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23/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49247

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2023, 49247


Tribunal administratif N° 49247 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49247 chambre de vacation Inscrit le 1er août 2023 Audience publique de vacation du 23 août 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49247 du rôle et déposée le 1er août 2023 au greffe du tribunal administratif par

Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif N° 49247 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49247 chambre de vacation Inscrit le 1er août 2023 Audience publique de vacation du 23 août 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49247 du rôle et déposée le 1er août 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 juillet 2023 de la transférer vers la France comme étant l’Etat responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff Reckinger en ses plaidoiries à l’audience publique de vacation du 23 août 2023.

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Le 27 avril 2023, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée à la même date dans la base de données AE.VIS, que Madame … s’était vu délivrer un visa Schengen valable du 30 janvier 2023 au 30 avril 2023 par les autorités françaises.

Le 28 avril 2023, Madame … fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande deprotection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 2 mai 2023, les autorités luxembourgeoises, sur base de la considération que l’intéressée était détenteur d’un visa valable délivré par les autorités françaises, contactèrent lesdites autorités en vue de la prise en charge de Madame… sur le fondement de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par les autorités françaises en date du 27 juin 2023.

Par décision du 18 juillet 2023, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le 21 juillet 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de la transférer dans les meilleurs délais vers la France sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 27 avril 2023 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 12(2) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers la France qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 27 avril 2023 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 28 avril 2023. En mains également l'ordonnance médicale du Dr … du 11 mai 2023 et le courriel de votre mandataire du 12 mai 2023.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 27 avril 2023, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac n'a fourni aucun résultat.

Il résulte cependant des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que la France vous a délivré un visa, valable du 30 janvier 2023 jusqu'au 30 avril 2023.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 28 avril 2023.

2 Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 2 mai 2023 une demande de prise en charge aux autorités françaises sur base de l'article 12(2) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités françaises en date du 27 juin 2023.

2.

Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité de la France est acquise suivant l'article 12(2) du règlement DIII en ce que le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité au moment de l'introduction de la demande de protection internationale au Luxembourg et que l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3.

Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment de la vérification de votre passeport, que la France vous a délivré un visa Schengen, valable du 30 janvier 2023 jusqu'au 30 avril 2023, vous ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire des Etats membres.

Selon vos déclarations, vous auriez fait des vacances en France pendant deux semaines en février 2023. Vous avez quitté le Cameroun une deuxième fois pour vous rendre en France en date du 23 mars 2023. Vous seriez restée en France pendant environ un mois et vous indiquez qu'une amie vous aurait proposé d'aller au Luxembourg pour introduire une demande de protection internationale. Vous déclarez avoir quitté la France parce que les autorités camerounaises auraient des relations avec la France et ils pourraient essayer de vous tuer. Selon vos dires, vous seriez arrivée au Luxembourg en date du 26 avril 2023.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 20 février 2023, vous avez indiqué que vous auriez des problèmes psychologiques à cause de votre vécu au Cameroun. Vous auriez des inquiétudes, des visions et de la peur quand il y a des bruits forts. Vous auriez également des problèmes de sommeil. Le rapport médical du 11 mai 2023 confirme effectivement que 3 vous souffrez d'un état de stress post-traumatique et que vous avez besoin d'une thérapie médicamenteuse.

Il y a à cet égard lieu de relever que la France est présumée fournir des soins médicaux appropriés ainsi que l'accès aux soins urgents et nécessaires. Partant, les informations à notre disposition ne donnent actuellement aucune raison de croire que l'exécution du transfert-

même vers la France rendrait les autorités luxembourgeoises responsables d'une violation de l'article 3 CEDH, plus particulièrement les informations sur votre état de santé n'impliquent pas que tout transfert dans les délais prévus par le règlement DIII serait d'ores et déjà voué à échec.

Rappelons à cet égard que la France est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que la France est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que la France profite comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, la France est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture, de même que les conditions minimales d'accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la France sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Madame, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en France revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en France, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités françaises ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes françaises, notamment judiciaires.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

4 Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers la France, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers la France, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transférée. Par ailleurs, si cela s'avère être nécessaire, la Direction de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers la France en informant les autorités françaises conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités françaises n'ont pas été constatées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2023, Madame… a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 18 juillet 2023.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle litigieuse, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse rappelle les faits et rétroactes à la base de la décision litigieuse, tels que repris ci-avant, tout en précisant qu’elle aurait passé, grâce à son visa, deux semaines de vacances en France et, de retour au Cameroun, elle aurait été victime d’une grave menace qui l’aurait amenée à quitter son pays d’origine. Elle précise, dans ce contexte, qu’elle exercerait la fonction d’inspecteur de police de 2ème grade au sein de la police camerounaise, fonction par le biais de laquelle elle aurait été affectée dans différents pays africains au service de la mission MINUSCA des Nations Unies. Elle expose que de retour de sa dernière mission MINUSCA, elle aurait été déployée par ses supérieurs hiérarchiques dans lazone anglophone du Cameroun où elle aurait été repérée par des sécessionnistes qui auraient attaqué le motel où elle dormait. Ces faits violents tout comme ceux dont elle aurait été témoin dans le cadre de l’exercice de ses missions professionnelles auraient provoqué une détérioration de sa santé mentale au sujet de laquelle elle serait actuellement suivie par un psychiatre.

En droit, la demanderesse fait d’abord valoir que son transfert vers la France serait contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « la CEDH », et à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ».

Elle rappelle dans ce contexte qu’en vertu de l’article 21 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par « la directive 2013/33/UE », l’Etat membre devrait tenir compte lors de la transposition de ladite directive de la situation particulière des personnes vulnérables. Elle donne encore à considérer que la Commission du droit international de l’Organisation des Nations Unies aurait, dans l’article 15 de son « Projet d’articles sur l’expulsion des étrangers » de 2014, consacré que des personnes vulnérables faisant l’objet d’une expulsion devraient être considérées comme telles, de sorte à être traitées et protégées en tenant dûment compte de leur vulnérabilité.

Madame… reproche au ministre d’avoir violé les articles 31 et 32 du règlement Dublin III, en ce que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas communiqué aux autorités françaises les informations relatives à son état de santé, qui auraient été susceptibles d’assurer la continuité de sa prise en charge médicale à son arrivée en France. Elle insiste sur le fait qu’elle aurait démontré être une personne vulnérable au sens des prédites dispositions, dans la mesure où son état de santé mentale serait fortement fragilisé.

Elle expose encore à cet égard que le préjudice qui serait susceptible de découler de cette violation serait contraire aux dispositions visées à l’article 3 de la CEDH et 4 de la Charte, étant donné qu’il serait essentiel que sa maladie soit traitée de manière continue.

Madame… se réfère dans ce contexte à un certificat médical du docteur … selon lequel son état de santé exigerait une certaine stabilité émotionnelle.

Elle invoque ensuite une violation de l’article 17 du règlement Dublin III en précisant que l'autorité nationale serait tenue de ménager un juste équilibre entre les considérations d'ordre public qui sous-tendent la règlementation de l’immigration et celles relatives à la protection de la santé.

La demanderesse explique à cet égard qu’au vu de son état de santé, qui ferait l’objet d’un suivi psychiatrique au Luxembourg, il apparaîtrait disproportionné de la transférer en France où résiderait une importante communauté camerounaise qui représenterait pour elle « un contexte non rassurant », de sorte à être susceptible d’aggraver son état de santé.

Elle en conclut qu’il aurait dès lors appartenu au ministre de s’abstenir d’organiser son transfert vers la France et d’accepter, par application de la clause de souveraineté inscrite à l’article 17 du règlement Dublin III, de traiter sa demande de protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il y a lieu de relever que l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III sur le fondement duquel la décision litigieuse a également été prise dispose, quant à lui, que : « (…) Si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d’un autre État membre en vertu d’un accord de représentation prévu à l’article 8 du règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (1). Dans ce cas, l’État membre représenté est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. ».

Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait compétent pour le traitement de la demande de protection internationale présentée par Madame…, mais la France, pour lui avoir délivré un visa Schengen valable du 30 janvier 2023 jusqu’au 30 avril 2023. Les autorités françaises ayant en outre accepté de la prendre en charge en date du 27 juin 2023, c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de la transférer vers la France et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Le tribunal constate ensuite que la partie demanderesse ne conteste ni la compétence de principe des autorités françaises, ni, par conséquent, l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais reproche au ministre d’avoir décidé son transfert en France malgré son état de santé.

Le tribunal relève ensuite que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande, sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

En l’espèce, force est de constater que la partie demanderesse reste en défaut d’alléguer et a fortiori de démontrer l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en France, cette dernière soutenant, en substance, uniquement que son transfert serait contraire à l’article 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ainsi qu’à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, en raison de son état de santé mentale.

En ce qui concerne le moyen tendant à la violation par la décision ministérielle litigieuse des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en raison de l’état de santé mentale de la demanderesse, il y a, tout d’abord, lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le Protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1.

C’est, en effet, précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants2,3.

Il échet de constater qu’aux termes de l’arrêt de la CJUE du 16 février 20174, l’article 4 de la Charte, et partant également par analogie l’article 3 de la CEDH, doit être interprété en ce sens que même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur de protection internationale dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert a pour conséquence un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article5, étant précisé qu’il ressort de l’arrêt de la CJUE du 19 mars 20196, qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant7.

Néanmoins, il ne se dégage pas de cette jurisprudence que l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable pour l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur de protection internationale doit, en tout état de cause et préalablement à la prise d’une décision de transfert et par avis médical, s’assurer automatiquement que le transfert n’entraîne pas une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé de l’intéressé pour toute personne déclarant avoir un quelconque problème de santé.

1 CJUE, 21 décembre 2011, N. S. c. Secretary of State for the Home Department, C-411/10, et M. E. et autres c.

Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, C-493/10, point 78.

2 Ibidem, point 79.

3 Trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

4 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, points 74 et 75.

5 Ibidem, points 65 et 96.

6 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17.

7 Ibidem, point 88.En effet, dans l’arrêt en question, la CJUE a d’abord mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable du traitement de la demande de protection internationale, que les Etats membres liés par la directive 2013/33 sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats (…) ». Elle a retenu ensuite que « (…) dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci. (…) »8. Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « (…) d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert (…) » 9.

Ainsi, cet arrêt concerne l’hypothèse particulière suivant laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, telles que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-

ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée10.

Or, force est de constater en l’espèce que la demanderesse soumet à l’appréciation du tribunal un certificat médical du docteur … du 11 mai 2023 libellé comme suit : « (…) Die o.g.

Patientin befindet sich seit Mai diesen Jahres in meiner ambulanten Behandlung Diagnose : Posttraumatische Belastungsstörung (ICD 10 : F43.1) Die Patientin leidet unter massiven Ängsten und Schlafstörungen.

8 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, points 74 et 75.

9 Ibidem, points 76 à 85 et point 96.

10 Ibidem, point 83.Die begonnene medikamentöse Behandlung ist notwendig fortzuführen. Die Patientin darf nicht einer Stresssituation (insbesondere einer Abschiebung in ein weiteres Land) ausgesetzt werden. Eine ruhige und stressfreie Kommunikation sowie schon bestehende medikamentöse Behandlung und Psychothérapie können der Verlauf der Krankheit positiv beeinflüssen ».

S’il en ressort certes que Madame … souffre d’un syndrome de stress post-traumatique soigné par un traitement médical ainsi qu’une psychothérapie et qu’une situation de stress, y inclus un transfert vers un autre pays, est contre-indiquée, il n’en ressort toutefois ni que son affectation mentale atteint un degré de gravité particulière, ni qu’un transfert de la concernée vers la France pourrait avoir des conséquences significatives et irrémédiables sur son état de santé, respectivement que son état de santé s’opposerait à son transfert vers la France.

Ce constat s’impose d’autant plus que, d’un côté, la demanderesse n’allègue pas et a fortiori ne prouve pas qu’elle ne pourrait pas bénéficier en France des soins médicaux dont elle pourrait avoir besoin - la demanderesse ayant au contraire admis ne pas avoir sollicité les services d’un médecin11 -, respectivement que ce même pays ne respecterait pas les obligations lui imposées à travers la CEDH ou la Charte et, d’un autre côté, Madame … a, avant de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, « fait des vacances en France à Lille (…) »12 en février 2023, pour ensuite retourner au Cameroun et, de retour en France en mars 2023, elle a été logée à Metz par une amie pendant un mois13, pour ensuite, de son propre gré, franchir la frontière vers le Luxembourg, de sorte qu’il échet de retenir que son état de santé n’était pas d’une gravité de manière à empêcher son parcours migratoire jusqu’au Luxembourg.

Partant, le tribunal est amené à retenir qu’il ne se dégage pas des éléments lui soumis que la demanderesse se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière s’opposant à son transfert vers la France.

A toutes fins utiles, il convient encore de souligner que le règlement Dublin III ne s’oppose de toute façon pas au transfert des personnes vulnérables, à savoir les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes ayant été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, mais prévoit dans son article 32, paragraphe (1), alinéa 1er une obligation à charge de l’Etat membre procédant au transfert de transmettre à l’Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer aux seules fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux, et avec le consentement explicite de la personne concernée, de sorte qu’en cas de besoin il pourra être tenu compte de l’état de santé de la demanderesse lors de l’organisation du transfert vers la France par le biais de la communication aux autorités françaises des informations adéquates, pertinentes et raisonnables la concernant conformément aux articles 31 et 32 du règlement Dublin III, à condition que l’intéressée exprime son consentement explicite à cet égard.

11 « je n’étais pas encore chez un médecin », Rapport Dublin, p.2.

12« Je suis venu en Europe le 01.02.2023 et je suis retourné au Cameroun le 13.02.2023 à l’aide de mon visa Schengen. J’ai fait des vacances en France à Lille. Je me suis baladé et j’ai visité des amis. », Rapport Dublin, p.

5.

13 « (…) J’ai été logé chez une amie à Metz. Pendant mon séjour en France je me suis informée du sujet de la protection internationale. Comme je voulais demander l’asile dans un pays qui n’a aucune relation avec l’Afrique, j’ai choisi de venir au Luxembourg. (…) ». Rapport de police, p. 2.Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen fondé sur une violation par la décision ministérielle litigieuse des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte du fait que le ministre n’aurait pas tenu compte de sa situation particulière de personne vulnérable est à rejeter pour être non fondé.

En ce qui concerne ensuite le moyen de la demanderesse selon lequel il aurait appartenu au ministre de faire usage de la clause discrétionnaire inscrite à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, celui-ci dispose que « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (…) ». A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres14. Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge15, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration16.

En l’espèce, la demanderesse invoque sa vulnérabilité en raison de son état de santé mentale ainsi que le fait qu’une importante communauté camerounaise, représentant pour la demanderesse « un contexte non rassurant », résiderait en France, pour soutenir que le ministre aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.

En ce qui concerne l’état de santé de Madame …, étant donné que le tribunal vient de rejeter les moyens tirés d’une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte à cet égard et que, tel que retenu ci-avant, il ne ressort d’aucun élément soumis à son appréciation que la demanderesse se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière, il n’entrevoit pas non plus d’éléments de nature à justifier dans le cas de la demanderesse le recours à la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), précité, du règlement Dublin III.

S’agissant de la présence sur le territoire français d’une importante communauté camerounaise, le tribunal constate que la demanderesse reste en défaut d’expliquer en quoi la présence d’un nombre élevé de ressortissants camerounais sur le territoire français ne serait pas « rassurant[e] » et comment cela aurait un impact sur sa santé mentale.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a décidé de transférer la demanderesse vers la France, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, sans faire application de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, de sorte que le moyen fondé sur une violation de cette disposition est également rejeté.

14 CJUE, 21 décembre 2011, N. S. c. Secretary of State for the Home Department, C-411/10, et M. E. et autres c.

Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, point 65.

15 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 58 et les autres références y citées.

16 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.En ce qui concerne finalement le moyen de la demanderesse fondé sur l'article 31 du règlement Dublin III, qui dispose dans son premier paragraphe, que « L 'État membre procédant au transfert d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), communique à 1 'État membre responsable les données à caractère personnel concernant la personne à transférer qui sont adéquates, pertinentes et raisonnables, aux seules fins de s 'assurer que les autorités qui sont compétentes conformément au droit national de l'État membre responsable sont en mesure d'apporter une assistance suffisante à cette personne, y compris les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels, et de garantir la continuité de la protection et des droits conférés par le présent règlement et par d'autres instruments juridiques pertinents en matière d'asile. Ces données sont communiquées à l'État membre responsable dans un délai raisonnable avant l'exécution d'un transfert, afin que ses autorités compétentes conformément au droit national disposent d'un délai suffisant pour prendre les mesures nécessaires. », et sur l'article 32 du même règlement qui dispose dans son premier paragraphe que « Aux seules fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux, notamment aux personnes handicapées, aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux mineurs et aux personnes ayant été victimes d'actes de torture, de viol ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, l'État membre procédant au transfert transmet à l'État membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, lesquelles peuvent dans certains cas porter sur l'état de santé physique ou mentale de cette personne. Ces informations sont transmises dans un certificat de santé commun accompagné des documents nécessaires. L'État membre responsable s'assure de la prise en compte adéquate de ces besoins particuliers, notamment lorsque des soins médicaux essentiels sont requis. », force est au tribunal de constater que lesdits articles ne contiennent que des exigences en matière d'exécution d'un transfert, dans le cadre du règlement Dublin III, en ce que l'Etat membre y procédant doit fournir un certain nombre d'informations sur la personne à transférer, notamment ses coordonnées et les éléments concernant son état de santé si celui-ci présente des particularités, afin que l'Etat membre de destination puisse prendre les mesures nécessaires et adéquates. Les articles en question ne peuvent partant a priori pas affecter la légalité de la décision ministérielle litigieuse.

Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation des articles 31 et 32 du règlement Dublin III est également à rejeter.

Partant, c'est à bon droit que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers la France, l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale et de ses suites.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d'autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

12 1 1 Ainsi jugé par :

Michèle Stoffel, premier juge, Laura Urbany, juge, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique de vacation du 23 août 2023 par le premier juge Michèle Stoffel, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Michèle Stoffel Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49247
Date de la décision : 23/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-23;49247 ?

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