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25/09/2023 | LUXEMBOURG | N°s46324,46653

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2023, s46324,46653


Tribunal administratif N°s 46324 et 46653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI: LU:TADM:2023:46324/46653 1re chambre Inscrits les 2 août et 9 novembre 2021 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par la société anonyme A, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et par Monsieur B, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 46324 du rôle et dép

osée au greffe du tribunal administratif en date du 2 août 2021 par la société anonyme KR...

Tribunal administratif N°s 46324 et 46653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI: LU:TADM:2023:46324/46653 1re chambre Inscrits les 2 août et 9 novembre 2021 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par la société anonyme A, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et par Monsieur B, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 46324 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 août 2021 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240.929, représentée aux fins de la présente instance par Maître Sébastien Couvreur, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme A, établie et ayant son siège à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) d’une « décision du 10 décembre 2020 de la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable portant refus d’autorisation pour la régularisation de diverses constructions sises sur la parcelle n° … inscrite comme suit au cadastre : Commune : …, Section : … de … au lieudit rue … » et 2) d’une « décision de la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 3 mai 2021 (…) confirmant sa décision du 10 décembre 2020 (…) » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2022 par Maître la société anonyme Krieger Avocats SA, au nom de la société anonyme A, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2022 ;

II.

1 Vu la requête inscrite sous le numéro 46653 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite sur le liste V du tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la procédure par Maître Sébastien Couvreur, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur B, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une « décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 9 août 2021, portant refus d’autorisation pour la régularisation de diverses constructions sises sur un fonds inscrite au cadastre de la commune de … : Section : … de … (rue …), sous le numéro … » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2022 ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2022 par la société anonyme Krieger Associates SA, au nom de Monsieur B, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2022 ;

I.et II.

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur et Monsieur le délégué du gouvernement Joé Ducomble en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2023.

Après intervention du préposé du Triage forestier de Kehlen en date du 16 juillet 2020, Monsieur C introduisit ex post en date du 22 septembre 2020 auprès du Ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministère », une demande datée au 24 juillet 2020 tendant à se voir accorder dans le cadre de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », l’autorisation ayant l’objet suivant et visant un fonds inscrit au Cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro …, ci-après désigné par « la parcelle » : « régularisation ex-post de construction agricole (exploitant 239-001) (…) Ecurie Abri Nr 1 : abri existant avec ajou d’une extenssion en bois sur trois côtés avec en façade une porte en bois divisée en deux parties, une basse et haute et une porte en partie base sans partie haute pour le foin Abri Nr 2 : abri en bois pour stockage de paille fermé sur trois côtés plus barrière pour protèger les balles des animaux Ecurie Abri Nr 2 : existant modifié par la création d’un débordement 1,20/1.30 m de chaque coté ouvrant des boxes pour protéger les animaux de la puie Manège : (Paddock) reprise des murs de soutènement des terres, du paddock et berges et remplacement de la clôture en bois 1,40 m d’enceinte Mangeoire amovible dans le paddock de l’écurie avec toit débordant ».

Par courrier du 19 août 2020, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », sollicita une preuve que l’exploitation est opérée à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant 2le soutien au développement durable des zones rurales, ci-après désignée par « la loi du 27 juin 2016 ».

L’avis du préposé du Triage forestier de Kehlen du 2 octobre 2020 est libellé comme suit :

« (…) Le requérant a construit plusieurs constructions en zone verte sans autorisations ministérielles.

En date du 19.04.2016 le requérant a reçu un refus pour une demande d’autorisation similaire (…) Suivant la lettre du 9 Septembre 2020 de la part du ministère de l’agriculture de la viticulture et développement rural, le requérant est un exploitant agricole Conclusion Je propose que les juristes du ministère devront faire une analyse approfondie de cette demande. ».

L’avis du chef d’arrondissement centre-ouest de l’administration de la nature et des forêts du 21 octobre 2020 est libellé comme suit :

« (…) Selon le rapport du préposé territorialement compétent, le requérant (M. C) a érigé diverses constructions servant à des fins de sports et de loisirs (tenue de chevaux) sans autorisation entre 2016 et 2020 sur un terrain de 2 ha attenant sa résidence à … :

Deux écuries Deux abris Une mangeoire Un manège à ciel ouvert Le Ministère a renvoyé la demande d’autorisation du requérant en date du 19 août 2020 en réclamant une preuve d’exploitation agricole à titre principal conformément à l’article 59 de la LPN de 2018.

Il s’agit de constructions servant à des fins de sports et de loisirs et non pas d’une construction agricole, ce qui a déjà été constaté en 2016 et ce qui s’est soldé par 2 refus ministériels (N/Réf. … du 04 janvier 2016 et N/Réf. … du 19 avril 2016). Partant cette preuve d’exploitation agricole à titre principal ne permet pas une régularisation ex-post.

Le requérant a complété sa demande d’autorisation en date du 10 septembre 2020 moyennant un courrier du Service d’Economie Rurale du 9 septembre 2020 attestant que la société D de … bénéficie du statut d’exploitation à titre principal conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

A ma demande, le responsable de la société D (M. B (…)) a déclaré oralement avoir loué le terrain du requérant pour la tenue de chevaux d’équitation et de pension.

3Une régularisation ex-post entrainerait le développement du sport équestre en zone verte. Les constructions érigées sans autorisation sont à enlever endéans 3 mois. Passé ce délai PV sera dressé. (…) ».

En date du 10 décembre 2020, le ministre adressa à Monsieur C la décision suivante :

(…) Je fais suite à votre requête du 24 juillet 2020 par laquelle vous sollicitez ex-post l’autorisation pour la régularisation de diverses constructions sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … : section … de …, sous le numéro ….

Selon l’article 6, paragraphe 7 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, seules sont conformes à l’affectation de la zone verte les constructions nécessaires à la détention de chevaux dans une exploitation agricole qui dispose de pâturages et d’une base fourragère provenant majoritairement de l’exploitation.

Vous ne livrez pas de preuve que vous exercez personnellement une activité agricole à titre principal. Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’article 6(1) alinéa 3 aux termes duquel : « Ne comptent pas comme activités d’exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location d’étables à des tiers. » Par conséquent, je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande et vous invite à enlever toutes les constructions illégales dans un délai de 3 mois à compter de la date de la présente, faute de quoi l’Administration de la nature et des forêts dressera procès-verbal.

(…) ».

Par courrier du 5 mars 2021, la société anonyme A, ci-après désignée par « la société A », introduisit par l’intermédiaire de son litismandataire un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée, du 10 décembre 2020. A l’appui de ce recours gracieux, elle versa un contrat de bail à ferme conclu en date du 24 juillet 2020 entre la société A, d’une part, et la société civile D, ci-après désignée par « la société D », et Monsieur B, d’autre part, ainsi qu’une « autorisation de mettre des chevaux au pré à titre gratuit » accordée par la société A à Monsieur B signée en date du 15 mai 2020 et ayant pris fin en date du 31 mars 2021.

L’avis du préposé du Triage forestier de Kehlen du 25 mars 2021 est libellé comme suit :

« (…) je suis d’avis que le site en question n’est pas usé dans un sens agricole, mais dans un sens d’un centre équestre privé. Forte indication pour cette théorie est par mon avis la mise en place illégale d’un manège équestre entre 2013 et 2016, respectivement le début sans autorisation, des travaux de reconstruction de cette manège en 2020.

La première construction illégale sur le site en question a été faite entre 2013 et 2016 (veuillez consulter s.v.p. pour le détail/historique mon rapport Nr. 97215 PT du 02.10.2020).

Le contrat de bail à ferme entre Monsieur B/la société D et la société A a été fait en date du 24.07.2020.

Mon intervention écrite, via E-Mail, suite aux constats de nombreuses illégalités au site en question, a été faite en date du 16.07.2020 (…) ».

4Par décision du 3 mai 2021, le ministre rejeta le recours gracieux introduit par la société A sur base de la motivation suivante :

« (…) Je fais suite à votre courrier du 5 mars 2021 par lequel vous formez un recours gracieux contre la décision n° … du 10 décembre 2020.

Permettez-moi de vous informer que les contrats de bail à ferme et de mise à disposition à titre gratuit du pré auxquels vous faites référence ne changent rien au fait que le demandeur d’autorisation, Monsieur C, n’est pas exploitant agricole à titre principal au sens de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Une autorisation sur base de l’article 6 pour les différentes constructions, à savoir les deux abris « écuries », les deux abris, le manège et la mangeoire, n’est donc pas possible.

L’article 6(1) alinéa 3 est pleinement applicable en ce qu’il dispose que : « Ne comptent pas comme activités d’exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location d’étables à des tiers. » Pour le surplus, je vous renvoie à ma décision du 10 décembre 2020 qui est maintenue dans son intégralité.

Je tiens encore à vous signaler qu’une décision antérieure de refus n° … du 4 janvier 2016, confirmée sur recours gracieux par décision n° … du 19 avril 2016, a déjà émis un refus concernant une demande de construction d’une étable pour chevaux et a invité votre mandant à enlever en plus une construction se trouvant au nord de la parcelle …. Or, suivant les images aériennes actuelles disponibles sur Geoportail, cet abri s’y trouve toujours.

J’invite une nouvelle fois votre mandant à enlever toutes les constructions illégales dans les meilleurs délais, faute de quoi l’Administration de la nature et des forêts dressera procès-verbal. (…) ».

En date du 28 mai 2021 fut introduite au ministère une demande d’autorisation ex post datée au 5 mai 2021 et mentionnant comme maître d’ouvrage « Monsieur B- société D» et ayant l’objet suivant visant la parcelle : « régularisation ex-post de construction Ecurie Abri Nr 1 (étable) & Abri Nr2(stockage paille), aménagement Ecurie Abri Nr 2 (écurie) & Manège (paddock), Mangeoire (…) Ecurie Abri Nr 1(étable) extension en bois sur trois côtés de l’étable pour vache avec en façade une porte en bois divisée en deux parties, basse et haute et une porte en partie base pour le foin Abri Nr 2 (stockage paille) fermé en bois sur trois côtés et barrière en bois pour protéger les balles Ecurie Abri Nr 2 réhabilitation avec toit en débordement de chaque coté des boxes en bois de l’écurie Paddock reprise des murs de soutènement des terres du paddock et berges et remplacement de la clôture d’enceinte avec piquet bois tous les deux metres Mangeoire amovible en bois dans le paddock de l’écurie avec toit débordant ».

Ladite demande d’autorisation comporta encore la précision suivante : « (…) Fir meng Demande (…) wollt ech drop opmierksdam maachen, dass mir bei Société D op des Flächen, sou wéi déi Ënnerstänn ugewisen sinn.

Am Kader vun den Biodiv Kontrakter, esou wie déi extensive Bewirtschaftung an eisem Betrib, hunn mir leider net genuch Ënnerstänn fir eis Béischten, Päerd an Wasserbüffelen, sou dass mir op all Ënnerstand ugewisen sinn fir den Wanter, vir all eis Béischten kennen ënner 5Daach ze setzen. Dofir och des Demande fir kennen déi Konstruktiounen, di mir mat gepacht hunn op dësen Flächen ze legaliséieren an net mussen zeréck ze bauen. (…) ».

L’avis du préposé du Triage forestier de Kehlen du 16 juin 2021 est libellé comme suit :

« (…) Le ministère a pris une décision en date du 03.05.2021 concernant la demande d’autorisation 97215-G. Le ministère a écrit entre autre :

« L’article 6(1) alinéa 3 est pleinement applicable en ce qu’il dispose que : Ne comptent pas comme activités d’exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location d’étables à des tiers. » Pour le surplus, je vous renvoie à ma décision du 10 décembre 2020 qui est maintenue dans son intégralité. ».

Suivant l’Art.2 des statuts publiés de la Société A, la S.A. a été créée, entre autre, avec le but d’ « … l’exploitation de domaines agricoles avec toutes opérations mobilières, immobilières, financières, commerciales se rapportant directement ou indirectement … ». (…) Maintenant je suis confronté de nouveau avec une demande d’autorisation similaire, pour les mêmes constructions illégales. Nouveau est que, le locataire de la parcelle concernée, demande maintenant la régularisation ex-post des constructions illégales en zone verte.

Comme rappel, le contrat de bail à ferme entre Monsieur B/la société D et la société A a été fait en date du 24.07.2020.

Mon intervention écrite, via E-Mail auprès de M. C/Société A., suite aux constats de nombreuses illégalités au site en question, a été faite en date du 16.07.2020. Ceci est, par mon avis déjà une étrange coïncidence.

Maintenant, il faut se demander si M. C/Société A. ne cherche pas une autre solution pour régulariser la situation illégale, ceci avec l’aide de l’entreprise Société D ? Par exemple, pourquoi est-ce-que Société D a besoin des murs de soutènement des terres du paddock ? Aussi je ne peux pas juger s’il existe vraiment un besoin réel de l’entreprise Société D, de récupérer lesdites constructions comme abri d’hiver.

Conclusion Je propose que les juristes du ministère devront faire une analyse approfondie de cette nouvelle demande (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2021, inscrite sous le numéro 46324 du rôle, la société A fit introduire un recours tendant à l’annulation 1) de la « décision du 10 décembre 2020 de la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable portant refus d’autorisation pour la régularisation de diverses constructions sises sur la parcelle n° … inscrite comme suit au cadastre : Commune : …, Section : … de … au lieudit rue … » et 2) de la « décision de la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 3 mai 2021 (…) confirmant sa décision du 10 décembre 2020 (…) ».

Par décision du 9 août 2021, le ministre rejeta la demande d’autorisation introduite par Monsieur B en date du 5 mai 2021 sur base de la motivation suivante :

6 « (…) Je fais suite à votre demande du 5 mai 2021 par laquelle vous sollicitez ex-post l’autorisation pour la régularisation de diverses constructions sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … : section … de … (rue …), sous le numéro ….

Permettez-moi de vous informer que selon l’article 6, paragraphe 7 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, seules sont conformes à l’affectation de la zone verte les constructions nécessaires à la détention de chevaux dans une exploitation agricole qui dispose de pâturages et d’une base fourragère provenant majoritairement de l’exploitation.

Les écuries et abris nécessaires pour la détention de chevaux doivent former un ensemble avec le complexe agricole pour que l’on puisse considérer qu’elles font partie de l’exploitation agricole au sens de l’article 6(7) de la loi précitée du 18 juillet 2018.

A défaut, les constructions existantes ne sont pas autorisables puisqu’elles ne peuvent pas être considérées comme faisant partie de l’exploitation agricole.

En l’espèce, les diverses constructions en question sont situées sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section … de … sous le numéro …, et votre exploitation agricole se situe à un autre endroit, le siège social de votre société étant situé à ….

Je suis partant au regret de vous informer que je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande.

Je puis toutefois vous informer que vous être libres de formuler une demande pour une construction servant à la détention de chevaux sur votre site d’exploitation agricole. Pour qu’une telle construction soit autorisée, l’exploitation agricole doit disposer d’une surface de pâturage de 0,5 ha par cheval détenu et disposer de suffisamment de pâturage dans les alentours immédiats de l’écurie pour permettre une sortie régulière, voire permanente, des chevaux pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2021, inscrite sous le numéro 46653 du rôle, Monsieur B a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision du ministre du 9 août 2021, précitée.

Etant donné que les deux recours inscrits sous les numéros 46324 et 46653 du rôle ont trait aux mêmes constructions situées sur la même parcelle, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre ces affaires et de statuer à travers un seul jugement.

Etant donné que la loi du 18 juillet 2018 sur le fondement de laquelle les décisions litigieuses ont été prises ne prévoit pas de recours au fond en la présente matière, l’article 68 de la loi du 18 juillet 2018 prévoyant, au contraire, un recours en annulation, la société A, respectivement Monsieur B, ont valablement pu introduire un recours en annulation.

I.

Quant à la recevabilité des recours A. Quant au recours inscrit sous le numéro 46324 du rôle 7Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est introduit par la société A, alors que la demande d’autorisation a été introduite par Monsieur C, en son nom propre, qui n’aurait pas jugé nécessaire d’introduire un recours. Selon le délégué du gouvernement, un raisonnement contraire aurait comme conséquence qu’une tierce personne pourrait forcer en justice l’attribution d’une autorisation à un requérant qui a entretemps abandonné son projet.

Ce constat s’imposerait d’auntant plus que la société A prétendrait qu’elle aurait donné les constructions en location à la société D, alors qu’elle ne pourrait avancer l’intérêt à agir d’une autre personne avec laquelle elle n’a pas le moindre rapport pour justifier son recours.

Il donne à considérer que la société D n’aurait jusqu’à ce jour pas introduit de demande d’autorisation pour les constructions litigieuses. Ce ne serait que Monsieur B qui aurait introduit une demande d’autorisation en son nom propre à l’appui de laquelle il aurait versé un certificat du service de l’économie rural confirmant l’exercice d’une activité agricole à titre principal au nom de la seule société D.

Il conclut dès lors à un défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société A, qui resterait en défaut de fournir le moindre élément justifiant son intérêt personnel à agir.

Pour autant que le tribunal déclarerait le recours recevable, le délégué du gouvernement demande « à ce que Monsieur B et la société D soient invités à se porter tierce partie, sinon qu’aussi bien Monsieur B en nom personnel et l’intégralité des gérants de Société D soumettent des attestations testimoniales sur la véracité des prétentions de la partie requérante ».

Dans son mémoire en réplique, la société A rétorque qu’il n’y aurait pas lieu de débattre sur l’intérêt à agir de l’agriculteur B, respectivement de la société D dont il est gérant.

Elle soutient qu’elle aurait intérêt à agir suffisant en sa qualité de propriétaire et bailleur des parcelles abritant les constructions litigieuses.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement explique que seule la demande d’autorisation ex ante de 2014 aurait été introduite au nom de la société A. La première demande de régularisation introduite ex post en date du 22 septembre 2021 n’aurait pas été introduite par Monsieur C au nom de la société A, mais au nom personnel de Monsieur C, de sorte que le recours introduit par la société A serait à rejeter.

Il se rajouterait que l’intérêt invoqué consisterait en des intérêts fictifs, alors que le prix de location de 400 euros par an serait largement insuffisant à amortir l’investissement nécessaire pour ériger toutes les constructions et que la plupart des constructions ne pourraient héberger les animaux dont fait état Monsieur B dans sa demande d’autorisation.

Il y a lieu de rappeler qu’en matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif.1 1 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 2 et les autres références y citées.

8En effet, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.2 Ainsi, il faut que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, de nature matérielle ou morale et que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences3.

La recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un acte de nature à faire grief et ayant produit cet effet sur la personne du demandeur. Or, l’intérêt à l’annulation d’un acte administratif doit non seulement exister au jour de l’introduction du recours, mais encore subsister jusqu’au prononcé du jugement. En cas de contestation de l’intérêt à agir au jour des plaidoiries et à défaut de justifier le maintien de l’intérêt à agir ayant existé au jour de la requête introductive, le recours doit être déclaré irrecevable4.

En l’espèce, dans la mesure où il ressort de l’extrait cadastral versé en cause que la société A est propriétaire de la parcelle abritant les constructions litigieuses et où elle donne ladite parcelle, y compris les constructions qui s’y trouvent, en location, de sorte qu’elle ne pourrait plus honorer ses obligations en vertu du contrat de bail à ferme, respectivement de son « autorisation de mettre des chevaux au pré à titre gratuit », si lesdites constructions ne peuvent pas être autorisées, elle dispose d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre des décisions déférées.

Cette conclusion s’impose indépendamment des affirmations du délégué du gouvernement aux termes desquelles une tierce personne pourrait forcer en justice l’attribution d’une autorisation à un requérant qui aurait entretemps abandonné son projet ainsi que de ses suspicions par rapport au contrat de bail à ferme conclu entre la société A et Monsieur B, étant donné qu’en l’espèce, le bailleur et le locataire poursuivent le même objectif, à savoir éviter de se voir interdire l’utilisation des constructions se trouvant sur la parcelle litigieuse.

Il s’ensuit que la société A a intérêt à voir trancher son recours par le tribunal, de sorte que le moyen d’irrecevabilité formulé par le délégué du gouvernement encourt le rejet.

Il échet encore de constater que les décisions faisant l’objet du recours inscrit sous le numéro 46324 comportent deux volets, à savoir le refus d’octroi de l’autorisation ex post et l’invitation d’enlèvement des constructions. Dans la mesure où la société A vise les décisions dans la seule mesure où elles portent « refus d’autorisation pour la régularisation de diverses constructions (…) », le tribunal fera abstraction de la question de sa compétence pour connaître du volet de la décision invitant la société A, respectivement Monsieur C, de procéder à l’enlèvement des « constructions illégales ».

Il s’ensuit que le recours en annulation introduit à l’encontre des décisions du 10 décembre 2020 et 3 mai 2021 est recevable pour encore avoir été introduit selon les formes et délai prévus par la loi.

B. Quant au recours inscrit sous le numéro 46653 du rôle 2 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. 7 novembre 2016, n° 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 14 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 26 novembre 2009, n° 25191 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 28 et les autres références y citées.

9Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de ce recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur B tout en soutenant que seule la société D aurait intérêt à agir en sa qualité de propriétaire des animaux auxquels seraient destinées les constructions litigieuses.

Il ajoute pour le surplus les mêmes développements qu’il a effectués dans le cadre de l’analyse de la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 46324 du rôle.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur B expose qu’il serait le gérant de la société D et que lui-même ainsi que la société D seraient locataires des parcelles litigieuses. En sa qualité de locataire des parcelles et propriétaire des animaux pour lesquelles les constructions litigieuses seraient indispensables, il disposerait indéniablement d’un intérêt à agir.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement explique que Monsieur B aurait introduit la demande d’autorisation au nom de la société D, alors qu’il aurait introduit le recours en son nom personnel. Or, Monsieur B ne serait pas titulaire du certificat SER qu’il aurait présenté à l’appui de la demande d’autorisation. Le délégué du gouvernement s’interroge sur la raison pourquoi la société D n’a pas introduit de recours à l’encontre de la décision déférée ainsi que sur l’intérêt de Monsieur B à voir annuler la décision, étant donné que les constructions ne pourraient être régularisée en l’absence d’une activité agricole exercée à titre principal.

Il est constant en cause que Monsieur B est signataire du contrat de bail à ferme conclu avec la société A, de sorte que, à l’instar de ce qui a été retenu ci-avant, en sa qualité de locataire, il a un intérêt suffisant à voir trancher le présent litige par le tribunal et que le moyen afférent du délégué du gouvernement encourt le rejet.

Il s’ensuit que le recours inscrit sous le numéro 46653 du rôle est recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.

1. Quant au fond Quant au rôle numéro 46324 Moyens des parties A l’appui de son recours et en fait, la société A précise qu’elle serait propriétaire de la parcelle litigieuse, qui abriterait une exploitation agricole. Le terrain serait exploité par Monsieur B, agriculteur et gérant de la société D, qui serait détentrice d'un certificat d'exploitation agricole. Monsieur B exercerait cette activité agricole à titre principal, de sorte que ladite exploitation nécessiterait plusieurs constructions et aménagements qui lui seraient indispensables.

Elle donne à considérer que l’exploitation agricole disposerait d’un certificat du Service d'économie rural du ministère de l'Agriculture datant du 9 septembre 2020, confirmant que l'exploitation agricole n° … serait enregistrée dans le Système Intégré de Gestion et de Contrôle, de sorte à certifier que l'exploitation agricole répondrait aux conditions définissant l'exploitation à titre principal reprises à l'article 2 de la loi du 27 juin 2016.

En droit, elle invoque tout d’abord une violation de l’article 6 de la loi du 18 juillet 18 en précisant qu’elle remplirait les conditions de cet article, à savoir que les constructions 10seraient réalisées dans une exploitation agricole disposant de pâturages et d'une base fourragère provenant majoritairement de l'exploitation. Il serait indéniable qu’il y existerait une exploitation agricole en présence du certificat d'exploitation agricole. Il n’importerait pas que les terrains seraient exploités par Monsieur B, le seul point important serait celui que les constructions nécessaires à la détention de chevaux, situées en zone verte, soient conformes à l'affectation de ladite zone et notamment qu'elles se situent dans une exploitation agricole.

Elle précise encore que l'exploitation agricole disposerait de pâturages et d'une base fourragère provenant majoritairement de l'exploitation. Le fourrage servirait d'ailleurs également à nourrir les ovins et bovins présents sur le terrain.

Elle soutient que le seul motif de refus serait le fait qu’elle louerait les parcelles à Monsieur B, en précisant que l'activité d'exploitation ne serait aucunement une simple activité économique de location d'étables à un tiers sans lien avec la production de matière première, alors qu’elle lui louerait non seulement les étables mais les parcelles toutes entières. La loi du 18 juillet 2018 ne préciserait pas que l’activité agricole devrait être exercée personnellement par le propriétaire des parcelles et le fait que ce dernier loue ses parcelles à un exploitant agricole n'impliquerait pas que l'activité exercée sur les terrains devienne une simple activité économique de location d'étables.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement explique qu’en 2014, Monsieur C aurait introduit, au nom de la société A, une première demande d'autorisation pour la construction d'une étable pour chevaux, demande qui aurait été refusée en janvier 2016 par une décision confirmée suite à un recours gracieux en avril 2016, au motif d’absence d’activité agricole. Le 16 juillet 2020, le préposé forestier territorialement compétent aurait dû constater que de nombreuses constructions avaient été érigées illégalement sur le terrain litigieux en dépit des refus du ministre. Il fait encore valoir que la société A aurait précisé pour la première fois qu’elle louerait les parcelles à la société D au moment de l’introduction de son recours gracieux.

Le délégué du gouvernement donne à considérer à cet égard que l’activité de la société D consisterait en le commerce de bovins galloway. Il soutient que l’« autorisation de mettre les chevaux au pré à titre gratuit » accordée à Monsieur B le 15 mai 2020, qui serait entretemps caduque conformément aux dispositions du contrat de bail à ferme signé en date du 24 juillet 2020, soit quelques jours après l’intervention du préposé forestier, entre la société A, d’un côté, et Monsieur B et la société D, d’un autre côté.

En droit, le délégué du gouvernement se réfère tout d’abord à des « manœuvres artificiels » des demandeurs en rappelant que suite à un premier refus d’une demande d'autorisation pour l'érection de constructions destinées à la détention de chevaux en 2014, Monsieur C aurait quand même procédé à la construction des aménagements litigieux.

Il précise ce qui suit : « (…) Après avoir été interpellé par le préposé forestier, il introduit une demande d'autorisation ex post en son nom propre. Après s'être à nouveau vu opposer deux refus, c'est Monsieur B qui introduit une demande de régularisation et Monsieur C introduit en parallèle un recours contentieux au nom de A, dont il est un des administrateurs.

Soudainement les constructions litigieuses auraient été données en location à la société productrice de viande bovine Société D, ceci prétendument depuis 2020 - un fait pourtant jamais invoqué auparavant - le tout corroboré par un contrat de bail à ferme.

Le certificat du Service de l'économie rural fourni concerne la société D, dont un des gérants est Monsieur B, mais, c'est Monsieur B seul qui figurait - et ceci explicitement en son nom 11personnel - dans un autre contrat, à savoir la permission de mettre ses chevaux [sic !] au pré de Monsieur C, soit au terrain où se trouvent les constructions litigieuses. (…) ».

Le délégué du gouvernement estime que les prétentions de la société A impliquant la société D ne sauraient être prises en compte, alors que cette société n'aurait jamais introduit ni de demande d'autorisation, ni de recours contentieux. Il observe que certes, l'objet de la société D utiliserait des termes généraux à des fins de description de son activité, à savoir « Einkommenssteigerung, Verbesserung der Arbeitsbedingungen und für eine bestmögliche Bewirtschaftung des landwirtschaftlichen Betriebes », mais comme son nom et son site internet l'indiqueraient, en pratique, elle serait active dans le commerce de bovins galloway et autres bovins et serait bénéficiaire du label « Produit du Terroir » - « Létzebuerger Rêndfleesch, zu Lezebuerg gebuer, gefiddert a geschluecht ». Son site internet révélerait par ailleurs ce qui suit : « Im Juni 2017 wurde die Bauerngenossenschaft Société D ins Leben gerufen. Mit den Eheleuten … und … aus … entstand die Idee, gemeinsam die Zucht und die Vermarktung von Fleisch in Luxemburg anzustreben. […] Aus der Idee heraus, qualitativ hochwertiges Fleisch zu produzieren, zu einem angemessenen Preis, entstehen bei Société D viele Produkte, die für den Verkauf an private Kunden, kleine Kantinen und Restaurants geeignet sind. Von Salami über Grillfleisch bis hin zu individuellen Wünschen, versuchen wir jedem Kunden gerecht zu werden und alle Wünsche zu erfüllen. ». Selon ce même site internet, la société D disposerait actuellement de 29 galloways et il n’y aurait aucune mention d’un cheval.

Le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la société Galloway ne serait pas à confondre avec la personne de Monsieur B puisqu'elle disposerait de quatre associés.

Monsieur B serait le seul des quatre gérants à être actif dans le domaine équestre et il exercerait également son activité à travers une autre société, à savoir la société à responsabilité limitée E, ci-après désignée par « la société E », dont il serait entretemps le gérant unique. Cette société n'aurait pas de lien avec la société D.

La partie gouvernementale fait encore valoir que ni Monsieur B, en son nom personnel, ni la société E ne disposeraient du certificat du Service d'économie rurale. Le délégué du gouvernement se réfère à cet égard encore au « Flächenantrag und Weinbaukarteierhebung 2020 » annexé au recours gracieux de la société A du 9 mars 2021, duquel il ressortirait que du moins au moment de ladite déclaration parmi les associés de la société D, seule Madame … aurait été apte à remplir les critères de l'exercice à titre principal de l'activité agricole conformément à la loi du 27 juin 2016, son mari étant retraité et Monsieur B n'étant que « nebenberuflich Landwirt », la profession de Monsieur … n'ayant pas été précisée.

Le délégué du gouvernement observe encore qu’à aucun moment, un certificat attestant que Monsieur B serait entretemps devenu agriculteur à titre principal aurait été versé et qu’au contraire, une modification statutaire de la société E du 14 avril 2019 indiquerait qu’il serait « employé privé ».

La partie gouvernementale précise encore ce qui suit : « (…) La location des constructions à Société D semble clairement constituer une manœuvre frauduleuse visant purement et simplement à permettre à Monsieur C, par une construction factice, de légaliser les constructions illégalement érigées et servant exclusivement à son propre loisir, soit la détention de chevaux. Rien que le prix de location plus que symbolique pour toutes ces constructions à hauteur de 400€ (quatre-cents euros) par an (!) laisse à croire qu'il s'agit d'un construit artificiel. Dans une affaire similaire, rien qu'un pré situé dans la même région d'une taille comparable sans construction aucune est actuellement loué à 4000€ (quatre-mille 12euros) par an. Pourquoi le requérant investirait-il tant dans des constructions devant son domicile pour ensuite les louer à un prix d'ami ne pouvant jamais amortir l'investissement effectué ? Un seul box pour un cheval dans une écurie au Luxembourg coûte actuellement plus de 400€ par mois. Dans le cas d'espèce, on parle notamment de deux abris, de deux abris-

étable, d'une mangeoire achevée et d'un manège à ciel ouvert en voie de construction en sus du pré. (…) ».

Le délégué du gouvernement donne encore à considérer que Monsieur B serait le gérant unique de la société E qui aurait son siège social et son écurie à …. La société offrirait également des places pour chevaux dans une stabulation libre à … près de …. Le numéro de téléphone indiqué dans l'annonce serait bien celui de Monsieur B. La société D de son côté aurait son siège social à …. Il ressortirait en outre d'un courriel du 10 juin 2020 que Monsieur B envisagerait la construction d'une nouvelle étable pour bovins et entrepôt dans ce même village. Les plans y relatifs indiqueraient comme maître d'ouvrage Monsieur B. En récapitulant que la société D n'aurait rien à voir avec des chevaux, que la société E disposerait déjà de deux sites et que Monsieur B envisagerait la construction d'une nouvelle étable à …, le délégué du gouvernement affirme ignorer pour quelle raison la société D, qui serait la seule à exercer une activité agricole à titre principal, aurait besoin d'un site à ….

En se référant à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, il aurait appartenu à la partie requérante de rapporter non seulement la preuve de la réalité des faits invoqués, soit que Monsieur B loue les constructions et est agriculteur à titre principal, soit que la société D s'investisse dans le domaine équestre et détient des chevaux sur ce site, mais également du besoin réel et du caractère indispensable des constructions litigieuses.

La société A resterait en défaut de rapporter la preuve de chevaux détenus par la société D, respectivement du fait que les constructions litigieuses seraient indispensables, voire même nécessaires au prétendu exercice d'une activité agricole liée aux chevaux. Monsieur B figurant dans la permission de mettre les chevaux au pré appartenant à Monsieur C n'aurait présenté aucun certificat établi en son nom personnel dont il se dégagerait qu’il serait exploitant agricole. Dans sa demande d'autorisation, Monsieur B n’aurait versé que le certificat du Service d'économie rurale établi au nom de la société D.

Le délégué du gouvernement soutient encore que dans la mesure où les sociétés A et Société D n’auraient rien à voir l'une avec l'autre, tant la société A que Monsieur B en son nom personnel seraient malvenus de présenter un certificat accordé à la société D pour justifier des constructions pour chevaux illégalement érigées sur le terrain privé de Monsieur C, soit directement devant sa maison d'habitation.

Il observe ensuite que la société A affirmerait que « l'exploitation agricole présente sur les terrains dispose de pâturages et d'une base fourragère provenant majoritairement de l'exploitation. Le fourrage sert d'ailleurs également à nourrir les ovins et bovins présents sur le terrain », tandis que Monsieur B expliquerait que « l'exploitation dont question ne comporte qu'un seul cheval. Pour le reste les constructions sont également nécessaires aux 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui pâturent sur l'exploitation agricole. » Il précise que si certes le contrat de bail à ferme conclu entre la société A, la société D et Monsieur B énonce que « l'exploitation du pré est destinée au fourrage et au pâturage des chevaux/poneys et des vaches », la détention de vaches n'aurait jamais été invoquée auprès du ministère, alors que la société A se serait toujours appuyée sur la disposition légale relative à la détention de chevaux, à savoir le paragraphe 7 de l'article 6 de la loi du 18 juillet 2018 13exigeant des pâtures et une base fourragère provenant majoritairement de l'exploitation. Il se rajouterait que les constructions seraient inaptes à accueillir des bovins.

La partie gouvernementale donne à considérer que la société A déclarerait, d’un côté, exercer une activité agricole à titre principal sur les lieux et, d’un autre côté, elle invoquerait une gestion des surfaces proches de leur état naturel.

La société A resterait encore en défaut de soumettre une preuve de propriété ou même de la quantité des chevaux, ovins et/ou bovins présents sur les terrains litigieux.

Le délégué du gouvernement observe encore qu’il serait invraisemblable que la société D loue des constructions pour chevaux sur le site de Monsieur C pour y placer ses bovins galloway, qui aux termes du site Internet de la société D, seraient tenus en « Extensivhaltung » durant toute l'année, et des ovins. Il donne à considérer qu'avec les animaux mentionnés, qui se trouveraient sur le site, il ne s'agirait plus d'une gestion extensive de ce terrain d'à peine 2 hectares. Il précise dans ce contexte qu’une gestion extensive de terrain correspondrait à 0,8 unités de gros bétail (UGB) et que rien qu'un cheval correspondrait à une UGB.

Il s’interroge encore sur le fait comment Monsieur C entendrait justifier l'érection d'un manège à ciel ouvert si les constructions étaient destinées à la détention par la société D de bovins et ovins.

Dans son mémoire en réplique, la société A précise que la restauration en bois de l’« écurie abri n° 2 » aurait déjà été existante sur l'orthophoto de 2013, que l'adjonction en bois de « l'écurie abris 1 » aurait été faite sur un bâti existant, que « l'abri n° 2 » consisterait en la mise en place de quatre poteaux d'angle plantés dans le sol, recouverts et bordés en bois sur trois côtés pour le stockage de foin, que la mangeoire aurait déjà été existante en 2013, que les murs de soutènement du paddock dit « manège » auraient été partiellement existants depuis 2012 et que « l’abri n° 1 » aurait entretemps été démonté, de sorte qu’il n’en resterait plus qu'une cage à poule attenante en bois posée au sol.

Elle rappelle que pour que les constructions nécessaires à la détention de chevaux soient autorisées, les constructions devraient être conformes à l'affectation de la zone verte et être réalisées dans une exploitation agricole disposant de pâturages et d'une base fourragère provenant majoritairement de l'exploitation, conditions qui seraient respectées en l’espèce.

Elle expose qu’il existerait sur la parcelle une exploitation agricole, alors qu’il y aurait un certificat d'exploitation agricole. La seule question importante serait celle de savoir s’il y avait objectivement une exploitation agricole sur la parcelle et ce indépendamment des différents acteurs. La loi du 18 juillet 2018 ne préciserait pas que l’activité agricole devrait être exercée personnellement par le propriétaire des parcelles et le fait que ce dernier louerait ses parcelles à un exploitant agricole n'impliquerait pas que l'activité exploitée sur les terrains deviendrait une simple activité économique de location d'étables. Ce qui importerait serait le fait que les constructions nécessaires à la détention de chevaux, situées en zone verte, seraient conformes à l'affectation de ladite zone et notamment qu'elles se situeraient dans une exploitation agricole.

La société A précise encore que la parcelle serait référencée comme « parcelle … », dans le cadre du système d'identification des parcelles agricoles et viticoles servant de base aux déclarations dans le cadre de la politique agricole commune, de sorte qu’il n’y aurait aucun doute qu’il s’agirait d’une parcelle agricole.

14 Elle insiste sur le fait que les constructions seraient indispensables à l'activité d'exploitation ne comportant qu'un seul cheval, mais elles serviraient également aux 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui pâtureraient sur l'exploitation agricole.

Elle en conclut qu’il s’agirait d'une exploitation comportant la gestion des surfaces proches de leur état naturel, à savoir la détention en plein air d'animaux de pâturage et que les constructions litigieuses seraient indispensables pour abriter les animaux.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement fait valoir, quant aux affirmations relatives aux dates d’érection des différentes constructions, que toutes ces constructions auraient été érigées sans autorisation et le seul fait d'exister depuis plusieurs années ne les régulariserait point, alors qu’il faudrait qu’elles servent à une activité prévue à l'article 6 de la loi du 18 juillet 2018 et qu’elles soient conformes aux autres dispositions de la loi.

Il précise que la « restauration en bois de l'écurie abri n°2 » tomberait également sous l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, alors que son paragraphe 2 prévoirait que la restauration d'une construction ne serait possible que si cette construction est « légalement existante » et sous la condition de disposer d’une autorisation du ministre.

Quant à l'« adjonction en bois de l'écurie abri 1 sur un bâti existant » il fait valoir que la société A ne prouverait pas que cette construction aurait été préexistante en rappelant qu’une construction ne deviendrait pas légale du seul fait d’avoir été construite sur un bâti existant.

S’agissant de l’ « l'abri 2 », il précise qu’il s’agirait d’une construction au sens de la définition légale du terme et s’agissant de l’ « abri 1 », il fait valoir qu’en l’absence de preuve, l’affirmation de la société A qu’il aurait été démonté resterait à l’état de pure allégation.

Le délégué du gouvernement observe que la société A invoquerait l'article 6, paragraphe (7) relatif aux constructions servant à la détention de chevaux, alors qu'elle déclarerait plus loin que « l'exploitation ne comporte qu'un seul cheval (par ailleurs Monsieur C n'en possède pas contrairement aux allégations de la partie étatique) » et que « les constructions sont également nécessaires aux 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui pâturent sur l'exploitation agricole ».

S’agissant de la prétention qu'il ne s'agirait que d'un seul cheval, le délégué du gouvernement renvoie à la « photo street view » qui montrerait un cheval et un poney, ainsi qu'à la photo figurant à l'avis du préposé forestier qui montrerait un autre poney blanc. Il attire ensuite l'attention sur le fait que ni la société A, ni Monsieur B n'auraient versé de preuve que ces chevaux appartiendraient à la société D, seule détentrice du certificat SER. Le délégué du gouvernement affirme encore ce qui suit : « (…) Il semble évident que les constructions litigieuses servent exclusivement à la détention de chevaux à titre de loisir - qu'ils appartiennent à Monsieur C ou à Monsieur B ou encore aux clients de ce dernier dans le cadre de son activité exercée à travers sa société « société E » (professeur d'équitation, entraineur de chevaux et commerce de chevaux). (…) ».

Il précise encore que même à admettre qu'un seul cheval puisse être rattaché comme une sorte d'« accessoire » à une exploitation agricole existante, il ne saurait être contesté qu'une piste sablée de 34 mètres de longueur et 15 mètres de largeur ne constitue pas une construction indispensable à la détention d'un seul cheval. Il insiste sur le fait qu’un tel manège serait inutile à la détention des autres animaux dont aucun n’aurait besoin d'une telle piste sablée. Les 15chèvres préféreraient même un terrain irrégulier. Il se rajouterait que quasiment toutes les clôtures figurant sur les photos du préposé forestier seraient des clôtures typiques pour la détention de chevaux et ne seraient pas appropriées pour garder les autres animaux, alors qu'elles seraient constituées de piquets et de lisses en bois ainsi que d'un fil électrique en haut.

Cette clôture ne serait dès lors pas apte à retenir des chèvres et des moutons qui pourraient passer en dessous de la clôture.

Le délégué du gouvernement insiste sur le fait qu’il n’y aurait aucune exploitation agricole exercée à titre principal sur la parcelle. L’affirmation des demandeurs selon laquelle l'activité consisterait en la détention d'un cheval, de plusieurs chèvres et moutons, ainsi que de deux vaches en prouverait le contraire, d’autant plus que la détention de ces animaux n'aurait rien à voir avec l'activité de la société D, qui serait active dans la production de viande de bovins galloway.

Le délégué du gouvernement conteste l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle la parcelle serait référencée « … », d’autant plus qu’elle ne prouverait pas l’exercice effectif d’une activité agricole.

Quant au rôle 46653 Monsieur B fait en premier lieu valoir que la décision de refus du 9 août 2021 serait basée sur un projet de règlement grand-ducal et non sur la réglementation en vigueur.

L’argumentation du ministre selon laquelle les constructions devraient former un ensemble avec le complexe agricole et que pour qu’une construction servant à la détention de chevaux soit autorisée, il faudrait que l'exploitation agricole disposerait d'une surface de pâturage de 0,5 hectare par cheval détenu et de suffisamment de pâturage dans les alentours immédiats de l'écurie pour permettre une sortie régulière, voire permanente, des chevaux pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre, serait basée sur le projet de règlement grand-

ducal concernant certains types de constructions en zone verte.

Concernant plus particulièrement « le manège », il invoque ensuite une violation de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 en précisant qu’il y aurait une exploitation agricole sur le site et que la loi du 18 juillet 2018 n'imposerait pas qu'un agriculteur n'ait qu'un seul site d'exploitation. Il soutient qu’il exploiterait de nombreux terrains et que ses activités ne seraient pas centrées à ….

Il souligne que ce qui importerait serait que les constructions nécessaires à la détention de chevaux soient conformes à l'affectation de zone verte et notamment qu'elles se situent dans une exploitation agricole ce qui serait le cas en l’espèce.

S’agissant des autres constructions, Monsieur B précise que l’exploitation ne comporterait qu'un seul cheval, mais que les constructions seraient également nécessaires aux 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui pâtureraient sur l'exploitation agricole.

Il s’agirait dès lors d'une exploitation en lien avec la gestion des surfaces proches de leur état naturel et les constructions litigieuses seraient indispensables pour abriter les animaux. Dans la mesure où aucun règlement grand-ducal n’aurait réglé au jour de la décision litigieuse la surface maximale de ces abris en fonction de la surface de la prairie et du nombre des animaux, le ministre n'aurait pu fonder son refus sur aucune base précise.

16Monsieur B invoque ensuite une violation de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018 en soutenant que le ministre n'aurait pas justifié son refus sur base des motifs de refus figurant dans cette disposition législative.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir rappelé en substance les développements effectués dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 46324 du rôle, fait valoir que, s’agissant de l’argument de Monsieur B aux termes duquel la décision litigieuse se baserait sur un projet de règlement grand-ducal, les critiques de Monsieur B seraient sans objet en ce qu'elles seraient dirigées contre les passages du refus ministériel concernant la détention de chevaux. En effet, si dans sa demande d'autorisation Monsieur B indiquait avoir besoin des constructions litigieuses pour ses « Béischten, Päerd an Waasserbüffelen », il aurait, dans sa requête introductive d’instance, déclaré que « l'exploitation dont question ne comporte qu'un seul cheval.

Pour le reste les constructions sont également nécessaires aux 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui pâturent sur l'exploitation agricole. ».

Le délégué du gouvernement en déduit que le cheval et le poney visibles sur l'extrait Google Street View, ainsi que le poney figurant sur la photo prise par le préposé forestier appartiendraient au propriétaire des fonds, à savoir Monsieur C.

Il précise qu’au vu (i) des contradictions dans les déclarations de Monsieur B sur les espèces d'animaux détenus, (ii) des constructions et des sites d'ores et déjà à disposition de la société D et de la société E et (iii) du lieu de situation de tous les sites et domiciles des personnes physiques et morales concernées, il serait invraisemblable que le but recherché serait réellement l'affectation des constructions à une activité d'exploitation agricole ou même de gestion de surfaces proches de leur état naturel.

La partie gouvernementale rappelle que les pâturages devraient être situés à proximité de l'exploitation, alors que justement ils devraient permettre la sortie régulière des chevaux. L’exigence de pâturages ne résulterait en effet non seulement du projet de règlement grand-ducal évoqué par le demandeur mais de la loi elle-même.

En admettant que l'exigence de 0,5 hectares de terrain par cheval ne serait explicitement prévue que par ledit projet de règlement grand-ducal, le délégué du gouvernement souligne que la loi prévoirait dans son article 62 que « Les autorisations requises en vertu de la présente loi sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s'ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l'atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ou lorsqu'ils sont contraires à l'objectif général de la présente loi tel qu'il est défini à l'article 1er. ». Il affirme qu’il serait un fait que la détention de plus de deux chevaux par hectare constituerait un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de la flore, et du milieu naturel en général, de sorte à être contraire à l'objectif général de la loi du 18 juillet 2018.

S’agissant de l’argumentation aux termes de laquelle l’activité exercée sur la parcelle litigieuse serait à qualifier de gestion des surfaces proches de leur état naturel, le délégué du gouvernement soutient qu’il ne suffirait pas, pour se voir reconnaître l'exercice d'une telle activité, de détenir des animaux de pâturage. Encore faudrait-il qu’il s’agirait effectivement d'une gestion des surfaces proches de leur état naturel, ce qui ne serait pas le cas d’un « terrain surpeuplé par une multitude d'animaux les plus divers ».

17Selon le délégué du gouvernement, une gestion des surfaces proches de leur état naturel consisterait en la gestion extensive des terrains supposant que la limite de 0,8 UGB par hectare ne soit pas dépassée. Or, en l’espèce, les fonds litigieux auraient une surface de 2,7 hectares et les deux vaches représenteraient 2 UGB, les 5 moutons à 0,15 UGB compteraient 0,75 UGB, les 6 chèvres à 0,15 UGB, représenteraient 0,9 UGB et un cheval représentant une UGB, de sorte à représenter un total de 4,65 UGB sur 2,7 hectares, soit 1,72 UGB par hectare. 1,72 UBG par hectare serait plus que le double de la limite de 0,8 UGB par hectare considérée comme une gestion des surfaces proches de leur état naturel.

A titre surabondant, la partie étatique ajoute que les constructions ne seraient de toute façon pas destinées exclusivement à abriter les animaux. La partie étatique voit mal comment des écuries-abris destinées à la détention de chevaux et contenant dès lors des boxes pour chevaux seraient aptes à accueillir entre autres des vaches.

Concernant la déclaration de la partie requérante qu'au jour de la décision aucun règlement grand-ducal n’aurait réglementé la surface maximale de ces abris, le délégué du gouvernement rétorque que la loi prévoirait que les constructions devraient être indispensables à l'activité et que le requérant devrait en prouver le besoin réel, preuve qui ne serait pas rapportée en l’espèce.

Quant au moyen ayant trait à une violation de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ne saurait y avoir de violation d'un article du seul fait que la ministre n'a pas jugé nécessaire de se baser explicitement sur ledit article qui ne lui offrirait qu'une faculté supplémentaire pour refuser de faire droit à la demande d'autorisation d'un requérant.

Dans leurs mémoires en réplique, respectivement en duplique, les parties rappellent en substance leurs développements effectués précédemment.

Appréciation du tribunal Il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tels que présentés par les parties, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Il échet tout d’abord de préciser qu’à travers les demandes d’autorisation introduites, d’un côté, par Monsieur C, qui est, de manière non contestée, administrateur de la société A, propriétaire de la parcelle litigieuse et, d’un autre côté, par Monsieur B, qui est de manière non contestée agriculteur à titre accessoire et associé de la société D, au ministère en date des 24 juillet 2020, respectivement 28 mai 2021, les demandeurs ont demandé la régularisation ex post d’une « Ecurie Abri Nr 1 », d’un « Abri Nr 2 », d’une « Ecurie Abri Nr 2 », d’un « Manège » et d’une mangeoire.

Ceci étant dit, le litige tourne donc autour des questions de savoir si les éléments présents sur la parcelle, respectivement ceux pour lesquels une autorisation est sollicitée, sont soumis à autorisation et, dans l’affirmative, s’ils sont autorisables.

Le tribunal relève de prime abord que la légalité d’une décision administrative s’apprécie dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, puisque le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de 18l’administration, doit se placer au même moment et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut substituer son appréciation à celle de l’administration. La légalité d’un acte administratif se trouve donc en principe cristallisée au moment où cet acte est pris et le juge se place exactement dans les mêmes conditions où se trouvait l’administration ; c’est la logique du procès fait à un acte5.

Il convient ensuite de rappeler que saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à justifier légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité6.

En l’espèce, force est de constater qu’il n’est pas contesté que la parcelle sur laquelle ont été installées les constructions litigieuses faisant l’objet des demandes d’autorisation se trouve classée en zone verte au sens de l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018.

Il y a ensuite lieu de relever que la loi du 18 juillet 2018 poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « 1° la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ; 2° la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, 3° la protection et la restauration des biotopes, des espèces et de leurs habitats, ainsi que des écosystèmes, 4° le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques ; 5° la protection des ressources naturelles contre toutes dégradations, 6° le maintien et la restauration des services écosystémiques ; et 7° l’amélioration des structures de l’environnement naturel. ».

Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur a, à travers l’article 6, paragraphe (1), précité, de ladite loi, limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte.

L’article 6 est libellé comme suit : « (1) Sont conformes à l'affectation de la zone verte, des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont 5 Trib. adm. 16 juin 2011, n° 36542 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n°18 (2e volet) et l’autre référence y citée.

6 Cour adm. 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 55 et les autres références y citées.

19agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

Seules sont autorisables les constructions indispensables à ces activités d'exploitation, Il appartient au requérant d'une autorisation de démontrer le besoin réel de la nouvelle construction en zone verte.

Ne comptent pas comme activités d'exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location ou le prêt à usage de bâtiments, étables ou machines à des tiers.

Les activités d’exploitation visées à l’alinéa 1er et les constructions autorisables doivent répondre aux critères suivants :

1° Les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchères et viticole sont opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Ne sont pas autorisables les installations et constructions en rapport avec la vente par les horticulteurs et pépiniéristes de produits accessoires de leur activité ou de produits végétaux qui en sont pas issus de leur exploitation.

Ne constituent pas une activité d’exploitation agricole l’élevage ou la garde d’animaux domestiques de compagnie.

(…) 6° Par activités d’exploitation qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel, on entend la détention en plein air d’animaux de pâturage.

Seules sont autorisées de petites constructions pour abriter ces animaux. Un règlement grand-ducal précise la surface maximale de ces abris en fonction de la surface de la prairie et du nombre des animaux.

(…) (7) Les constructions nécessaires à la détention de chevaux sont conformes à l’affectation de la zone verte et autorisées dans une exploitation agricole si cette dernière dispose de pâturages et d’une base fourragère provenant majoritairement de l’exploitation.

Des places à sol ferme peuvent être autorisées pour l’utilisation des chevaux détenus dans l’exploitation.

Les installations directement liées à l’utilisation des chevaux telles que les selleries ou les vestiaires sont autorisées.

Un règlement grand-ducal peut préciser les critères relatifs à l’implantation, aux matériaux, à l’emprise au sol, à la surface construite brute, aux teintes et aux dimensions maximales, ainsi que les types d’installations possibles pour la détention et l’utilisation de chevaux en zone verte. ».

L’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 limite ainsi la possibilité d’ériger une construction en zone verte aux seules constructions « ayant un lien certain et durable avec des activités d’exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel » et étant « indispensables à ces activités d’exploitation », tout en imposant encore à travers ses points 1° et 6° du paragraphe (1), alinéa 4 que les activités d’exploitation agricole soient 20exercées à titre principal, respectivement que pour les activités d’exploitation comportant la gestion des surfaces proches de leur état naturel seules de petites constructions abritant des animaux sont autorisables.

Il découle du libellé même de l’article 6, paragraphe (1), précité, que dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel. Or, le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues. Ainsi, une construction ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance à l’une des activités limitativement énumérées à l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 20187.

Pour autant qu’à travers leurs affirmations selon lesquelles les constructions litigieuses auraient déjà été (i) « existante sur l’orthophoto de 2013 », (ii) « existante en 2013 », (iii) « partiellement existants depuis 2012 » ou qu’il s’agirait de l’adjonction en bois, (iv) « sur un bâti existant », respectivement qu’un élément consisterait en (v) « la mise en place de quatre poteaux d’angle plantés dans le sol, recouverts et bardés en bois sur trois côtés pour le stockage de foin » ou encore que (vi) une construction aurait entretemps été démontée, les demandeurs aient entendu faire valoir qu’il s’agirait de constructions légalement existantes au sens de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018, respectivement qu’il ne s’agirait pas de constructions au sens de la loi, il échet de constater qu’ils n’ont nullement développé, à part les affirmations non autrement soutenues précitées, une argumentation juridique par rapport à ces éléments, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des demandeurs et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs simples affirmations, d’autant plus que les demandeurs restent en défaut de soumettre à l’appréciation du tribunal des éléments de preuve tangibles, à part des photos extraites du geoportail, à l’appui de leurs allégations.

Il échet encore de rappeler dans ce contexte que le régime administratif de la preuve fait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, qui bénéficie de la présomption de légalité : il ne suffit en effet pas d’invoquer de manière générale et abstraite une prétendue illégalité, mais il incombe au demandeur d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans la mesure du possible afin que ce dernier soit mis en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte le bien-fondé du moyen avancé8.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a considéré que les aménagements réalisés sur la parcelle litigieuse sont des constructions aux sens de la loi du 18 juillet 2018, de sorte à être soumis à autorisation.

Le tribunal constate ensuite que les demandeurs ont invoqué dans leurs demandes respectives le fait que les constructions litigieuses seraient en lien avec une exploitation agricole en se référant au certificat du service d’économie rurale du Ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural établi au nom de la société D, Monsieur B précisant, par ailleurs, avoir besoin des constructions pour mettre à l’abri les bovins, chevaux et buffles de la société D pendant les mois d’hiver.

7 Trib. adm. 21 mars 2018, n° 38750 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Environnement, n° 40.

8 Trib. adm., 5 avril 2017, n° 37361 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

21 Il échet dès lors de vérifier si les constructions sont conformes à l’affectation en zone verte au sens de l’article 6, paragraphes (1), respectivement (7), de la loi du 18 juillet 2018, étant précisé qu’il ressort du paragraphe (7) dudit article que les constructions nécessaires à la détention de chevaux, tel que c’est le cas des constructions litigieuses, sont autorisées dans une exploitation agricole pour autant que cette dernière dispose de pâturages et d’une base fourragère provenant majoritairement de l’exploitation, de sorte qu’il convient de vérifier si sur la parcelle en cause est exploité une activité agricole.

Selon l’article 2 de la loi modifiée du 27 juin 2016 auquel se réfère l’article 6, paragraphe (1), point 1° :

« (1) Au sens de la présente loi, les notions d’exploitant agricole et d’exploitation agricole couvrent l’ensemble des activités des agriculteurs, viticulteurs, éleveurs, arboriculteurs, horticulteurs, pépiniéristes, jardiniers, maraîchers, apiculteurs et distillateurs.

(2) Par exploitation agricole, on entend une unité technico-économique à caractère agricole gérée distinctement de toute autre, disposant d’un ensemble de moyens humains et matériels et comprenant en propriété ou ayant à sa disposition permanente et à long terme, le cas échéant, par voie de location, tous les moyens de production nécessaires permettant d’en assurer une gestion indépendante, dont notamment les bâtiments, les machines et les équipements et exploitant au minimum 3 hectares admissibles de terres agricoles ou 0,.10 hectare de vignobles ou 0,50 hectare de pépinières ou 0,30 hectare de vergers ou 0,25 hectare de maraîchages.

(3) Sont considérés comme exploitants agricoles à titre principal, les exploitants agricoles :

1. qui gèrent une exploitation agricole dont la dimension économique est susceptible d’en assurer la viabilité économique ;

2. dont la part du temps de travail consacré aux activités extérieures à l’exploitation agricole est inférieure à la moitié du temps de travail total de l’exploitant, tout en ne dépassant pas 20 heures par semaine ;

3. qui ne sont pas bénéficiaires d’une pension de vieillesse ; et 4. qui n’ont pas atteint l’âge de soixante-cinq ans.

(4) Si l’exploitant agricole est une personne morale, il est à considérer comme exploitant à titre principal :

1. si l’exploitation agricole répond aux exigences du paragraphe 3, point 1 ; et 2. si la ou les personnes appelées à gérer l’exploitation agricole remplissent les conditions prévues au paragraphe 3, points 2 à 4 et participent ensemble au capital social à hauteur de 40 pour cent au moins.

(5) Sont considérés comme exploitants agricoles à titre accessoire, les exploitants agricoles :

1. qui gèrent une exploitation agricole dont la dimension économique est susceptible d’assurer la viabilité économique de l’activité agricole ;

2. qui ne sont pas bénéficiaires d’une pension de vieillesse ; et 3. qui n’ont pas atteints l’âge de soixante-cinq ans.

22(6) Si l’exploitant agricole est une personne morale, il est à considérer comme exploitant à titre accessoire :

1. si l’exploitation agricole répond aux exigences du paragraphe 5, point 1 ; et 2. si la ou les personnes appelées à gérer l’exploitation agricole remplissent les conditions prévues au paragraphe 5, points 2 et 3 et participent ensemble au capital social à hauteur de 40 pour cent au moins.

(7) L’exploitant agricole personne morale doit en outre remplir les conditions suivantes :

1. La propriété de la personne morale doit porter au moins sur l’ensemble du cheptel mort et vif de l’exploitation agricole.

2. Les biens meubles ou immeubles acquis après la constitution de la personne morale et pour lesquels une aide à l’investissement est allouée, doivent être la propriété de la personne morale.

3. Les immeubles bâtis ou non bâtis dont les associés sont propriétaires et qui sont exploités par la personne morale, doivent être pris à bail par la personne morale.

(8) Un règlement grand-ducal fixe les paramètres servant au calcul de la dimension économique d’une exploitation agricole et définit la notion de viabilité économique.

(9) A chaque exploitation agricole ne peut être attribué qu’un seul numéro d’exploitation. ».

En effet, la notion d’activités agricoles se comprend comme la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d’animaux de rente9.

En l’espèce, il échet de constater qu’indépendamment de la question de savoir si les demandeurs doivent bénéficier d’un numéro d’exploitation au sens de la loi du 27 juin 2016 en leur nom personnel, il ressort de l’avis du chef d’arrondissement centre-ouest de l’administration de la nature et des forêts du 21 octobre 2020 que les constructions litigieuses servent « à des fins de sports et de loisirs (tenue de chevaux) (…) et non pas d’une construction agricole » et que Monsieur B « a déclaré oralement avoir loué le terrain [de la société A] pour la tenue de chevaux d’équitation et de pension », de sorte que les activités ayant effectivement lieu sur la parcelle ne sauraient être considérées comme une activité agricole, dans la mesure où, d’un côté, il s’agit d’une activité de loisir, tel qu’il résulte de l’avis précité et, d’un autre côté, ladite activité ne remplit pas le critère de permanence contenu dans l’article 2, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2016, alors que Monsieur B affirme explicitement dans sa demande avoir besoin des constructions pour mettre ses bovins, chevaux et buffles à l’abri pendant les mois d’hiver.

Ce constat est encore confirmé par l’« Autorisation de mettre des chevaux au pré à titre gratuit » signée entre la société A et Monsieur B en date du 15 mai 2020, document duquel ressort que Monsieur B est autorisé à « laisser pendant la période hivernale, deux à quatre, chevaux et/ou poneys dans les boxes avec enclos attenants et paddock, avec la possibilité de stoker du foin dans le hangar y faisant face ». Le tribunal constate encore à cet égard que les demandeurs n’ont pas contesté l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle les 9 Doc. parl. 7048, Commentaire des articles, p. 56.

23constructions abritant notamment des boxes à chevaux, le manège ou les clôtures seraient inadaptées à la tenue de bovins ou d’autres animaux que des chevaux.

Si certes, les demandeurs se réfèrent encore à un contrat de bail à ferme signé en date du 24 juillet 2020 entre la société A, d’un côté, et Monsieur B et la société D, d’un autre côté, et affectant la parcelle et les constructions qui s’y trouvent « au fourrage et au pâturage des chevaux/poney et des vaches », il n’en reste pas moins que ce document à lui seul, au regard des contestations circonstanciées du délégué du gouvernement ayant trait notamment à la coïncidence que ledit contrat a été signé quelques jours après l’intervention du préposé forestier, ne saurait prouver l’existence d’une exploitation agricole sur les lieux, à défaut d’une quelconque autre preuve quant à la réalité d’une telle exploitation, telle que les numéros d’identification des bovins et autres animaux qui s’y trouveraient, des éléments de comptabilité ou tout simplement des photos.

Le tribunal constate, par ailleurs, à l’instar du délégué du gouvernement, que les demandeurs restent en défaut d’expliquer dans quelle mesure des constructions destinées au sport équestre seraient nécessaires et indispensables à leur prétendue exploitation agricole.

Il s’ensuit qu’aucun reproche ne saurait être fait au ministre pour avoir considéré qu’il n’était pas établi que l’activité exercée sur la parcelle litigieuse est compatible avec une activité d’exploitation agricole opérée à titre principal conformément à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 et que partant les constructions litigieuses ne sont pas en lien avec une telle activité.

S’agissant de l’article 6, paragraphe (7) de la loi du 18 juillet 2018 relatif à la détention de chevaux, le législateur a entendu réglementer cette activité en exigeant que les constructions en zone verte pour les affecter à la détention de chevaux ne sont admissibles qu’à la double condition que la détention s’exerce dans le cadre d’une activité plus globale, à savoir une exploitation agricole et que cette exploitation soit suffisamment autonome pour alimenter les chevaux10.

Suivant la jurisprudence qui s’est forgée sur base de l’ancienne loi du 19 janvier 2004, remplacée par celle du 18 juillet 2018, dans le contexte de la détention de chevaux, les activités qui sont uniquement de loisir sont exclues.

En l’espèce, il échet de rappeler qu’il n’est pas prouvé qu’il y aurait une exploitation agricole sur la parcelle. Si, certes les demandeurs soutiennent que les constructions destinées au sport équestre feraient partie de l’exploitation agricole de la société D située, de manière non contestée, à … et si certes il ne saurait être interdit à un exploitant agricole de prendre en bail des prés et des prairies qui ne sont pas dans l’environnement immédiat de la ferme, il n’en reste pas moins que, tel que précisé ci-avant, le législateur a entendu soumettre la détention de chevaux en zone verte à l’obligation que ladite détention s’exerce dans le cadre d’une activité plus globale, à savoir, dans le cadre d’une exploitation agricole, présupposant qu’une activité agricole ait lieu sur les lieux de la détention des chevaux et excluant toute activité de loisir. Or, en l’espèce, l’exploitation de la société D ne se trouve pas sur la parcelle litigieuse, étant encore précisé que le délégué du gouvernement affirme, de manière non contestée, que cette dernière est active dans l’élevage et la commercialisation de viande de bovins de la race « galloway » à l’exclusion d’activités hippiques et, il ressort explicitement de l’avis du chef d’arrondissement de l’administration de la nature et des forêts du 21 octobre 2020 que les constructions érigées 10 Ibidem, p. 58.

24sur les sites ont exclusivement une destination de loisir, de sorte que l’activité ne saurait pas non plus tomber dans les prévisions du paragraphe (7) de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

S’agissant ensuite de l’allégation, non autrement soutenue, des demandeurs selon laquelle l’activité exercée sur les lieux serait à considérer comme gestion de surfaces proches de leur état naturel, alors que les constructions seraient nécessaires pour abriter les 6 moutons, 5 chèvres et 2 vaches qui y pâtureraient, il échet de retenir que les demandeurs restent en défaut d’expliquer comment les constructions, qui, tel que précisé ci-avant, sont destinées à abriter des chevaux et, de manière non contestée, inadaptées pour héberger d’autres espèces, pourraient servir à abriter les animaux pâturant prétendument sur les lieux, sans qu’un quelconque autre élément supplémentaire ait été soumis à l’appréciation du tribunal, étant, par ailleurs, rappelé que l’activité de gestion de surfaces proches de leur état naturel ne permet, aux termes du point 6° du paragraphe (1) de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, que de petites constructions pour abriter les animaux de pâturage, ce qui, eu égard à leur taille, n’est pas le cas des constructions litigieuses.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les installations érigées, respectivement projetées ne s’inscrivent pas dans l’exercice de l’une des activités prévues à l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018.

Il suit de tout ce qui précède que les demandeurs, compte tenu du fait que les décisions déférées bénéficient de la présomption de légalité attachée à tout acte administratif, cette présomption impliquant que l’essentiel du fardeau de la preuve en droit administratif est porté par le demandeur11, sont restés en défaut de fournir des éléments permettant de renverser le constat du ministre selon lequel les constructions litigieuses ne sont pas en lien avec l’une des activités prévues à l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018.

S’agissant finalement du moyen ayant trait à une violation de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, aux termes duquel : « Les autorisations requises en vertu de la présente loi sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s'ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l'atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ou lorsqu'ils sont contraires à l'objectif général de la présente loi tel qu'il est défini à l'article 1er. », il échet de retenir que l’examen de l’impact environnemental éventuel d’un projet, opéré par le ministre sur base de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, notamment par rapport aux critères inscrits à l’article 1er de la même loi, n’intervient qu’après la vérification de la conformité du projet à l’affectation de la zone verte, mais n’est pas d’application lorsqu’un projet, de par sa nature, n’est pas compatible avec cette même zone, le ministre n’ayant dans cette hypothèse pas d’autre option que de refuser purement et simplement l’autorisation sollicitée12.

Dans la mesure où le ministre est, à juste titre, venu à la conclusion que les constructions litigieuses ne sont pas conformes à l’affectation de la zone verte, il n’était pas contraint de statuer plus en avant et de vérifier si les constructions portent préjudice à l’un des éléments énumérés à l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

11 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2022, n° 25, p. 25.

12 Trib. adm., 24 octobre 2007, n° 22683 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Environnement, n° 34 et les autres références y citées.

25Au vu de ce qui précèdent, c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit aux demandes d’autorisation ex post des constructions litigieuses sur la parcelle de la société A.

Au vu de l’issue du litige, les demandes respectives des demandeurs en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives encourent le rejet pour ne pas être fondées.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

joint les affaires inscrites sous les numéros 46324 et 46653 du rôle ;

reçoit les recours en annulation en la forme ;

au fond, les déclare non justifiés et en déboute ;

rejette les demandes respectives tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000.- euros formulées par la société anonyme A et par Monsieur B ;

condamne la société anonyme A et Monsieur B aux frais et dépens des instances respectives ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 septembre 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s46324,46653
Date de la décision : 25/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-25;s46324.46653 ?

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