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29/09/2023 | LUXEMBOURG | N°45798

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2023, 45798


Tribunal administratif N° 45798 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45798 1re chambre Inscrit le 22 mars 2021 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par Madame A et consort, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Juglinster en présence de Monsieur C et consort, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45798 du rôle et déposée le 22 mars 2021 au greffe du tribunal administra

tif par Maître Karine Bicard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 45798 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45798 1re chambre Inscrit le 22 mars 2021 Audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 Recours formé par Madame A et consort, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Juglinster en présence de Monsieur C et consort, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45798 du rôle et déposée le 22 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Karine Bicard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A et de Madame B, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation de « la décision communale … portant autorisation de bâtir du 16 mars 2020 du Bourgmestre de la commune de JUNGLINSTER » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey Gallé, demeurant à Luxembourg, du 1er avril 2021 portant signification de ce recours 1) à l’administration communale de Junglinster, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en son Hôtel de ville à L-6112 Junglinster, 12, rue de Bourglinster, 2) à Monsieur C, demeurant à L-…, et 3) à Madame C, demeurant à L-… ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 2 avril 2021 au greffe du tribunal administratif pour compte de l’administration communale de Junglinster, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2021 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de Junglinster, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 juillet 2021 par Maître Karine Bicard pour compte de Madame A et Madame B, préqualifées;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er octobre 2021 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de Junglinster, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Karine Bicard et Maître Steve Helminger entendus en leurs plaidoiries à l’audience publique du 22 mars 2023.

1

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Par avis au public portant le numéro … du 27 mai 2019, le bourgmestre de la commune de Junglinster, ci-après désigné par « le bourgmestre », informa le public qu’il était saisi d’une demande d’autorisation de Monsieur C relative à des « Aménagements extérieurs (construction d’un abri de jardin, clôture, citerne d’eau de pluie). Réfection énergétique de la façade et de la toiture. Echange de fenêtres de toitures (Velux) » à réaliser sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Junglinster, section … de …, sous le numéro …, ci-après dénommée « la parcelle », sise à L-…, ladite autorisation étant ci-après désignée par « l’autorisation … ».

Par courrier du 6 juin 2019, Madame A formula, en sa qualité de propriétaire de la maison voisine, des remarques et objections à l’encontre de la prédite demande d’autorisation de construire et pria le bourgmestre de « ne pas délivrer l’autorisation ».

Par courrier séparé du 19 juin 2019, le bourgmestre informa Madame A que le projet serait conforme aux règlements de la commune et qu’il ne pourrait dès lors s’opposer à la délivrance de l’autorisation sollicitée.

Par courrier du même jour, Madame A compléta son courrier du 6 juin 2019 en s’insurgeant sur des travaux de démolition en cours sur le terrain du voisin ainsi que sur les dimensions de l’abri de jardin projeté.

Le 24 juin 2019, le bourgmestre fit droit à la demande d’autorisation de construire introduite par Monsieur C en autorisant notamment un abri de jardin d’une longueur totale de 9,30 mètres, d’une largeur de 4,50 mètres et d’une hauteur de 3,20 mètres. Cette autorisation fut affichée aux abords de la parcelle à la même date.

Le 27 juin 2019, le bourgmestre répondit au courrier de Madame A en rappelant que le projet serait conforme aux dispositions règlementaires applicables et en l’informant qu’il aurait procédé au redressement d’une erreur matérielle au niveau de l’affichage de l’autorisation et qu’il chargerait le service technique de contrôler les travaux en cours sur la parcelle.

Le 19 septembre 2019, Madame A introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision du 24 juin 2019.

Par décision du 16 mars 2020 portant le numéro …, le bourgmestre fit droit à une demande d’autorisation de construire modificative de l’autorisation … concernant l’abri de jardin prévoyant dorénavant une longueur de 8,50 mètres, une largeur de 4,60 mètres et une hauteur de 3,30 mètres. Cette autorisation de construire modificative fut affichée de manière non contestée en date du 27 avril 2020.

Par courrier du 15 juin 2020, Madame A introduisit un recours gracieux à l’encontre de l’autorisation de construire modificative du 16 mars 2020.

Par courrier du 22 septembre 2020, Madame A introduisit encore un recours gracieux à l’encontre de la décision du 16 mars 2020 en soutenant que ladite autorisation n’aurait pas été 2précédée d’un avis au public, alors qu’elle aurait entendu faire valoir ses remarques et observations.

Par courrier du 23 septembre 2020, Madame B introduisit, en sa qualité d’occupante de l’immeuble voisin, un recours gracieux à l’encontre de la décision du 16 mars 2020.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2021, Madame A et Madame B, ci-après désignées par « les consorts A », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision communale 0°… portant autorisation de bâtir du 16 mars 2020 du Bourgmestre de la commune de JUNGLINSTER ».

I.

Quant à la recevabilité du recours Moyens des parties L’administration communale de Junglinster, ci-après désignée par « la commune », soulève tout d’abord l’irrecevabilité ratione temporis du recours en exposant à titre liminaire que l'autorisation de construire et le certificat point vert contiendraient des erreurs matérielles en ce que l'autorisation litigieuse n'aurait été octroyée, respectivement affichée qu'à partir du 27 avril 2020, et non en date du 16 mars 2020, de sorte que la date du 27 avril 2020 serait à prendre en compte pour le calcul des délais de recours contentieux.

La commune explique que deux causes auraient pu suspendre les délais de recours, à savoir d’un côté, la crise sanitaire, et, d’un autre côté, l’introduction d’un recours gracieux à l’encontre de ladite décision.

Concernant la crise sanitaire, la commune soutient que le règlement grand-ducal du 10 avril 2020 aurait prévu que, pendant la durée de l'état d'urgence, les délais seraient temporairement suspendus. Ainsi, dans la mesure où l'autorisation aurait été affichée pendant la durée de l'état de crise ayant duré du 25 mars au 24 juin 2020, le délai de recours aurait commencé à courir à la fin de ce dernier soit à partir du 25 juin 2020, pour prendre fin trois mois plus tard soit le 25 septembre 2020.

La commune souligne ensuite que les recours gracieux des 22 et 23 septembre 2020 auraient été introduits pendant le délai de recours, de sorte à avoir suspendu le délai de recours jusqu’à 6 mois après leur dépôt.

Elle insiste sur le fait que les demanderesses auraient déjà introduit un recours gracieux en date du 15 juin 2020, de sorte que la date à prendre en compte pour le commencement du délai de recours serait le dépôt de ce premier recours gracieux et non celle du 22, respectivement 23 septembre 2020.

En raison de la suspension des délais au motif de l’état de crise jusqu’au 25 juin 2020 et en application de l'article 13, paragraphe 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le recours gracieux introduit en date du 15 juin 2020 aurait suspendu les délais contentieux 3jusqu'au 25 septembre 2020, soit trois mois après la fin de l'état de crise. A défaut de réponse de la commune, les parties requérantes auraient été recevables à introduire un recours à l’encontre de la décision litigieuse jusqu’au 28 décembre 2020, de sorte que leur recours du 22 mars 2021 devrait être déclaré irrecevable rationae temporis.

La commune conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des consorts A étant donné que le recours serait dirigé contre une décision qui n’aggraverait pas leur situation concrète dans la mesure où l'autorisation entreprise ne concernerait que la modification de quelques centimètres du gabarit autorisé d'un abri de jardin dont l'exécution ne saurait avoir d'impact concret sur la parcelle voisine.

Elle estime que si le tribunal devait annuler l'autorisation entreprise, l'autorisation … subsisterait, de sorte que les consorts C pourraient en tout état de cause réaliser leur abri de jardin conformément aux plans autorisés par cette dernière.

Dans leur mémoire en réplique, les consorts A font valoir que seule Madame A aurait introduit un recours gracieux en date du 15 juin 2020 et que Madame B de son côté aurait déposé un recours gracieux en date du 23 septembre 2020.

Ils précisent que Madame A aurait rappelé dans son recours gracieux du 15 juin 2020 que « le présent recours valant uniquement pour le cas de l'inapplicabilité du suspens du délai de recours dû à la crise covid 19…en d'autres termes, je vais encore introduire un autre recours pour le remplacer. », de sorte que le recours gracieux du 22 septembre 2020 remplacerait uniquement celui du 15 juin 2020 et l'annulerait « au regard de la suspension des délais encore inconnu au moment du recours du 15 juin 2020 et seulement porté à la connaissance du public le 24 juin 2020 ».

Ils expliquent que « l'état de crise du 16 mars 2020, sinon au 18 mars 2020 sinon du 18 mars 2020, au 24 juin 2020 et la pandémie correspondante [aurait empêché] la consultation du dossier relatif à l'autorisation accessible à la commune » et donnent à considérer qu’ils auraient respecté la consigne « Bleiwt doheem » du gouvernement, de sorte que la consultation du dossier administratif n'aurait eu lieu qu’en date du 21 septembre 2020, date à laquelle ils auraient pris connaissance du projet litigieux.

Les consorts A font valoir que le projet autorisé différerait significativement du projet initial planifié en 2019 qui se serait composé d'une maisonnette avec un abri de jardin adjacent, alors que dans le cadre du projet modifié subsisterait la seule maisonnette, qui serait de dimensions plus importantes que celles autorisées en 2019. Ils donnent à considérer que la suppression de l'abri de jardin adjacent initialement prévu leur causerait préjudice, dans la mesure où « la surface utilisée pour le dépôt de matériel entre la construction et la frontière des requérantes [serait] augmentée. Ceci cause[rait] un problème de salubrité par l'attraction de nuisibles et un problème esthétique ».

Elles exposent encore que la hauteur de 3,3 mètres et la longueur de 8,5 mètres leur causeraient une perte de vue et d'ensoleillement et que « le bruit des visiteurs accueillis sur la nouvelle terrasse, à l'intérieur du projet et du pourtour, la proximité de cette nouvelle aire de loisirs et de camping » causeraient des nuisances sonores, non seulement dans le jardin, mais aussi dans le bureau, le salon ainsi que dans la chambre à coucher.

4Les consorts A font finalement valoir que le risque de feu en raison du barbecue sur la terrasse ainsi que près de la construction en bois immédiatement à côté de leur domicile arboré serait trop élevé.

Dans son mémoire en duplique et quant à l’argument des consorts A selon lequel le recours gracieux du 15 juin 2020 n’aurait été destiné qu’à la sauvegarde des droits de Madame A, la commune fait valoir qu'il n'appartiendrait pas à un particulier de modeler le régime légal applicable au recours gracieux et son caractère suspensif des délais de recours contentieux.

Elle soutient que le recours gracieux introduit par un propriétaire devrait, dans un souci de bonne administration, « valoir » pour son héritier, alors qu’ils défendraient des intérêts similaires de sorte qu'en l'espèce le recours gracieux introduit par Madame A le 15 juin 2020 devrait « valoir » également pour Madame B et que le recours serait également à déclarer irrecevable rationae temporis à son égard.

Selon la commune, une solution contraire reviendrait à permettre « un saucissonnage abusif des intérêts d'un même ménage » en permettant de suspendre plusieurs fois le délai de recours contre une même décision.

La commune conteste que seul le fait que le voisin construirait un abri de jardin causerait grief aux consorts A, alors qu’une telle construction serait déjà définitivement autorisée par l'autorisation n°… qui n’aurait pas été entreprise par consorts A.

Ainsi, ce n'est pas l'entièreté de la construction qu'il faudrait prendre en compte pour vérifier si l'autorisation entreprise causerait grief aux parties requérantes mais exclusivement les aménagements supplémentaires autorisés par l'autorisation entreprise.

Elle soutient qu’une comparaison des plans de l'autorisation initiale et de l'autorisation modificative déférée montrerait que le nouveau projet ne prévoirait qu’un rehaussement de 10 centimètres, une augmentation de la largeur de 10 centimètres et une diminution de 80 centimètres de la longueur totale.

La commune fait valoir que s’il y avait un quelconque préjudice d’ensoleillement ou sonore, ce dernier découlerait de l'abri de jardin initialement autorisé et non de la seule modification sommaire de l'abri de jardin déférée.

Une annulation de l'autorisation n° … ne permettrait pas de satisfaire les intérêts des consorts A, dans la mesure où l'aggravation de leur situation de voisin résulterait non pas de la nouvelle construction mais de la construction légalement existante.

La commune donne encore à considérer que la maison des consorts A serait entourée d'arbres ce qui diminuerait l’aggravation de leur situation dans la mesure où ils n'auraient pas de vue directe sur l'abri de jardin à réaliser.

Appréciation du tribunal 5Il échet tout d’abord de rappeler que les consorts A ont introduit un recours contre la seule autorisation de construire modificative du 16 mars 2020 qui a été affichée de manière non contestée aux abords de la parcelle en date du 27 avril 2020.

Indépendamment du moyen d’irrecevabilité ratione temporis invoqué par la commune, le tribunal rappelle, quant à l’intérêt à agir des consorts A, qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard aux éléments avancés à cet égard par le demandeur, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt1.

Il convient ensuite de souligner que dans le contentieux administratif l’analyse de l’instance n’est pas focalisée sur les personnes à l’instance, mais sur l’acte administratif par rapport auquel nécessairement une personne, physique ou morale, introduit un recours, lui-même conditionné notamment par l’intérêt à agir dudit demandeur2. En d’autres termes, le juge doit vérifier, eu égard à l’intérêt mis en avant par le demandeur, si l’acte déféré est susceptible d’avoir une incidence sur la situation de celui-ci : c’est au regard de l’incidence concrète de la décision sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce demandeur devant le juge de l’annulation doit être apprécié3. En effet, le demandeur ne pourra être regardé comme ayant intérêt à agir que si l’acte entraîne à son égard les conséquences fâcheuses constituant le grief mis en avant4.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter5, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés6. En effet, l’exigence d’un intérêt direct suppose, d’une part, qu’une relation causale existe entre l’acte entaché d’irrégularité et le tort, et d’autre part, que cette liaison causale présente un intérêt direct7.

Ainsi, l’intérêt pour agir implique non seulement qu’un mal ait été éprouvé, mais encore que la mesure sollicitée remédie à ce mal8 : l’annulation doit apporter au requérant une satisfaction effective.

1 Trib. adm. 30 janvier 2006, n° 20272, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 36 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 13 février 2007, n° 22241C, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1 et les autres références y citées.

3 Voir en ce sens : Conseil d’Etat fr., 16 juin 2004, req. 264185 et 264220.

4 Jacques Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, 1975, n° 159.

5 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.

6 Trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.

7 J. Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, 1975, n° 175, p.149.

8 Trib. adm. 5 janvier 2009, n° 23987, confirmé par arrêt du 11 juin 2009, n° 25409C, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 48 et les autres références y citées.

6En l’espèce, l’autorisation …, ayant été affichée à partir du 24 juin 2019 aux abords de la parcelle et dont les requérantes ont nécessairement eu connaissance pour avoir formulé des objections à son encontre, est coulée en force de chose décidée à défaut d’avoir fait l’objet d’un recours contentieux introduit par les consorts A.

Il s’ensuit que le recours sous examen, en ce qu’il a été introduit par les demanderesses contre la seule autorisation modificative du 16 mars 2020 ne pourrait aboutir qu’à une annulation de cette dernière autorisation.

Une telle annulation de la décision modificative déférée aurait donc comme conséquence que l’autorisation initiale … pourrait être exécutée et qu’un abri de jardin dans les dimensions autorisées (9,30 mètres de longueur, 4,5 mètres de largeur et 3,2 mètres de hauteur) pourrait être construit.

Les demanderesses justifient leur intérêt à agir par le fait que leur situation de voisine habitante, respectivement de propriétaire serait aggravée par l’effet des dimensions de l’abri de jardin, à savoir de 8,5 mètres de hauteur, de 4,6 mètres de largeur et de 3,3 mètres de hauteur.

L’abri de jardin projeté bloquerait leur vue sur les alentours entraînant un déficit d’ensoleillement et perturberait leur tranquillité et sérénité en raison des eaux de pluie frappant le nouvel abri de jardin les empêchant de dormir dans leurs chambres à coucher à côté de l’abri. La présence dudit abri de jardin empêcherait par ailleurs l’extension de « sa construction principale » jusqu’aux limites admissibles du voisin.

Force est au tribunal de constater que la décision modificative a, par rapport à l’autorisation initiale, comme seul effet de réduire la longueur de l’abri de jardin de 80 centimètres et d’augmenter de 10 centimètres tant sa largeur que sa hauteur.

Or, au vu des griefs invoqués par les demanderesses et de la situation des parcelles, telle que documentée par un extrait du site géoportail figurant au mémoire en réponse de la commune, qui est particulière dans le sens que les parcelles sont en grande partie séparées par un chemin privé longeant la moitié de la parcelle des consorts C, et que la maison habitée par les consorts A se trouve à plusieurs mètres de la limite cadastrale au milieu de la parcelle d’une contenance de 15 ares, le tribunal n’entrevoit pas comment la situation des consorts A se trouverait aggravée par l’augmentation de la hauteur et de la largeur de l’abri de jardin de 10 centimètres, d’autant plus que la présence d’arbres et d’arbustes sur la parcelle appartenant à Madame A est susceptible de faire écran par rapport à un prétendu bruit occasionné par la pluie frappant l’abri de jardin. Ce sont ces mêmes arbres et arbustes qui font conclure le tribunal qu’il n’y a aucune perte d’ensoleillement du fait de la présence d’un abri de jardin et encore moins d’une augmentation de la hauteur et de la largeur de 10 centimètres dudit abri de jardin, alors que la parcelle appartenant à Madame A est quasiment entièrement couverte d’arbres, tel qu’il ressort de l’extrait du site geoportail figurant au mémoire en duplique de la commune, de sorte que l’abri de jardin des consorts C n’est pas susceptible d’aggraver la situation des consorts A à cet égard.

S’agissant enfin de l’affirmation des consorts A, non autrement précisée, selon laquelle l’abri de jardin empêcherait l’extension de leur « construction principale » jusqu’aux limites du voisin, il échet de retenir qu’à défaut de disposition règlementaire citée, le tribunal n’entrevoit pas 7dans quelle mesure la construction de l’abri de jardin et encore moins l’augmentation de 10 centimètres de sa hauteur et de sa largeur, serait de nature à avoir une incidence sur la construction voisine.

Il suit de tout ce qui précède qu’il n’est pas démontré en quoi la décision déférée affecterait directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien habité par les consorts A, d’une telle manière que celles-ci verraient leur situation s’aggraver effectivement et réellement.

Il suit des considérations qui précèdent que les consorts A ne justifient pas d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre de l’autorisation …, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable dans leur chef.

Les consorts A sollicitent l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, demande qui, au vu de l’issue du litige, est toutefois à abjuger.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, telle que formulée par les consorts A ;

condamne les consorts A aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 29 septembre 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 45798
Date de la décision : 29/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-29;45798 ?

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