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29/09/2023 | LUXEMBOURG | N°46860

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2023, 46860


Tribunal administratif N° 46860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46860 4e chambre Inscrit le 4 janvier 2022 Audience publique du 29 septembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46860 du rôle et déposée le 4 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoi

se Nsan-Nwet, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 46860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46860 4e chambre Inscrit le 4 janvier 2022 Audience publique du 29 septembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46860 du rôle et déposée le 4 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoise Nsan-Nwet, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Somalie), de nationalité somalienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 décembre 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2022 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée le 11 mai 2023 au greffe du tribunal administratif, par laquelle Maître Ardavan Fatholazadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare reprendre le mandat pour le compte de Madame …, en remplacement de Maître Françoise Nsan-Nwet ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yasmine Guebasi, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Corinne Walch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juin 2023.

Le 8 octobre 2019, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.

1 En date des 2 septembre, 2 octobre et 13 novembre 2020, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 9 décembre 2021, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le 13 décembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 8 octobre 2019 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 8 octobre 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 2 septembre, 2 octobre et 13 novembre 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, le rapport de contrôle d'authenticité N.Réf :2020/41719/1093/DA établi par la Section Expertise Documents de l'Unité de la Police de l'aéroport en date du 6 janvier 2021 ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous déclarez être née à « … [Sic : …] » en Somalie, être de nationalité somalienne, appartenir au clan …, être de confession musulmane et avoir vécu à « … [Sic : …] ».

Concernant vos craintes en cas de retour en Somalie, vous indiquez que vous craindriez tomber dans les mains d'Al Shabaab qui vous aurait condamnée à mort et vous ajoutez que vous craindriez également de vous faire tuer par les membres de la famille de votre mari qui n'auraient pas accepté votre mariage.

Concernant les événements qui se seraient déroulés dans votre pays d'origine avant votre départ, vous expliquez que le 8 février 2018, vous auriez commencé à travailler en tant que « Putzfrau » (page 10 de votre rapport d'entretien) pour l'ONG « … » dans un hôpital pour enfants se situant à « … » (page 3 de votre rapport d'entretien), votre village natal. Vous ajoutez que vous auriez obtenu ce poste grâce à une de vos connaissances qui y aurait également travaillé.

Le 20 mai 2018, des membres d'Al Shabaab auraient pris possession de l'hôpital dans lequel vous auriez travaillé afin d'y soigner leurs blessés. Vous et cinq autres employés auriez été forcés à rester et à continuer votre travail durant dix jours au service des membres d'Al Shabaab. Au quatrième jour, on vous aurait informé que quand les blessés seraient guéris, vous devriez épouser un d'entre eux. Au bout de dix jours vous auriez demandé la permission de rendre visite à votre mère qui aurait été malade. Votre demande aurait été refusée à deux 2 reprises et suivant votre troisième demande et votre refus de continuer à travailler, vous auriez été emmenée « zu deren Camp » (page 16 de votre rapport d'entretien) où vous auriez été gardée pendant deux jours, frappée et intimidée à l'aide d'une arme afin de vous faire reprendre votre travail. A votre retour à l'hôpital vous auriez continué à travailler pendant deux jours avant de demander à nouveau la permission de rendre visite à votre mère. On vous aurait demandé où votre mère aurait habité et des membres d'Al Shabaab s'y seraient rendus afin de constater l'état de votre mère. À leur retour, on vous aurait informé qu'un homme de votre village se serait porté garant de votre retour et que vous seriez autorisée à vous rendre auprès de votre mère.

Vous auriez informé votre mère de l'intention des membres d'Al Shabaab de vous marier et par peur que vous soyez donnée en mariage à un de leurs membres, elle aurait décidé de vous envoyer chez votre oncle à « … » (page 6 de votre rapport d'entretien).

Vous expliquez que vous auriez rencontré votre mari à « … ». Vous auriez vendu du thé devant son magasin et que c'est ainsi que vous auriez commencé à vous côtoyer avant de vous marier. Vous ajoutez que votre mari aurait été promis à une de ses cousines et que par peur de répercussions de la part de membres de son clan, il aurait décidé de vous épouser en cachette chez votre tante en date du 10 novembre 2018 sans en informer sa famille. Quatre mois après votre mariage, un de vos témoins aurait informé votre belle-famille de votre mariage. Votre belle-famille se serait opposée à votre union et face au refus de votre mari de vous quitter, il aurait été la cible d'un coup monté de la part de sa famille. Un homme se serait présenté et lui aurait réclamé de l'argent qu'il lui aurait prêté. Une plainte contre votre mari aurait été faite auprès de la police qui l'aurait arrêté et lui aurait laissé le choix de vous quitter ou d'aller en prison. Votre mari aurait choisi la prison.

Vous ajoutez qui suite à l'emprisonnement de votre mari, les mêmes membres de votre belle-famille vous auraient menacée et auraient détruit votre service à thé. Vous auriez reçu des appels de menace et un jour, alors que vous vous seriez rendue faire des achats, vous auriez été agressée en pleine rue. Vous auriez été frappée jusqu'à ce que vous auriez perdu connaissance. Quatre jours plus tard, vous auriez à nouveau été agressée et vous auriez trouvé refuge chez un commerçant avant de pouvoir prendre la fuite. De retour chez votre tante, elle aurait pris peur qu'on puisse vous retrouver, raison pour laquelle elle vous aurait envoyée chez une de ses amies où vous vous seriez cachée durant dix jours.

Pendant que vous seriez restée cachée, des membres de la famille de votre mari se seraient rendus chez votre tante et lui auraient demandé où vous vous trouveriez. Lorsque votre tante aurait répondu qu'elle ne serait pas en mesure de les aider, elle aurait été blessée à coups de couteau et aurait succombé à ses blessures. Son fils aurait également été blessé à coups de couteau et vous ajoutez que votre mari qui serait sorti de prison le jour précédent la mort de votre tante aurait emmené votre cousin à l'hôpital pour s'y faire soigner.

Votre mari aurait pris la décision de vendre ses terres et vous auriez quitté la Somalie ensemble.

Arrivée au Kenya, vous auriez introduit une demande de protection internationale auprès de l'UNHCR à Nairobi, où vous auriez vécu dans un appartement que vous auriez loué.

Par manque d'argent, vous auriez continué votre route vers l'Europe seule en prenant l'avion jusqu'aux Pays-Bas, munie d'un faux passeport.

3 Vous présentez les documents suivants à l'appui de votre demande de protection internationale :

· Un acte de naissance n°5432 émis le 14 juillet 2017 à … ;

· Un certificat de l'UNHCR Ref : KEN/NBI/PROT/14/6201-KAR, daté du 28 mars 2019 ;

· Une carte d'employé de l'ONG « … ».

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant à la crédibilité de votre récit Madame, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est formellement remise en cause pour les raisons suivantes :

Premièrement, vous avez déposé à l'appui de votre demande de protection internationale l'acte de naissance N° 61740, établi le 14 juillet 2017 au nom de … .

Après vérification de l'authenticité de ce document, la Section Expertise Documents de l'Unité de la Police de l'aéroport a conclu qu'il s'agit d'un document suspect, voire faux.

Vos explications selon lesquelles vous auriez retiré ce document auprès d'une administration officielle à Mogadiscio et que vous ne pourriez expliquer le fait que le document a été reproduit par une imprimante avec jet d'encre ordinaire sont peu convaincantes en tenant compte des autres pièces falsifiées que vous avez versées à l'appui de votre demande de protection internationale, tel que développé ci-dessous.

Deuxièmement, Madame, vous avez déposé un document Réf :

KEN/NBI/PROT/14/6201-KAR, établi par l'UNHCR le 28 mars 2019, intitulé « Eligibillity Decision N° E20416 » au nom de …, mentionnant que « This is to certify that the bearer of this letter is a prima facie refugee under the UNHCR Mandate in Kenya […] Please extend to this person recognition of all rights and obligations contained in the Refugee Act 2006 the 1951 Convention Relating to the status of Refugees and the 1969 OAU Commission on Specific Aspects of refugee protection in Africa ».

Or, tout porte à croire qu'il s'agit d'un faux document. En effet, force est de constater que votre document daté de mars 2019 indique que Madame …, signataire du document, aurait occupé la fonction de « Assisstant Representative (Protection) ». Or, déjà en 2018, Madame … est citée en tant que « …, Deputy Director of the Division of International Protection, UNHCR », de sorte qu'il est permis de conclure que vous avez forgé ce document.

Muni de votre lettre de consentement d'accès et de communication d'informations que vous avez signée le 2 octobre 2020, autorisant la demande de renseignement auprès de l'UNHCR concernant votre dossier, une requête d'accès à votre dossier « File number :

NSOM71000062552/Case number : 845-17H00720 » a été envoyée en date du 23 mars 2021.

4 En réponse à ma requête dans un mail du 6 mai 2021, les informations suivantes sont à constater : « […] [Conformément à nos lignes directrices opérationnelles sur la lutte contre la fraude commise par des personnes relevant de la compétence du HCR.

Nous avons contacté nos collègues au Kenya qui nous ont informés que le document que tu m'as transmis (UNHCR Eligibility decision n° E20416) n'a pas été émis par le HCR Kenya. Par ailleurs, le nom de Madame n'apparaît pas non plus dans notre base de données ».

Madame, force est dès lors de constater que ces informations confirment qu'il s'agit d'un faux et il est permis de conclure que vous tentez délibérément d'induire les autorités luxembourgeoises en erreur quant à votre besoin de protection internationale.

Troisièmement, au vu des constatations précédentes, il a été décidé de prendre contact avec la branche de l'ONG « … » en charge de la Somalie afin de vérifier vos dires quant à votre prétendue activité pour ladite ONG. Il a été demandé si « … » opère ou a opéré un « kind of hospital » à « … (… district, …) ». Il a également été demandé de confirmer à l'aide d'une copie anonymisée de la carte « … Employee ID Card » que vous avez déposée à l'appui de votre demande de protection internationale, l'authenticité de ce document.

Or, en réponse à ces deux questions, Monsieur …, « …'s Country Director for Somalia » a confirmé que « the ID you shared is not … staff ID and we do not have any activities in … », confirmant ainsi une réponse antérieure d'une de ses collègues, Madame …, « Deputy Country Director - Program Development & Quality (PDQ) … - Somalia Country Office » qui avait répondu qu'« I don't think … has ever had operations in … district ».

Partant, force est de constater que votre récit dont tous les évènements se construisent autour de votre prétendue séquestration par Al Shabaab durant dix jours au sein d'un hôpital situé à « … [Sic : …]» (page 3 de votre rapport d'entretien) opéré par « … » pour qui vous y auriez travaillé en tant que femme de ménage ainsi que vos propos selon lesquels vous auriez été condamnée à mort pour vous être échappée durant un court séjour de deux jours qui vous aurait été accordé en contrepartie d'un garant afin que vous puissiez rendre visite à votre mère qui aurait été souffrante, n'est pas crédible. Vos propos selon lesquels pendant votre séquestration au sein de l'hôpital opéré par « … », vous auriez été emmenée par des membres d'Al Shabaab dans leur camp où vous auriez été sévèrement battue avant d'être reconduite dans cet hôpital pour continuer à y être forcée à travailler ne sont par conséquent pas crédibles non plus. Il en va de même pour vos dires selon lesquels au bout du « vierten Tag » (page 12 de votre rapport d'entretien), vous y auriez été désignée afin d'épouser un des combattants se trouvant dans l'hôpital.

Quatrièmement, vous déclarez au sujet de votre village « … [Sic : …] » (page 3 de votre rapport d'entretien), que vous y auriez vu Al Shabaab pour la première fois en 2008 et que depuis « [i]n … [Sic : …] sind nur Al Shabab, es gibt keine Regierungstruppen » (page 14 de votre rapport d'entretien). Or, d'après les informations fournies par la base de données Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), on peut lire qu'en date du 10 septembre 2016 « Al Shabaab and Somali forces clash in … and … areas located in the outskirts of …. Government forces repulsed the Al Shabaab attack and killed fighters. Two soldiers wounded », en date du 19 septembre 2016 «Al Shabaab attacks SNA [Somali National Army] soldiers in …. Casualties not known », en date du 17 janvier 2017 « Clash between Lower Shabelle People's Guard and al Shabaab in …. Three al Shabaab dead », en date du 20 5 janvier 2017 « Lower Shabelle People's Guard launches an attack on al Shabaab in …, causing them to withdraw. Casualties not known », en date du 21 février 2017 « AS [Al Shabaab] fighters and the Lower Shabelle People's Guard (LSPG) clashed in … neighbourhood of ….

The clash lasted for about 30 minutes after which AS [Al Shabaab] were forced to withdraw.

There were no reports of casualties ». Contrairement à vos déclarations, il est indéniable qu'Al Shabaab n'est pas le seul acteur présent à … et il est également indéniable qu'Al Shabaab a déjà été chassé à plusieurs reprises de ….

Madame, si comme vous le prétendez « [i]ch bin ja eine Ansässige dieses Dorfes » (page 14 de votre rapport d'entretien), il va de soi que vous auriez déclaré ces évènements lors de votre entretien, de sorte qu'il est permis de remettre en doute le fait que vous auriez vécu à ….

A noter à toutes fins utiles, qu'aucune trace d'un évènement en lien avec « … » ou une quelconque autre ONG n'y est rapportée pour la période de 2010 à 2021 et que le dernier évènement rapporté à … est celui précité du 21 février 2017.

Madame, force est de constater que toutes les pièces versées à l'appui de votre demande de protection internationale sont soit douteuses, soit fausses. On peut donc légitimement en conclure que vous avez construit de toute pièce votre récit dans l'espoir de vous voir octroyer le statut de réfugié.

Or, Madame, vous avez été informée des conséquences qu'entraînent de fausses déclarations, de sorte que de tout ce qui précède, votre crédibilité est formellement à remettre en cause.

Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Somalie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 9 décembre 2021 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours dirigé contre la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre 6 la décision du ministre du 9 décembre 2021, telle que déférée, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, outre de relever les faits et rétroactes passés en revue ci-avant, explique être une ressortissante somalienne du clan … et avoir été, en 2018, séquestrée pendant dix jours par le groupe terroriste Al Shabaab dans l'hôpital où elle aurait travaillé en tant que femme de ménage, événement, au cours duquel elle aurait subi des violences ainsi que des menaces de mort, ce qui l’aurait amené à quitter la Somalie pour le Kenya avec son mari le 18 mars 2019.

En droit, la partie demanderesse prend d’abord position quant à la mise en cause de sa crédibilité en contestant avoir agi dans le but délibéré de tromper les autorités luxembourgeoises, alors que sa seule volonté aurait été d'échapper aux graves menaces pesant sur sa vie en Somalie, où la situation humanitaire et sécuritaire serait extrêmement dégradée en raison de la guerre civile y régnant depuis 1991 à ce jour, ainsi qu’en raison de la grave crise politique engendrée par le fait que le président Mohamed Abdullahi Mohamed se maintiendrait au pouvoir malgré l'expiration de son mandat.

Ainsi, les institutions étatiques seraient touchées par cette instabilité, rendant difficile toute démarche administrative en vue d’obtenir des documents officiels, ce qui impacterait la validité des documents émis par les autorités somaliennes, documents qui pourraient devenir caducs d'un jour à l'autre.

Elle insiste avoir été embauchée par l'organisation non gouvernementale « … » grâce à l'une de ses connaissances qui y aurait précédemment travaillé et explique que son nom ne figurerait pas dans la base de données de cette organisation pour des raisons de sécurité, alors qu’il aurait été convenu de ne pas l’employer officiellement pour éviter des problèmes ultérieurs en raison du fait qu’elle appartiendrait au clan minoritaire des …, discriminé sur le marché du travail.

La partie demanderesse soutient qu’il faudrait, en tout état de cause, garder à l'esprit que les faits invoqués se seraient déroulés dans le contexte particulier de la grave crise humanitaire découlant du conflit armé, crise qui l’aurait placée dans une position vulnérable.

Elle donne à considérer que le ministre n’aurait d’ailleurs pas tiré les conclusions logiques du manque de crédibilité lui reproché, alors qu’il n’aurait pas traité sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point e) de la loi du 18 décembre 2015, pourtant applicable en cas de déclarations manifestement incohérentes et manifestement fausses.

En ce qui concerne sa demande d’octroi d’un statut de réfugié, la partie demanderesse fait souligner que le conflit opposant le gouvernement somalien et ses alliés au groupe armé Al Shabaab sur l'ensemble du territoire somalien aurait de très lourdes répercussions sur la population civile, laquelle subirait régulièrement des actes de violence, commis en toute impunité par les deux acteurs du conflit, de sorte que sa seule présence sur le territoire somalien l'exposerait de fait à tous les risques générés par ledit conflit, tout en précisant que sa situation particulière de femme somalienne la placerait dans un état de vulnérabilité accrue.

En effet, la condition féminine en Somalie serait particulièrement préoccupante, étant donné que les femmes seraient toujours régulièrement victimes de violences physiques, 7 psychologiques et sexuelles, la Somalie n'étant pas partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et ne possédant pas de mécanisme permettant la protection et le suivi des droits des femmes.

En outre, les femmes n'auraient aucune place dans la vie sociale et politique du pays sauf à se placer sous la protection d'un homme dans tous les aspects de leur vie, sous peine de devoir faire face à des discriminations dans tous les domaines, particulièrement au niveau du logement et du travail, que ce soit dans les régions rurales ou urbaines.

Elle fait relever que si elle serait certes mariée, elle n'aurait cependant aucune nouvelle de son époux depuis son départ du Kenya en 2019. Par ailleurs, son père aurait disparu en 2007, de sorte qu’elle serait contrainte de vivre seule en cas de retour en Somalie, à défaut de protection de la part d'un homme de sa famille.

La partie demanderesse insiste encore sur le système rigide des clans régissant la société somalienne, faisant en sorte que l’appartenance clanique serait déterminante non seulement en ce qui concerne l'identité des individus, mais également en ce qui concerne leurs droits. Le pays serait dominé par quatre clans majoritaires qui se partageraient l'ensemble du territoire national et les membres de clans considérés comme inférieurs ne disposeraient ni des mêmes droits ni des mêmes ressources, souffrant de stigmatisation et de nombreuses discriminations à tous les niveaux de la société.

Le clan des …, auquel elle appartiendrait, serait un sous-clan des …, l'un des quatre clans majoritaires, mais serait minoritaire dans la région de …, d'où elle serait originaire, laquelle serait dominée par le clan rival des … , auquel appartiendrait son mari, raison pour laquelle leur union n'aurait pas été acceptée par la famille de ce dernier, la partie demanderesse rappelant encore qu’elle aurait été menacée et frappée à plusieurs reprises et que sa tante aurait été tuée et son cousin blessé par des membres de la famille de son mari.

La partie demanderesse invoque à ce sujet, un jugement du tribunal administratif du 11 juillet 2016, inscrit sous le numéro 36706 du rôle, lequel aurait reconnu, sur base de circonstances similaires à celles de l'espèce, que les violences perpétrées dans le cercle familial pourraient être retenues afin de caractériser des persécutions. En effet, dans ladite affaire, le meurtre de la mère, motivé par des raisons d’hiérarchie entre les clans, aurait fondé la crainte de la demanderesse de subir le même sort.

Elle donne encore à considérer qu’elle n’aurait pas pu faire appel à la police, alors qu’en raison de son appartenance à un clan minoritaire, elle n'aurait été éligible à aucune protection.

En effet, les clans pratiqueraient leur propre forme de justice, dans laquelle les clans inférieurs ne pourraient prétendre à aucun des droits pourtant naturellement dévolus aux membres des clans supérieurs.

A titre subsidiaire, la partie demanderesse estime qu’elle serait éligible pour le statut de la protection subsidiaire, en application de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015 en raison d'une violence aveugle dans le cas d'un conflit armé interne, notion définie par la Cour de justice de l'Union européenne, dénommée ci-après « la CJUE », comme visant une situation dans laquelle les forces régulières d'un Etat affrontent un ou plusieurs groupes armés, lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans le pays 8 concerné courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir lesdites menaces.

En l’espèce, une guerre civile opposant les forces gouvernementales à des groupes terroristes sévirait en Somalie avec des attentats fréquents visant directement la population civile qui ne serait en sécurité nulle part sur le territoire somalien, face à ces attaques aveugles et répétées.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

9 « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2,point f), de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le 10 demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Madame … ne serait pas crédible dans son ensemble.

Force est au tribunal de retenir qu’il partage les doutes émis par le ministre, lesquels n’ont pas valablement été chassés par les développements de la requête introductive d’instance.

En effet, le récit de la partie demanderesse souffre d’abord de nombreuses contradictions, telles que l’ignorance de la présence des troupes militaires somaliennes dans sa prétendue région d’origine, alors qu’au vu des explications non contestées de la partie gouvernementale, il y a eu de nombreux affrontements entre les forces de l’ordre nationales et les membres d’Al Shabaab, ainsi que l’affirmation sur la présence de l’organisation « … » dans sa prétendue ville d’origine ou ses alentours, laquelle, après vérification auprès des responsables de ladite organisation, n’est pas avérée, de même que la prétendue prise de possession de l’hôpital en question par les membres d’Al Shabaab, ensemble son prétendu statut de réfugié au Kenia sous l’égide de l’UNHCR, lequel est également démenti par les responsables de ce dernier confirmant que la partie demanderesse n'apparaît pas dans leur base de données, incohérences par rapport auxquelles la requête introductive d’instance reste totalement muette.

De plus, force est de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que la partie demanderesse ne conteste pas vraiment l’absence d’authenticité des documents qu’elle a versés à l’appui de son récit, alors que ses explications y relatives laissent clairement de convaincre.

Bien au contraire, la difficulté alléguée d’obtenir des pièces de la part de sources officielles est plutôt de nature à conforter les doutes, émis par la Section Expertise Documents de l'Unité de la Police de l'aéroport, sur l’authenticité de l'acte de naissance qu’elle a versé.

Il s’ensuit que la véritable identité de la partie demanderesse laisse d’être établie, d’autant plus qu’il n’est pas non plus contesté que les autres documents versés et portant son nom sont également à considérer comme des faux, alors que tant l’organisation « … », que l’UNHCR ont confirmé au ministre, au-delà du fait qu’ils ne connaissent pas la partie demanderesse, qu’ils n’ont pas émis les documents respectifs en question, à savoir l’« Eligibillity Decision N° E20416 » et la « … Employee ID Card », lesquels ne remplissent d’ailleurs pas non plus les critères formels de documents authentiques desdites organisations.

Au regard de l’absence avérée d’authenticité des documents versés, ainsi que des doutes sur la véritable identité de la partie demanderesse, ensemble les contradictions tant en ce qui concerne les évènements dont elle a fait état notamment quant aux prétendues persécutions de la part du groupe Al Shabaab, ainsi que sa fuite vers le Kenia, force est de retenir que la crédibilité générale de la partie demanderesse est totalement ébranlée, de sorte que cette dernière ne saurait partant, pour les autres éléments de son récit et notamment la prétendue 11 persécution de la part de sa belle-famille en raison de son appartenance clanique, profiter du bénéfice du doute prévue par l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel un demandeur est dispensé de documenter ses déclarations.

Au vu de ces considérations, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré le récit de la partie demanderesse comme non crédible, sans que le ministre, face un tel constat, ne soit obligé, dans un souci de cohérence, de procéder, tel que le suggère la partie demanderesse, à l’analyse de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en application de l’article 27, paragraphe (1), point e) de la loi du 18 décembre 2015, lequel couvre le cas spécifique du demandeur qui a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine.

Ainsi, à défaut de faits avérés permettant de vérifier le bien-fondé de la demande de protection internationale soumise à son analyse, le tribunal ne saurait invalider le rejet de la demande en octroi d’un statut de réfugié présentée par la partie demanderesse.

En ce qui concerne la demande en obtention du statut de la protection subsidiaire, force est d’abord de relever que la partie demanderesse invoque uniquement l’hypothèse de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015 relative aux violences aveugles, de sorte que l’analyse du tribunal y sera également limitée, étant d’ailleurs relevé qu’au regard des considérations qui précèdent, la partie demanderesse n’a, en tout état de cause, pas présenté de récit crédible par rapport auquel les conditions des points a) et b) dudit article auraient pu être vérifiées.

Or, au-delà du constat que l’identité de la partie demanderesse et partant également son origine restent sujettes à caution, force est de relever que cette dernière reste en défaut d’établir à suffisance de droit que la situation en Somalie, et notamment dans sa prétendue région d’origine, serait telle que par sa seule présence, elle y serait soumise au risque avéré de faire l’objet de menaces graves contre sa vie ou sa personne, les deux exemples non autrement circonstanciés d’attentats à la bombe relatés par la requête introductive d’instance datant de l’année 2021 et la décision individuelle de la Cour nationale d’asile en France du 6 avril 2023 n’étant pas concluants à cet égard.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et des éléments à sa disposition, le tribunal est amené à conclure que la partie demanderesse n’a pas fait état d’éléments de nature à justifier dans son chef l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée sa demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

Le recours en réformation est, partant, à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 décembre 2021 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable 12 pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Force est de relever que la partie demanderesse, dans sa requête introductive d’instance, se borne à solliciter la réformation de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre, sans soutenir cette demande par le moindre élément de motivation.

Au-delà du fait que le tribunal n’est pas censé pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens, force est au tribunal de relever que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet dudit recours, alors qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et qu’en vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Etant donné qu’il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre, il suit des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné que le tribunal vient de retenir ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à la partie demanderesse l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 décembre 2021 portant refus d’une protection internationale dans le chef de la partie demanderesse ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 décembre 2021 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

donne acte à la partie demanderesse de ce qu’elle déclare être bénéficiaire de l’assistance judiciaire ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 septembre 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, 13 Olivier Poos, vice-président, Laura Urbany, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 46860
Date de la décision : 29/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-29;46860 ?

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