles tombes et quels cénotaphes peuvent être associés à quel style en se bornant à affirmer que le nombre de cénotaphes de la première moitié du 19e siècle serait remarquable.

Concernant le mur entourant le cimetière, il est précisé qu’il compte (i) un pilier baroque classé parmi les éléments les plus anciens datant d'avant la construction de l'église, (ii) une pierre de grès simple et de taille moyenne avec un sommet en arc segmentaire comportant dans sa partie supérieure une représentation de Saint-… en habits épiscopaux, accompagné d'un cerf et (iii) l'une des pierres les plus anciennes du mur, à savoir une pierre tombale baroque de la hauteur d'un homme présentant une surface pointue pour une ancienne plaque ronde, entourée dans la moitié supérieure d'un relief d'épis et d'un nœud de rubans flottants et surmontée d'une avancée légère par une pierre angulaire voûtée en forme de pyramide.

Or, à part d’être imposant, aucune précision n’est fournie au tribunal qui justifierait que ce mur serait représentatif et significatif par rapport à l’un des critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022.

S’agissant de la série de neuf fragments de croix en pierre, le tribunal constate à l’instar de la commune, que, tel qu’il ressort par ailleurs explicitement de l’avis de la COSIMO et de l’arrête de proposition de classement, ces cénotaphes sont situés en dehors du cimetière, de sorte à ne pas pouvoir justifier un classement de ce dernier.

Le tribunal constate ensuite que les autres éléments mentionnés dans l’avis de la COSIMO et dans l’arrêté de proposition de classement ne font l’objet que d’une description, certes en partie très détaillée, mais sans être pour autant mise en lien avec l’un des critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022, respectivement sans qu’il soit expliqué dans quelle mesure une caractéristique de l’objet peut être classée parmi tel ou tel critère visé par la loi.

S’agissant de l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle le cimetière serait un témoin pour l’histoire locale, voire nationale avec la présence de personnalités connues ayant eu une importance nationale, il échet de constater que si certes, il est fait référence à plusieurs personnes, telles que …, … et …, …, la famille …, la famille …, la famille …, la famille …, les familles …, … et …, la famille …, la famille …, la famille …, la famille …, la famille …, la famille … ainsi que la famille …, il n’en reste pas moins qu’à part une description de leurs tombes ou monuments funéraires, aucune référence n’est faite quant au rôle qu’ont joué ces personnes dans la commune de ….

Les seuls éléments mentionnés dans l’arrêté de proposition de classement servant de motivation de l’arrêté déféré qui ne sont non seulement décrits de façon détaillée mais encore sont mis en lien avec un critère prévu par l’article 23 de la loi du 25 février 2022 sont les deux pierres tombales placées à droite du portail de l'église et appuyées contre la façade, certes dépourvues d'ornements majeurs mais rappelant tant les réalisations industrielles des propriétaires de forges … et de son fils …, que l'ampleur et l'importance de la production locale de fonte. Il en est de même (i) du cénotaphe peu conventionnel de … qui était le curé local ayant également supervisé la construction de l'église, (ii) du monument funéraire surdimensionné en pierre de grès clair du prêtre … étant un exemple d'une pierre tombale typiquement néogothique et (iii) de la pierre du 31député du canton de … et juge …, dont l'élaboration des éléments floraux sur le pignon incliné se distinguerait.

Or, ces éléments ne sauraient justifier à eux seuls le classement de l’entièreté du cimetière.

Si certes les éléments décrits dans l’avis de la COSIMO sont indéniablement tous le résultat d’habileté artisanale et de qualité sculpturale, il n’en reste pas moins, tel que précisé ci-

avant, qu’il ne suffit pas de décrire les éléments, encore faut-il les associer concrètement aux critères prévus à l’article 23 de la loi du 25 février 2022.

Il suit de tout ce qui précède que la partie étatique est restée en défaut de justifier de manière précise et circonstanciée la valeur de la conservation de l’entièreté du cimetière de … en ce qu’il s’agirait dans son ensemble d’un véritable patrimoine culturel national.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, sans qu’il y ait lieu de statuer plus en avant sur les autres moyens invoqués par la commune dans le cadre du recours sous analyse, il y a lieu de déclarer le recours en réformation, tel qu’introduit par la commune, justifié et, par réformation, d’annuler l’arrêté du Conseil de Gouvernement du 2 mars 2022 décidant du classement comme monument national du cimetière de …, situé à la rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro ….

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre l’arrêté du Gouvernement en Conseil du 2 mars 2022 ;

au fond, le dit justifié ;

partant, dans le cadre du recours en réformation, annule l’arrêté du Gouvernement en conseil du 2 mars 2022 décidant du classement comme monument national du cimetière situé rue …, inscrit au cadastre de la Commune de …, section … de …, sous le numéro … ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la commune de … aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

32 s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 33


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47501
Date de la décision : 29/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-29;47501 ?

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