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30/08/2023 | LUXEMBOURG | N°46858

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 août 2023, 46858


Tribunal administratif N°46858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46858 2e chambre Inscrit le 4 janvier 2022 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre une délibération du conseil communal de Bertrange, en matière de règlementation de la circulation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46858 du rôle et déposée le 4 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Selena Corzo, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) M

adame …, demeurant à L-…, 2) Monsieur … et Madame …, demeurant ensemble à L-…, 3) ...

Tribunal administratif N°46858 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46858 2e chambre Inscrit le 4 janvier 2022 Audience publique de vacation du 30 août 2023 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre une délibération du conseil communal de Bertrange, en matière de règlementation de la circulation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46858 du rôle et déposée le 4 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Selena Corzo, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Madame …, demeurant à L-…, 2) Monsieur … et Madame …, demeurant ensemble à L-…, 3) Madame …, sous tutelle, représentée par son administrateur légal, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, 4) Madame …, demeurant à L-…, 5) Monsieur …, demeurant à L-… et 6) Monsieur … et Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une délibération du conseil communal de Bertrange du 4 octobre 2021 portant modification du règlement de circulation modifié de la commune de Bertrange du 9 octobre 2014, approuvée par le ministre de la Mobilité et des Travaux publics en date du 13 octobre 2021 et par le ministre de l’Intérieur en date du 22 octobre 2021 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilles Hoffmann, demeurant à Luxembourg, du 11 janvier 2022 portant signification de ladite requête à l’administration communale de Bertrange, établie à L-8058 Bertrange, 2, beim Schlass, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2022 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2022 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Bertrange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 avril 2022 par Maître Albert Rodesch au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2022 par Maître Steve Helminger au nom de l’administration communale de Bertrange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2022 par Maître Selena Corzo au nom des requérants, préqualifiés ;

1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 mai 2022 par Maître Steve Helminger au nom de l’administration communale de Bertrange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 juin 2022 par Maître Albert Rodesch au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mélanie Schmitt, en remplacement de Maître Selena Corzo et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 juin 2023, Maître Albert Rodesch s’étant excusé.

___________________________________________________________________________

Il est constant en cause que Madame …, Monsieur … et Madame …, Madame …, Madame …, Monsieur …, ainsi que Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les parties demanderesses », sont chacun propriétaires d’une maison située dans la rue … à ….

Il se dégage ensuite des explications des parties demanderesses, non énervées sur ce point, que fin novembre 2021, elles ont constaté que des panneaux de signalisation temporaires interdisant le stationnement de véhicules du 26 novembre 2021 au 1er janvier 2022 avaient été installés par la commune de Bertrange, ci-après désignée par « la commune », à la fin de la rue … des deux côtés de l’aire de rebroussement s’y trouvant. Elles se sont ensuite renseignées auprès de la commune au sujet de la décision à la base de cette interdiction et il s’est alors avéré que lors de sa séance publique du 4 octobre 2021, le conseil communal de Bertrange avait notamment approuvé, sous le point 28B de son ordre du jour, intitulé « Modification au règlement de circulation de la Commune de Bertrange : approbation », une modification du règlement de circulation modifié du 9 octobre 2014 de la commune, ci-après désigné par « le règlement de circulation », dans le sens de l’interdiction de tout stationnement « sur l’aire de rebroussement à la fin de la rue [de …], des deux côtés ». Il est encore constant en cause que ladite délibération a été approuvée tant par le ministre de la Mobilité et des Travaux publics que par le ministre de l’Intérieur le 13, respectivement 30 octobre 2021.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2022, les parties demanderesses ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la délibération du conseil communal de Bertrange du 4 octobre 2021 en ce qu’elle porte modification du règlement de circulation dans le sens de l’interdiction de tout stationnement sur l’aire de rebroussement se trouvant à la fin de la rue … et ce des deux côtés.

Quant à l’admissibilité des mémoires en réponse et en duplique de l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de l’admissibilité des écrits contentieux déposés au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et ce, sur la toile de fond qu’aucune décision émanant de l’Etat n’a été entreprise à travers le recours sous analyse.

Aux termes de l’article 5, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi 2du 21 juin 1999 », « Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive d’instance ».

Il résulte des dispositions qui précèdent que la faculté de fournir un mémoire en réponse est réservée aux seuls défendeurs et tiers intéressés.

Si certes, la délibération du conseil communal de Bertrange du 4 octobre 2021 a été approuvée tant par le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, le 13 octobre 2021, que par le ministre de l’Intérieur, le 30 octobre 2021, et que ces deux actes d’approbation auraient pu être déférés au tribunal, il n’en reste pas moins que le recours sous analyse est dirigé contre la seule décision de l’autorité soumise à tutelle, en l’occurrence la délibération du conseil communal, prévisée, et non pas contre les décisions tutélaires d’approbation.

Il s’ensuit que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, contrairement à ce qui est indiqué dans ses écrits, n’est pas « partie défenderesse aux termes » du présent recours, ni partie au litige et que dans cette mesure, il ne saurait être admis à fournir des mémoires dans le cadre de la procédure contentieuse sous analyse.

Les mémoires en réponse et en duplique fournis au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg sont dès lors à déclarer inadmissibles et à écarter des débats.

Quant à la compétence du tribunal Dans la mesure où les parties demanderesses semblent contester l’irrecevabilité de leur recours principal en réformation, telle que leur opposée par la commune au motif que la délibération du conseil communal entreprise serait à qualifier d’acte à caractère réglementaire non susceptible d’un recours au fond, il convient tout d’abord de qualifier cette délibération et plus particulièrement de déterminer s’il s’agit d’un acte à caractère réglementaire au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 ».

Il y a, à cet égard, lieu de relever que tandis que l’acte administratif individuel est une décision prise sur la base des lois et règlements réglant une situation déterminée et dont l’effet est rigoureusement restreint à la situation individuelle à laquelle elle se rapporte, l’acte règlementaire est un acte normatif à portée générale et impersonnelle applicable, actuellement et à l’avenir, aux catégories de personnes y visées et non pas à des personnes individualisées1.

Or, dans la mesure où la délibération du conseil communal telle que déférée au tribunal portant modification du règlement de circulation contient des normes générales et impersonnelles qui s’appliquent à un nombre indéterminé de personnes, elle doit s’analyser en un acte à caractère réglementaire.

Etant donné que conformément à l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère 1 Fernand Schockweiler, Le contentieux administrative et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, p. 31, numéros 52 et 53.

3réglementaire, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Il est toutefois compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation.

Quant à la recevabilité du recours subsidiaire en annulation Arguments des parties La commune conclut à l’irrecevabilité du recours sous analyse en déniant aux parties demanderesses tout intérêt à agir et ce, au motif que la délibération litigieuse, en ce qu’elle ne viserait qu’à assurer que les services de la commune ainsi que les services de secours puissent « accéder à l’impasse », devrait être regardée comme ayant été prise dans leur intérêt, ce d’autant plus qu’en cas de problème d’accès à ladite impasse par les services de secours, les habitants de la rue … seraient les premiers à le dénoncer et à se plaindre auprès de la commune.

Dans son mémoire en duplique, la commune insiste sur le fait que ce serait à tort que les parties demanderesses ne sauraient se prévaloir d’un prétendu « droit à stationner » pour justifier leur intérêt à agir, tout en donnant à considérer qu’un tel droit ne saurait être reconnu dans leur chef du seul fait qu’elles résident dans la rue en cause. A titre superfétatoire, la commune se réfère à l’article 5, paragraphe (3), alinéa 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques pour insister sur le fait qu’aux termes de cette disposition, les communes seraient habilitées à réglementer le stationnement et le parcage « dans l’intérêt de la sécurité et de la commodité des usagers de la route ». Or, en l’espèce, il ne faudrait pas perdre de vue que la commune n’aurait pas interdit le stationnement dans toute la rue de … mais seulement à l’endroit de l’espace de rebroussement lequel aurait été installé afin de permettre le rebroussement au bout du cul de sac et ce afin de répondre à des considérations de sécurité publique.

Les parties demanderesses concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, « (1) Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent. (2) Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain. […] ».

Un demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général pour pouvoir introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire. Par ailleurs, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère règlementaire, il ne suffit pas qu’un demandeur fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre l’acte querellé et sa situation personnelle. Finalement, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, d’un intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à 4caractère règlementaire soit déclaré recevable2. Ainsi, le recours contentieux contre un acte administratif à caractère règlementaire n’est recevable que si l’annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au demandeur en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s’en trouver améliorée.

Il y a encore lieu de relever que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés3.

Dans la mesure où les parties demanderesses ont toutes la qualité non contestée de riverains de la rue … et que la délibération du conseil communal vise à interdire tout stationnement dans une partie de cette rue où il n’était, de manière non contestée, jusqu’à la modification litigieuse du règlement de circulation pas interdit de stationner, il doit être admis qu’il existe un lien suffisamment étroit entre la décision déférée et leur situation personnelle, laquelle se trouve affectée par ladite décision de sorte qu’elles ont un intérêt à faire contrôler la légalité de celle-ci et ce, indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués à l’encontre de la délibération en question, cette appréciation relevant de l’analyse au fond.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours subsidiaire en annulation est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Arguments des parties A l’appui de leur recours, les parties demanderesses invoquent des moyens tenant tant à la légalité externe qu’interne de l’acte attaqué, à savoir :

(i) un défaut de motivation suffisante de la délibération du conseil communal ;

(ii) la violation de l’article 82 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle que modifiée, ci-après désignée par « la loi communale », faute pour la délibération du conseil communal déférée d’avoir fait l’objet d’une publication ;

(iii) un excès de pouvoir au motif que l’interdiction de tout stationnement décidée par le conseil communal serait disproportionnée.

(i) Quant au moyen tenant à un défaut de motivation suffisante de la délibération du conseil communal Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les parties demanderesses reprochent à la délibération litigieuse de ne comporter aucune précision quant aux motifs ayant amené le conseil communal à interdire tout stationnement au niveau de l’aire de rebroussement se situant dans la rue …, de sorte qu’elles ignoreraient la motivation à la base de cette décision, ce qui serait d’autant plus 2 Trib. adm., 15 mai 2002, n° 14420 du rôle, confirmé par Cour adm., 22 janvier 2004, n° 16628C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 39 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. prés., 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y visées.

5critiquable que depuis la création de la rue dans les années 1980, le stationnement y aurait toujours été autorisé des deux côtés.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses maintiennent le moyen sous analyse en insistant sur le fait que les motifs ayant amené le conseil communal à prendre la décision litigieuse ne seraient aucunement prouvés « et ce, ni a fortiori, ni a posteriori de l’adoption de la Décision, et encore moins à l’occasion de la présente procédure ».

La commune conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs à la base d’actes administratifs à caractère réglementaire, ces derniers doivent tout de même reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel4.

Dans ce contexte, il convient encore de souligner que les motifs à la base de l’acte réglementaire sur lesquels portera l’examen du tribunal, sont ceux se dégageant de l’acte même, ensemble les motifs exposés par la commune dans le cadre de la présente procédure contentieuse, étant relevé qu’il est permis que l’autorité administrative produise même pour la première fois au cours de la phase contentieuse, les motifs se trouvant à la base de l’acte réglementaire, à condition que ces motifs aient existé au moment de l’adoption du règlement en question5.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier et notamment des explications fournies par la commune que le conseil communal a pris la décision d’interdire tout stationnement sur l’aire de rebroussement à la fin de la rue …, et ce des deux côtés, dans le but de résoudre un problème d’accès à l’impasse située dans la rue …, notamment par le camion à ordures du …, ci-après désigné par « … », problème qui aurait mis en lumière une problématique plus large en ce sens que tout autre camion, et donc également celui des services de secours en cas d’incendie, risquerait de rencontrer des problèmes d’accès. Elle a encore précisé que la rue … ne serait pas la seule concernée mais que la rue … connaîtrait le même problème, de sorte que la commune aurait décidé de réglementer deux situations exactement identiques et susceptibles de causer les mêmes problèmes de la même façon. Cette motivation se trouve confortée par le contenu de l’extrait du registre aux délibérations du collège échevinal de la commune de Bertrange du 13 janvier 2021 dont il se dégage que ce serait « suite à la réclamation de la part du syndicat … au sujet des problèmes de circulation dans la rue … pour les camions à ordures, notamment en ce qui concerne l’aire de retournement dans l’impasse » que ledit organe a décidé de prévoir une interdiction de stationnement au niveau de l’aire de retournement, le collège échevinal ayant pris le soin de préciser à cette même occasion que « la même réglementation [était] à prévoir dans la rue … ».

Au vu des considérations qui précèdent, et indépendamment de la question du bien-

fondé de la motivation avancée par le conseil communal, le tribunal est amené à retenir que 4 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 34 et les autres références y citées.

5 Idem.

6celle-ci est suffisante pour permettre aux parties demanderesses de défendre leurs intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, de sorte que le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée encourt le rejet.

(ii) Quant à la violation de l’article 82 de la loi communale Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les parties demanderesses, après avoir cité les termes de l’article 82 de la loi communale, font valoir qu’en l’espèce, elles ignoreraient si la décision litigieuse a fait ou non l’objet d’une publication par voie d’affichage à la maison communale. Une consultation au Mémorial, ainsi qu’au « Reider » de la commune aurait, au contraire, révélé qu’aucune publication n’aurait eu lieu. Elles insistent, à cet égard, sur le fait que ce ne serait que du fait de l’installation, en novembre 2021, de panneaux temporaires portant interdiction de stationner dans l’aire de rebroussement de la rue de … qu’elles auraient découvert l’existence d’une telle interdiction. Elles ajoutent qu’il serait, par ailleurs, étrange de voir qu’il ressortirait de la copie transmise par la commune que la décision adoptée le 4 octobre 2021 par le conseil communal aurait fait l’objet d’une publication et d’un affichage à compter du 29 août 2021, soit plus d’un mois avant que la délibération en question n’ait été adoptée par le conseil communal.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses, après avoir relevé que (a) la délibération du 4 octobre 2021 mentionnerait la date du 29 août 2021 comme date de publication et d’affichage, b) un bulletin de la commune daté de juillet 2021 ferait référence à la modification du règlement de circulation pourtant seulement adoptée le 4 octobre 2021, c) des panneaux d’interdiction de stationner auraient été installés dans la rue … dès novembre 2021, d) une nouvelle publication de la délibération litigieuse aurait eu lieu le 19 janvier 2022, et enfin e) la délibération telle qu’approuvée par les ministres compétents aurait été publiée au Mémorial le 9 février 2022, font valoir qu’il serait impossible qu’un simple justiciable se retrouve « dans un tel chaos au niveau des dates mentionnées dans les diverses publications/affichages effectués » par la commune. Ce constat s’imposerait d’autant plus que suivant l’article 82 de la loi communale un « règlement du collège échevinal » deviendrait obligatoire trois jours après sa publication par voie d’affiche à la commune. Comme en l’espèce, la délibération du 4 octobre 2021 n’aurait été valablement affichée par la commune que le 19 janvier 2022, la décision portant modification du règlement de circulation ne serait devenue obligatoire qu’à compter du 22 janvier 2022. Etant donné toutefois que la décision d’interdiction de stationnement aurait été appliquée par la commune dès novembre 2021 par la mise en place de panneaux afférents, il devrait être admis que la commune aurait violé la loi en rendant la délibération obligatoire à leur égard sans qu’il n’y ait eu une publication conforme aux dispositions de l’article 82 de la loi communale. Elles ajoutent que la commune ne saurait valablement plaider la thèse d’une erreur matérielle s’agissant de la date de publication et d’affichage du 29 août 2021 mentionnée sur la délibération du 4 octobre 2021 et ce, eu égard au fait que le bulletin de la commune relatif au mois de juillet 2021 ferait d’ores et déjà état de la délibération du 4 octobre 2021.

Au vu des considérations qui précèdent, il y aurait lieu d’annuler la délibération entreprise pour violation, sinon mauvaise application de la loi.

La commune conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

7 Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 82 de la loi communale, dans sa version applicable au présent litige « Les règlements du conseil ou du collège des bourgmestre et échevins sont publiés par voie d’affiche.

Les affiches mentionnent l’objet du règlement, la date de la décision par laquelle il a été établi et, le cas échéant, de son approbation par l’autorité supérieure.

Le texte du règlement est à la disposition du public, à la maison communale, où il peut en être pris copie sans déplacement, le cas échéant contre remboursement.

Les règlements deviennent obligatoires trois jours après leur publication par voie d’affiche dans la commune, sauf si le règlement en dispose autrement.

Une copie du règlement est envoyée au ministre de l’Intérieur et au commissaire de district, avec un certificat du bourgmestre constatant la publication et l’affiche. Mention du règlement et de sa publication dans la commune est faite au Mémorial et soit dans au moins deux quotidiens publiés et imprimés dans le Grand-Duché de Luxembourg soit dans un bulletin communal distribué périodiquement à tous les ménages. ».

A titre liminaire, le tribunal relève qu’il se dégage des pièces versées par les parties demanderesses qu’un certificat de publication portant la date du 29 août 2021 renseigne effectivement que « la délibération du conseil communal du 04.10.2021 portant approbation de la modification du règlement de circulation de la Commune de Bertrange, approuvée par le Ministère de la Mobilité le 13.10.2021 et par le Ministère de l’Intérieur le 22.10.2021 n°322/21/CR, a été publiée et affichée à partir de ce jour ». Il n’en reste pas moins qu’au vu des dates non contestées de la séance publique lors de laquelle le conseil communal a pris la délibération litigieuse, à savoir celle du 4 octobre 2021, de même que des dates non contestées auxquelles celle-ci a été approuvée par les ministres compétents, en l’occurrence les 13, respectivement 30 octobre 2021, il est évident que la mention figurant sur le certificat de publication en question est le résultat d’une erreur matérielle laquelle a d’ailleurs été régularisée par un nouveau certificat de publication daté du 19 janvier 2022 dont il se dégage que la délibération litigieuse a été publiée et affichée à compter de ce même jour. Il s’ensuit que, de ce point de vue, aucune violation de l’article 82 de la loi communale ne saurait être retenue, un affichage conforme à cette disposition ayant bien eu lieu.

Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit également de relever qu’encore qu’à la première page du bulletin de la commune versé en cause par celle-ci il soit indiqué « 07/21 », sans qu’il ne soit précisé à suffisance qu’il s’agit du bulletin du mois de juillet 2021 ou tout simplement du bulletin numéro 7 de l’année 2021, il n’en reste pas moins que ledit bulletin contient de manière non équivoque le procès-verbal de la réunion du conseil communal du 4 octobre 2021 qui s’est tenue ce jour-là à 8.30 heures et à l’ordre du jour duquel figurait au point 28 la « Révision du règlement de circulation de la Commune de Bertrange » et au point 28B la « Modification au règlement de circulation de la Commune de Bertrange : approbation », étant encore relevé qu’il se dégage du même procès-verbal que le point 28B, dont il n’est pas contesté qu’il concernait la modification du règlement de circulation actuellement litigieuse, a été adopté à l’unanimité par le conseil communal.

8Il convient ensuite de constater que si suivant l’article 82 de la loi communale, les règlements ne deviennent obligatoires que trois jours après leur publication par voie d’affiche dans la commune, sauf si le règlement en dispose autrement, et si, de manière non contestée la modification du règlement de circulation décidée par le conseil communal lors de sa séance du 4 octobre 2021 et approuvée par les ministres compétents en date des 13, respectivement 30 octobre 2021, n’a été affichée que le 19 janvier 2022, tandis que des panneaux annonçant l’interdiction de stationnement litigieuse ont été installés dès novembre 2021, cet état de fait ne rend pas pour autant la délibération litigieuse illégale et ne saurait a fortiori entraîner son annulation, mais a eu pour seule conséquence que la modification ainsi décidée n’a pu produire ses effets à l’égard des tiers que trois jours après sa publication. Le tribunal relève, dans ce contexte, encore que les parties demanderesses restent, en tout état de cause, en défaut de démontrer dans quelle mesure la situation telle que dénoncée par elles et décrite comme « un chaos au niveau des dates mentionnées dans les diverses publications/affichages effectués » par la commune, leur aurait concrètement causé un préjudice au regard de leurs droits de la défense.

Au vu des considérations qui précèdent le moyen tiré d’une violation, sinon d’une mauvaise application de l’article 82 de la loi communale est à rejeter pour ne pas être fondé.

(iii) Quant au moyen tenant à un excès de pouvoir dans le chef du conseil communal Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les parties demanderesses font valoir que la décision d’interdire tout stationnement dans l’aire de rebroussement de la rue … serait disproportionnée étant donné que depuis sa création dans les années 1980, le stationnement des deux côtés de la rue en question aurait toujours été autorisé. Elles soulignent qu’il s’agirait d’une ruelle résidentielle sans issue avec très peu de passage et considèrent qu’une mesure moins radicale aurait dû être adoptée, telle notamment une interdiction de stationner du côté pair de la rue la première quinzaine du mois et du côté impair la seconde quinzaine du mois. Les parties demanderesses reprochent encore un manque de cohérence au conseil communal en soutenant que la configuration dans la rue … ne serait pas unique dans la commune mais que les rues voisines, dont la rue …, présenteraient la même configuration à savoir une rue sans issue avec une aire de rebroussement à la fin de celle-ci. Or, elles affirment que l’aire de rebroussement à la fin de la rue … n’aurait fait l’objet d’aucune interdiction de stationnement.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses renvoient à leurs développements antérieurs pour contester l’existence d’une quelconque justification à la base de l’interdiction de stationnement critiquée et surtout contester que la longueur des camions poubelles et celle des véhicules des autres services publics exigerait l’adoption de la mesure en cause. Elles insistent sur le fait que le stationnement dans l’aire de rebroussement aurait toujours été permis sans que cela n’aurait gêné ni l’accès à ladite aire ni l’intervention des services du camion poubelles de la commune, respectivement des services de secours.

Au vu des considérations qui précèdent, les parties demanderesses maintiennent qu’il existerait une disproportion flagrante entre, d’une part, l’atteinte portée à leurs intérêts et notamment à leur « droit de stationnement », et, d’autre part, la motivation avancée par la commune à la base de sa décision dont les caractéristiques ne justifieraient aucunement l’interdiction de stationnement en cause.

9La commune conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Tel que relevé plus haut, il se dégage des éléments du dossier que le 13 janvier 2021, le collège échevinal de la commune de Bertrange a délibéré au sujet d’une réclamation lui parvenue par … lequel a voulu rendre attentif aux problèmes de circulation que rencontreraient les camions à ordures plus particulièrement dans la rue …, et ce notamment en raison des nombreuses voitures stationnant dans l’aire de rebroussement de ladite rue. C’est afin de solutionner ce problème que le collège échevinal a décidé de prévoir une interdiction de stationnement au niveau de l’aire en question, tout en précisant que « la même réglementation [était] à prévoir dans la rue … ».

Il n’est, à cet égard, pas contesté que la situation de la rue … - laquelle se présente comme une impasse avec une aire de rebroussement à la fin -, est identique à celle de la rue … dont les parties demanderesses sont riveraines, ni que la même interdiction de stationnement que celle décidée pour la rue … a été prise pour ce qui est de l’aire de rebroussement se situant dans la rue …. Au vu de la situation identique des lieux c’est, en tout état de cause, en vain que, dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses affirment péremptoirement que si l’interdiction de stationnement décidée par le conseil communal pour la rue … pouvait être justifiée par les contestations portées par … devant le collège échevinal, ces mêmes contestations ne pourraient pas justifier l’interdiction appliquée à leur rue.

Pour les mêmes raisons, le reproche, tel que se dégageant de la requête introductive d’instance, suivant lequel la décision litigieuse manquerait de cohérence faute pour la rue … d’avoir fait l’objet d’une interdiction de stationnement au niveau de son aire de rebroussement tombe également à faux.

Il y a ensuite lieu de relever que comme une aire de rebroussement, respectivement de retournement, est un espace devant permettre à un véhicule arrivant au fond d’une impasse de faire demi-tour pour repartir dans l’autre sens, sa finalité première consiste nécessairement à faciliter les demi-tours. Il s’ensuit qu’au vu même de sa destination, une telle aire n’est pas conçue pour le stationnement. De ce fait, les parties demanderesses ne sauraient valablement se prévaloir d’un prétendu « droit au stationnement » qui serait né dans leur chef du fait que, depuis la création de la rue …, il aurait toujours été possible de stationner des véhicules dans l’aire de rebroussement.

Au vu de la destination de l’aire de rebroussement en cause et de la justification avancée en l’espèce par l’autorité compétente pour interdire tout stationnement dans celle-ci, à savoir assurer la libre circulation des services d’entretien des ordures ménagères, ainsi que, de manière générale, le maintien de la sécurité, il doit être admis que cette mesure est proportionnée par rapport au but recherché, ce d’autant plus qu’il n’est pas contesté que le stationnement dans le reste de la rue … reste toujours possible.

C’est, enfin, en vain que les parties demanderesses tentent encore de contester le caractère proportionné de la mesure décidée en soutenant qu’une mesure moins radicale aurait dû être appliquée, notamment en prévoyant une interdiction de stationnement alternée des côtés pair et impair de la rue. En effet, comme l’interdiction de stationnement litigieuse concerne une aire de rebroussement, soit une partie de la rue … se présentant en forme de « U », il est en 10pratique impossible d’y déterminer le côté pair ou impair et a fortiori d’y autoriser un stationnement en alternance.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tenant à un excès de pouvoir dans le chef du conseil communal est également à rejeter pour ne pas être fondé.

En l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

écarte les mémoires en réponse et en duplique déposés en cause au nom et pour le compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les parties demanderesses ;

met les frais et dépens de l’instance à charge des parties demanderesses.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique de vacation du 30 août 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46858
Date de la décision : 30/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-30;46858 ?

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