La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49359

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 août 2023, 49359


Tribunal administratif N° 49359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49359 chambre de vacation Inscrit le 25 août 2023 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49359 du rôle et déposée le 25 août 2023 au greffe du tribunal administratif par M

aître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Lu...

Tribunal administratif N° 49359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49359 chambre de vacation Inscrit le 25 août 2023 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49359 du rôle et déposée le 25 août 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 août 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation de ce jour, Maître Naïma El Handouz s’étant excusée.

___________________________________________________________________________

Il se dégage du dossier administratif et plus particulièrement d’un rapport de police dit « Fremdennotiz », daté du 3 août 2023 et émanant du Commissariat-Bonnevoie, référencé sous le numéro …, qu’à cette date, Monsieur … fut appréhendé par les forces de police alors qu’il dormait dans le parking d’une résidence. A cette occasion, l’intéressé ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables. Monsieur … informa encore les forces de l’ordre qu’il aurait déposé une demande de protection internationale en Allemagne en 2021 et qu’il n’aurait pas d’adresse au Luxembourg.

Par arrêté du 3 août 2023, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur ledit territoire pendant une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’espace Schengen.

Par un arrêté séparé du 3 août 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois 1à partir de la notification. Ledit arrêté est libellé comme suit :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport n°… du 3 août 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 3 août 2023 ayant ordonné son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour « […] vices d’excès et de détournement de pouvoir […] », pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Il reproche ensuite au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, respectivement de ne pas avoir renseigné quelles démarches en ce sens avaient été entreprises. A cet égard, il insiste sur le fait que dans l’arrêté déféré le ministre reconnaîtrait lui-même que les démarches seraient seulement engagées dans les plus brefs délais, ce qui impliquerait qu’aucune diligence en vue d’organiser son éloignement n’aurait encore été entreprise au moment de son placement en rétention et ce, alors même que le ministre serait légalement tenu « d’engager des démarches, de faire état et de documenter les démarches qu’il estime requises » pour écourter au maximum la privation de liberté. Il estime qu’en tout état de cause, l’absence de démarches au moment de son placement en rétention ne permettrait aucunement d’envisager un éloignement rapide dans son chef.

Ensuite, et pour le cas où il devait être admis que le ministre avait renseigné à suffisance les diligences entreprises pour permettre son éloignement rapide, respectivement que les diligences en question étaient considérées comme étant suffisantes, il fait valoir que comme le placement en rétention porterait atteinte à sa liberté de mouvement, il devrait être considéré 2comme étant un ultime remède en ce sens qu’il ne constituerait pour le ministre qu’une simple faculté dont l’usage ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivé à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle.

Or, il reproche au ministre d’avoir immédiatement ordonné son placement en rétention sans même avoir envisagé le recours à d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté.

Ce serait, en tout état de cause, à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans avoir eu recours à des mesures moins coercitives et plus adaptées à sa situation administrative, telles qu’un placement dans la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (« SHUK ») ou dans tout autre foyer pour demandeurs de protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d’une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision. Le ministre n’avait, dès lors, pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Par ailleurs, quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait à réformer pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour méconnaissance de l’article 121 de la loi du 29 août 2008, régissant la notification d’une décision de placement en rétention, le tribunal retient que ladite argumentation est à rejeter pour ne pas être autrement étayée en fait et en droit, étant précisé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures 3moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. Au vu des considérations qui précèdent, et dans la mesure où c’est justement afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement qu’un étranger peut, sous réserve qu’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement, être placé en rétention, l’argumentation non autrement sous-tendue par une quelconque base légale ou référence jurisprudentielle visant, de l’entendement du tribunal à critiquer le fait qu’aucune démarche en vue de l’exécution de son éloignement ou de son transfert n’aurait été entreprise préalablement à son placement en rétention est dès lors d’ores et déjà à rejeter pour ne pas se dégager des dispositions légales applicables en la matière.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il y a tout d’abord lieu de relever que par décision du 3 août 2023, qui ne fait pas l’objet 4de la présente instance contentieuse, le ministre a constaté le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois au motif notamment qu’il n’est en possession ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité et qu’il ne possède pas non plus une autorisation de séjour valable, ni une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption ce qu’il reste toutefois en défaut de faire.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, 5conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé plus haut, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré ni d’attaches au Luxembourg et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK, de même qu’un foyer pour demandeurs de protection internationale, ne sauraient être considérés comme domicile stable ni comme fournissant à eux seuls une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur et notamment celle tenant au caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement dans une structure fermée, sont à rejeter.

1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n°947 et les autres références y citées.

6 En ce qui concerne ensuite les diligences entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que dès le 4 août 2023, soit le lendemain de la notification de l’arrêté litigieux, il a été procédé à une recherche dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé aux fins de l’application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé le « règlement Dublin III », laquelle a révélé que Monsieur … avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne le 21 juillet 2021.

Sur base de ces informations, l’agent en charge du dossier de Monsieur … au sein de la direction de l’Immigration a demandé le 8 août 2023 au Centre de coopération policière et douanière (« CCPD ») d’effectuer une recherche dans le chef du demandeur, suite à quoi le CCPD a informé le même jour les services du ministre que les recherches effectuées avaient révélé que Monsieur … était inconnu des autorités belges, allemandes et françaises.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 10 août 2023, Monsieur … a été entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III. Suite à cet entretien et eu égard aux déclarations du demandeur suivant lesquelles il avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne, les autorités luxembourgeoises ont contacté en date du 10 août 2023 leurs homologues allemands en vue de la reprise en charge du demandeur sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande à laquelle les autorités allemandes ont refusé de faire droit en date du 14 août 2023 au motif qu’elles auraient refusé une requête de reprise en charge des autorités françaises en date du 28 mars 2023. Comme aucune demande de réexamen ne leur serait parvenue dans les délais prévus par le règlement Dublin III, les autorités allemandes ont estimé ne plus être responsables pour l’examen de la demande de protection internationale de l’intéressé. Suite à la réponse négative des autorités allemandes et sur base de la considération qu’il n’existerait pas d’indices ou de preuves que Monsieur … aurait quitté le territoire des Etats membres pendant une durée supérieure à 3 mois, les autorités luxembourgeoises ont adressé aux autorités françaises en date du 18 août 2023 une demande de reprise en charge du demandeur sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande à laquelle lesdites autorités n’ont pas encore répondu à ce jour.

Compte tenu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités françaises, le tribunal retient que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme étant suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est exécutée avec toute la diligence requise et que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter. De même, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement du demandeur ne puisse pas être mené à bien endéans les délais légalement requis, de sorte que l’argumentation afférente du demandeur est également à rejeter pour ne pas être fondée.

Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que la mesure de placement 7en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’aucun excès ou détournement de pouvoir n’est vérifié en l’espèce, contrairement à l’argumentation du demandeur.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Benoît Hupperich, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique de vacation du 30 août 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49359
Date de la décision : 30/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-30;49359 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award