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25/09/2023 | LUXEMBOURG | N°47120

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2023, 47120


Tribunal administratif N° 47120 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47120 2e chambre Inscrit le 3 mars 2022 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par Madame …, … (B), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47120 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2022 par Madame …, demeurant à B-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 26

novembre 2021, portant rejet de sa demande de remise gracieuse.

Vu le mémoire en rép...

Tribunal administratif N° 47120 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:47120 2e chambre Inscrit le 3 mars 2022 Audience publique du 25 septembre 2023 Recours formé par Madame …, … (B), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47120 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2022 par Madame …, demeurant à B-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 26 novembre 2021, portant rejet de sa demande de remise gracieuse.

Vu le mémoire en réponse déposé le 31 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 30 juin 2022 par Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding et Madame … en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juin 2023.

Par un courrier du 12 juin 2014, réceptionné par l’administration des Contributions directes le 16 juin 2014, Madame … s’adressa à l’administration des Contributions directes - Division gracieux -, pour fournir des explications sur sa situation et sur le dépôt tardif de sa déclaration de l’impôt concernant l’année 2012.

Pour courrier électronique du 17 novembre 2021, elle s’adressa de nouveau à l’administration des Contributions directes pour faire suite à sa demande de remise gracieuse et demander qu’il y « soit donné suite ».

Par une décision du 26 novembre 2021, répertoriée sous le numéro GR 138.14 du rôle, notifiée à Madame … par courrier recommandé du même jour, le directeur de l’administration des Contributions directes rejeta la demande de remise gracieuse de cette dernière sur base des motifs et considérations suivants :

« […] Vu la demande présentée le 16 juin 2014, ainsi que le courriel de relance du 17 novembre 2021, par la dame …, demeurant à B-…, ayant pour objet une remise par voie gracieuse de l'impôt sur le revenu de l'année 2012 ;

1Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu’il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande tend à ce que la déclaration de l’impôt sur le revenu de l’année 2012, déposée tardivement, soit prise en considération ;

Considérant que le bureau d'imposition compétent a refusé de procéder à l’imposition de l’année 2012 par voie d'assiette, au motif que la déclaration d'impôt avait été introduite tardivement ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l’administration des contributions directes accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l’impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu’il apparaît qu’il pourrait y avoir faute professionnelle de tiers intervenants; que dans ce contexte il n’appartient pas au Trésor, en cas de préjudice subi sur le plan fiscal par suite de faute de tiers, d’en dégager la demandeuse précitée de sa responsabilité à charge du budget public ;

Considérant aussi que l’égalité devant l’impôt, consacrée à l’article 101 de la Constitution, est une application particulière du principe d’égalité devant la loi formulé à l'article 10bis (1) de la Constitution, et que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée (cf. C.C.

arrêt n°52/10 du 12 février 2010);

Considérant que la fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les dispositions légales voulues par le législateur en octroyant des faveurs à des cas particuliers ;

Considérant que la fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les délais pour exercer un droit ;

Considérant que le paragraphe 131 AO n’autorise pas le directeur à faire abstraction de la déchéance encourue par la demandeuse pour l'année 2012 ;

Considérant, qu’il ne ressort de la demande aucun élément de rigueur incompatible avec l'équité au sens du paragraphe 131 AO ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

2Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2022, Madame … a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale, précitée, du 26 novembre 2021.

Force est de prime abord de constater que Madame … ne précise pas si elle entend introduire un recours en réformation ou en annulation, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’elle a entendu introduire le recours admis par la loi1.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 paragraphe (3), 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Il y a dès lors lieu d’admettre que Madame … a entendu introduire un recours en réformation contre la décision directoriale du 26 novembre 2021, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité ratione temporis du recours. Il soutient, à cet égard, que la décision litigieuse aurait été expédiée le 26 novembre 2021 et serait présumée avoir été notifiée le 29 novembre 2021. Le délai de recours serait ainsi venu à expiration le 28 février 2022, de sorte que le recours, introduit le 3 mars 2022, serait tardif.

La demanderesse a pris position par rapport audit moyen dans son mémoire en réplique en affirmant avoir envoyé le recours sous analyse à l’adresse du tribunal administratif par voie postale en date du 26 février 2022, soit endéans du délai arrivant à échéance le 28 février 2022.

Il ressort de l’article 8, paragraphe (3), alinéa (4) de la loi du 7 novembre 1996 que le délai pour agir à l’encontre d’une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts, telle que la décision déférée, est de trois mois.

Aux termes du paragraphe 258, alinéa (2) AO, « Die Entscheidungen sind dem Steuerpflichtigen verschlossen zuzustellen. Der Minister der Finanzen kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».

La notion de « Zustellung » se trouve explicitée par le paragraphe 88 AO, qui s’applique également aux décisions directoriales portant rejet d’une remise gracieuse, aux termes duquel « (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist ».

1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 97 et les autres références y citées.

3 Il se dégage du paragraphe 88 AO que si la « Zustellung » doit, au vœu de son alinéa (1), en principe être opérée en conformité avec les dispositions de la « Zivilprozessordnung », renvoi qui doit être compris au Luxembourg comme visant le Nouveau code de procédure civile (NCPC), il autorise à travers son alinéa (3) toute « Behörde » visée par ses dispositions, donc également le directeur en sa qualité de « Rechtsmittelbehörde » au sens des paragraphes 228 et suivants AO, à utiliser un mode simplifié de « Zustellung » par le biais de la notification par voie de « eingeschriebener Brief » dans tous les cas où la « Zustellung » est prescrite 2, partant notamment pour une décision directoriale portant rejet d’une remise gracieuse, laquelle est « geschlossen zuzustellen » au prescrit du paragraphe 258, alinéa (2) AO3.

En vue de déterminer les formalités obligatoirement attachées à l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », il convient de constater que la « Zustellung » au sens du paragraphe 88 AO s’analyse par essence en une remise actée entourée d’un certain formalisme, lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire.

L’originalité de l’alinéa (3) du paragraphe 88 AO par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire et que l’autorité est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste. En outre, la preuve concrète de la réception par le destinataire est remplacée par l’alinéa (3) en cas de notification par « eingeschriebener Brief » par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste.

Le paragraphe 88, alinéa (3) AO autorise ainsi les autorités visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, la seule preuve à charge de l’autorité étant celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée.4 Force est de constater que suivant le récépissé de dépôt d’un envoi recommandé figurant au dossier fiscal, le courrier portant notification à Madame … de la décision déférée a été remis à la poste le 26 novembre 2021. Dans la mesure où la notification est réputée faite trois jours après la remise à la poste, elle est, en l’espèce, réputée faite le 29 novembre 2021.

Il s’ensuit qu’a priori, le délai de recours contentieux a commencé à courir à cette dernière date, de sorte à avoir expiré le lundi 28 février 2022, conformément à l’article 4, paragraphe 2 de la Convention européenne sur la computation des délais, signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, aux termes duquel le délai expire le jour du dernier mois dont la date correspond à celle du dies a quo ou, faute d’une date correspondante, le dernier jour du dernier mois, étant relevé que la demanderesse n’a pas prouvé la réception de la décision déférée à une date ultérieure.

Or, en dehors des cas dans lesquels la loi prévoit qu’un recours gracieux ou contentieux est valablement exercé par l’expédition d’un courrier dans un certain délai, un recours n’est valablement formé que s’il parvient à l’autorité compétente dans le délai légal. Si l’administré 2 Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, ETUDES FISCALES n° 81- 85, n° 92, p. 66.

3 Trib. adm. 21 juin 2004, n° 17075 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 janvier 2005, n° 18477C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 1145 et les autres références y citées.

4 Ibid.

4décide de ne pas déposer directement son recours, mais opte pour une transmission par voie de courrier postal, il doit s’organiser de manière à ce qu’il remette le document contenant le recours suffisamment à temps pour que le recours parvienne à destination avant l’expiration du délai légal. Une requête n’est pas recevable du seul fait qu’elle aurait été remise aux services postaux dans ce délai pour être expédiée.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que la requête introductive d’instance a été remise à la poste l’avant dernier jour utile avant l’expiration du délai contentieux et a été réceptionnée par le greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2022, soit à un moment où ce délai avait expiré.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre la décision directoriale du 26 novembre 2021 est irrecevable ratione temporis.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable, partant le rejette ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 25 septembre 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 5 Trib. adm. 25 juillet 2002, n° 15141, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 252 et l’autre référence y citée.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47120
Date de la décision : 25/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-25;47120 ?

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