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17/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49301

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 août 2023, 49301


Tribunal administratif N° 49301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49301 Chambre de vacation Inscrit le 11 août 2023 Audience publique extraordinaire du 17 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 août 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

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Tribunal administratif N° 49301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49301 Chambre de vacation Inscrit le 11 août 2023 Audience publique extraordinaire du 17 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 août 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Turquie), de nationalité turque, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, d’après le dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 août 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Le 1er octobre 1999, Monsieur …, de nationalité turque, introduisit auprès du service compétent du ministre de la Justice, une demande d’asile sur base de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », qui fut refusée par décision ministérielle du 8 juillet 2002. Ce refus fut définitivement confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 3 avril 2003, inscrit sous le numéro 16124C du rôle.

Le 30 septembre 2022, Monsieur … introduisit auprès du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », laquelle fut à son tour rejetée par décision ministérielle du 5 juin 2023 pour être irrecevable en application de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

Par arrêté du 5 juin 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir la Turquie, ou à destinationd’un pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 5 juin 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans ;

Vu ma décision d’irrecevabilité du 5 juin 2023 relative à la demande de protection internationale ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] » Le recours contentieux introduit le 20 juin 2023 à l’encontre de la décision ministérielle du 5 juin 2023 déclarant sa demande de protection internationale irrecevable fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2023, n° 49601 du rôle.

Par arrêté du 4 juillet 2023 le ministre prorogea une première fois pour une durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur … ; par arrêté du 3 août 2023, notifié à l’intéressé en date du 4 août 2023, le ministre ordonna une seconde fois la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de sa notification.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’Immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 5 juin et 4 juillet 2023, notifiés en dates des 5 juin et 5 juillet 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 5 juin 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

2Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 août 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du 3 août 2023 prolongeant son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste en substance que les conditions de la prolongation de la mesure de placement ne seraient données en l’espèce.

A cet égard, en se prévalant d’une atteinte disproportionnée à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après par « la CEDH » et en faisant valoir que toute restriction à ce droit devrait rester l’exception et s’opérer dans un but déterminé par la loi et de manière proportionnée par rapport au but poursuivi, le demandeur relève que les autorités ministérielles ne disposeraient pas de l’accord des autorités turques en vue de son éloignement, de sorte que son maintien au Centre de rétention au-delà d’un délai raisonnable serait entièrement disproportionné.

Il entend ensuite s’emparer de l’article 15, paragraphe (1) de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », ainsi que du considérant n° 16 de ladite directive, suivant lequel la rétention ne serait justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement de l’intéressé et uniquement si l’application de mesures moins coercitives ne suffisait pas, pour soutenir que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives.

Or, il souligne avoir sollicité un report de son éloignement sur base d’une nouvelle pièce qu’il aurait communiquée au ministre, pièce qui illustrerait prétendument son implication en tant qu’opposant politique en Turquie, de sorte qu’il serait dans l’impossibilité de retourner en Turquie au risque de subir des traitements inhumains et dégradants : il en déduit qu’il serait dès lors clair qu’il ne pourrait pas faire l’objet d’un retour dans son pays d’origine. Ainsi, tant son placement en rétention administrative que son éloignement vers la Turquie ne pourraient plus avoir lieu eu égard au changement de sa situation depuis le 31 juillet 2023, date à laquelle le ministre aurait pu prendre connaissance de ladite photo, de sorte que ce serait à tort que le ministre n’aurait pas recouru à des mesures moins coercitives que la rétention administrative.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

3Le tribunal rappelle d’abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

4Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 5 juin 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Il est encore constant en cause qu’actuellement la personne retenue est toujours démunie de tout document d’identité et de voyage valable, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1., de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il convient à cet égard de relever que comme l’introduction d’une demande de report à l’éloignement, à défaut de toute décision favorable, respectivement, en cas de décision négative, à défaut de mesure provisoire accordée par voie d’ordonnance ou de jugement d’annulation, n’a pas d’effet suspensif, le ministre a en tout état de cause valablement pu maintenir le placement du demandeur au Centre de rétention, sans devoir attendre l’issue de la procédure administrative à cet égard, étant relevé que le ministre a d’ailleurs refusé en date du 16 août 2023 de s’abstenir provisoirement de tout éloignement de l’intéressé.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’invocation du demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité.

1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

5Aux termes de cet article : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Le tribunal est dès lors amené à rejeter le moyen relatif à une violation de l’article 5 de la CEDH.

Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les seuls justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte3. Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi du 29 août 2008.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire du demandeur, professionnel de la postulation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

En ce qui concerne l’affirmation du demandeur que les autorités luxembourgeoises ne disposeraient pas de l’accord des autorités turques, au-delà du constat que le demandeur n’en tire aucune conclusion en droit, à admettre qu’il ait entendu remettre en doute que son éloignement puisse être exécuté, le tribunal rappelle que par jugement du 13 juillet 2023, n° 49061 du rôle, il a été retenu que qu’il ne se dégageait d’aucun élément du dossier que l’accord 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 9 octobre 2003, n°15375 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Lois et règlements, n° 89 et les autres références y citées.

6ne puisse pas être obtenu, mais qu’au contraire que les autorités turques avaient confirmé le 22 juin 2022 que le traitement de la demande de réadmission était en cours et qu’au jour de ce jugement, les diligences déployées par les services ministériels devaient être considérées comme suffisantes.

En ce qui concerne les diligences accomplies depuis lors, il résulte des pièces versées en cause que le 14 juillet 2023, les autorités turques informèrent les services ministériels que les autorités locales avaient été contactées en vue de la réadmission du demandeur sur le territoire turc et qu’elles attendaient une réponse de la part de ces dernières. Par courriel du 10 août 2023, les autorités turques informèrent ensuite les services ministériels que la demande de réadmission du demandeur avait été approuvée et elles prièrent l’agent en charge du dossier de bien vouloir les informer sur le plan de vol du requérant afin de pouvoir préparer les documents de voyage nécessaires. Par réponse du même jour, l’agent en charge informa les autorités turques qu’un plan de vol dans le chef du demandeur allait être organisé et il leur fit parvenir une copie du permis de conduire du demandeur en tant que pièce facilitant son identification.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Enfin, si le demandeur estime que le ministre aurait dû, compte tenu de sa situation particulière, lui permettre de bénéficier de mesures moins coercitives, il convient de rappeler que les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe 1er, à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe 1er pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe 1er, de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

Or, si le demandeur fait état de sa demande en obtention d’un report à l’éloignement introduite en date du 9 août 2023, le tribunal ne saurait en dégager une circonstance permettant ni d’énerver les raisons avancées par la partie étatique pour, d’une part, justifier le recours à la 7mesure de rétention, et, d’autre part, écarter la possibilité de l’application de mesures moins coercitives, une telle demande n’étant pas de nature à constituer une garantie de représentation effective, mais véhiculant plutôt la volonté du demandeur de ne pas se soumettre à son éloignement, de sorte qu’il y a lieu d’en conclure que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 17 août 2023 par :

Marc Sünnen, président, Laura Urbany, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49301
Date de la décision : 17/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-17;49301 ?

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