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25/09/2023 | LUXEMBOURG | N°47774

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2023, 47774


Tribunal administratif N° 47774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47774 2e chambre Inscrit le 3 août 2022 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de protection temporaire et de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47774 du rôle et déposée le 3 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel Karp,

avocat à la Cour, assistée de Maître Elena Frolova, avocat, tous les deux inscrits au table...

Tribunal administratif N° 47774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47774 2e chambre Inscrit le 3 août 2022 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de protection temporaire et de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47774 du rôle et déposée le 3 août 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, assistée de Maître Elena Frolova, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant actuellement à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation, sinon à la réformation 1) d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 juillet 2022 portant refus de sa demande en obtention d’une protection temporaire, et 2) d’une décision du même ministre, datée du même jour, lui ayant ordonné de quitter le territoire dans un délai de 30 jours ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena Frolova, en remplacement de Maître Michel Karp, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juin 2023.

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Le 14 juin 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection temporaire au sens la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection subsidiaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », suite à la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, ci-après désignée par « la décision du Conseil du 4 mars 2022 ».

Ses déclarations sur son identité furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Toujours le même jour, il remplit un questionnaire en relation avec sa demande de protection temporaire.

Par décision du 5 juillet 2022, notifiée à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … du rejet de sa demande de protection temporaire en les termes suivants :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection temporaire que vous avez introduite le 14 juin 2022. Le Conseil de l’Union européenne a décidé en date du 4 mars 2022 de déclencher le mécanisme de la protection temporaire. Pourront bénéficier de la protection temporaire les ressortissants ukrainiens, les personnes bénéficiant d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine, les ressortissants de pays tiers qui peuvent établir qu’ils étaient en séjour régulier en Ukraine avant le 24 février 2022 et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou leur région d’origine dans des conditions sûres et durables ainsi que les membres de famille.

Je suis cependant dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

Il ressort en effet du rapport du Service de Police Judicaire et des documents que vous nous avez remis le 14 juin 2022 qu’aucun élément de votre dossier ne permet de conclure que vous ne seriez pas en mesure de rentrer dans votre pays d’origine, en l’occurrence le Bélarus, dans des conditions sûres et durables.

D’après les informations en ma possession, le Bélarus n’est actuellement pas confrontée à une situation de conflit armé ou de violence endémique et au risque grave de violation systématique ou généralisée des droits de l’homme.

De plus, vous n’apportez aucune preuve permettant de conclure que vous présentez, au niveau individuel, un risque aggravé vous empêchant de retourner au Bélarus dans des conditions sûres et durables. En effet, vous n’avez pas quitté votre pays d’origine à cause de craintes respectivement problèmes individuels et personnels permettant d’établir dans votre chef l’existence d’une crainte fondée de persécution, voire d’un risque de subir un traitement inhumain et dégradant dans votre pays d’origine. Il appert plutôt que vous avez quitté votre pays d’origine pour partir travailler en Ukraine.

A cela s’ajoute que vos craintes liées au fait que vous risqueriez d’être arrêté en cas de retour au Bélarus en raison de votre activité professionnelle, respectivement pour avoir organisé des déplacements de ressortissants bélarusses vers l’Ukraine ne sont pas fondées alors qu’il s’agit d’une simple supposition de votre part appuyée par aucun élément de preuve tangible. Il n’est par ailleurs absolument par crédible que vous puissiez être au courant du fait que vous auriez été espionné par les services secrets bélarusses de sorte que vos craintes à cet égard doivent être perçues comme infondées.

Par ailleurs, vous sous-entendez clairement avoir rejoint le Luxembourg en avril 2022, après avoir traversé plusieurs pays de l’Union européenne, en vue d’y exercer une activité professionnelle alors que votre femme et enfant résident en sécurité en Lituanie.

Vous ne remplissez dès lors pas les conditions d’éligibilité relatives aux personnes auxquelles s’applique la protection temporaire telles que retenues par l’article 2 de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022. […] ».

Le même jour, le ministre prit encore à l’encontre de l’intéressé un arrêté sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation despersonnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », notifié à Monsieur … en mains propres le même jour, pour déclarer son séjour irrégulier, tout en lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de 30 jours, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la demande de protection temporaire de l’intéressé du 14 juin 2022;

Vu le refus de la demande de protection temporaire de l’intéressé du 5 juillet 2022, lui notifié en mains propres le même jour ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Considérant que l’intéressé ne justifie pas l’objet et les conditions du séjour envisagé ;

Considérant que l’intéressé n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail […] ».

Par requête déposée le 3 août 2022 et inscrite sous le numéro 47774, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre 1) de la décision du ministre du 5 juillet 2022 lui ayant refusé le bénéfice de la protection temporaire et 2) de la décision du même jour ayant constaté son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ayant ordonné de quitter ledit territoire.

Quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond contre les décisions refusant l’octroi d’une protection temporaire ou celles ordonnant de quitter le territoire, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit contre lesdites décisions.

Il est par contre compétent pour connaître du recours principal en annulation.

A titre liminaire, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour violation de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996, en soutenant que le demandeur n’aurait à aucun moment invoqué les moyens de légalité propres à son recours en annulation.

Le demandeur n’a pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité soulevé.

S’il est vrai que dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal administratif statue sur la légalité de la décision administrative lui déférée sur la base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq cas d’annulation énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, l’exigence de l’indication formelle de l’un ou l’autre des cinq cas d’ouverture du recours en annulation ainsi légalement prévus n’est toutefois pas requise par la loi1.

1 Trib. adm., 29 octobre 2009, n° 24392, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 2.Il convient de relever que si le demandeur n’a pas indiqué les cas d’ouverture de son recours en annulation et que sa motivation en droit reste assez succincte, il a néanmoins précisé dans sa requête introductive d’instance qu’il entendait introduire un recours en annulation contre la décision lui refusant l’octroi d’une protection temporaire et lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois, en reprochant au ministre d’avoir violé l’article 2 de la décision du Conseil du 4 mars 2022 et l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », qui interdirait les discriminations.

Etant donné que l’indication formelle du ou des cas d’ouverture tels que prévus par l’article 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996 n’est pas requise de façon impérative et que, par ailleurs, le délégué du gouvernement n’a pas pu se méprendre sur la portée effective des moyens tels qu’invoqués à l’appui du recours sous analyse, pour avoir pris position dans son mémoire en réponse sur la violation alléguée de l’article 2 de la décision du Conseil du 4 mars 2022, il y a lieu d’écarter le moyen d’irrecevabilité afférent pour manquer de fondement.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, il échet de déclarer le recours principal en annulation recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que, bien que les deux décisions ministérielles du 5 juillet 2022 soient basées sur des législations distinctes, celle refusant l’octroi d’une protection temporaire étant basée sur la loi du 18 décembre 2015 et celle déclarant irrégulier le séjour du demandeur et lui ordonnant de quitter le territoire sur la loi du 29 août 2008, il a été admis que le demandeur peut attaquer par une même requête deux décisions intimement liées entre elles2, ce qui est le cas en l’espèce, dans la mesure où le ministre déduit le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois de son refus de lui octroyer une protection temporaire.

1) Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle refusant la protection temporaire En fait, le demandeur explique être un citoyen biélorusse, qui résiderait depuis sept ans à Odessa, en Ukraine. Lorsque la guerre aurait éclaté, il aurait fui l’Ukraine avec sa femme et son fils en passant par la Moldavie, la Roumanie, la Hongrie, sans savoir où se réfugier. Après avoir laissé sa famille chez des amis à Vilnius en Lituanie, il aurait décidé de continuer seul son périple par l’Autriche et l’Allemagne à la recherche d’un pays qui aurait été prêt à les accueillir. Il serait ainsi arrivé au Luxembourg le 14 juin 2022 et il aurait déposé une demande de protection temporaire en date du 14 juin 2022. Il explique avoir été présent en Ukraine au moment du début du conflit le 24 février 2022 et avoir été résident de ce pays depuis de nombreuses années, qui serait ainsi devenu « le centre vital de ses intérêts ». Il précise qu’il ne serait pas en mesure de retourner dans son pays d’origine, la Biélorussie, dans des conditions sûres et durables car ses parents seraient décédés, de sorte qu’il n’y aurait plus aucune famille, et qu’il n’y aurait ni travail ni logement. Il explique qu’il aurait tout perdu, comme des millions d’Ukrainiens qui auraient pu fuir la guerre, de sorte qu’il devrait être considéré comme « réfugié ukrainien » sans être discriminé en raison de sa nationalité biélorusse.

En droit, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération sa situation particulière. En renvoyant à l’article 2 (3) de la décision du Conseil du 4 mars 2022, il 2 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18044 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Proc. contentieuse, n° 381 et les autres références y citées. soutient qu’en ayant vécu légalement plusieurs années en Ukraine, il devrait être traité comme « un réfugié qui fuit la guerre » dans le prédit pays. Il ajoute qu’il ne serait pas en mesure de rentrer dans son pays d’origine dans des conditions sûres et durables, alors que la Biélorussie serait l’un des partenaires de la Russie dans le conflit avec l’Ukraine, ce qu’il condamnerait, le demandeur renvoyant dans ce contexte à une attestation sur l’honneur qu’il aurait rédigée pour faire part de son opinion sur les actions de son pays d’origine. Il ajoute que la situation de guerre régnant actuellement en Ukraine rendrait la décision de retour vers ce pays impossible et déraisonnable à exécuter.

Après avoir cité l’article 14 de la CEDH, qui interdirait la discrimination, le demandeur fait valoir que le principe d’égalité serait un principe « constitutif de l’ordre juridique de l’Union » et de « droit constitutionnel ». Il explique, à ce propos, que le principe d’égalité aurait une double vocation, à savoir celle de fonder un « statut de citoyen », qui permettrait aux ressortissants des Etats membres d’être unis, indépendamment de leurs nationalités, par la garantie d’un « même traitement juridique », et celle de constituer « la pierre angulaire de chacun des fondements de la Communauté », tout en admettant que le principe d’égalité en droit, pour être pleinement effectif, exigerait non seulement l’identité de traitement des situations similaires, mais qu’il supposerait également que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient soumises à des régimes distincts. Il donne à considérer, à cet égard, que sa famille et lui subiraient les conséquences de la guerre en Ukraine et seraient séparés, de sorte qu’ils ne pourraient pas jouir de leur vie familiale, bien qu’ils auraient le droit, selon lui, de choisir, comme les Ukrainiens, un endroit pour y vivre et subvenir à leurs besoins. Enfin, il ajoute qu’il serait menacé d’être expulsé de la structure d’hébergement dans laquelle il aurait été placé à compter du 5 août 2022. Il en conclut que la décision ministérielle encourrait l’annulation.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens tel que présenté par le demandeur mais qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En ce qui concerne tout d’abord le moyen ayant trait à une violation de l’article 14 de la CEDH aux termes duquel « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » et du principe d’égalité de traitement, le tribunal relève tout d’abord que la Cour administrative a retenu à propos de l’article 14 de la CEDH que celui-ci, à travers le principe de non-discrimination qu’il consacre, s’apparentait au principe d’égalité contenu à l’article 10bis (1) de la Constitution3, tel que rédigé au moment où elle a été amenée à statuer.

Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les 3 Cour adm., 21 juin 2016, n° 37592C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Lois et règlements, n° 30.différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but4.

Le tribunal constate que le demandeur soutient principalement qu’il devrait, dans le cadre de sa demande de protection temporaire, être traité comme un ressortissant ukrainien et non comme un Biélorusse.

Or, dans la mesure où (i) le demandeur n’a pas la nationalité ukrainienne, mais possède la nationalité biélorusse, et qu’en conséquence, il se trouve manifestement dans une situation différente des ressortissants ukrainiens et (ii) les conditions d’octroi d’une protection temporaire tant aux ressortissants ukrainiens qu’à ceux provenant de pays tiers et ayant vécu en Ukraine sont expressément prévues dans la décision du Conseil du 4 mars 2022, conditions dont le demandeur ne soutient ni ne démontre qu’elles seraient discriminatoires, le tribunal est amené à retenir que Monsieur … ne peut valablement réclamer à se voir traiter de la même manière que les ressortissants ukrainiens.

Il s’ensuit que le moyen du demandeur ayant trait à une violation de l’article 14 de la CEDH et du principe d’égalité de traitement est à rejeter pour être non fondé.

Ensuite, le tribunal relève que la notion de « protection temporaire » est définie par l’article 2 r) de la loi du 18 décembre 2015 comme « […] une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection. […] ».

L’article 69 de la même loi dispose que « Le régime de protection temporaire est déclenché par une décision du Conseil de l’Union européenne prise dans les conditions définies par les articles 4 à 6 de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. ».

Il est constant en cause que dans sa décision d’exécution n° 2022/382 du 4 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne, après avoir constaté l’existence d’un afflux massif dans l’Union européenne de personnes déplacées qui ont dû quitter l’Ukraine en raison d’un conflit armé, a précisé les catégories de personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire dans son deuxième article, dont les termes sont les suivants :

« […] 1. La présente décision s’applique aux catégories suivantes de personnes déplacées d’Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l’invasion militaire par les forces armées russes qui a commencé à cette date :

a) les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022;

4 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.b) les apatrides, et les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui ont bénéficié d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022; et, c) les membres de la famille des personnes visées aux points a) et b).

2. Les États membres appliquent la présente décision ou une protection adéquate en vertu de leur droit national à l’égard des apatrides, et des ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui peuvent établir qu’ils étaient en séjour régulier en Ukraine avant le 24 février 2022 sur la base d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien, et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou leur région d’origine dans des conditions sûres et durables.

3. Conformément à l’article 7 de la directive 2001/55/CE, les États membres peuvent également appliquer la présente décision à d’autres personnes, y compris aux apatrides et aux ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui étaient en séjour régulier en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables. […] ».

Il ressort de l’article 2 de la décision du Conseil du 4 mars 2022, et plus particulièrement de son troisième paragraphe, que les Etats membres peuvent étendre l’octroi d’une protection temporaire aux apatrides et aux ressortissants de pays tiers qui étaient en séjour régulier en Ukraine sans y disposer d’un titre de séjour permanent en cours de validité, et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables.

Tel qu’indiqué par le délégué du gouvernement dans ses écrits contentieux, le gouvernement luxembourgeois a pris le 18 mars 2022 la décision d’appliquer l’article 2 (3) de la décision du Conseil du 4 mars 2022 aux demandeurs de protection temporaire ressortissants de pays tiers en séjour régulier en Ukraine.

Ainsi, il se dégage de ces développements que, pour bénéficier d’une protection temporaire, le ressortissant de pays tiers doit démontrer (i) qu’il était en séjour régulier en Ukraine avant le 24 février 2022, à titre permanent ou temporaire, et (ii) qu’il n’est pas en mesure de rentrer dans son pays d’origine dans des conditions sûres et durables.

Dans la mesure où un permis de séjour temporaire a été délivré par les autorités ukrainiennes à Monsieur … en date du 23 décembre 2020, qui est valable jusqu’au 21 octobre 2023, et qu’il a quitté l’Ukraine après le début du conflit armé, force est de constater que le demandeur remplit la première condition, à savoir celle d’avoir été en séjour régulier en Ukraine avant le 24 février 2022, ce qui est d’ailleurs admis par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse.

En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir le fait que le demandeur ne soit pas en mesure de rentrer dans son pays d’origine dans des conditions sûres et durables, il échet de relever que dans sa communication du 21 mars 2022 relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, n° 2022/C 126 I/01, ci-après désignée par « la communication de la Commission du 21 mars 2022 », la Commission européenne a précisé (i) que l’incapacité de « retourner dans des conditions sûres » devait se fonder sur la situation générale dans le pays ou la région d’originede la personne concernée et que celle-ci devait être en mesure de prouver et/ou de fournir des éléments attestant à première vue, au niveau individuel, qu’elle n’est pas en mesure d’y retourner, notamment en démontrant, par exemple, l’existence d’un risque évident pour sa sécurité, de situations de conflit armé ou de violence endémique, ou de risques documentés de persécution ou d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, et (ii) qu’un retour « durable » supposait que la personne concernée puisse jouir dans son pays ou sa région d’origine de droits actifs lui offrant la perspective d’y voir ses besoins fondamentaux satisfaits, ainsi que la possibilité d’être réintégrée dans la société, et qu’il y avait lieu de savoir si elle avait toujours un lien significatif avec son pays d’origine, en prenant en considération, par exemple, le temps de résidence passé en Ukraine ou l’existence d’une famille dans son pays d’origine. Elle a également souligné qu’il convenait de tenir dûment compte des besoins particuliers des personnes vulnérables et des enfants, notamment les mineurs non accompagnés et les orphelins, sur la base du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ainsi, il appartient au demandeur de démontrer qu’il ne peut pas retourner en Biélorussie dans des conditions sûres et durables telles que précisées ci-avant.

A cet effet, Monsieur … fait valoir que ses opinions politiques seraient contraires à celles de la Biélorussie concernant la guerre en Ukraine et qu’il n’aurait dans son pays d’origine ni famille ni travail ni logement.

En ce qui concerne les opinions politiques de Monsieur … et l’article de presse invoqué à cet égard, publié sur le site internet du journal Le Point en date du 2 juillet 2022, intitulé « Le président biélorusse accuse Kiev de tirer des missiles sur son pays », force est de constater que ces éléments ne sont pas suffisants à eux seuls pour démontrer qu’il existerait en Biélorussie une situation de conflit armé ou de violence endémique ou un risque général d’y subir des persécutions ou d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l’article 3 de la CEDH, et ce d’autant plus que le demandeur reste en défaut de mettre en relation le prédit article de presse avec sa situation personnelle.

Si Monsieur … a certes passé plusieurs années en Ukraine et qu’il verse des certificats de décès de ses parents, force est néanmoins de constater qu’il n’invoque aucun élément démontrant (i) l’absence de perspective de voir ses besoins fondamentaux satisfaits en Biélorussie, - pays dans lequel il a a priori passé l’essentiel de sa vie -, (ii) qu’il ne pourrait plus être réintégré dans la société biélorusse avec sa femme et son enfant et (iii) qu’il n’aurait plus aucun lien significatif avec son pays d’origine.

Dans ce contexte, le tribunal relève que le demandeur a indiqué dans la fiche lui remise au moment du dépôt de sa demande de protection temporaire qu’il aurait quitté son pays d’origine pour se rendre en Ukraine alors qu’il aurait été espionné par les services secrets biélorusses. A cet égard, il échet de rappeler que la Commission européenne a précisé, dans sa communication du 21 mars 2022, précitée, que le demandeur d’une protection temporaire devait être en mesure de prouver et/ou de fournir des éléments attestant à première vue, au niveau individuel, qu’il n’est pas en mesure de retourner dans son pays d’origine.

Or, force est de constater que Monsieur … ne démontre pas qu’à première vue, un retour dans son pays d’origine entraînerait un risque évident pour sa sécurité, étant relevé à cet effet que de simples suspicions qu’il ait pu être espionné par les services secrets de son pays d’origine - outre que ses affirmations à ce propos restent essentiellement vagues - ne sont pas suffisantes.

Par ailleurs, la Commission européenne a encore précisé, dans sa communication précitée, que « Lorsqu’une personne ne peut pas présenter les documents pertinents et que les États membres ne sont pas en mesure de déterminer rapidement si la personne concernée a droit à la protection temporaire ou à une protection adéquate en vertu du droit national, la Commission suggère de réorienter la personne vers la procédure d’asile. De même, les personnes qui déclarent ne pas pouvoir retourner en toute sécurité dans leur pays ou région d’origine, mais dont la procédure visant à déterminer le droit à la protection temporaire ou à une protection adéquate en vertu du droit national devient trop complexe, devraient en tout état de cause être réorientées vers la procédure d’asile »5.

Au vu de ces considérations, le tribunal est amené à constater que le demandeur n’apporte aucune preuve ou élément permettant de retenir, à première vue, qu’il ne peut pas retourner en Biélorussie dans des conditions sûres et durables.

La deuxième condition cumulative pour l’obtention d’une protection temporaire n’étant pas remplie, le moyen du demandeur y afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu des développements qui précèdent, le tribunal est amené à retenir que le ministre pouvait refuser, à bon droit, l’octroi d’une protection temporaire à Monsieur …, de sorte que le recours principal en annulation dirigé contre la décision lui refusant ladite protection encourt le rejet pour être non fondé.

2) Quant au recours dirigé contre la décision de retour et l’ordre de quitter le territoire A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur estime que la décision lui ordonnant de quitter le territoire serait à annuler en conséquence de l’annulation de la décision lui refusant une protection temporaire, alors que cet ordre de quitter le territoire « n’aurait de fondement que par le refus de la protection temporaire ». Il précise encore qu’il ne pourrait se voir contraint de retourner en Ukraine, où la guerre sévirait.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève que l’article 100 (1) de la loi du 29 août 2008, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, prévoyant les conditions dans lesquelles une décision de retour peut être prise, dispose que :

« […] Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers:

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise;

d) qui relève de l’article 117. […] ».

5 Commission européenne, communication du 21 mars 2022 relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, n° 2022/C 126 I/01, page 3.

Force est au tribunal de constater que ledit article 100 prévoit des critères alternatifs permettant de conclure au caractère irrégulier du séjour d’un étranger, de sorte qu’il suffit que le ressortissant de pays tiers en question tombe dans l’une des hypothèses visées auxdits points a), b), c) et d), pour que le ministre puisse déclarer irrégulier son séjour.

Aux termes de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, « (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire.

(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes:

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis;

2. ne pas faire l’objet d’un signalement aux fins de non-admission sur base de l’article 96 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 et être signalé à cette fin dans le Système d’Information Schengen (SIS);

3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire;

4. ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales du Grand-Duché de Luxembourg ou de l’un des Etats parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant le Grand-Duché de Luxembourg ;

5. justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et justifier de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou justifier de la possibilité d’acquérir légalement ces moyens et disposer d’une assurance maladie couvrant tous les risques sur le territoire. Un règlement grand-ducal définit les ressources exigées et précise les conditions et les modalités selon lesquelles la preuve peut être rapportée.

(3) Si le ressortissant de pays tiers déclare vouloir séjourner sur le territoire pour une période allant jusqu’à trois mois dans le cadre d’une visite familiale ou privée, la preuve du caractère suffisant des ressources personnelles peut être rapportée par la production d’une attestation de prise en charge ou par des lettres de garantie émises par un institut bancaire. ».

Or, étant donné (i) que le ministre a décidé de ne pas octroyer la protection temporaire à Monsieur … et qu’il est arrivé à la conclusion, notamment de ce fait, que le demandeur était en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et (ii) que le demandeur ne conteste pas qu’il ne remplit pas les conditions de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, le tribunal est amené à retenir que le ministre pouvait a priori valablement déclarer irrégulier le séjour du demandeur et prononcer à son encontre un ordre de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter de la notification de l’arrêté en question, conformément à l’article 111 de la loi du 29 août 2008, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, prévoyant que :

« (1) Les décisions de refus visées aux articles 100, 101 et 102, déclarant illégal le séjour d’un étranger, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve, comportant l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office.

(2) Sauf en cas d’urgence dûment motivée, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision de retour pour satisfaire volontairement à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire et il peut solliciter à cet effet un dispositif d’aide au retour. Si nécessaire, le ministre peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en tenant compte des circonstances. […] ».

Il ressort de cette disposition que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la prise d’une décision déclarant irrégulier le séjour d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire luxembourgeois, sans que le ministre ne dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, celui-ci étant ainsi investi d’une compétence liée.

A cet égard, étant donné que le tribunal a retenu, dans les développements qui précèdent, que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’octroyer une protection temporaire à Monsieur … et qu’il a déclaré son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire vers son pays d’origine, la Biélorussie, et non vers l’Ukraine tel que soutenu par le demandeur.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours principal en annulation dirigé contre la décision de retour et l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation contre la décision ministérielle refusant la protection temporaire en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

reçoit le recours principal en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, premier juge, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 25 septembre 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47774
Date de la décision : 25/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-25;47774 ?

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