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16/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49290

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2023, 49290


Tribunal administratif N° 49290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49290 Chambre de vacation Inscrit le 10 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur A, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2023 par MaÃ

®tre Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Tribunal administratif N° 49290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49290 Chambre de vacation Inscrit le 10 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur A, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2023 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, déclarant être né le … à … (Sénégal) et être de nationalité sénégalaise, alias A, né le … à …, de nationalité sénégalaise, alias A, né le … à …, de nationalité espagnole, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 août 2023 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation de ce jour.

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En date du 3 juin 2021, Monsieur A s’est enregistré en tant que citoyen de l’Union européenne auprès du Biergercenter de … au moyen d’une carte d’identité espagnole.

Suite à une demande en obtention d’un visa en vue d’un regroupement familial en faveur de son épouse, Madame B, de nationalité sénégalaise, introduite le 5 juin 2023, le ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après dénommée « le ministère », informa Monsieur A, par courrier du 13 juin 2023, des formalités administratives à respecter à cet égard.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat …, du 3 juillet 2023, portant le numéro de référence …, qu’à cette même date, Monsieur A fut appréhendé par les forces de l’ordre, alors qu’il avait tenté de s’enregistrer en tant que citoyen de l’Union européenne auprès de l’office de l’état civil de Luxembourg Ville au moyen de la même carte d’identité espagnole précédemment utilisée, s’étant révélée être une fausse carte d’identité espagnole après analyse du document par l’Unité de la Police de l’Aéroport - Service Expertise Documents. Il résulte encore du même rapport de police que Monsieur A était en possession d’un faux permis de conduire espagnol portant les mêmes coordonnées, d’une carte de sécurité sociale luxembourgeoise, ainsi que d’une attestation d’enregistrement luxembourgeoise, que son identité n’avait pas pu être confirmée, qu’il est propriétaire d’un véhicule immatriculé au Luxembourg, qu’il s’est déjà enregistré quatre fois au Luxembourg, à savoir dans les communes de …, …, … et …, à l’aide de la même carte d’identité espagnole, qu’il dispose d’une adresse au Luxembourg et y travaille, de sorte à avoir des moyens financiers propres.

Par arrêté du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur A comme étant irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prit également une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de 5 ans à son égard.

Par arrêté séparé du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida de placer Monsieur A au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, l’arrêté afférent étant libellé comme suit :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport numéro … du 3 juillet 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un faux document identité ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par courrier du 5 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le 7 juillet 2023, le ministre informa Monsieur A, en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de son intention de révoquer son droit de séjour sur le territoire luxembourgeois au motif que l’attestation d’enregistrement en sa possession serait entachée d’illégalité en raison du fait qu’il ne possédait pas la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne alors qu’il avait fait usage d’un faux document d’identité espagnol afin de l’obtenir, de sorte que l’attestation d’enregistrement avait été indûment délivrée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2023, Monsieur A fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 3 juillet 2023 décidant son placement au Centre de rétention, recours contentieux dont il fut débouté par jugement du 19 juillet 2023, numéro 49158 du rôle.

Par arrêté du 2 août 2023, notifié à l’intéressé le 3 août 2023, le ministre prorogea pour une durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur A. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 100,111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 3 juillet 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 juillet 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2023, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 2 août 2023 prolongeant son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste en substance que les conditions de la prolongation de la mesure de placement ne seraient données en l’espèce.

A cet égard, en se basant sur l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur reproche un manque de diligences au ministre en contestant la réalité et l’efficacité des démarches entreprises par le ministre en vue de l’exécution de son éloignement.

Il estime encore que la présomption de risque de fuite telle qu’invoquée par le ministre au sens de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008 ne serait pas non plus établie en dehors de tout doute : dans ce contexte, il insiste sur l’existence de liens très solides au Grand-Duché de Luxembourg, puisqu’il y vivrait en couple avec Madame C et que « leurs relations restent à suffisance établies par les photos versées en cause ».

Enfin, en se prévalant des dispositions des articles 120 et 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, Monsieur A affirme que les mesures moins coercitives devraient bénéficier d’une priorité par rapport au placement en rétention. Il affirme à cet égard s’engager à verser une garantie financière de 5.000.- euros et à se conformer à toutes les mesures qui lui seraient imposées en vue de garantir sa représentation. Il insiste encore sur l’existence de relations de couple sérieuses avec Madame C, relations qui ne souffriraient « d’aucune contestation au vu des photos versées en cause ». Il demande dès lors à se voir assigner à résidence, soit auprès de sa compagne, soit à l’adresse d’une chambre meublée mise à sa disposition par son ancien employeur, tout en soulignant qu’il serait prêt à se soumettre à toute mesure restrictive, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 3 juillet 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Il est encore constant en cause que la personne retenue est toujours démunie de tout document d’identité et de voyage valable, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1. de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, le tribunal relève qu’il est uniquement saisi de la décision du ministre de proroger une première fois la mesure de rétention de Monsieur A, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre du jugement précité du 19 juillet 2023, numéro 49158 du rôle, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à cette date devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

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1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

En ce qui concerne les diligences accomplies depuis lors, il résulte des pièces versées en cause qu’en date du 28 juillet 2023, les services ministériels ont recontacté les autorités sénégalaises en vue d’obtenir des informations sur l’état d’avancement du dossier, lesquelles ont répondu en date du 2 août 2023 que le dossier de la personne retenue était en cours d’examen et qu’une réponse serait communiquée dès que possible.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et au stade précoce d’une première prolongation encore suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Il convient toutefois de souligner que si le ministre ne saurait certes nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités du pays d’origine de la personne retenue, le tribunal ne saurait toutefois accepter, confronté à l’absence de toute réponse desdites autorités, d’un côté, et à la privation de liberté imposée à la personne retenue, de l’autre côté, que le ministre se contente d’une attitude essentiellement passive, se contentant d’attendre une réaction des autorités étrangères compétentes, et ne leur adresse qu’épisodiquement la même lettre de rappel, sans utiliser les autres moyens à sa disposition, dans les limites des usages et convenances diplomatiques, tel que l’envoi formel d’une note verbale aux autorités diplomatiques étrangères compétentes2.

Il convient encore, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective raisonnable au vu de la coopération des autorités sénégalaises et qu’il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que l’éloignement vers le Sénégal ne puisse pas être mené à bien.

Enfin, si le demandeur estime que le ministre aurait dû, compte tenu de sa situation particulière, lui permettre de bénéficier de mesures moins coercitives, il convient de rappeler que les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe 1er, à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe 1er pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe 1er, de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de

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2 Voir trib. adm.5 octobre 2022, n° 47991.

la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

Or, si le demandeur fait état de son offre de paiement d’une garantie financière ou encore de deux adresses susceptibles de permettre son assignation à résidence, le tribunal de céans, à défaut de toute pièce ou précision pertinente afférente - la communication de quelques photos montrant apparemment le demandeur accompagné de deux enfants et d’une femme étant de ce point de vue insuffisante -, ne saurait en dégager une circonstance permettant ni d’énerver les raisons avancées par la partie étatique pour, d’une part, justifier le recours à la mesure de rétention, et, d’autre part, écarter la possibilité de l’application de mesures moins coercitives, ni de réviser la solution dégagée par le tribunal dans son jugement du 19 juillet 2023, numéro 49158 du rôle, lequel avait, pour rappel, retenu que « La seule invocation de sa volonté à se voir assigner à résidence, auprès d’une dénommée Madame C et les enfants de cette dernière avec lesquels il entretiendrait une bonne relation n’est, en tout état de cause, pas suffisante pour ébranler ce constat, ce d’autant plus que, d’une part, le demandeur reste en défaut de prouver tant l’existence d’une relation stable entre lui-même et Madame C que l’accord de cette dernière pour l’héberger à son adresse, non indiquée. Il s’y ajoute que le demandeur a introduit une demande de regroupement familial avec son épouse, Madame B, en date du 5 juin 2023, avec laquelle il se serait marié le 12 novembre 2021, laissant douter de la réalité de sa relation avec Madame C », de sorte qu’il y a lieu d’en conclure que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 16 août 2023 par :

Marc Sünnen, président, Laura Urbany, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49290
Date de la décision : 16/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-16;49290 ?

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