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26/09/2023 | LUXEMBOURG | N°46927

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2023, 46927


Tribunal administratif N° 46927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46927 3e chambre Inscrit le 24 janvier 2022 Audience publique du 26 septembre 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2022 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur A, né le … à … (République démocratique du Congo), de nat...

Tribunal administratif N° 46927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46927 3e chambre Inscrit le 24 janvier 2022 Audience publique du 26 septembre 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2022 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, né le … à … (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 décembre 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 juin 2023.

Le 7 janvier 2020, Monsieur A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur A sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 15 et 26 janvier 2021, Monsieur A fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 décembre 2021, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 21 décembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur A en la déclarant 1non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 7 janvier 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains, le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 janvier 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 15 et 26 janvier 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que le document remis à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous déclarez être de nationalité congolaise, d'ethnie Mungala, de confession chrétienne et avoir vécu à …, une commune située dans la province de ….

Concernant vos craintes en cas de retour en République démocratique du Congo, vous indiquez que vous auriez peur de vous faire arrêter et de vous faire tuer pour avoir mis en ligne une vidéo montrant un député de l'opposition prénommé « … » (page 7 de votre rapport d'entretien).

Concernant les événements qui se seraient déroulés dans votre pays d'origine avant votre départ, vous indiquez, que depuis juillet 2019, vous auriez travaillé pour une chaine « Youtube » nommée « … » (page 2 de votre rapport d'entretien) pour laquelle vous auriez monté des vidéos et occasionnellement filmé des images.

Le 21 septembre 2019, vous auriez mis en ligne des images de « … » (page 7 de votre rapport d'entretien) que vous auriez filmées avec votre collègue … prénommé « B » (page 13 de votre rapport d'entretien) dans la résidence du député se trouvant dans le quartier « … » (page 12 de votre rapport d'entretien) à …. Vous précisez que vous auriez été le premier à mettre en ligne des images de « … » (page 7 de votre rapport d'entretien) depuis sa réapparition aux côtés du député prénommé « … » (page 11 de votre rapport d'entretien), première réapparition publique depuis son évasion de prison avec « au moins 5000 » (page 7 de votre rapport d'entretien) autres prisonniers.

Une semaine après la mise en ligne de vos images, des policiers se seraient présentés à votre domicile et auraient informé votre mère qu'ils seraient à votre recherche. Les policiers seraient venus à trois reprises dont le 28 septembre et le 2 octobre 2019. La première fois, vous vous seriez trouvé chez un musicien prénommé « … » (page 16 de votre rapport d'entretien), la deuxième fois vous vous seriez trouvé chez des amis et la troisième fois vous vous seriez trouvé sur le tournage d'une pièce de théâtre.

2Votre mère vous aurait envoyé vous cacher dans une église où vous seriez resté jusqu'à votre départ de …, le 6 janvier 2020, avec l'aide d'un homme que vous n'auriez pas connu et muni d'un faux passeport. Vous ajoutez que durant votre séjour dans l'église les agents de « l'ANR » (page 18 de votre rapport d'entretien) auraient été à votre recherche et se seraient également présentés chez votre mère.

Vous présentez le document suivant à l'appui de votre demande de protection internationale :

 Une photocopie d'un laissez-passer pour la presse émis par l'association de la presse en ligne du Congo.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit pour les raisons suivantes :

Monsieur, si comme vous le déclarez, il est effectivement avéré qu'une vidéo d'une minute et 45 secondes, montrant Monsieur … a été mise en ligne le 21 septembre 2019 sur la chaîne « YouTube » nommée « … », notons qu'il n'est nullement prouvé que vous auriez mis en ligne cette vidéo et qu'il ne fait nullement mention de votre nom dans ladite vidéo alors que vous n'êtes pas sans savoir que n'importe qui aurait pu faire respectivement mettre cette vidéo en ligne. Rien ne permet en effet d'établir que vous seriez l'auteur de cette vidéo et pas uniquement une personne parmi des milliers d'autres à avoir tout simplement visionnée cette vidéo publiquement accessible sur une plateforme en ligne. Or il convient dans ce contexte de noter qu'il aurait été très aisé pour vous de prouver que vous en seriez l'auteur respectivement que vous auriez travaillé pour cette chaine mais aucun élément n'a été apporté par vos soins dans ce contexte.

Quant à vos allégations selon lesquelles vous auriez été le premier à diffuser des images de Monsieur … après sa réapparition chez le député « … [sic] » (page 11 de votre rapport d'entretien), soulevons que ces allégations sont manifestement fausses, alors qu'une simple recherche sur YouTube permet de trouver les vidéos suivantes qui ont toutes été mises en ligne une semaine avant celle que vous auriez mise en ligne :

 « …»,  « … »,  « … »,  « … ».

Monsieur, force est également de constater que vos allégations, selon lesquelles vous auriez été dans le collimateur des autorités congolaises au motif qu'elles auraient été à la recherche de Monsieur … en novembre 2019, sont manifestement fausses, alors qu'ayant disparu depuis son évasion de la prison de … le … 2017, dès sa première réapparition en 3publique durant la conférence de presse du 6 mai 2019, les communiqués de presse mentionnent qu' « [a]près la conférence de presse, il s'est rendu directement dans son[sa] résidence située à Ma campagne dans la commune de … » [sic]. A noter également qu'on peut lire que « … a été reconduit à la prison centrale de … à …, trois jours après sa surprenante réapparition publique aux côtés de …, le président du Conseil national de suivi de l'accord du 31 décembre (CNSA), mardi, lors d'une conférence de presse » et par la suite, « [b]rièvement arrêté, il sera incarcéré quelques heures à … avant de bénéficier d'une mise en liberté provisoire dans un contexte de décrispation politique ».

Soulevons également que « [l]e 4 janvier 2020, … s'autoproclame président de la République depuis sa résidence dans ce qu'il estime être un « coup d'État divin » venu mettre fin à une « présidence de mascarade ». Depuis sa réapparition, l'ancien élu réclamait notamment le paiement des émoluments qu'il n'a pas pu recevoir pendant sa cavale et la réhabilitation de ses biens détruits » et qu' « [a]près de nouveaux heurts sur fond d'épidémie de coronavirus, la police a finalement procédé à son arrestation à l'issue de plusieurs jours de négociations, le 24 avril ». Suite à son arrestation, on peut lire que « « M. … a été transféré au CNPP (Centre neuro-psychopathologique) sur réquisition du parquet qui demande à ce centre psychiatrique de déterminer s'il est en possession de toutes ses capacités mentales pour subir un interrogatoire », a déclaré un officier de la police de …. « Dans le cas où son état nécessiterait des soins appropriés, il sera gardé là-bas sous la responsabilité du parquet », a ajouté l'officier ». Le 3 août 2020, les médias ont publié les informations suivantes : « Enfin, Le chef du mouvement polico-religieux et ancien député national, … a regagné ce lundi 3 août sa résidence de …/… réhabilitée par le gouvernement congolais. Il était interné au centre neuro psycho pathologique (CNPP) pour des soins puis aux cliniques universitaires comme malade atteint de la covid 19. […] … président du … étant témoin et médiateur du dossier … a déclaré ce qui suit à la presse « Le chef de l'État s'est personnellement investi pour que cette personnalité soit écartée du danger. Nous sommes venus le prendre pour qu'il rend[t]re chez lui. C'est sur ordre du chef de l'État, sa résidence a déjà été réhabilitée par le gouvernement congolais ».

Partant, Monsieur, il est indéniable que depuis le retour de Monsieur … sur la scène publique, les autorités congolaises ne l'ont jamais perdu de vue, de sorte que vos propos selon lesquelles la police aurait été à votre recherche pour mettre la main sur Monsieur … ne sont pas crédibles.

A cela s'ajoute que vous situez la résidence de Monsieur … comme se trouvant dans le quartier « … » (page 12 de votre rapport d'entretien) à …, or de toutes les informations qui précèdent, sa résidence se trouverait à Ma campagne dans la commune de …. Partant, votre prétendue rencontre avec Monsieur … n'a manifestement jamais eu lieu car vous ignorez cette information essentielle qui est son lieu de résidence où vous l'auriez prétendument interrogé.

Quant à la copie de votre carte de presse que vous avez déposée à l'appui de votre demande de protection internationale et au sujet de laquelle vous déclarez « [c]e que je sais, c'est que j'ai le droit d'aller partout avec ma carte » (page 15 de votre rapport d'entretien), soulevons que la seule trace de l'association de la presse en ligne du Congo (…) qui aurait émis cette carte, est sa page Facebook, qui mentionne que cette association serait une association sans but lucratif, sans apporter d'autres informations. Il y a donc lieu de constater que vous seriez membre d'une association sans but lucratif, mais que cette carte ne vous donne pas droit à l'accès des métiers de la presse. Ce constat est d'autant plus renforcé par les informations consultées selon lesquelles le « [c]adre fédérateur de tous les … et de toutes les 4organisations professionnelles des médias en République Démocratique du Congo, l'… a reçu un mandat légal de délivrer la carte de presse et, donc, de reconnaître la qualité de … à quiconque œuvre dans ce secteur en …. En d'autres termes, tout celui qui se dit … et ne dispose pas de cette carte exerce illégalement et peut être poursuivi pour usurpation de la qualité de … conformément aux dispositions du Code pénal Livre II » [sic]. Partant, il convient de conclure que vous ne pouvez être considéré comme exerçant un métier de la presse et que vous êtes manifestement pas la personne qui aurait tourné ses images et les auraient mises en ligne.

Vous tentez ostentatoirement de vous approprier l'identité et le vécu d'un autre pour tenter d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale.

Au vu de tout ce qui précède, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même votre récit serait crédible, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il ressort de vos déclarations que vous auriez quitté le Congo aux motifs que vous craindriez pour votre vie car vous y seriez recherché par la police et l'Agence Nationale de Renseignements (ANR) pour pouvoir mettre la main sur Monsieur … et pour avoir été le premier à mettre en ligne une vidéo de Monsieur … après sa réapparition publique aux côtés de ….

Force est donc de constater que vous auriez été recherché dans le contexte d'une enquête menée par les autorités congolaises et qui aurait eu pour but d'arrêter un fugitif qui se serait évadé de prison. Il convient de soulever que les agissements des autorités congolaises sont tout à fait légitimes alors que vous prétendez que vous auriez été le premier à rencontrer le fugitif lors d'une interview qu'il vous aurait donnée. Partant il est indéniable que les faits 5dont vous faites état n'ont aucun lien avec les motifs énumérés dans la Convention de Genève et la Loi de 2015 qui prévoient une protection internationale à toute personne personnellement persécutée dans son pays d'origine, ou qui risque de personnellement devenir la cible de persécutions à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Quand bien même les faits invoqués seraient liés à l'un des critères de la Convention de Genève, de simples visites des autorités congolaises à votre domicile ne sauraient être qualifiées d'actes d'une gravité suffisante pour justifier l'octroi du statut de réfugié dans votre chef.

A cela s'ajoute que vous ne risquez manifestement plus d'être importuné par les autorités dans votre pays d'origine alors que les autorités congolaises ont appréhendé Monsieur … à plusieurs reprises depuis sa réapparition publique en mai 2019.

Soulevons à toutes fins utiles que la chaine « … » a continué à diffuser des vidéos revendicatrices de Monsieur … en date du 31 janvier 2020, du 5 février 2020 ainsi qu'en date du 15 février 2020 et qu'à l'heure d'aujourd'hui, cette chaine d'information sur « YouTube » est toujours active de sorte qu'on peut conclure que les autorités n'ont aucunement l'intention de fermer ces chaines respectivement en auraient après les auteurs de ces vidéos.

A toutes fins utiles notons également que « [r]éagissant au sujet des salaires que réclame le leader du mouvement mysto-religieux "…", lorsqu'il a été en détention à la maison carcérale de … en 2016, le ministre des relations avec le parlement … a déclaré ce dimanche 26 avril 2020 sur les antennes de … émettant depuis …, que … avait reçu toutes ses indemnités.

"Pendant qu'il était en prison, sa femme s'est présentée au bureau de l'Assemblée nationale à l'époque, pour demander de l'aide car elle avait des enfants à nourrir et que son mari n'était pas là. Par-là, l'Assemblée nationale lui avait donné 50% des indemnités de son mari et les 50% restant ça été placés au … à …. Lorsque lui-même, …, est réapparu, il a été mis en possession de ses indemnités, il avait même reçu le véhicule", a précisé le ministre des relations avec le parlement ».

Partant, force est de constater que les informations que vous auriez divulguées et dont vous prétendez qu'elles vous auraient amené à tomber dans le collimateur de la police, sont aujourd'hui connues de tous, facilement consultables en ligne et relayées par les autorités.

Monsieur, force est de constater qu'en cas de retour en République démocratique du Congo en 2021, vous ne risquez pas de devenir victime d'une quelconque persécution.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas 6ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas d'être condamné à mort, d'être exécuté, voire de subir un traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans votre pays d'origine.

Il ne ressort pas non plus des informations dont dispose la partie étatique que la situation à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo serait à ce jour telle que vous y risqueriez une atteinte grave en raison d'un conflit armé interne caractérisé par des violences aveugles.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2022, Monsieur A a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision, précitée, du ministre du 15 décembre 2021 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 15 décembre 2021, telle que déférée.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours et en fait, Monsieur A explique être de nationalité congolaise et d’être recherché dans son pays d’origine par les autorités de police pour avoir publié, en date du 21 septembre 2019, une vidéo portant sur une interview du politicien congolais d’opposition, …, sur la plateforme « YouTube ». Il précise n’avoir exercé aucune activité politique dans la République démocratique du Congo et d’avoir travaillé dans le domaine de 7l’audiovisuel en tant que « … », tout en se prévalant, à cet égard, d’une copie de sa carte de presse qu’il qualifie de « laissez-passer ». Il soutient ensuite que, dans la mesure où il aurait été le premier à publier des images du politicien … depuis que celui-ci se serait échappé d’une prison congolaise en 2017, la police, tout comme l’Agence nationale de renseignements (ANR), seraient à sa recherche, de sorte qu’il craindrait d’être arrêté et tué en cas de retour dans son pays d’origine où il ne pourrait prétendre à aucune protection de la part des autorités.

En droit et à titre de préambule, le demandeur rappelle les termes de l’article 37 paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et donne à considérer que tant sa situation individuelle que la situation générale dans la République démocratique du Congo devraient être prises en considération dans le cadre de l’appréciation de la crédibilité de son récit. Il se prévaut, à ce sujet, de divers rapports et articles de presse desquels il déduit que de graves violations des droits de l’homme, et notamment des libertés d’expression et de la presse seraient commises au Congo.

Quant à la crédibilité de son récit, le demandeur avance qu’il ne se serait pas trompé sur le lieu de résidence de Monsieur …, alors qu’en se référant au quartier « … », il se serait référé à …, anciennement « … », en abrégé « … », qui serait située dans la commune de … où habiterait ledit politicien.

En ce qui concerne les reproches du ministre formulés en relation avec sa « carte de presse », Monsieur A précise qu’il ne s’agirait non pas d’une carte de presse, mais d’un laissez-

passer qui obéirait à une réglementation propre et qui lui aurait été délivré par « l’association de Presse en Ligne du Congo », une « association d’intérêt publique », qui viserait à promouvoir le métier de presse en ligne.

S’agissant ensuite des contestations du ministre relatives au fait pour lui d’être recherché par les autorités de police congolaises, le demandeur fait valoir qu’il n’aurait pas suivi l’actualité politique dans son pays d’origine, de sorte que, même si Monsieur … était déjà publiquement réapparu en date du 6 mai 2019, il aurait légitimement pu croire que ce dernier ne se serait montré pour la première fois en public qu’au moment de la publication de sa vidéo en date du 21 septembre 2019.

Il conteste ensuite le reproche du ministre selon lequel il ne prouverait pas qu’il serait l’auteur de la vidéo en question et estime qu’au vu de ses difficultés de joindre ses anciens collègues de travail, son contrat de travail conclu le … 2019 avec la chaîne de télévision « … », considéré ensemble sa formation dans le domaine de l’audiovisuel, prouveraient suffisamment qu’il en serait l’auteur.

S’agissant ensuite des vidéos invoquées par le ministre, Monsieur A donne à considérer que celles-ci auraient été publiées très peu de temps avant sa vidéo, de sorte qu’il aurait légitiment pu ignorer leur existence.

Il déduit de tout ce qui précède que son récit devrait être considéré comme crédible et se prévaut encore de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, dont il se dégagerait que le doute devrait profiter au demandeur de protection internationale dès lors que son récit serait globalement crédible.

Concernant le refus d’octroi du statut de réfugié politique, et après avoir rappelé les dispositions de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, Monsieur A fait plaider que 8ce serait à tort que le ministre lui aurait refusé l’octroi dudit statut, estimant qu’il remplirait toutes les conditions légales. En se référant aux dispositions de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir que les faits d’espèce seraient d’une gravité suffisante au regard des exigences légales, dès lors qu’il courrait un risque réel de subir des violences extrêmes de la part des autorités congolaises eu égard aux pressions que celles-ci exerceraient sur les journalistes et les personnes assimilées. Il craindrait plus particulièrement faire l’objet d’une arrestation arbitraire et subir des actes de violence physique ou mentale au sens du point a) du paragraphe (2) de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015.

Il estime ainsi être persécuté du fait de ses opinions politiques, tel que prévu par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, tout en soulignant, en se prévalant de l’article 43, paragraphe (2) de la même loi, que les autorités congolaises l’assimileraient à un membre de l’opposition politique dans la mesure où il aurait mis en ligne une vidéo dans laquelle un politicien de l’opposition critiquerait le régime en place.

En s’appuyant ensuite sur l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, il ajoute qu’il n’y aurait aucune bonne raison de penser que les faits litigieux ne se reproduiront pas en cas de retour dans son pays d’origine.

A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié. Plus particulièrement, il fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à un risque de subir une privation de liberté et des actes de maltraitance, partant des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015 et invoque encore diverses jurisprudences européennes à cet effet.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

En vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g), de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

9Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« […] a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou 10b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il convient ensuite de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

En l’espèce, il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Monsieur A ne serait pas crédible dans son ensemble.

11A cet égard, il y a lieu de rappeler que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, tel que cela est le cas en l’espèce, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves1.

En l’espèce, le tribunal partage toutefois les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit du demandeur, celui-ci présentant des incohérences et des contradictions manifestes qui ne sauraient laisser conclure à la véracité de ses dires.

En effet, tel que relaté ci-avant, le demandeur craint, en cas de retour dans son pays d’origine, de faire l’objet d’une arrestation arbitraire et de subir des violences pouvant entraîner sa mort par les autorités congolaises qui seraient à sa recherche pour avoir publié en premier, en date du 21 septembre 2019, une vidéo portant sur une interview du politicien congolais d’opposition, …, qui aurait disparu dans la clandestinité depuis sa fuite d’une prison congolaise en 2017.

Cependant, il échet de constater à cet égard que, d’après les recherches de la partie étatique, non seulement le demandeur n’est aucunement mentionné dans la vidéo litigieuse elle-même, ni dans la page correspondante du site internet « youtube.com », mais également, que plusieurs vidéos portant sur « le retour » dudit politicien dans la sphère publique ont été mises en ligne environ une semaine avant la vidéo litigieuse, de sorte que le demandeur n’était, contrairement à ses affirmations, pas le premier à publier une telle vidéo.

En outre et surtout, il ressort des explications circonstanciées de la partie étatique, basées sur divers articles de presse, que le politicien … est, après sa disparition suite à son évasion de la prison de … (République démocratique du Congo) en 2017, réapparu publiquement une première fois lors d’une conférence de presse en date du 6 mai 2019 et qu’il n’a plus disparu depuis cette date. Il n’est partant guère crédible que les autorités de police congolaises, voire l’Agence nationale de renseignements (ANR), aient été à la recherche du demandeur à partir du 21 septembre 2019 pour mettre leur main sur le politicien en question, dans la mesure où elles avaient, à cette date, connaissance du lieu de séjour de celui-ci déjà depuis plusieurs mois.

Ces conclusions ne sont, par ailleurs, pas énervées par les explications peu convaincantes du demandeur consistant à prétendre qu’il aurait légitimement pu croire que Monsieur … ne serait publiquement réapparu qu’au moment de la publication de sa vidéo en date du 21 septembre 2019, dans la mesure où il prétend, en même temps, ne pas s’être particulièrement intéressé à l’actualité politique congolaise.

Pour être tout à fait complet, il convient encore de noter, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, que si le demandeur était effectivement recherché par les autorités 1 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 139 et les autres références y citées.

12congolaises dans le cadre d’une enquête ayant pour but d’arrêter un fugitif, les agissements de celles-ci seraient entièrement légitimes, le demandeur prétendant avoir été le premier à être entré en contact avec le fugitif depuis son évasion de la prison, de sorte qu’il aurait tout simplement pu coopérer avec la police congolaise. En effet, aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal ne laisse conclure à ce que le demandeur aurait été exposé à des violences physiques ou mentales de la part des autorités congolaises, les déclarations vagues et non autrement circonstanciées, faites par le demandeur à ce sujet n’étant pas de nature à ébranler ce constat2.

Sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que c’est à juste titre que le ministre a retenu que la crédibilité du récit du demandeur est ébranlée dans son ensemble et qu’il ne saurait, dès lors, bénéficier ni du statut de réfugié, ni du statut conféré par la protection subsidiaire.

C’est partant à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur A, de sorte que ce volet du recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 15 décembre 2021 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A cet égard, le demandeur invoque une violation du principe de non-refoulement tel qu’inscrit aux articles 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève et 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi qu’une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », et de l’article 3 de la CEDH, auquel ledit article 129 renvoie.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, il a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

2 Page 18 de l’entretien Dublin III : « Parce qu’on sait, si on te cherche, c’est fini pour toi. […] Parce que si la police te cherche pour …, on sait que c’est fini. ».

13 En ce qui concerne la violation des dispositions invoquées par le demandeur, et notamment la violation du principe de non-refoulement, il échet de constater en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus par celui-ci en cas de retour dans son pays d’origine, que le tribunal a conclu ci-avant qu’aucune protection internationale ne peut être accordée au demandeur eu égard au manque de crédibilité de son récit, de sorte que le tribunal ne saurait actuellement se départir à ce niveau-ci de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur en République démocratique du Congo soit dans ces circonstances incompatibles avec l’article 3 de la CEDH, voire avec le principe de non-

refoulement prévu par les articles 33 de la Convention de Genève, 129 de la loi du 29 août 2008 et 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que les moyens afférents encourent le rejet.

Il s’ensuit que le volet du recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 décembre 2021 portant rejet d’un statut de protection internationale dans le chef de Monsieur A ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 décembre 2021 portant ordre de quitter le territoire dans le chef de Monsieur A ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 septembre 2023 par :

Marc Sünnen, président, Thessy Kuborn, premier vice-président, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46927
Date de la décision : 26/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-26;46927 ?

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