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30/08/2023 | LUXEMBOURG | N°48497a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 août 2023, 48497a


Tribunal administratif N° 48497a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48497a Chambre de vacation Inscrit le 6 février 2023 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48497 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 février 2

023 par Maître Fatim-Zohra Ziani, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif N° 48497a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48497a Chambre de vacation Inscrit le 6 février 2023 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48497 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 février 2023 par Maître Fatim-Zohra Ziani, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Salvador), de nationalité salvadorienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 janvier 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2023 ;

Vu le jugement du 27 février 2023, inscrit sous le numéro 48497 du rôle, rendu par le juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fatim-Zohra Ziani et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2023.

Le 22 juin 2022, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 29 novembre 2022, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 17 janvier 2023, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le 19 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Madame … pour les motifs suivants :

« […] En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 22 juin 2022, votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 29 novembre 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les pièces versées à l’appui de votre demande.

Madame, vous signalez être de nationalité salvadorienne, célibataire et originaire de …, où vous auriez vécu avec votre mère, votre frère et votre sœur et travaillé comme … ou employée chez « … ». Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez vous trouver dans le viseur des « mareros », les « membres du gang » (p. 5 du rapport d’entretien).

Le 21 mai 2022, vous trouvant dans votre …, un membre de la « Mara » (p. 5 du rapport d’entretien), voire, plusieurs « types » (p. 5 du rapport d’entretien) auraient frappé à la vitre de la voiture pour vous faire sortir et vous faire comprendre qu’ils vous auraient surveillée et qu’ils auraient remarqué que vous feriez de longs trajets. Par conséquent, ils vous auraient réclamé 75 dollars hebdomadaires que vous auriez dû leur donner tous les lundis à défaut de quoi ils vous tueraient. Vous ajoutez que « Si je n’étais pas d’accord, ils allaient m’attendre tous les lundis pour récupérer l’argent » (p. 5 du rapport d’entretien). Le « jeune » (p. 5 du rapport d’entretien) vous aurait encore dit de ne pas porter plainte sinon on vous rechercherait et on s’en prendrait à votre famille. Le 22 mai 2022, vous auriez tout de même déposé plainte à …. Vous auriez par la suite emménagé chez votre grand-mère à … et vous ne seriez plus sortie. Ensuite, vous changez de version en expliquant que vous seriez déjà partie vivre le 21 mai 2022 chez votre grand-mère. De même, vous prétendez d’abord que votre famille se serait également installée à …, depuis le 21 juin 2022, mais vous vous rappelez par la suite qu’en fait, elle aurait déménagé avec vous chez votre grand-mère. Vous prétendez encore que les autorités n’auraient pas réagi face votre plaine, « Rien. Ils ont juste écrit et ils m’ont donné le document » (p. du rapport d’entretien). Vous n’auriez en outre pas demandé de protection à la police alors qu’il existerait des accords entre les policiers et les mareros. Le 19 juin 2022, vous auriez quitté votre pays d’origine en vous déplaçant d’abord en voiture à …, où vous auriez pris un avion à destination de l’Allemagne avec une escale au Mexique. Le 20 juin 2022, vous êtes arrivée en Allemagne et vous auriez par la suite pris un autre vol pour venir au Luxembourg. En cas de retour au S, vous craindriez de devoir vivre de façon cachée, étant donné « qu’on me cherche, qu’on me persécute » (p. 5 du rapport d’entretien). Vous dites que les « membres du gang » voudraient vous tuer pour avoir déposé plainte et parce que vous n’auriez pas répondu à leurs « demandes d’extorsion » (p. 5 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande, vous versez les pièces suivantes :

- Votre passeport salvadorien, émis le 23 mai 2022, que vous auriez récupéré le même jour à … et votre carte d’identité salvadorienne, émise le 18 mai 2021;

- La copie d’un « acta de denuncia » en langue espagnole, datée au 22 mai 2022, qui constituerait la plainte que vous auriez déposée.

2 2. Quant à l’application de la procédure accélérée Je tiens tout d’abord à vous informer que conformément à l’article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée alors qu’il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. » Tel qu’il ressort de l’analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s’avère que le point a) de l’article 27 se trouve être d’application pour les raisons étayées ci-après.

3. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Madame, avant tout autre développement en cause, il s’agit de soulever que des doutes doivent être formulés par rapport à la crédibilité de vos dires et des motifs vous ayant réellement poussée à venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

Ce constat doit en premier lieu être dressé au vu des incohérences ressortant de vos dires. Ainsi, il s’agit notamment de soulever qu’il ne fait pas de sens que vous prétendez d’un côté que vous auriez été intimidée dans votre taxi, respectivement, que vos extorqueurs vous auraient fait comprendre que vous devriez désormais payer 75 dollars hebdomadaires et qu’à défaut de ce faire vous seriez tuée, mais que vous ajoutez que « Si je n’étais pas d’accord, ils allaient m’attendre tous les lundis pour récupérer l’argent » (p. 5 du rapport d’entretien). En effet, une telle allégation doit être perçue comme étant dénuée de tout sens, alors que vous prétendez donc justement qu’en cas de refus de payer vous seriez tuée. Déclarer d’un côté que vous seriez tuée en cas de non-paiement, mais de l’autre côté, qu’un tel refus de payer aurait comme conséquence que vos extorqueurs vous attendraient tous les lundis pour récupérer l’argent, se résume en tout cas à des affirmations totalement contradictoires. De plus, vous commencez votre récit en expliquant que vous auriez été approchée par plusieurs « types », mais qu’au cours de ce récit, il devient clair que vous parlez en fait d’un seul individu, « le jeune », avec qui vous auriez eu à faire.

A cela s’ajoute qu’il n’est pas cohérent non plus que vous prétendez avoir pris le choix de quitter le …, le …, le jour où vous auriez déposé plainte. En effet, il ressort de votre passeport que celui-ci vous a été remis le 23 mai 2022, de sorte qu’il est donc établi que vous aviez demandé ce passeport bien avant cette date et que vous aviez partant planifié de quitter le … et de voyager à l’étranger bien avant ce prétendu dépôt de plainte et donc aussi sur base de motifs différents que ceux présentés aux autorités luxembourgeoises. Il est pareillement clair sur base d’une plainte qui daterait du 22 mai 2022 et de votre passeport émis le 23 mai 2022, que vous vous seriez du coup efforcé à faire part d’un récit, dans lequel vous tentez de façon manifestement pas convaincante ou plausible, de rendre chronologiquement compatibles l’émission de ce passeport avec vos prétendus problèmes et craintes.

3 Concernant cette plainte, ajoutons qu’il paraît d’autant plus établi que vous l’avez inventée de toutes pièces dans le seul but de pouvoir justifier votre départ du pays dans le cadre d’une demande de protection internationale, alors qu’il ne fait évidemment pas de sens non plus que vous soyez d’un côté d’avis que la police salvadorienne serait liée au maras, respectivement, qu’il existerait des accords entre la police et les mureras, mais de l’autre côté, que vous ayez jugé utile ou opportun de justement vous adresser à cette police pour dénoncer ces maras et la tentative d’extorsion subie, et ce, bien que des mareros vous l’auraient en plus expressément interdit et vous auraient mise en garde qu’ils s’en prendraient alors aussi aux membres de votre famille. Votre tentative de justification selon laquelle « Je devais le faire.

Comme je n’allais pas pouvoir leur donner 75 dollars hebdomadaires, ils allaient s’en prendre à moi ou à ma famille » (p. 7 du rapport d’entretien), ne permet en tout cas nullement de donner plus de sens ou de poids à vos dires. Bien au contraire, au vu de vos allégations précédentes concernant les prétendus accords entre la police et les maras, ainsi que le fait que votre famille serait justement visée dans le cas où vous iriez déposer plainte, votre explication précitée ne fait plus aucun sens.

Dans ce même contexte, il faut aussi soulever que vous prétendez donc d’abord qu’après avoir déposé plainte, vous seriez partie, par peur, vous installer chez votre grand-

mère où votre famille vous aurait rejointe en juin 2022. Vous affirmez toutefois par la suite que vous auriez déjà déménagé chez elle avant le dépôt de votre plainte, et que votre famille aurait déménagé avec vous le même jour. Vous prétendez d’ailleurs aussi au début de votre entretien que votre dernière adresse au … aurait été à …, tandis que vous développez donc par la suite la théorie que vous auriez en fait vécu pendant à peu près un mois à … avant de quitter le pays.

Hormis ces contradictions, il faudrait de toute façon aussi se demander, dans un cadre sécuritaire, à quoi bon de déménager d’une zone de … vers une banlieue de cette même ville, située à une dizaine de kilomètres de votre ancienne adresse.

De plus, il s’agit de soulever que vous vous contredisez ensuite quant à votre vécu chez votre grand-mère. En effet, alors que vous prétendez y avoir vécu de façon cachée jusqu’à votre départ du pays, il ressort toutefois aussi de vos dires, que déjà en date du 23 mai 2022, donc le lendemain de votre prétendue plainte, vous n’auriez déjà plus estimé nécessaire de vous cacher puisque vous vous seriez justement déplacée à nouveau vers …, pour y récupérer votre passeport.

Le constat que votre mère, votre sœur et votre frère continueraient d’ailleurs tous de vivre et même de travailler au …, sans que vous ne fassiez part d’un quelconque problème précis auxquels ils auraient été confrontés, confirme davantage que votre situation au … n’a pas été si grave que vous voulez le faire croire. Ce constat vaut d’autant plus que vous prétendez donc vous-même que tous les membres de votre famille seraient menacés à cause du prétendu dépôt de votre plainte et se seraient sentis obligés de s’installer chez votre grand-

mère à … .

Force est de constater que les constats tirés ci-dessus ne sauraient pas être ébranlés par le seul versement d’une copie en langue espagnole d’un document qui serait censé constituer une plainte. En effet, à part ladite coïncidence flagrante entre la date de cette prétendue plainte et la date d’émission de votre passeport, il s’agit de constater que vous êtes restée en défaut de verser une traduction de ce document dans une des trois langues prévues par la Loi de 2015, à savoir l’allemand, le français ou l’anglais, de sorte qu’il ne saurait de toute façon pas être pris en compte. Quand bien même ce document serait pris en compte, il 4 s’agirait d’ajouter qu’une simple copie ne possède aucune force probante.

Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, ce qui reste contesté, et que vous auriez effectivement quitté le … parce que vous auriez craint de vous trouver dans le collimateur de mareros, aucune suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait être envisagée sur base des motifs étayés ci-dessous.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Madame, force est en premier lieu de constater que vos prétendus problèmes rencontrés au … et vos prétendues craintes en découlant ne rentrent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée sur base d’un des cinq critères précités. En effet, en se basant sur votre récit, vous auriez été visée par un ou plusieurs membres d’une mara qui auraient compris que vous vous feriez de l’argent en tant que … et auraient du coup décidé de vous extorquer. Les prétendues violences subies, pour autant qu’elles soient avérées, seraient donc à qualifier d’infractions de droit commun, commises par des personnes privées, relevant du ressort des autorités du … et punissables en vertu de la législation salvadorienne, notamment les articles 154, 155 et 214 du code pénal salvadorien.

Quand bien même vos problèmes et craintes seraient à percevoir comme étant liés à la Convention de Genève et la Loi de 2015, quod non, toujours est-il qu’il s’agirait alors de remarquer qu’une seule menace d’extorsion subie n’équivaut au vu de son manque de gravité, manifestement pas à un acte de persécution, tel que prévu par les textes précités. En effet, hormis cette menace unique de mai 2022, force est de constater qu’il ne vous serait jamais rien arrivé au …, de sorte qu’en cas d’un retour au … vos prétendues craintes liées à votre sécurité doivent être perçues comme étant totalement hypothétiques ou infondées. Ce dernier constat vaut d’autant plus que, comme susmentionné, votre mère, votre sœur et votre frère vivraient eux toujours au …, tout en travaillant et sans que vous ne fassiez état d’un quelconque 5 problème. Madame, vous-même auriez d’ailleurs encore vécu pendant un mois à … dans la banlieue de …, sans faire état d’un problème quelconque et tout en vous déplaçant à …, après avoir prétendument refusé en mai 2021, de payer vos extorqueurs de manière hebdomadaire.

Quand bien même la gravité de votre situation serait établie et vos prétendues craintes d’être visée par des mareros fondées, ce qui reste contesté, s’agissant alors d’actes qui auraient été perpétrés ou qui seraient perpétrés par des personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d’origine. Or, tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, alors qu’il ressort uniquement de vos dires, Madame, qu’après avoir déposé plainte, vous auriez décidé de vous cacher chez votre grand-mère, avant de quitter le pays. Il n’est par conséquent nullement établi que les autorités salvadoriennes n’auraient pas pu ou pas voulu vous aider ou vous offrir une protection, respectivement, qu’elles n’auraient pas déjà entretemps arrêté vos prétendus extorqueurs.

Il n’est en tout cas nullement établi que vous n’auriez pas pu compter sur l’aide des autorités salvadoriennes, respectivement que celles-ci n’auraient pas pu ou voulu vous aider face à des membres de maras. Bien au contraire, il ressort des recherches effectuées que les autorités salvadoriennes ne restent manifestement pas inactives face aux agissements de groupes armés, et en premier lieu du MS 13 et du …, surtout depuis l’arrivée au pouvoir du président BEKELE en 2019 et sa déclaration de guerre aux gangs, largement soutenue par le peuple salvadorien. Ce constat vaut aussi pour ce qui est de votre région de … où les autorités salvadoriennes ont encore récemment arrêté plusieurs membres de gangs criminels.

Notons à cet égard que « Bukele declared his war on gangs after the murder rate hit a record high in March, (…). His government announced a 30-day state of emergency in March suspending some constitutional rights, a measure which has since been extended five times.

Critics say it allows an overly broad dragnet that denies detainees a fair legal process. Bukele, who has high popularity ratings, says the crackdown is working and that major gang leaders have been arrested. During July, no homicides were registered in the country for six consecutive days, he said ».

De même, notons qu’encore tout récemment: « Im Kampf gegen die Bandenkriminalität in El … haben rund 10.000 Soldaten und Polizisten die Großstadt Soyapango nahe der Hauptstadt San … umstellt. Die Stadt sei "vollständig umzingelt", gab Präsident Nayib Bukele am Samstag auf Twitter bekannt. Mit Sturmgewehren bewaffnete Soldaten und Polizisten fahndeten in der Stadt nach Bandenmitgliedern. Militärfahrzeuge und Polizeiautos fuhren durch die Straßen, auch Drohnen waren im Einsatz. Bukele hatte Ende März den Ausnahmezustand verhängt, nachdem in dem zentralamerikanischen Land binnen drei Tagen 87 Menschen ermordet worden waren. Im November kündigte er an, künftig ganze Städte abriegeln zu lassen, damit Soldaten und Polizisten von Haus zu Haus gehen und nach Bandenmitgliedern suchen können. Soyapango war nun die erste Stadt, in der ein solcher Großeinsatz stattfand.

Soyapango ist eine der größten Städte in … und gilt wegen der Bandenkriminalität schon seit langem als unsicher. Vor einigen Monaten begannen die Behörden damit, die Graffiti zu entfernen, mit denen die Banden ihre Gebiete markieren. Laut Bürgermeister Nercy Montano wurde mit den bisherigen Maßnahmen schon "eine enorme Verbesserung" der Sicherheitslage erreicht. Seit der Verhängung des Ausnahmezustands wurden in … bereits 6 mehr als 58.000 mutmaßliche Bandenmitglieder festgenommen. Das Parlament hat den Ausnahmezustand schon mehrfach verlängert, zuletzt bis Mitte Dezember.

Menschenrechtsorganisationen kritisieren den Ausnahmezustand, der unter anderem Inhaftierungen ohne Richterbeschluss ermöglicht, als drastische Einschränkung von Grundrechten ».

Madame, au vu de tout ce qui précède et surtout du manqué de crédibilité retenu, il ne saurait clairement pas être exclu que des motifs économiques ou de convenance personnelle sous-tendraient en fait votre demande de protection internationale, constat conforté par le fait qu’on peut évidemment attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et qui aurait vraiment besoin d’une protection, qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais.

Il ressort toutefois de vos dires que vous n’auriez à aucun moment tenté de vous enfuir de votre pays et de rechercher une protection dans un autre pays de votre région, tout en ayant préféré attendre l’émission de votre passeport et surtout un vol vous permettant de voyager quelques 9500 kilomètres à destination de l’Allemagne, à nouveau sans y rechercher une forme quelconque de protection, avant de finalement venir au Luxembourg pour introduire votre demande de protection internationale. Il n’est dès lors clairement pas exclu que des motifs économiques ou de convenance personnelle expliquent votre arrivée au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir de bonnes prestations sociales ou matérielles, respectivement un cadre de vie plus élevé, voire, des salaires plus élevés, contrairement, en apparence, à votre vie au … ou à celle en Allemagne, ou tout autre pays que vous ayez pu visiter ou dans lequel vous seriez passée avant de rejoindre le Luxembourg. Ce dernier constat vaut d’autant plus qu’on peut pour le surplus estimer qu’après la mort de votre père en septembre 2021, selon vous à cause du Covid-19, le principal pourvoyeur de votre famille n’aurait plus été là, de sorte que votre situation financière serait devenue plus précaire.

Ajoutons pour être complet à ce sujet que votre tentative d’explication selon laquelle vous n’auriez pas recherché de protection internationale en Allemagne « Parce que sur base de tout ce qui m’est arrivé, j’avais déjà choisi le Luxembourg » (p. 4 du rapport d’entretien) et « l’Allemagne était trop connue, comme le Mexique ou l’Espagne (…) » (p. 5 du rapport d’entretien), ne permet manifestement pas de réfuter ces conclusions, bien au contraire.

Quoi qu’il en soit, des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne rentrent aucunement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection pour toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 7 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes évidents relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au …, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vous personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Votre seule allégation selon laquelle vous craindriez de vous trouver dans le collimateur de mareros, ne permet en tout cas pas de se départir de ce constat, respectivement, doit être perçue comme étant totalement hypothétique ou infondée. A cela s’ajoute qu’une protection contre les agissements des maras vous serait offerte au ….

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme manifestement non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34(2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du …, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 février 2023, Madame … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 17 janvier 2023 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

En application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, le juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, a, par jugement rendu en date du 27 février 2023, portant le numéro 48497 du rôle, déclaré le recours, pris en son triple volet, recevable en la forme et a jugé que le recours dirigé contre ladécision ministérielle du 17 janvier 2023 de statuer sur la demande de protection internationale de Madame … dans le cadre d’une procédure accélérée n’était pas manifestement infondé, tout en renvoyant l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur le recours en question.

A titre liminaire, le tribunal tient à relever que tout jugement non susceptible d’appel est frappé de l’autorité de chose jugée et que cette dernière s’attache tant au dispositif d’un jugement, qu’aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. Par contre, les considérations qui ne sont pas nécessaires à la solution - les obiter dicta - ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée1.

Il convient ensuite de constater qu’il résulte des enseignements de la Cour administrative que : « La Cour estime qu’il se dégage de la systémique instituée par l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2, de la loi du 18 décembre 2015 que l’autorité de chose jugée attachée au jugement rendu dans une première phase par le juge unique vise sa seule appréciation quant au caractère manifestement infondé ou non du recours introduit par le demandeur de protection internationale. Il est évident qu’en cas d’un débouté de pareille demande, le juge unique doit rejeter tous les moyens présentés par le demandeur. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant la formation collégiale qui elle est appelée à statuer sur le fond du litige et non plus à refaire une nouvelle fois l’appréciation quant à la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée, cet examen étant épuisé par le jugement rendu par le juge unique. » 2.

Il s’ensuit que le tribunal n’examinera plus la question de savoir si c’était à bon droit que le ministre a statué sur la demande de protection internationale de Madame … dans le cadre d’une procédure accélérée et limitera par conséquent son analyse au fond du litige, à savoir le rejet de sa demande de protection internationale dans son double volet, ainsi que l’ordre de quitter le territoire.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui des trois volets de son recours et en fait, la demanderesse explique avoir déposé une demande de protection internationale en date du 22 juin 2022 au Grand-Duché de Luxembourg après avoir fui son pays d’origine, le …, le 19 juin 2022, suite aux risques qu’elle y aurait encouru pour sa vie et son intégrité physique et psychique. Lors de son entretien au ministère en date du 29 novembre 2022, elle aurait répondu aux questions qui lui auraient été posées afin d’exposer les raisons l’ayant poussée à quitter son pays et à solliciter une protection internationale au Grand-Duché, à savoir qu’elle aurait fait l’objet d’extorsion et de menaces de mort de la part des « Maras », qui seraient des gangs armés impliqués dans le trafic de stupéfiants, le proxénétisme et « toute autre forme d’activité particulièrement dangereuse et illicite ». Elle aurait, de ce fait, déposé une plainte le 22 mai 2022 au commissariat de sa ville de résidence, …, mais n’aurait fait l’objet d’aucune protection.

En droit, après avoir pris position sur les éléments de crédibilité remis en cause par le ministre et après avoir cité l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, la demanderesse soutient 1 Voir M. Leroy, Contentieux administratif, 4e éd., Bruylant, p.759.

2 Cour adm., 11 février 2020, n° 43796C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu. qu’elle remplirait les trois conditions pour se voir attribuer le statut de réfugié : (i) elle appartiendrait à un groupe social en sa qualité de …, (ii) les actes subis, à savoir les menaces de mort de la part du gang des « Maras » seraient suffisamment graves au sens de l’article 42 (1) de la même loi et (iii) ces actes seraient commis par des personnes qualifiées au sens de l’article 39 de la prédite loi. Concernant le refus de lui octroyer une protection subsidiaire, elle fait valoir qu’au regard de ces circonstances et de ses déclarations, elle encourrait de sérieux risques de subir des atteintes graves à son intégrité physique et à sa vie, tout en reprochant au ministre de ne pas avoir vérifié l’existence d’un tel risque dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens. En ce qui concerne les éléments liés à la crédibilité du récit de la demanderesse, il renvoie uniquement à la motivation de la décision ministérielle, en ajoutant que le constat y réalisé suivant lequel son récit ne serait pas crédible ne serait ébranlé ni par les allégations de la demanderesse dans son recours ni par la traduction française de la plainte déposée le 22 mai 2022 au commissariat de …, avant de reprendre essentiellement les développements de la décision ministérielle déférée.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder uneprotection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant à l’octroi de la protection subsidiaire, celle-ci est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2 g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions et les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité du récit de la demanderesse et de la qualification et de la gravité des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, le tribunal constate qu’après la tentative d’extorsion subie par Madame … le 21 mai 2022, celle-ci a porté plainte auprès des autorités salvadoriennes en date du 22 mai 2022 et a décidé de quitter son pays d’origine le même jour.

Dans la mesure où les auteurs de la tentative d’extorsion, à savoir des membres d’un gang, sont sans lien avec l’Etat salvadorien, lesdites personnes ne sont susceptibles d’être qualifiées d’auteurs de persécutions ou d’atteintes graves que si les autorités salvadoriennes ne sont pas capables, respectivement disposées à protéger la demanderesse, étant rappelé, dans ce cadre, qu’une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection. La disponibilité d’une protection nationale exige, par conséquent, un examen del’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves. Cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

Il faut relever, à cet égard, que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

En l’espèce, la demanderesse a déposé plainte le 22 mai 2022 auprès du commissariat de police de sa ville de résidence, autorisant par ce biais « le Procureur Général de la République à la Police Nationale Civile, à exercer l’action pénale contre les individus de MARA SALVATRUCHA ».

Or, étant donné (i) que la demanderesse ne prend aucunement position dans sa requête introductive d’instance sur la disponibilité, l’effectivité, l’accessibilité et l’adéquation de la protection nationale dans son pays d’origine et qu’elle n’invoque aucune défaillance dans la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine de persécutions ou d’atteintes graves, et (ii) qu’il ressort, au contraire, de la plainte versée par elle que les policiers ont enregistré ses doléances et que le procureur général a été autorisé à poursuivre pénalement les concernés, le tribunal est amené à constater que la demanderesse a pu avoir accès à une protection dans son pays d’origine.

A cela s’ajoute qu’il se dégage des développements de la partie étatique, pièces internationales à l’appui, que les autorités salvadoriennes ne restent pas inactives face aux agissements des groupes armés MS-13 et Barrio 18 et qu’elles ont notamment procédé, dans la région d’origine de la demanderesse, à l’arrestation de plusieurs membres de gangs criminels.

Au vu de ce qui précède, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que la demanderesse risquerait, en ce qui concerne les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, d’être confrontée à un problème de fonctionnement défectueux de la police salvadorienne empêchant la poursuite des auteurs des faits subis et de ceux dont elle craint la réalisation, de sorte qu’il ne peut être retenu en l’espèce qu’il lui serait impossible de compter sur l’aide des autorités étatiques salvadoriennes.

Au vu de ces considérations, le tribunal est amené à conclure que l’une des conditions de l’octroi d’une protection internationale, à savoir la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire ayant trait à la preuve du défaut de protection des autorités du pays d’origine, n’est pas valablement remplie, de sorte que Madame … ne saurait bénéficier ni du statut de réfugié ni de la protection subsidiaire.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention d’une protection internationale présentée par la demanderesse comme étant non justifiée, de sorte que le recours introduit par Madame … est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire La demanderesse sollicite la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision ministérielle lui refusant l’octroi d’une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Or, le tribunal vient de retenir ci-avant que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à la protection internationale et qu’elle ne risque, ainsi, pas de subir des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour au …, de sorte que le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’un quelconque autre moyen, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire n’ont été utilement contestés, de sorte que le recours en réformation dirigé à l’encontre de cette décision est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi par jugement du 27 février 2023, inscrit sous le numéro 48497 du rôle, rendu par le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif ;

vidant ledit jugement du 27 février 2023 ;

déclare non justifié le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 janvier 2023 portant refus d’une protection internationale ;

déboute la demanderesse de sa demande de protection internationale ;

déclare non justifié le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président Alexandra Bochet, premier juge, Annemarie Theis, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 30 août 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48497a
Date de la décision : 30/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-30;48497a ?

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