La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/08/2023 | LUXEMBOURG | N°49245

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 août 2023, 49245


Tribunal administratif N° 49245 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49245 Chambre de vacation Inscrit le 31 juillet 2023 Audience publique de vacation du 9 août 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49245 du rôle et déposée le 31 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par M

aître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif N° 49245 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49245 Chambre de vacation Inscrit le 31 juillet 2023 Audience publique de vacation du 9 août 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49245 du rôle et déposée le 31 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (République Démocratique du Congo), de nationalité congolaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 juillet 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 août 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Clémence Remier, en remplacement de Maître Sanae Igri, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Il ressort d’un rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale, région Capitale, Commissariat …, du 24 juillet 2023, référencé sous le numéro …, que le même jour, Monsieur … fut interpelé en possession d’une carte d’identité portugaise falsifiée et sans qu’il n’ait été en mesure de présenter des documents d’identité en cours de validité.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à partir de sa sortie de l’Espace Schengen.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié ce jour-là, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question sur base des dispositions de l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Cette décision est motivée comme suit :

1 « (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 24 juillet 2023 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat … ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé a fait usage d'un faux document identité ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 24 juillet 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur explique être un ressortissant congolais, résidant actuellement en France à F-….

Il expose qu’il serait régulièrement entré en France le 13 septembre 2018 au moyen d’un visa portant la mention « étudiant », lui délivré le 30 août 2018, et qu’il exercerait, depuis septembre 2021, une activité professionnelle en qualité de « Manœuvre » auprès de la société à responsabilité limitée … SARL établie et ayant son siège social à F-…, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro … et dont le gérant serait un dénommé Monsieur ….

Il fait encore relever que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 mai 2023, il aurait introduit, auprès de la Préfecture de Moselle, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en France aux fins de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention « salarié », demande, réceptionnée le 16 mai 2023, laquelle serait toujours en cours d'examen.

Il se serait trouvé sur le territoire luxembourgeois alors qu’il y aurait travaillé pour le compte de son employeur, lorsqu’il aurait fait l'objet d'un contrôle d'identité au cours duquel il n’aurait pas pu présenter de document l'autorisant à circuler et ou séjourner sur le territoire luxembourgeois.

2 Il fait souligner qu’il serait en mesure de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d'une autre autorité désignée par lui, après remise de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, alors qu'il résiderait régulièrement avec sa femme et son enfant à la frontière française.

En droit, le demandeur fait plaider que la légalité d'une mesure de rétention administrative devrait s'inscrire dans un contexte permettant d'établir l'existence d'un risque non négligeable de fuite, apprécié à la lumière de la situation individuelle de l'étranger, ainsi que le caractère proportionné d'un placement en rétention basé sur ce premier critère et l'inexistence de mesures adéquates moins coercitives.

Tout en citant l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait relever que le recours au placement de l'étranger au Centre de rétention devrait être écarté, lorsqu'il n'existerait aucun risque de fuite, du fait notamment de l'existence de garanties de représentation, soumise à l'appréciation souveraine du juge.

Il donne à considérer que lors de son interpellation, il aurait coopéré avec les services de police afin de permettre son identification, tout en exprimant sa volonté de respecter les obligations lui imposées en vue d'organiser son éloignement.

Tout en soulignant que le placement au centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d'aller et venir, garantie par la Constitution, le demandeur estime qu’il y aurait lieu de réexaminer sa situation et de recourir à une alternative à son placement au Centre de rétention, en ordonnant une mesure moins coercitive au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008.

Il donne à considérer que le placement d'un étranger en structure fermée alors qu'il présente des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef, serait par conséquent à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dénommée ci-après la « directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d'un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’est pas légale. Par ailleurs, l'article 15, paragraphe (4) de ladite directive disposerait que la rétention ne se justifierait plus lorsqu'il n'existerait plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres.

A cet égard, le demandeur fait préciser qu’il présenterait toutes les garanties légales de représentation alors qu'il fournirait, à l’appui du présent recours, une copie de son passeport en cours de validité en gage de coopération, de façon à exclure tout risque de se soustraire aux autorités luxembourgeoises.

De même, il afficherait un comportement irréprochable au centre de rétention et serait une personne responsable et respectueuse, particulièrement bien intégrée tant socialement que professionnellement, de sorte qu’il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef.

Quant à sa situation personnelle, le demandeur fait relever qu’il se serait trouvé sur le 3territoire luxembourgeois à l’occasion de son travail pour le compte de son employeur, auprès duquel il serait engagé, à durée indéterminée, depuis le mois de septembre 2021. Il résiderait avec sa femme et son enfant dans un appartement à …, soit à proximité de la frontière avec le Luxembourg, de sorte qu’il serait en mesure de se présenter régulièrement auprès des services du ministère ou d'une autre autorité désignée par le ministre. En disposant d'une adresse de résidence en France à proximité de la frontière luxembourgeoise où il vivrait avec sa famille dans un environnement propice à son épanouissement, le demandeur estime qu’il présenterait dès lors toutes les garanties légales de représentation faisant en sorte que sa mesure de placement ne serait ni nécessaire, ni proportionnée à son objet.

Le demandeur cite encore, dans ce contexte, un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009 qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d'un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité et si le placement est nécessaire au but légitime poursuivi, principe qui figurerait non seulement dans la loi du 29 août 2008 mais également dans la directive 2008/115.

Il en conclut que sa résidence à proximité de la frontière luxembourgeoise constituerait une garantie de représentation suffisante, alors qu’une seule garantie de représentation serait exigée, de sorte que la mesure de placement attaquée, à défaut d'être la seule alternative à la préparation de son éloignement, devrait être reformée et/ ou annulée, afin qu’il puisse rejoindre sa famille au sein de son foyer et poursuivre l'exercice de son activité professionnelle.

Dans l’hypothèse où la remise de la copie de son passeport ne suffirait pas à satisfaire l'exigence de la loi, le demandeur propose de lui permettre de solliciter, auprès des autorités consulaires de la République Démocratique du Congo, un passeport en vue de sa remise au ministère contre récépissé.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux 4reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, le tribunal constate qu’il est constant que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, ayant notamment fait l’objet d’une décision de retour en date du 24 juillet 2023, ainsi que d’une décision du même jour valant d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, de même qu’il ne dispose pas de documents de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Force est ensuite de relever que le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément de nature à renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef par la fourniture d’éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

En effet, il n’est pas allégué que le demandeur serait actuellement en possession d’un quelconque titre de séjour valable, le contraire étant le cas, alors qu’il ressort des pièces versées à l’appui du recours et notamment de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour présentée en France, que son séjour y est irrégulier. Il ressort également des éléments de la cause et notamment d’une recherche dans le cadre du Centre de coopération policière et douanière que le demandeur s’est fait notifier en France une mesure d’éloignement en date du 29 mai 2021.

5 De même, le demandeur souligne, dans sa requête introductive d’instance, qu’il entend regagner la France afin de retrouver sa famille, affirmation qui est plutôt de nature à corroborer le risque de fuite dans son chef, lequel se définit comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement, soit en l’occurrence à la mainmise des autorités luxembourgeoises, peu importe que le lieu de résidence en France se trouverait non loin de la frontière luxembourgeoise. Le risque de se soustraire à son éloignement est également conforté par le fait qu’il est en aveu d’avoir utilisé une carte d’identité portugaise falsifiée.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, de sorte que le moyen tenant à contester tout risque de fuite dans le chef du demandeur est à rejeter.

Pour les mêmes considérations, le tribunal est encore amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel une mesure d’assignation à résidence aurait dû être appliquée en l’espèce.

A cet égard, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la 6contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal est amené, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant, à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

En effet, il est constant en cause que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache. De plus, une assignation à résidence sur un territoire autre que celui du Luxembourg, tel que préconisée par le demandeur, aurait tout au plus pour conséquence que le demandeur puisse se soustraire à la mainmise des autorités luxembourgeoises et éviter ainsi son éloignement forcé, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, étant d’ailleurs relevé que le demandeur ne prétend pas remplir les conditions pour une des deux autres mesures moins coercitives y prévues, étant relevé que la remise d’une simple copie du passeport, respectivement la volonté déclarée du demandeur de remettre l’original de son passeport, qu’il devrait préalablement obtenir de la part des autorités de son pays d’origine, ne saurait suffire à cet égard.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait prêt à coopérer avec les autorités luxembourgeoises et selon laquelle son comportement au Centre de rétention serait irréprochable, respectivement qu’il se considérerait comme une personne responsable, respectueuse et bien intégrée en France.

Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement litigieuse, respectivement d’une application erronée et arbitraire des dispositions légales applicables, encourt le rejet pour ne pas être fondé.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

7Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015.

Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les seuls justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte.2 Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire du demandeur, professionnel de la postulation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

En ce qui concerne, finalement, les diligences accomplies pour écourter au maximum sa privation de liberté, d’ailleurs non contestées par le demandeur, le tribunal n’entrevoit pas, à travers les éléments à sa disposition un manque de diligences dans le chef du ministre, alors qu’il ressort du dossier administratif que dès le lendemain de son placement, ses empreintes digitales ont été prises et les autorités luxembourgeoises se sont renseignées sur sa situation administrative en France auprès du Centre de coopération policière et douanière. Il ressort encore d’une note au dossier du 27 juillet 2023 que l’officier de liaison européen a été contacté en vue de lancer une recherche au niveau local dans son pays d’origine, le Congo. Finalement, l’ambassade de la République Démocratique du Congo à Bruxelles a été contactée par un courrier du 27 juillet 2023 en vue de l’identification du demandeur.

Eu égard à ces éléments, le tribunal est amené à retenir qu’au moment où il statue, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire pour procéder dans les meilleurs délais à l’éloignement de l’intéressé du territoire. Compte tenu de ces considérations et dans la mesure où il ne se dégage pas d’ores et déjà du dossier que l’éloignement ne puisse pas être mené à bien, la mesure de placement n’est pas sujette à critique dans ce contexte.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur … de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de 2 Trib. adm., 9 octobre 2003, n°15375 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Lois et règlements, n° 89 et les autres références y citées.

8la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 9 août 2023 par :

Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 août 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49245
Date de la décision : 09/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-08-09;49245 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award