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16/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49282

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2023, 49282


Tribunal administratif N° 49282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49282 Chambre de vacation Inscrit le 8 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous de multiples alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49282 du rôle et déposée le 8 août 2023 par Maître

Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

Tribunal administratif N° 49282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49282 Chambre de vacation Inscrit le 8 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous de multiples alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49282 du rôle et déposée le 8 août 2023 par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … connu sous de multiples alias, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 juillet 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 16 juillet 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation du 16 août 2023.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 13 avril 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur …, connu sous de multiples alias, ci-après désigné par « Monsieur … », fut interpellé par les forces de l’ordre à cette même date et ne put, à cette occasion, présenter de document d’identité.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 7 mai 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité alors qu’il se trouvait dans une maison abandonnée. Il ne put, à cette occasion, présenter de document d’identité.

Il ressort des éléments du dossier administratif que Monsieur … fit l’objet d’un signalement dans la base de données du système d’information Schengen (SIS) en vue d’une « Arrestation/Remise/Extradition » jusqu’au 10 juin 2025, ainsi que dans la base de données SIRENE (« Supplément d’Information Requis à l’Entrée Nationale ») notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique en France en 2020.

1Une vérification faite le 27 juin 2022 dans les bases de données du Centre de coopération policière et douanière (CCPD) révéla, d’une part, que l’intéressé n’était pas connu en France et en Allemagne, mais en Belgique pour « meurtre », « disparition-fugue », « vol qualifié », « étranger illégal », « harcèlement », « chemin de fer » et « considéré comme dangereux dans toutes nos bases de données et haut potentiel d’évasion », et, d’autre part, que l’intéressé était signalé dans la base de données de l’International Criminal Police Organisation (INTERPOL).

Par ailleurs, il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») du 14 juin 2022 qu’à cette date, Monsieur … y fut placé sous le statut de mineur après en avoir été préalablement libéré le même jour en tant que prévenu, un extrait établi par le service greffe du CPL du 27 juin 2022 précisant que l’intéressé y faisait l’objet d’une mesure de garde provisoire.

Par jugement du 1er décembre 2022, inscrit sous le numéro TAL-2022-05329 du rôle, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg rejeta la requête de l’ancien litismandataire de Monsieur … en vue de sa désignation en tant qu'administrateur ad hoc de l'intéressé.

Par un arrêté du 13 février 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai.

Par un arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans à l’encontre de Monsieur … et ordonna son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification dudit arrêté, le recours contentieux introduit le 8 mars 2023 contre cette décision ayant fait l’objet d’un désistement acté par un jugement du tribunal administratif du 15 mars 2023, inscrit sous le numéro 48658 du rôle.

Il se dégage du relevé journalier du CPL du 14 février 2023 qu’à cette date, Monsieur … fut libéré.

La susdite mesure de placement en rétention fut, par la suite, prorogée, chaque fois pour une durée supplémentaire d’un mois, par arrêtés ministériels des 13 mars, 13 avril, 11 mai et 13 juin 2023, notifiés respectivement les 14 mars, 14 avril, 12 mai et 14 juin 2023.

En date du 15 juin 2023, Monsieur … fut conduit par les forces de l’ordre devant le juge d'instruction près le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg qui prit ce même jour une décision de maintien en détention à l'encontre de l'intéressé en vue de sa remise aux autorités françaises en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis en date du 27 décembre 2021 du chef notamment de tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, tel que cela ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Unité de garde et d’appui opérationnel, du 20 juin 2023, référencé sous le numéro …. Il ressort également dudit rapport que Monsieur … fut, ensuite, escorté au Centre pénitentiaire Ueschterhaff (« CPU ») en vue d'un placement en détention, lequel refusa l’admission de l'intéressé du fait de l’absence d’attestation médicale prouvant que l’intéressé serait majeur, de sorte que Monsieur … fut finalement reconduit au Centre de rétention le même jour.

2Par un arrêté du 15 juin 2023, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par un arrêté daté du 16 juin 2023, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre rapporta la mesure de placement du 15 juin 2023, précitée, et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 13 février 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Revue la mesure de placement du 15 juin 2023 ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

3Par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49138 du rôle, le recours contentieux introduit contre l’arrêté de placement en rétention, précité, du 16 juin 2023 fut rejeté.

Par un arrêté du 14 juillet 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet au 16 juillet 2023, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 16 juin 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 16 juin 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée le 8 août 2023 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 14 juillet 2023 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 16 juillet 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime moyen, alors que celui-ci porterait atteinte à la liberté de mouvement. Il soutient, à cet égard, que le placement en rétention ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, qui ne serait pas discrétionnaire mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle.

Après avoir relevé qu’il aurait déjà passé plus de quatre mois en rétention sans que son identité ait pu être établie, le demandeur donne à considérer qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement. Il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait à nouveau placé en rétention sans envisager d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté, telles que des mesures moins coercitives, le 4demandeur reprochant en particulier au ministre d’avoir refusé l’assignation à résidence à la structure d'hébergement d'urgence au Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg-

Kirchberg, 11, rue Carlo Hemmer, ou à « tout autre foyer pour étrangers ».

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, alors qu'aucune diligence n'aurait été valablement entreprise, de sorte qu'il y aurait lieu de considérer qu'aucune mesure d'éloignement n'était en cours « au jour du placement en rétention », le demandeur affirmant encore que son identité n'aurait toujours pas été établie avec certitude, de sorte que la procédure d'éloignement resterait très hypothétique à l'heure actuelle.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

5 En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 13 février 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tandis que par un acte séparé du même jour, le ministre prononça encore une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans à l’encontre du demandeur.

Il est encore constant en cause que la personne retenue est toujours démunie de tout document d'identité et de voyage valable, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1, de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

6Si le demandeur estime que le ministre aurait dû, compte tenu de sa situation particulière, lui permettre de bénéficier de mesures moins coercitives, il convient de rappeler que les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe 1er, à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe 1er, pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe 1er, de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, force est toutefois de constater, tel que d’ores et déjà relevé dans le jugement, prémentionné, du tribunal administratif du 14 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49138 du rôle – le demandeur n’ayant apporté aucun nouvel élément dans le cadre du présent litige – que ce dernier n’a soumis au tribunal aucun élément concluant permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, à savoir l’assignation à résidence, dont il se prévaut, en substance, à l’appui de son recours, s’impose, étant encore précisé que la structure d'hébergement d'urgence au Kirchberg (SHUK), respectivement « tout autre foyer pour étrangers » ne sauraient être considérés comme domiciles stables ni comme fournissant à eux seuls une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’y est pas concevable. Le tribunal constate également que le demandeur ne dispose pas de passeport ou de tout document justificatif de son identité et qu’il n’a pas proposé le dépôt d’une garantie financière, de sorte à ne pas pouvoir bénéficier des mesures visées à l’article 125, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 29 août 2008.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence à la SHUK ou « tout autre foyer pour étrangers », ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les 7voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Etant donné que (i) le demandeur a fait l’objet d’un arrêté constatant son séjour irrégulier sur le territoire assorti d’un ordre de quitter le territoire et d’un arrêté portant interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans le 13 février 2023, et (ii) qu’une procédure d’éloignement engagée à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen y relatif est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate que dans le jugement, prémentionné, du tribunal administratif du 14 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49138 du rôle, il a été retenu que, jusqu’à ce moment, le dispositif de l’éloignement était en cours et encore poursuivi avec la diligence légalement requise.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis lors, il se dégage du dossier administratif que suite à deux rappels adressés par les autorités luxembourgeoises en date des 21 et 24 juillet 2023, respectivement aux autorités consulaires tunisiennes et algériennes, le Consulat Général de Tunisie à Bruxelles a, par courrier du 27 juillet 2023, indiqué aux autorités luxembourgeoises que le dossier de la personne retenue serait en cours de traitement.

Il ressort ensuite des pièces versées en cause que les autorités ministérielles ont encore adressé un rappel aux autorités algériennes par courriel du 7 août 2023, ainsi qu’aux autorités tunisiennes par courrier du 10 août 2023 afin de connaître l’état d’avancement de leur demande d’identification.

Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères, le tribunal est amené à constater que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours et que les démarches entreprises à cet égard par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 pour justifier la prorogation du placement du demandeur au Centre de rétention.

En effet, contrairement aux contestations du demandeur, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective raisonnable, étant encore souligné que, tel qu’il a d’ores et déjà été relevé dans le jugement, prémentionné, du tribunal administratif du 14 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49138 du rôle, le demandeur est malvenu à reprocher au ministre un manque de diligences et plus particulièrement que le ministre n’aurait « toujours pas » établi son identité, étant donné qu’il a, pendant toute la durée 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

8de sa rétention, fait preuve d’un défaut de collaboration flagrant, attitude qui ne correspond pas à celle d’une personne désireuse de faciliter son processus d’identification afin d’écourter la durée de son placement en rétention et pour que la mesure d’éloignement la concernant puisse être menée à bien.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 16 août 2023 par :

Marc Sünnen, président, Laura Urbany, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49282
Date de la décision : 16/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-16;49282 ?

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