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29/09/2023 | LUXEMBOURG | N°46470

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2023, 46470


Tribunal administratif N° 46470 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46470 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2021 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46470 du rôle et déposée le 20 septembre 2021 au greffe du tribunal admi

nistratif par Maître Bertrand Geradin, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc...

Tribunal administratif N° 46470 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46470 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2021 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46470 du rôle et déposée le 20 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Bertrand Geradin, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses gérants en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, émis le 21 septembre 2016 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2022 par Maître Bertrand Geradin pour compte de la société à responsabilité limitée “A” SARL, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Joan Sasson, en remplacement de Maître Bertrand Geradin, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2023.

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En date du 18 décembre 2014, le bureau d’imposition Sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal de l’année d’imposition 2013 de la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par la « société “A” », renseignant un bénéfice suivant bilan fiscal à hauteur de … livres sterling.

Le 21 septembre 2016, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société “A”, pour l’année d’imposition 2013, un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités avec la précision que « [l’]imposition diffère de la déclaration sur les points suivants [:] Imposition suivant votre bilan fiscal », ainsi qu’un bulletin de l’impôt commercial communal.

1En date du 15 novembre 2016, le bureau d’imposition réceptionna une déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal concernant l’année 2013 ensemble avec un nouveau bilan fiscal au 31 décembre 2013 renseignant un bénéfice suivant bilan fiscal à hauteur de … livres sterling.

Par courrier électronique du 14 décembre 2016, le bureau d’imposition informa la société “A” de son refus de procéder à une rectification des bulletins sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, prémentionnés, en application du § 94 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

Par courrier recommandé du 27 décembre 2016, réceptionné le même jour, la société “A” introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », à l’encontre des bulletins de l’impôt prémentionnés.

A défaut de réponse du directeur, la société “A” a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2021, un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2013, émis le 21 septembre 2016.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt.

D’un autre côté, il ressort des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 19961, qu’un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO ou une demande en application du § 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Dans la mesure où il est constant que le directeur n’a pas pris position suite à la réclamation du 27 décembre 2016, la société “A” a valablement pu introduire, en date du 20 septembre 2021, un recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2013, tous les deux émis le 21 septembre 2016, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

1 « Lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du §§131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».

2Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

2) Quant au fond A l’appui de son recours et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, la société demanderesse explique que suite à une réorganisation du groupe auquel elle appartient, elle aurait déposé, le 25 avril 2013, auprès de l’administration des Contributions directes (« ACD ») une demande de décision anticipée, laquelle aurait été accordée par celle-ci.

Elle décrit les étapes majeures de la restructuration entreprise comme suit :

- le 10 mai 2013, elle aurait été créée par la société “B” (« ”B” »), une société de droit canadien par contribution de capital ;

- le 14 mai 2013, elle-même aurait créé par contribution de capital la société de droit britannique nommée “C” (« ”C” ») ;

- le 11 juillet 2013, la société “B” lui aurait contribué ses participations dans les sociétés “D”, une société de droit allemand (« ”D” »), “E”, une société de droit britannique (« ”E” »), et “F”, une société de droit américain (« ”F” ») en échange de l’émission de nouvelles actions par elle et souscrites par la société “B” ;

- « un instant de raison plus tard », la société “E” lui aurait distribué un dividende d’environ … de dollars ;

- encore « un instant de raison plus tard », elle aurait contribué environ 80% des actions obtenues dans la société “E” à la société “F” en échange de nouvelles actions dans la société “F” ;

- « un instant de raison plus tard », elle aurait mis en place un établissement stable américain à l’adresse …, USA, sous le nom de “A” SARL Ltd, ci-après désignée par « la succursale », dans le but d’y poursuivre des activités correspondant à son intérêt social. Dans le cadre de son activité, la succursale aurait disposé d’un bureau et d’un employé engagé en détachement à temps partiel, de même que d’un compte bancaire auprès d’une banque américaine, ainsi que de tout le matériel nécessaire à son activité. Elle donne à cet égard à considérer que dans la demande de décision anticipée, le traitement fiscal de la succursale serait décrit dans la section B.2, en particulier la non-prise en compte, pour des besoins fiscaux luxembourgeois, des profits réalisés par celle-ci en lien avec les actifs qui lui sont alloués ;

- « un instant de raison plus tard », elle aurait transféré à la succursale sa participation dans la société “F”, ainsi que la somme d’environ … de dollars reçue de la société “E” en tant que capital de dotation ;

- le 12 juillet 2013, elle aurait contribué ses actions dans la société “D” et environ 20% des actions de la société “E” à la société “C” en échange de l’émission de nouvelles actions par la société “C”, de sorte qu’à ce stade, elle n’aurait détenu plus que les sociétés “D” et “C” ainsi que la succursale ;

- « un instant de raison plus tard », la société “F” aurait transféré environ 80% de ses actions dans la société “E” à la société “C” en échange de l’émission par la société “C” d’Eurobonds (« les Eurobonds ») libellés en livres sterling ;

- « un instant de raison plus tard », la société “F” aurait distribué sous forme de dividende en nature une portion des Eurobonds à la succursale pour un montant de … GBP ;

- « un instant de raison plus tard », la succursale lui aurait distribué à son tour la portion des Eurobonds reçues à l’étape précédente. Cette transaction aurait été documentée comme un remboursement en nature des fonds propres de la succursale.

3 La société demanderesse explique ensuite que suite à la confirmation de la demande de décision anticipée par l’ACD et à la mise en place des étapes listées ci-dessus, lesquelles auraient été ratifiées par son conseil de gérance le 25 juin 2013, elle aurait déposé une première déclaration fiscale pour l’année fiscale 2013 auprès de l’ACD, tout en soulignant que le bilan fiscal annexé à cette déclaration aurait, par erreur, présenté le revenu lié au dividende en nature distribué par la société “F” comme étant alloué à son siège social au lieu de celui de la succursale. Elle insiste sur le fait que cette erreur n’aurait, en revanche, pas été présente dans le formulaire 500 lequel aurait bien pris en compte la non-imposition au Luxembourg de ce revenu du fait de son attribution à la succursale, conformément à la Convention conclue entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Luxembourg, le 3 avril 1996, telle qu’elle a été modifiée par l’échange de lettres entre les deux Gouvernements du 28 août 1996, approuvée par la loi du 5 mars 1999, ci-après désignée par « la Convention », et à la décision de demande anticipée.

Elle donne encore à considérer que suite au dépôt de la déclaration fiscale et à l’erreur mentionnée ci-dessus, elle aurait contacté l’inspecteur de l’ACD en charge du dossier qui aurait sollicité la préparation d’un bilan fiscal modifié afin de rectifier cette erreur. Peu de temps après, elle aurait accédé à la demande de l’ACD et remis à celle-ci une déclaration fiscale modifiée conjointement à une demande d’émission de bulletins d’imposition modifiés en accord avec le § 94 AO et avec ce qui aurait été convenu avec l’inspecteur en charge du dossier.

Toujours à la demande de l’inspecteur de l’ACD en charge du dossier, elle aurait encore remis à l’ACD la résolution de son conseil de gérance ratifiant toutes les étapes des transactions mentionnées ci-dessus.

En droit, et quant au traitement fiscal de la succursale, la société demanderesse soutient que celle-ci aurait son siège social à … aux Etats-Unis, qu’elle aurait été administrée tout au long de la restructuration depuis les Etats-Unis et qu’elle aurait disposé d’un bureau sur place, d’un personnel compétent concernant sa gestion, d’un compte bancaire auprès d’une banque américaine et de tout le matériel nécessaire à la mise en œuvre de son activité.

Elle explique que, pour des besoins fiscaux, la succursale et elle-même disposeraient de patrimoines séparés. Ainsi, tel que cela serait décrit dans la section B.2 de la demande de décision anticipée, et conformément aux articles 23 (2) et 25 (2) a) de la Convention, les revenus générés par des actifs attribués à la succursale, et dès lors tout dividende provenant d’une participation allouée à celle-ci ne seraient pas imposés au Luxembourg, mais bien aux Etats-Unis au niveau de la succursale.

Elle soutient que dans la mesure où les éléments factuels essentiels auraient été décrits de façon complète, claire et avec véracité dans la demande de décision anticipée et qu’ils seraient corroborés par la résolution de son conseil de gérance ratifiant toutes les étapes de la restructuration, l’ACD serait liée par la demande de décision anticipée et devrait dès lors l’appliquer aux bulletins d’imposition litigieux émis à son encontre, la société demanderesse se référant à cet égard à un jugement du Conseil d’Etat du 19 novembre 1969, inscrit sous le numéro 5988 du rôle, à deux jugements du tribunal administratif des 30 mars 2009 et 14 octobre 2013, inscrits respectivement sous les numéros 24185 et 31269 à 31272 du rôle, ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 27 juillet 2011, inscrit sous le numéro 28115C du rôle.

4Après avoir rappelé que sa participation dans sa filiale américaine “F” aurait été transférée à la succursale le 11 juillet 2013, elle fait valoir que d’un point de vue fiscal luxembourgeois, la succursale aurait été détentrice des parts de la société “F” avant la distribution du dividende. Elle continue en expliquant que le 12 juillet 2013, la société “F” aurait distribué un dividende en nature à la succursale pour un montant de … GBP de sorte que, d’un point de vue fiscal, les parts de cette société auraient été attribuées à la succursale et non pas à elle.

Elle donne à considérer que l’étape finale de la transaction aurait été la transmission à elle, agissant en tant que « siège », des Eurobonds par la succursale et ce, par le biais d’un remboursement de la dotation attribuée initialement par elle à la succursale. Cette étape serait intervenue le 12 juillet 2013, c’est-à-dire le même jour cependant « un instant de raison plus tard » que la distribution du dividende par la société “F”. Ce remboursement de la dotation par la succursale ne constituerait dès lors pas un revenu imposable dans son chef, dans la mesure où cette transaction n’aurait pas d’influence sur les étapes précédentes et plus particulièrement sur le fait que le dividende distribué par la société “F” aurait été reçu par la succursale.

Au vu des considérations qui précèdent, il devrait dès lors être retenu que le revenu lié à la distribution du dividende en nature par la société “F” ne pourrait pas être considéré comme taxable à son niveau, mais bien au niveau de la succursale dans la mesure où (i) la succursale remplirait tous les critères pour être considérée comme ayant une activité taxable aux Etats-

Unis d’Amérique et non pas au Luxembourg sur base de l’application de l’article 5 de la Convention et tel que confirmé par la demande de décision anticipée et (ii) la participation dans la société “F” aurait été allouée à la succursale au moment de la distribution du dividende.

Après avoir souligné de nouveau sa coopération avec l’ACD en ce qu’elle aurait remis à l’inspecteur de l’ACD en charge du dossier tous les documents sollicités, elle conclut que les bulletins de l’impôt litigieux devraient être réformés en ce sens que le dividende en nature distribué par la société “F” serait à considérer comme attribué à sa succursale et non pas à son siège social, de sorte que ce revenu ne devrait pas entrer en compte dans le calcul de son résultat fiscal pour l’année 2013, la société demanderesse sollicitant, par conséquent, la réduction du résultat imposable pour l’année 2013 mentionné dans le bulletin d’imposition en date du 21 septembre 2016 d’un montant de … EUR à un montant de … EUR, tel qu’il aurait été déclaré dans les déclarations fiscales modifiées, ainsi que l’émission de nouveaux bulletins d’imposition.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse se réfère tout d’abord à la description de la succursale telle que reprise dans la demande de décision anticipée du 25 avril 2013, tout en admettant que l’application de la demande de décision anticipée serait soumise à la condition que les faits et circonstances ne doivent pas diverger de ceux décrits dans cette demande.

Elle soutient que la succursale aurait été enregistrée vers le 10 juillet 2013, tel que cela se dégagerait de la résolution conjointe de son conseil de gérance du 21 décembre 2016. Par ailleurs, il ressortirait du certificat d’enregistrement de l’Etablissement Stable auprès des services de revenus de l’état américain du Connecticut que ladite succursale aurait été enregistrée auprès de l’administration fiscale de l’Etat du Connecticut sous le numéro …. La succursale disposerait, en outre, d’un compte bancaire ouvert auprès d’une banque américaine, la société demanderesse se référant à cet égard à la pièce numéro 3 dans laquelle seraient mentionnées les coordonnées bancaires de ladite succursale auprès de …. Elle se prévaut dans 5ce contexte encore d’un contrat de service lequel reprendrait en détail les conditions dans lesquelles la société américaine “H” aurait mis à la disposition de la succursale non seulement des locaux sis au …, USA, mais également des services, tels la préparation des états financiers, les déclarations fiscales américaines et le détachement à ces tâches d’un employé, ainsi que d’une preuve de paiement réalisé par ladite succursale dans le cadre de ce contrat.

Au vu de ces éléments, il devrait dès lors être retenu que la succursale remplirait tous les critères mentionnés dans la demande de décision anticipée du 25 avril 2013.

En ce qui concerne l’activité de la succursale, la société demanderesse fait valoir que l’existence d’un établissement stable serait à déterminer sur base de l’article 6 de la Convention, tandis que l’article 7 préciserait le traitement fiscal à appliquer aux revenus imposables à un établissement stable au sens de cette convention.

Elle avance dans ce contexte que l’activité de la succursale, laquelle serait menée à titre professionnel et habituel, consisterait en (i) la maintenance des états financiers y compris la comptabilité en lien avec les actifs détenus, (ii) la distribution des fonds reçus, (iii) la gestion des comptes de liquidités et (iv) le réinvestissement de liquidités dans des actifs, de sorte qu’elle remplirait le caractère d’indépendance nécessaire. A cela s’ajouterait que l’activité de la succursale s’effectuerait dans le cadre de la participation à la vie économique générale, la société demanderesse donnant à cet égard à considérer qu’une de ses activités consisterait en l’étude du possible réinvestissement des liquidités reçues dans l’économie américaine, de sorte que cette activité serait exercée dans un but de générer et maximiser la réalisation de profits.

Il s’ensuivrait que la succursale exercerait une activité commerciale professionnelle et qu’elle disposerait d’une base d’affaires fixe aux Etats-Unis, ainsi que d’un numéro d’enregistrement auprès de l’administration fiscale de l’Etat américain du Connecticut.

En conséquence, il devrait être retenu qu’elle disposerait d’un établissement stable aux Etats-Unis au sens de la Convention alors que les critères mentionnés dans la demande de décision anticipée du 25 avril 2013 seraient remplis, de sorte qu’il appartiendrait à l’administration fiscale luxembourgeoise de considérer le revenu en lien avec le dividende en nature distribué par la société “F” comme ayant été alloué à la succursale et non pas à son siège social.

En ce qui concerne, enfin, l’allocation des parts dans la société “F” à la succursale et la distribution des Eurobonds, elle avance que l’entièreté de la résolution de son conseil de gérance du 25 juin 2013 aurait été versée en cause, de sorte que le reproche afférent du délégué du gouvernement serait à rejeter.

Elle souligne, à cet égard, qu’au point 10 de ladite résolution, seraient ratifiées la création de la succursale, ainsi que l’allocation des parts dans la société “F” à ladite succursale.

En outre, dans la section 2.1.2. de la résolution conjointe du 21 décembre 2016, son conseil de gestion et le gérant de la succursale auraient ratifié le fait que, suite à la résolution de son conseil de gérance du 25 juin 2013, l’ensemble des actions de la société “F” auraient été allouées à la succursale. La résolution conjointe du 21 décembre 2016 stipulerait également en sa section 2.1.3. que vers le 12 juillet 2013, la société “F” aurait distribué … Eurobonds d’une valeur individuelle de … GBP à la succursale. Il y serait encore mentionné que son conseil de gérance et le gérant de la succursale auraient ratifié le fait que les Eurobonds auraient ensuite été alloués par la succursale à son siège social vers le 12 juillet 2013.

6 Au vu de ces considérations, il devrait dès lors être retenu que les Eurobonds auraient été distribués en tant que dividende en nature pour un montant de … GBP par la société “F” à la succursale et non pas à son siège social directement.

Eu égard à tout ce qui précède, le revenu en lien avec le dividende mentionné ci-dessus ne serait pas à attribuer à son siège social mais bien à celui de la succursale, tel que cela serait prévu dans la demande de décision anticipée du 25 avril 2013, de sorte que ce revenu ne serait pas à inclure dans la base taxable pour le calcul de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal dus au titre de l’année 2013.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour manquer de fondement.

En l’espèce, les parties sont en désaccord en ce qui concerne (i) la qualification d’établissement stable de la succursale située aux Etats-Unis et (ii) les conditions dans lesquelles a eu lieu le transfert des Eurobonds par la société “F” à la succursale, la société demanderesse soutenant, en effet, que ladite succursale serait à qualifier d’établissement stable au sens de l’article 5 de la Convention, de sorte que les bénéfices y relatifs et plus particulièrement le dividende en nature distribué à hauteur d’un montant de … livres sterling ne serait pas imposable au Luxembourg alors qu’il aurait d’abord été distribué par la société “F” à sa succursale américaine pour ensuite avoir été « rapatrié » par elle, tandis que la partie étatique conteste, d’une part, la qualification d’établissement stable de la succursale en se basant en substance sur un défaut de pièces probantes à cet égard, tout en soutenant, d’autre part, que comme ledit dividende en nature aurait été distribué directement par la société “F” à la société demanderesse, il serait imposable au Luxembourg.

Il est constant en cause que le présent litige concerne l’année fiscale 2013 et qu’il y a dès lors lieu de se référer à la Convention pour ce qui est de la vérification de l’existence d’un établissement stable aux Etats-Unis, cette question conditionnant, en effet, l’application de l’article 7 de la Convention en vertu duquel « Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable […] », et partant l’imposition des bénéfices de la société demanderesse au Luxembourg.

Dans ce contexte, il échet de noter que la charge de la preuve d’une éventuelle double imposition incombe au contribuable2, conformément à l’article 59, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », qui dispose que : « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. ».

Il est ensuite constant en cause que le 25 avril 2013, la société demanderesse a soumis une demande de décision anticipée décrivant les différentes étapes de la restructuration du groupe “I” (« la transaction ») et ayant comme but notamment la reconnaissance de la succursale américaine en tant qu’établissement stable au sens de l’article 5 de la Convention3, 2 Cf. Cour adm. 14 juillet 2009, n° 25436C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

3 Article 5 de la Convention : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression ,,établissement stable“ désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

7étant à cet égard relevé que les points 7 et 8 de ladite demande de décision anticipée, relevant de la section B.2 relatif au traitement fiscal de la succursale, disposent que : « 7. Based on the analysis developed in Appendix 2 showing the expected substance, the US Branch of “A” S.a.r.l. will be considered as a permanent establishment of “A” S.a.r.l. in the US within the meaning of article 5 of the double tax treaty between the US and Luxembourg (the “Treaty”).

8. In particular, the US Branch will have at its disposal, among others, a registered office and an address, personnel (i.e. a part-time employee with a secondment agreement), a U.S. bank account, and all the necessary facilities to carry out its activities. », et que la société demanderesse s’est, par ailleurs, engagée à ce que ladite succursale dispose d’un bureau dûment enregistré, d’une adresse, de personnel dont notamment un salarié détaché à temps partiel, d’un compte bancaire américain, ainsi que des installations nécessaires destinées à l’accomplissement de ses activités.

2. L’expression ,,établissement stable“ comprend notamment:

a) un siège de direction, b) une succursale, c) un bureau, d) une usine, e) un atelier et f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage, une installation de forage ou un navire de forage utilisés pour l’exploration de ressources naturelles ne constitue un établissement stable que si la durée du chantier, ou la durée d’utilisation de l’installation ou du navire dépasse douze mois.

4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu’il n’y a pas ,,établissement stable“ si:

a) il est fait usage d’installations aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise;

b) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison;

c) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise;

d) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l’entreprise;

e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire;

f) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins de l’exercice cumulé d’activités mentionnées aux alinéas a) à e).

5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne - autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l’intermédiaire d’une installation fixe d’affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.

6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

7. Le fait qu’une société qui est un résident d’un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l’autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre. ».

8Il est enfin constant en cause que la demande de décision anticipée en question a été validée par le bureau d’imposition en date du 6 mai 2013 avec les réserves suivantes : « Based on the rule of good faith, the decision referred to above shall terminate if one of the following events occur :

- the facts or circumstances described were incomplete or inaccurate - key elements of the actual transaction differ from the description provided in the request for information - the decision is no more compliant with the national or international law ».

Ainsi, dans la mesure où le bureau d’imposition a validé la demande de décision anticipée le 6 mai 2023 sous la réserve expresse notamment que les faits et circonstances décrits dans la demande du 25 avril 2013 ne doivent pas être incomplets ou inexacts, voire que les éléments-clés de la transaction ne doivent pas diverger de la description donnée dans ladite demande, il s’impose au tribunal de vérifier si, d’une part, la succursale répond effectivement à la description contenue au point 8 de ladite demande, et, d’autre part, si la transaction a été effectuée telle que décrite dans la même demande, points qui sont plus particulièrement contestés par la partie étatique.

Or, indépendamment de la qualification de la succursale en tant qu’établissement stable, force est de constater qu’il n’est pas établi en l’espèce que la transaction a été effectuée conformément à la description par la société demanderesse dans sa demande de décision anticipée du 25 avril 2013.

En effet, dans ladite demande, la société demanderesse a décrit la restructuration du groupe “I” comme suit :

« 1. “H” ("H") is engaged in the design, manufacture and sale of electrical and electronic products for a range of non-residential and residential construction, industrial and utility applications. As part of a planned European restructuring, “H” is establishing a Luxembourg holding company and a U.K. sub-holding company to hold and finance its existing U.K. and Swiss operations, permit redistribution of earnings across businesses, and serve as a platform for future acquisitions. Existing operating companies that will be transferred to a newly incorporated Luxembourg resident company ("“A” S.à r. l.") include “J” ("“J” ") a company wholly-owned by “E” ("E") and “D” ("D"), both of which manufacture and distribute electrical products.

2. Currently, “F” ("F"), a limited liability company formed under the laws of Delaware, whose shares are held by “B”. ("B"), a wholly-owned Canada-resident subsidiary of “K” S.à r.l. ("“K”") that performs some financing activities. As a result of the reorganization, the group financing via “L” will be increased and “L” will be transferred to “A” S.à r.l. and allocated to the latter’s branch in the US (the "US Branch"), “A” S.à r.l. may also serve as a Luxembourg holding company for the acquisition of potential future targets.

3. In order to achieve such result, steps "a" and "b" below will occur prior to all other steps. Steps "c" through "h" will occur on the same day (day 1), and steps "i" and "j" will occur on the day following step "h" (day 2). Please note that the figures mentioned below are indicative and could be altered upon completion of the valuation of the companies involved in the restructuring.

9a “B” incorporates “A” S.à r.l.;

b “A” S.à r.l. incorporates a new UK company, “C” (hereafter "“C”");

c “B” contributes its participations in “D”, “E”, and “L” to “A” S.à r.l. in exchange for shares of “A” S.à r.l.;

d “J” distributes dividends of approx. $… to “E”.;

e “E” distributes dividends of approx. $… to “A” S.à r. l.;

f “A” S.à r.l. contributes approx. [80%] of the shares of “E” to “L” in exchange for additional units of “L”;

g “A” S.à r.l. establishes a US Branch and allocates the units of “L” and the approx.

$50 million to the latter;

h “A” S.à r.l. contributes the shares of “D” and approx. [20%] of “E” to “C” in exchange for additional shares of “C”;

i “L” transfers approx. [80%] of the shares of “E” to “C” in exchange for the subscription by “C” to a GBP denominated Eurobonds Instrument with a nominal value of the equivalent in GBP of approx. [$…-$…] issued by “L” (the "Eurobonds");

j On day 2 or shortly thereafter, “F” distributes some portion of the Eurobonds via the US Branch to “A” S.à r.l. or alternatively some additional assets will be contributed to “A” S.à r.l. and kept in Luxembourg. ».

Il se dégage du point 3 de la demande de décision anticipée que les étapes a et b seraient réalisées avant toutes les autres étapes et que les étapes c à h auraient lieu en une seule journée (« day 1 »), tandis que les étapes i et j auraient lieu le lendemain de l’étape h (« day 2 »). Ainsi, selon ladite demande, la société demanderesse créerait la succursale américaine avec allocation immédiate des parts de la société de droit américain “F” à cette dernière (étape g, respectivement « day 1 »). Le lendemain (étape j, respectivement « day 2 »), la société “F” distribuerait le dividende, en l’occurrence 18 obligations, à travers la succursale américaine à la société demanderesse.

Dans sa réclamation du 27 décembre 2016, la société demanderesse affirme que toutes les parts de la société de droit américain “F” auraient été transférées à la succursale le 11 juillet 2013, - cette affirmation étant encore appuyée par un document versé à l’appui de ladite réclamation duquel il se dégage que l’allocation des parts de la société “F” à la succursale aurait été réalisée le 11 juillet 2013 à précisément 16h30 (« […] with effect from 11 July 2013 at 4 :30 p.m. CEST […] »4) -, tandis que le dividende aurait été distribué par la société “F” à la succursale le lendemain, en l’occurrence le 12 juillet 2013.

Dans son recours contentieux, la société demanderesse soutient encore qu’elle aurait créé la succursale le 11 juillet 2013 et qu’« un instant de raison plus tard », elle aurait apporté la société de droit américain “F” à cette dernière, laquelle aurait versé, en date du 12 juillet 4 Courrier de la société demanderesse du 11juillet 2013 adressé à la société FinanceCo et à la succursale.

102013, le dividende à ladite succursale, qui, à son tour, l’aurait continué à la société demanderesse « un instant de raison plus tard ».

Or, force est de constater que non seulement la société demanderesse n’a versé en cause aucune preuve de paiement, voire une copie du contrat du transfert permettant de prouver que la succursale a effectivement perçu le dividende en nature litigieux, mais il existe encore dans les documents soumis à l’appréciation du tribunal des incohérences permettant, à l’instar de la partie étatique, de douter que la restructuration du groupe “I” et en particulier la distribution du dividende en nature ait eu lieu tel que le soutient la société demanderesse et tel que décrit dans la demande de décision anticipée.

En effet, il se dégage du procès-verbal d’une réunion du conseil de gérance de la société demanderesse ayant eu lieu le 12 décembre 2016 de 20h à 20h10, lequel a été communiqué au bureau d’imposition par voie électronique le 13 décembre 2016 suite à une demande de celui-ci par courrier électronique du 24 novembre 2016 de lui transmettre une preuve de paiement, voire une copie du contrat du transfert des Eurobonds, que la société demanderesse aurait créé aux environs du 10 juillet 2013 (« On or about 10 July 2013 ») une succursale sise au … aux Etats-Unis d’Amérique, enregistrée sous le n° … (point 2.1.1.). Par résolution du conseil de gérance de la société demanderesse du 25 juin 2013 « and a notice of allocation by the Company [la société demanderesse] to the US Branch [la succursale] on or about the same date », les parts sociales de la société de droit américain “F” auraient été allouées à la succursale (point 2.1.2.). Ensuite, aux environs du 10 juillet 2013 (« On or about 10 July 2013 »), auraient été distribuées 18 obligations dénommées Eurobonds à la succursale (point 2.1.3.). Finalement, toujours aux environs du 10 juillet 2013 (« On or about 10 July 2013 »), les obligations auraient été réallouées au siège social de la société demanderesse (point 2.1.4.). Le point 5 du procès-

verbal renseigne encore que les distributions et rapatriements des obligations, tels que décrits au point 2, seraient approuvés, reconnus et ratifiés.

Ainsi, suivant le procès-verbal, prémentionné, du 12 décembre 2016, la création de la succursale, la distribution du dividende en nature à ladite succursale et la réallocation dudit dividende à la société demanderesse auraient tous eu lieu « aux environs » du 10 juillet 2013, ce qui reste très vague et ne permet en tout état de cause pas de retenir sans équivoque ni que la création de la succursale ait effectivement eu lieu le 11 juillet 2013, ni que les Eurobonds litigieux aient été alloués à la succursale et réalloués à la société demanderesse le 12 juillet 2013, tel que le soutient en l’espèce la société demanderesse.

Par ailleurs, si la société demanderesse soutient dans son recours que les parts de la société “F” auraient été attribuées à la succursale le 11 juillet 2013, il se dégage, au contraire, du procès-verbal du 12 décembre 2016, prémentionné, de même que des formulaires 506A (« Details of sharholdings referred to in Article 166 L.I.R. »), joints aux déclarations d’impôt initiale et rectificative relatives à l’année 2013, que l’allocation desdites parts aurait eu lieu le 25, respectivement le 26 juin 2013, ce qui ne coïncide pas avec la date indiquée par la société demanderesse.

En ce qui concerne ensuite la résolution du conseil de gérance du 25 juin 2013 dont se prévaut la société demanderesse, force est tout d’abord de relever que celle-ci a versé l’intégralité de cette résolution, en l’occurrence les pages 1 à 17, aux débats, de sorte que le reproche du délégué du gouvernement suivant lequel la société demanderesse aurait omis de verser les pages cruciales de ladite résolution et plus particulièrement celles relatives au point 10 de la résolution concernant la création de la succursale américaine ainsi que de l’allocation 11à celle-ci des parts détenues dans la société de droit américain “F”, laisse d’être fondé et est dès lors à rejeter. Il en est de même du reproche formulé dans le même sens par le délégué du gouvernement concernant la résolution conjointe du 21 décembre 2016, celle-ci ayant été versée dans son intégralité par la société demanderesse à l’appui de son mémoire en réplique.

Ensuite, force est de constater qu’il ressort du point 12 de ladite résolution du 25 juin 2013, intitulé « Approval by the Company, in its capacity as sole shareholder of “F”, of the distribution by the latter of Eurobonds », notamment que « […] The Chairman reported that, in the framework of the … Transfer, it was proposed that the Company [à savoir la société demanderesse], as sole shareholder of “F”, approves the distribution by the latter of … (eighteen) 5.6% Eurobonds, in the amount of GBP … each, to the Company (the "Distribution"). ».

Partant, à l’instar de la partie étatique, il y a lieu de comprendre que la société demanderesse, en tant qu’actionnaire unique de la société de droit américain “F”, a approuvé la distribution de … obligations directement pour son propre compte, sans qu’il n’y soit fait référence à aucun endroit du point 12 à une distribution de ces mêmes obligations à la succursale (« the U.S. Branch ») avant leur réallocation à la société demanderesse, de sorte qu’il doit être admis, au vu des termes ainsi employés, que la distribution des obligations était destinée directement à la société demanderesse et non pas à la succursale américaine.

Il échet, à cet égard, encore de rappeler que la société demanderesse omet de verser un quelconque document écrit prouvant que le dividende en nature litigieux lui a été réalloué par la succursale, la société demanderesse se contentant, en effet, d’affirmer dans sa réclamation du 27 décembre 2013 qu’« […] il apparaît que « le transfert interne » des Euro-obligations de la Succursale vers le siège social, ayant eu lieu le même jour que le dividende reçu de la LLC, n’a pas été documenté de manière écrite au moment de la transaction. », tout en donnant à considérer que « Cet accord de transfert entre la Succursale et le siège social de la Société a par la suite été ratifié entre les parties, par une résolution conjointe, dont une copie est annexée à la présente ».

Or, force est de constater que la résolution conjointe du 21 décembre 2016 à laquelle fait référence la société demanderesse dans sa réclamation est en contradiction avec le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la société demanderesse du 12 décembre 2016, prémentionné.

En effet, si la résolution conjointe du 21 décembre 2016 mentionne que « on or about 12 July 2013 » la société de droit américain “F” aurait distribué les … Eurobonds à la succursale et qu’à la même date, lesdits Eurobonds auraient été réalloués par ladite succursale à la société demanderesse, le procès-verbal du 12 décembre 2016 mentionne ces mêmes étapes comme ayant eu lieu « on or about 10 July 2013 ».

Au vu de l’ensemble des incohérences relevées ci-avant par rapport (i) à la date de la création de la Succursale, (ii) au transfert à la succursale des participations de la société demanderesse dans la société “M” et (iii) à la distribution du dividende à la société demanderesse, et à défaut d’explications circonstanciées et concrètes de la part de la société demanderesse en ce qui concerne plus particulièrement les contradictions au niveau des dates mentionnées dans les différentes résolutions de son conseil d’administration, respectivement dans ses déclarations pour l’impôt initiale et rectificative, l’allégation suivant laquelle le dividende en nature litigieux lui aurait été attribué via la succursale est à rejeter pour n’être 12sous-tendue par aucun élément de preuve tangible. Il aurait, en effet, appartenu à la société demanderesse de verser des documents permettant de retenir de manière irrévocable et incontestable que les obligations litigieuses ont d’abord été transférées par la société “M” vers la succursale avant de lui être réallouées ensuite par la succursale, tels, par exemple, une copie de la décision des actionnaires de la société “F” retenant qu’un dividende en nature serait à distribuer à la succursale avec indication précise de la date du paiement, une preuve de l’enregistrement des … obligations au compte-titres de la succursale ou encore une copie des procès-verbaux et des décisions prises par le « manager of the US Branch » et en particulier un document émis par celui-ci retenant que les … Eurobonds ont été continués par la succursale à la société demanderesse postérieurement au 11 juillet 2013 à 16h30, à savoir le moment où, suivant le courrier prémentionné du 11 juillet 2013, la succursale se serait vue attribuer les participations de la société demanderesse dans la société “F”, ou, le cas échéant, le 12 juillet 2013, ce qu’elle reste pourtant en défaut de faire.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les documents versés en cause par la société demanderesse afin d’établir l’existence d’un établissement stable aux Etats-Unis au sens de l’article 5 de la Convention, à savoir le certificat d’enregistrement de l’Etablissement Stable auprès des services de revenu de l’Etat du Connecticut, les coordonnées bancaires de la succursale ou encore la copie du contrat de service entre la succursale et la société américaine “H”. En effet, force est de constater que le certificat d’enregistrement de l’Etablissement Stable auprès des services de revenu de l’Etat du Connecticut ne contient aucune date précise, de sorte qu’il n’est pas établi que ledit établissement aurait effectivement été créé le 11 juillet 2013, tel que le soutient la société demanderesse. En ce qui concerne les deux autres documents, ceux-

ci sont étrangers à la question de la réalité du transfert du dividende en nature à la succursale, de sorte qu’ils sont à rejeter pour défaut de pertinence à cet égard. Il en est de même de la copie du document qualifié par la société demanderesse de « copie de la confirmation de la cotation des Eurobonds à la bourse de Jersey », du 9 octobre 2013, celle-ci ne permettant en effet pas, à défaut d’explications plus circonstanciées, de retenir que lesdites obligations litigieuses auraient effectivement été réallouées à la société demanderesse via la succursale le 12 juillet 2013.

Il s’ensuit qu’il n’est pas établi de manière non équivoque que les éléments-clés de la transaction en l’espèce correspondent à ceux décrits dans la demande de décision anticipée, de sorte que l’ACD n’était pas tenue de la respecter, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance de la succursale en tant qu’établissement stable et dès lors l’imposition des bénéfices de celle-ci aux Etats-Unis.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le bureau d’imposition a refusé de prendre en considération le nouveau bilan fiscal tel que fourni par la société demanderesse ensemble avec la déclaration d’impôt rectificative en date du 15 novembre 2016, de sorte que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, émis le 21 septembre 2016 sont à confirmer.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé dans aucun de ses moyens, de sorte que la société demanderesse est à en débouter.

Eu égard à l’issue du litige, la demande de la société demanderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 10.000 euros sur base de l’article 33 de la loi, précitée, du 21 juin 1999 est également à rejeter.

13Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, émis le 21 septembre 2016 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2013, émis le 21 septembre 2016 ;

déboute la société demanderesse de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 10.000 euros ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, Carine Reinesch, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023, par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto.

s. Paulo Aniceto s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46470
Date de la décision : 29/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-29;46470 ?

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