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20/09/2023 | LUXEMBOURG | N°49418

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 septembre 2023, 49418


Tribunal administratif N° 49418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49418 5e chambre Inscrit le 14 septembre 2023 Audience publique du 20 septembre 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14

septembre 2023 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord...

Tribunal administratif N° 49418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49418 5e chambre Inscrit le 14 septembre 2023 Audience publique du 20 septembre 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2023 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Sénégal) et être de nationalité sénégalaise, alias …, né le … à …, de nationalité sénégalaise, alias …, né le … à …, de nationalité espagnole, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 août 2023 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 3 septembre 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Madame le délégué du gouvernement Cindy COUTINHO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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En date du 3 juin 2021, Monsieur … s’est enregistré en tant que citoyen de l’Union européenne auprès du Biergercenter de Dudelange au moyen d’une carte d’identité espagnole.

Suite à une demande en obtention d’un visa en vue d’un regroupement familial en faveur de son épouse, Madame …, de nationalité sénégalaise, introduite le 5 juin 2023, le ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après dénommée « le ministère », informa Monsieur …, par courrier du 13 juin 2023, des formalités administratives à respecter à cet égard.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg C3R, du 3 juillet 2023, portant le numéro de référence …, qu’à cette même date, Monsieur … fut appréhendé par les forces de l’ordre, alors qu’il avait tenté de s’enregistrer en tant que citoyen de l’Union européenne auprès de l’office de l’état civil de Luxembourg Ville au moyen de la même carte d’identité espagnole précédemment utilisée, s’étant révélée être une fausse carte d’identité espagnole après analyse du document par l’Unité de la Police de l’Aéroport - Service Expertise Documents. Il résulte encore du même rapport de police queMonsieur … était en possession d’un faux permis de conduire espagnol portant les mêmes coordonnées, d’une carte de sécurité sociale luxembourgeoise, ainsi que d’une attestation d’enregistrement luxembourgeoise, que son identité n’avait pas pu être confirmée, qu’il est propriétaire d’un véhicule immatriculé au Luxembourg, qu’il s’est déjà enregistré quatre fois au Luxembourg, à savoir dans les communes de …, …, … et …, à l’aide de la même carte d’identité espagnole, qu’il dispose d’une adresse au Luxembourg et qu’il y travaille.

Par arrêté du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur … comme étant irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prit également une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de 5 ans à son égard.

Par arrêté séparé du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, l’arrêté afférent étant libellé comme suit :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport numéro … du 3 juillet 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un faux document identité ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par courrier du 5 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le 7 juillet 2023, le ministre informa Monsieur …, en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de son intention de révoquer son droit de séjour sur le territoire luxembourgeois au motif que l’attestation d’enregistrement en sa possession serait entachée d’illégalité en raison du fait qu’il ne possédait pas la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne alors qu’il avait fait usage d’un faux document d’identité espagnol afin de l’obtenir, de sorte que l’attestation d’enregistrement avait été indûment délivrée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2023, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 3 juillet 2023 décidant son placement au Centre de rétention, recours contentieux dont il fut débouté par jugement du 19 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49158 du rôle.

Par arrêté du 2 août 2023, notifié à l’intéressé le 3 août 2023, le ministre prorogea pour une durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur ….

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ledit arrêté fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 16 août 2023, inscrit sous le numéro 49290 du rôle, confirmé sur appel par arrêt de la Cour administrative du 30 août 2023, inscrit sous le numéro 49332C du rôle.

Par courrier de son litismandataire du 31 août 2023 Monsieur … a sollicité sa libération contre le paiement d’une caution financière de … euros.

Par arrêté du 31 août 2023, notifié le 1er septembre 2023, le ministre prorogea de nouveau le placement au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée d'un mois avec effet au 3 septembre 2023. Ledit arrêté est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 3 juillet 2023 et 2 août 2023, notifiés en dates des 3 juillet 2023 et 3 août 2023, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 juillet 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l'éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 31 août 2023 prolongeant son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 3 septembre 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste en substance que les conditions de la prolongation de la mesure de placement seraient données en l’espèce.

A cet égard, en se basant sur l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur reproche un manque de diligences au ministre en contestant la réalité et l’efficacité des démarches entreprises par le ministre en vue de l’exécution de son éloignement. Il précise qu’un placement en rétention constituerait une mesure privative de liberté laquelle ne saurait être systématique au risque d’être disproportionnée sinon arbitraire.

Il estime encore que la présomption de risque de fuite telle qu’invoquée par le ministre au sens de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008 ne serait pas établie en dehors de tout doute : dans ce contexte, il insiste sur l’existence de liens très solides au Grand-Duché de Luxembourg, puisqu’il y vivrait en couple avec Madame … ce qui serait démontré à suffisance par les preuves et l’attestation testimoniale versées en cause.

Enfin, en se prévalant des dispositions des articles 120 et 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, Monsieur … affirme que les mesures moins coercitives devraient bénéficier d’une priorité par rapport au placement en rétention. Il affirme à cet égard s’engager à verser une garantie financière de …euros et à se conformer à toutes les mesures qui lui seraient imposées en vue de garantir sa représentation. Il insiste dans ce contexte encore sur l’existence de relations de couple sérieuse avec Madame …, relations. Il ajoute que les enfants de sa compagne seraient heureux de sa présence dans la famille, de sorte qu’il n’aurait aucun intérêt à s’enfuir. Il demande dès lors à se voir assigner à résidence, soit auprès de sa compagne, soit à l’adresse d’une chambre meublée qui lui serait mise à disposition par son ancien employeur, tout en soulignant qu’il serait prêt à se soumettre à toute mesure restrictive, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisiet que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est d’abord de relever, à l’instar de ce qui avait été retenu dans les jugements précités des 19 juillet et 16 août 2023 - confirmé par arrêt de la Cour administrative du 30 août 2023 - que Monsieur … se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où il a fait l’objet, en date du 3 juillet 2023, d’une décision du ministre déclarant son séjour sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonnant de quitter le territoire sans délai et lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Il est encore constant en cause que Monsieur … est démuni de tout document d’identité et de voyage valable, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1. de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

S’agissant ensuite des critiques du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, le tribunal a relevé dans ses jugements, précités, des 19 juillet et 16 août 2023 - confirmé par arrêt de la Cour administrative du 30 août 2023 - que les autorités ministérielles avaient accompli les démarches en vue de l’identification et de l’éloignement subséquent de Monsieur … avec la diligence légalement requise. La Cour administrative a d’ailleurs signalé à cet égard que Monsieur … avait fait usage d’un faux document d’identité et d’une fausse nationalité, de sorte que son attitude frauduleuse serait à l’origine du fait que les démarches nécessaires en vue de son identification nécessiteraient un certain délai. Il y a ensuite lieu de préciser que par le recours sous examen, le tribunal est uniquement saisi de la décision du ministre de proroger une seconde fois la mesure de rétentionde Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

A cet égard, il résulte des pièces versées en cause que suite à l’information obtenue en date du 10 août 2023 par un agent de l’ambassade sénégalaise à Bruxelles selon laquelle le dossier du demandeur avait été transmis au ministère de l’Intérieur en vue de son identification, les services ministériels luxembourgeoises ont recontacté par courriers électroniques des 30 août et 13 septembre 2023, les autorités sénégalaises en vue d’obtenir des informations sur l’état d’avancement du dossier.

Au vu des démarches ainsi entreprises et de la réponse par les autorités sénégalaises du 10 août 2023, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, à ce stade de l’avancement du dossier, comme étant suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Il convient encore, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective raisonnable au vu de la coopération des autorités sénégalaises et qu’il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que l’éloignement vers le Sénégal ne puisse pas être mené à bien.

Enfin, si le demandeur estime que le ministre aurait dû, compte tenu de sa situation particulière, lui permettre de bénéficier de mesures moins coercitives, il convient de rappeler que les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de … euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

Or, si le demandeur fait état de son offre de paiement d’une garantie financière ou encore de deux adresses susceptibles de permettre son assignation à résidence, le tribunal decéans, à défaut de toute pièce ou précision pertinente afférente - la communication de quelques photos montrant apparemment le demandeur accompagné de deux enfants et d’une femme étant de ce point de vue insuffisante -, ne saurait en dégager une circonstance permettant ni d’énerver les raisons avancées par la partie étatique pour, d’une part, justifier le recours à la mesure de rétention, et, d’autre part, écarter la possibilité de l’application de mesures moins coercitives, ni de s’écarter de la solution retenue par la Cour administrative dans son arrêt précité du 30 août 2023, selon laquelle : « (…) force est de constater en premier lieu que l’existence d’une relation stable entre Monsieur … et Madame …, ainsi qu’avec les enfants de cette dernière, est à relativiser au vu du constat que l’intéressé a lui-même indiqué avoir habité entre juin 2021 et juillet 2023 à cinq adresses différentes et non pas auprès de sa compagne à L-…, et qu’il avait encore introduit le 5 juin 2023 une demande de regroupement familial avec sa prétendue épouse, Madame … avec laquelle il s’est marié le … dans la commune de … au Sénégal.

Pour le surplus, l’attestation de mise à disposition d’un logement à titre gratuit de l’ancien employeur de Monsieur … datée au 28 août 2023, ne respectant par ailleurs pas les formalités prescrites à l’article 402 du Nouveau code de procédure civile, n’emporte pas la conviction de la Cour pour écarter tout risque de fuite dans le chef de Monsieur …, ce d’autant plus que la relation de travail avec la société … a cessé et que l’intéressé ne dispose pas d’une autorisation de séjour en tant que travailleur salarié.

Finalement, à défaut de plus amples renseignements quant aux moyens financiers à disposition de l’appelant, mise à part la simple affirmation de pouvoir disposer de pareil montant, Monsieur … n’appert pas être en mesure de verser une garantie financière à hauteur de …- € (…). ». Il y a, dès lors, lieu de conclure que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 septembre 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 49418
Date de la décision : 20/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-20;49418 ?

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