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16/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49279

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2023, 49279


Tribunal administratif N° 49279 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49279 Chambre de vacation Inscrit le 8 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49279 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2023 par MaÃ

®tre Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe...

Tribunal administratif N° 49279 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49279 Chambre de vacation Inscrit le 8 août 2023 Audience publique de vacation du 16 août 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49279 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2023 par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie), et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 août 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 6 août 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation de ce jour.

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Il se dégage d’un rapport de police dit « Fremdennotiz », portant le numéro …, daté du 6 juillet 2023, émanant du commissariat …, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle par les agents de la police grand-ducale lors duquel il ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité.

Par arrêté du 6 juillet 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 6 juillet 2023 établi par la Police grand-ducale, unité … ;

Vu ma décision de retour du 6 juillet 2023, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 2 août 2023, notifié à l’intéressé le 4 août 2023, le ministre prorogea pour une durée d’un mois avec effet au 6 août 2023 le placement en rétention de Monsieur …. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 6 juillet 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 6 juillet 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 2 août 2023 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 6 août 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes relevés ci-avant, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour vices d’excès et de détournement de pouvoir, pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Le demandeur fait ensuite valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime moyen, alors que le placement porterait atteinte à la liberté de mouvement, et qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. Il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans envisager d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté, telles que des mesures moins coercitives. Il propose à cet égard « un placement » à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK).

Il critique ensuite le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. A cet égard, il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permet le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ci impossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. Dans ce contexte, le demandeur fait valoir qu’il ne présenterait pas un danger à l’ordre public luxembourgeois, alors qu’il n’aurait commis aucune infraction grave au Luxembourg.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, alors que des mesures auraient été engagées mais n’auraient pas abouti, de sorte qu’aucune mesure d’éloignement n’aurait été en cours au jour du placement en rétention et que les autorités algériennes ne lui auraient pas délivré de laissez-

passer.

Au vu de ces considérations, le demandeur estime que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate, son assignation à résidence ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé à cet égard que la décision du 6 juillet 2023 est assortie d’un ordre de quitter le territoire et d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni de documents d’identité, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers […] est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », le tribunal relevant que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

Cette conclusion, à défaut de développements circonstanciés à cet égard, n’est pas énervée par la simple affirmation du demandeur selon laquelle il ne présenterait « pas un danger à l’ordre public luxembourgeois alors que le requérant a été respectueux de l’ordre public luxembourgeois et n’a commis aucune infraction grave au Luxembourg ».

Si le demandeur estime que le ministre aurait dû, compte tenu de sa situation particulière, lui permettre de bénéficier de mesures moins coercitives, il convient de rappeler que les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe 1er, à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe 1er, pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

L’article 125, paragraphe 1er, de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, le demandeur n’a, tel que retenu ci-avant, pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef, son affirmation lors de son audition par la police grand-ducale en date du 6 juillet 2023 qu’il ne quitterait pas volontairement le Luxembourg, confortant, au contraire, ce constat, le risque de fuite se définissant comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Par ailleurs, il n’est pas établi que l’intéressé disposerait d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, de même qu’il n’est pas allégué ni a fortiori prouvé que Monsieur … aurait une quelconque autre attache au Luxembourg et l’intéressé n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de prorogation de son placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef ainsi qu’une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, il échet de constater que depuis le placement en rétention de Monsieur … par arrêté ministériel du 6 juillet 2023, un agent du ministère a, par courrier du 12 juillet 2023, pris contact avec les autorités algériennes en vue de l’obtention d’un laissez-passer en faveur de Monsieur … en y annexant les empreintes digitales de l’intéressé et quatre photos d’identité. Les autorités luxembourgeoises ont adressé encore un rappel dudit courrier aux autorités consulaires algériennes en date du 1er août 2023.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

En effet, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective raisonnable et qu’il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que l’éloignement vers l’Algérie ne puisse pas être mené à bien.

Il convient toutefois de souligner que si le ministre ne saurait certes nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités du pays d’origine de la personne retenue, le tribunal ne saurait toutefois accepter, confronté à l’absence de toute réponse desdites autorités, d’un côté, et à la privation de liberté imposée à la personne retenue, de l’autre côté, que le ministre se contente d’une attitude essentiellement passive, se contentant d’attendre une réaction des autorités étrangères compétentes, et ne leur adresse qu’épisodiquement la même lettre de rappel, sans utiliser les autres moyens à sa disposition, dans les limites des usages et convenances diplomatiques, tel que l’envoi formel d’une note verbale aux autorités diplomatiques étrangères compétentes3.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

3 Voir trib. adm.5 octobre 2022, n° 47991.

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 16 août 2023 par :

Marc Sünnen, président, Laura Urbany, juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49279
Date de la décision : 16/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-16;49279 ?

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