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20/07/2023 | LUXEMBOURG | N°46566

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2023, 46566


Tribunal administratif Numéro 46566 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI :LU :TADM :2023 :46566 2e chambre Inscrit le 12 octobre 2021 Audience publique extraordinaire du 20 juillet 2023 Recours formé par la société en commandite simple …, …, contre un bulletin de cotisation de la Chambre de commerce, en matière de cotisations professionnelles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46566 du rôle et déposée le 12 octobre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Mario Di Stefano, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

du barreau de Luxembourg, au nom de la société en commandite simple …, établie ...

Tribunal administratif Numéro 46566 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI :LU :TADM :2023 :46566 2e chambre Inscrit le 12 octobre 2021 Audience publique extraordinaire du 20 juillet 2023 Recours formé par la société en commandite simple …, …, contre un bulletin de cotisation de la Chambre de commerce, en matière de cotisations professionnelles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46566 du rôle et déposée le 12 octobre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Mario Di Stefano, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société en commandite simple …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son associé commandité actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation du bulletin de cotisation de l’année 2021 émis le 12 juillet 2021 par la Chambre de commerce ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Michèle Baustert, en remplacement de l’huissier de justice Cathérine Nilles, demeurant à Luxembourg, du 13 octobre 2021, portant signification de ce recours à la Chambre de commerce, établissement public, établie et ayant son siège à L-1615 Luxembourg, 7, rue Alcide de Gasperi, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J41 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2022 par Maître Patrick Kinsch, au nom de la Chambre de commerce, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2022 par Maître Mario Di Stefano, au nom de la société en commandite simple …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin attaqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alex Pham, en remplacement de Maître Mario Di Stefano, et Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mai 2023.

Le 12 juillet 2021, la Chambre de commerce émit à l’encontre de la société en commandite simple …, ci-après désignée par « la société … », le bulletin de cotisation pour l’année de perception 2021, fixant la cotisation pour ladite année à … euros. Le courrier du même jour par le biais duquel le bulletin en question fut adressé à la société prévisée précisa ce qui suit :

« […] Nous avons l’honneur de vous adresser votre bulletin de cotisation pour l’année de perception 2021.

Conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 relatif au mode et à la procédure d’établissement du rôle des cotisations de la Chambre de Commerce et fixant la procédure de perception des cotisations de la Chambre de Commerce et du règlement de cotisation de la Chambre de commerce du 12 novembre 2010 fixant les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir, un système à taux dégressifs est appliqué pour le bulletin de cotisation de l’année de perception 2021 d’après les modalités reprises ci-

dessous :

Pour le bénéfice commercial en dessous ou égal à 49.500.000 EUR, le taux applicable est de 2 0/00.

Pour la tranche dépassant 49.500.000 EUR et jusqu’à 86.500.000 EUR, le taux applicable est de 1,5 0/00.

Pour la tranche dépassant 86.500.000 EUR et jusqu’à 99.000.000 EUR, le taux applicable est de 1 0/00.

Pour la tranche dépassant 99.000.000 EUR et jusqu’à 111.500.000 EUR, le taux applicable est de 0,5 0/00.

Pour la tranche dépassant 111.500.000 EUR, le taux applicable est de 0,25 0/00.

Le total de la cotisation est calculé en additionnant les montants découlant des calculs se rapportant aux différentes tranches entrant en ligne de compte. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2021, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation du bulletin de cotisation pour l’année de perception 2021, émis le 12 juillet 2021.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant à l’admissibilité du mémoire en réponse Avant tout autre progrès en cause, le tribunal est amené à analyser l’admissibilité ratione temporis du mémoire en réponse déposé par la Chambre de commerce au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2022, question soulevée par la société … à travers son mémoire en réplique.

En effet, après avoir relevé que la requête introductive d’instance, ayant été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 2021, aurait été signifiée à la Chambre de commerce par exploit d’huissier de justice du 13 octobre 2021 et que suivant l’article 5, paragraphe (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », les délais pour déposer un mémoire en réponse seraient prévus à peine de forclusion, la société demanderesse avance que le mémoire en réponse de la Chambre de commerce « aurait dû parvenir chez 2 l’avocat constitué de la Requérante » le 13 janvier 2022 au plus tard. Dans la mesure toutefois où le mémoire en réponse n’aurait été « faxé à l’attention » de son litismandataire que le 14 janvier 2022, il n’aurait pas été produit dans les délais légaux et serait de ce fait à rejeter pour cause de forclusion.

Aux termes de l’article 5, paragraphe (1) de la loi du 21 juin 1999 : « Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. », le paragraphe (6) du même article 5 prévoyant, quant à lui, que : « Les délais prévus aux paragraphes 1er et 5 sont prévus à peine de forclusion.

Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. ».

Il résulte des dispositions qui précèdent qu’il appartient à la partie défenderesse de fournir son mémoire en réponse dans un délai de trois mois à compter de la signification de la requête introductive d’instance, ce délai étant prévu à peine de forclusion.

En l’espèce, le requête introductive d’instance a été signifiée à la Chambre de commerce par exploit d’huissier de justice le 13 octobre 2021, de sorte que le délai de trois mois, tel que fixé au paragraphe (1) de l’article 5 de la loi du 21 juin 1999, a expiré, le jeudi 13 janvier 2022 à minuit.

Etant donné que le mémoire en réponse de la Chambre de commerce n’a été déposé au greffe du tribunal administratif que le vendredi 14 janvier 2022, il doit être écarté pour être tardif. Le même sort doit être réservé au mémoire en réplique déposé par la société demanderesse le 14 février 2022, ce mémoire ne constituant qu’une réponse au mémoire en réponse. En ce qui concerne les pièces produites en cause de part et d’autre avant le rapport fait en audience publique prévu par l’article 28 de la loi du 21 juin 1999, celles-ci seront prises en considération par le tribunal, le délai de forclusion ne visant en effet pas les pièces, mais uniquement les mémoires déposées par les parties.

Ceci étant dit, force est toutefois de relever qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999, si la partie défenderesse ou un tiers intéressé ne comparaît pas dans le délai prévu à l’article 5 de la même loi, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties. La même conclusion doit être tirée dans la situation dans laquelle la partie défenderesse fournit son mémoire en réponse en dehors des délais légaux1, tel que cela est le cas en l’espèce.

Il s’ensuit que bien que la société demanderesse ne se trouve pas confrontée à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les mérites des différents moyens soulevés2.

Quant au fond Moyens et arguments de la société demanderesse 1 Trib. adm. 29 mai 2000, n° 11603 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 977 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 2 mai 2002, n° 13912 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 981 et les autres références y citées.

A l’appui de son recours, la société … expose tout d’abord les faits et rétroactes gisant à la base du bulletin de cotisation déféré.

Plus particulièrement, elle explique avoir été constituée le 27 juillet 2015 et que son objet principal consisterait à (i) investir collectivement tous les fonds qui lui sont disponibles dans un large éventail de titres et actifs et principalement en actions et en participations dans toutes les sociétés, qu’elles soient luxembourgeoises ou étrangères, pour le bénéfice des associés en accord avec et soumis aux autres dispositions du contrat social, (ii) s’engager dans toutes autres activités jugées nécessaires, utiles, pratiques ou connexes à ce qui précède par l’associé commandité et (iii) s’engager dans toutes autres activités ou actions licites, conformes à ce qui précède et aux fins desquelles des sociétés en commandite simple peuvent être établies selon la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1915 ».

Elle précise n’exercer aucune activité réglementée du secteur financier ou qui requerrait une licence d’exploitation en vertu du droit luxembourgeois sans les autorisations nécessaires.

Elle serait un fonds d’investissement alternatif (« FIA ») au sens de la loi modifiée du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, ci-après désignée par « la loi du 12 juillet 2013 ».

La société demanderesse continue en expliquant avoir acquis des participations dans ses filiales, qu’elle détiendrait et mettrait en valeur, tout en renvoyant, pour ce qui est du détail complet de l’ensemble des participations détenues par elle, à ses comptes annuels audités et clôturés au 31 décembre 2020.

Elle précise qu’elle-même, sinon une ou plusieurs de ses filiales pourraient obtenir des financements dans le cadre d’un investissement ou des crédits relais, ainsi que d’autres emprunts à plus long terme relatifs aux investissements de portefeuille.

Après avoir relevé qu’elle aurait pour associé commandité la société … SARL qui détiendrait une « action GP » (« GP Share »), ce qui constituerait une participation insignifiante, en tout cas, inférieure à 5% des parts d’intérêt dans la société demanderesse, tandis qu’elle aurait pour associé commanditaire la société …,., située aux Îles Cayman, la société demanderesse précise que, depuis sa constitution, (i) elle serait gérée par l’associé commandité prévisé, et ce, sans limitation dans la durée du mandat de gérant, et (ii) elle serait immatriculée auprès du bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes.

La société demanderesse insiste ensuite sur le fait qu’il se dégagerait de la déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et des copropriétés des années 2018 et 2019 - Modèle 200F, d’une part, que tous ses revenus seraient qualifiés de « revenu net provenant d'une entreprise commerciale collective non passible de l'impôt commercial », sans que cette qualification ait été remise en cause par l’administration des Contributions directes et, d’autre part, que les revenus en question seraient tous alloués à l’associé commanditaire situé aux Îles Cayman.

Elle ajoute que comme elle se serait vu assigner un code NACE 64.301 réservé aux « Fonds Communs de Placement (FCP) » qui n’aurait visiblement pas été approprié comptetenu de son objet social, le 22 février 2021, elle aurait entrepris des démarches auprès de l’Institut national de la statistique et des études économiques (« STATEC »), aux fins de faire changer ce code NACE, tout en demandant expressément à se voir reclassée dans la catégorie pertinente avec le code NACE approprié réservé aux « Sociétés de participations financières -

Soparfi ».

Le 3 mars 2021, le STATEC lui aurait répondu que le code NACE lui attribué n’était effectivement pas approprié, mais, au lieu de la reclasser dans la catégorie des « Sociétés de participations financières - Soparfi » avec le code NACE correct, le STATEC lui aurait attribué le code NACE relatif aux « Autres organismes de placement collectif n.c.a. », sans motiver sa décision ni fournir une quelconque explication susceptible de justifier une telle classification.

Le 13 juillet 2020, un bulletin de cotisation pour l’année 2020 aurait été émis par la Chambre de commerce à hauteur d’un montant de … EUR. A défaut de réaction de sa part et ce, malgré un rappel lui adressé le 7 décembre 2020, l’administration des Contributions directes aurait émis à son encontre d’abord une contrainte le 28 mai 2021 et ensuite un commandement de payer portant à chaque fois sur un montant de … EUR, suite à quoi elle aurait réglé l’intégralité du montant réclamé pour l’année 2020, sans toutefois que ce paiement puisse être considéré comme étant constitutif dans son chef d’une reconnaissance ou d’une renonciation préjudiciable quelconque.

En droit, la société demanderesse conclut à l’annulation du bulletin de cotisation litigieux pour violation de la loi et ce, à deux titres, à savoir au motif (i) qu’elle ne réaliserait aucun bénéfice commercial susceptible de servir d’assiette aux cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de commerce et (ii) que le code NACE lui actuellement attribué par le STATEC serait erroné.

Pour sous-tendre son premier moyen, la société demanderesse s’appuie sur la circulaire du directeur de l’administration des Contributions directes LIR n°14/4 du 9 janvier 2015, ci-

après désignée par « la circulaire n°14/4 », dont il se dégagerait que lorsqu’un FIA au sens de la loi du 12 juillet 2013 est constitué sous la forme d’une société en commandite simple (« SCS ») ou d’une société en commandite spéciale (« SCSp »), il serait réputé ne pas réaliser une activité commerciale au sens de l’article 14, numéro 1 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (« LIR ») pour ne pas avoir d’objet commercial, mais un objet d’investissement.

Or, comme en l’espèce, il ne ferait aucun doute qu’elle-même serait un FIA au sens de la loi du 12 juillet 2013, son objet social ne pourrait pas être de nature commerciale. A fortiori, elle ne pourrait en aucun cas être considérée comme exerçant une activité commerciale, ni comme réalisant un bénéfice commercial.

Afin d’éliminer tout doute pouvant subsister quant au caractère non commercial de son activité, la société demanderesse se réfère aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de commerce, ci-après désignée par « la loi du 26 octobre 2010 », de même qu’à l’article 1er du règlement de cotisation de la Chambre de commerce du 12 novembre 2010 fixant les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir, ci-après désigné par « le règlement de cotisation », ainsi qu’à la définition du bénéfice commercial contenu à l’article 14 LIR, pour relever qu’il se dégagerait d’une lecture combinée de toutes ces dispositions que « l’assiette des cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de Commerce s’entend[rait] du bénéfice commercial au sens de la loi concernant 5 l’impôt sur le revenu » et que le bénéfice commercial servant d’assiette aux cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de commerce serait défini selon l’article 14 LIR.

Ce serait, en tout état de cause, à tort qu’elle-même avait été considérée comme ayant réalisé un bénéfice commercial puisqu’en sa qualité de SCS, elle serait transparente fiscalement et les revenus qu’elle réalise ne seraient pas imposables dans son chef, mais seulement au niveau de ses associés. Ainsi, suivant sa déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et des copropriétés de l’année 2018, la totalité des revenus qu’elle a réalisés, à savoir le montant de … EUR, aurait été allouée à son associé commanditaire, prévisé, lequel ne serait pas un contribuable résident au Luxembourg, de sorte que l’ensemble des revenus en question ne serait pas imposable selon le droit luxembourgeois.

Elle ajoute que même à admettre pour les besoins de la discussion que l’ensemble des revenus en question devaient être imposables selon les termes de l’article 14, numéro 1 LIR, ils n’en seraient pas pour autant à considérer comme des bénéfices commerciaux, faute pour elle d’exercer une activité commerciale au sens de la disposition légale en question. En effet, il devrait être constaté que, de par ses activités de détention et de gestion de participations, elle procèderait majoritairement à des transactions intra-groupes de sorte qu’il n’y aurait ni échange avec des tiers en dehors du groupe ni une quelconque volonté d’entrer en relation d’affaires avec un nombre déterminé de personnes. Son activité, en ce qu’elle consisterait dans l’investissement collectif de tous les fonds qui sont à sa disposition dans un large éventail de titres et d’actifs et principalement en actions et en participations, ainsi que dans la détention et la gestion de ces participations, ne relèverait pas d’une activité commerciale pour ne pas dépasser le cadre de la gestion du patrimoine privé.

Enfin, la société demanderesse donne à considérer que si en vertu de l’article 14, numéro 4 LIR, elle pourrait être considérée comme exerçant une activité commerciale si son associé commandité est une société de capitaux détenant au moins 5% de ses parts d’intérêts, tel ne serait pas le cas en l’espèce, puisque son associé commandité ne détiendrait qu’une participation infime et en tout cas inférieure à 5% de ses parts d’intérêts.

Pour toutes les raisons développées ci-avant, il y aurait lieu d’admettre que son activité ne pourrait pas être considérée comme étant de nature commerciale, de sorte que les revenus qu’elle a réalisés ne constitueraient pas non plus des bénéfices commerciaux au sens de l’article 14 LIR. A défaut de bénéfices commerciaux, il ne pourrait pas non plus y avoir d’assiette soumise à la cotisation annuelle requise par la Chambre de commerce, impliquant qu’elle-

même ne serait pas non plus assujettie à cette cotisation annuelle.

Au vu de ces considérations, le bulletin de cotisation serait dénué de fondement juridique et à annuler.

A titre subsidiaire, pour le cas où elle devait néanmoins être considérée comme étant assujettie à la cotisation annuelle de la Chambre de commerce, la société demanderesse fait valoir que, compte tenu de l’activité exercée par elle, le montant de la cotisation, tel que fixé, serait incorrect. Elle critique, dans ce contexte, de manière incidente le code NACE lui attribué par le STATEC en soutenant qu’elle aurait dû être classée dans la NACE sous la rubrique portant le numéro 64.202 et réservée aux « Sociétés de participations financières – Soparfi ».

Analyse du tribunal De l’entendement du tribunal, la société demanderesse ne conteste pas sa qualité de ressortissante de la Chambre de commerce, mais elle conteste le fait que la cotisation annuelle dont le paiement lui est réclamé à travers le bulletin litigieux ait été calculé selon l’article 16 de la loi du 26 octobre 2010 et donc en prenant le bénéfice commercial qu’elle aurait prétendument réalisé au sens de la L.I.R. comme assiette des cotisations annuelles à percevoir et ce, alors même qu’en tant que FIA constitué sous forme de société en commandite simple, elle serait réputée ne réaliser aucun bénéfice commercial ayant pu servir à déterminer l’assiette des cotisations annuelles.

Aux termes de l’article 16 de la loi du 26 octobre 2010 : « Pour faire face à ses dépenses, la Chambre de Commerce est autorisée à percevoir :

1° de ses ressortissants une cotisation annuelle ;

2° des droits ou rétributions en rémunération des services qu’elle rend.

Les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de Commerce sont fixées par celle-ci dans son règlement de cotisation soumis à l’approbation du Gouvernement. La cotisation annuelle par ressortissant ne peut dépasser quatre pour mille de son bénéfice réalisé pendant l’avant-dernier exercice. Ce bénéfice s’entend du bénéfice commercial au sens de la loi concernant l’impôt sur le revenu, abstraction faite des pertes reportées selon les articles 109, alinéa 1er, N° 4 et 114 de cette même loi. […] ».

L’article 3 du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 relatif au mode et à la procédure d’établissement du rôle des cotisations de la Chambre de Commerce et fixant la procédure de perception des cotisations de la Chambre de commerce dispose que : « Les cotisations dues à la Chambre de Commerce sont déterminées par celle-ci dans son règlement de cotisation arrêté par son assemblée plénière dans le respect des limites telles que définies aux articles 16, 17 et 18 de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce. », tandis que l’article 1er du règlement de cotisation prévoit que : « L’assiette des cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de Commerce s’entend du bénéfice commercial au sens de la loi concernant l’impôt sur le revenu, abstraction faite des pertes reportées selon les articles 109, alinéa 1er, N° 4 et 114 de cette même loi, réalisé par les ressortissants en cause pendant l’avant-dernier exercice. ».

L’article 14 LIR définit le bénéfice commercial comme suit : « Sont considérés comme bénéfice commercial :

1. le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale. Est réputée entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale. La société d’investissement en capital à risque (SICAR) sous forme de société en commandite simple ou de société en commandite spéciale n’est cependant pas à considérer comme entreprise commerciale. Le fonds d’investissement alternatif réservé sous forme de société en commandite simple ou de société en commandite spéciale et répondant aux critères de l’article 48, paragraphe 1er de la loi du 23 juillet 2016 relative aux fonds d’investissement alternatifs réservés n’est pas à considérer comme entreprise commerciale. ;

2. la part de bénéfice des coexploitants d’une entreprise commerciale collective, ainsi que les rémunérations ou indemnités allouées à ces coexploitants en raison de leur activité au service de l’entreprise collective, des prêts consentis par eux ou des 7 biens mis par eux à la disposition de l’entreprise collective. Tombent sous l’application de la présente disposition les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en commandite spéciale, les groupements d’intérêt économique, les groupements européens d’intérêt économique, les sociétés commerciales momentanées, les sociétés commerciales en participation et les entreprises communes en général, dont l’activité rentre parmi celles visées par les numéros 1 ou 4 du présent article;

3. la part de bénéfice de l’associé commandité d’une société en commandite par actions, pour autant que cette part de bénéfice ne constitue pas le produit de sa participation dans ladite société, ainsi que les rémunérations ou indemnités allouées à l’associé commandité en raison de son activité au service de la société, des prêts consentis par lui ou des biens mis par lui à la disposition de la société;

4. nonobstant les dispositions de l’article 175, alinéa 1er, et en l’absence d’une activité rentrant parmi celles visées par le numéro 1 ci-dessus, le revenu net provenant d’une activité à but de lucre exercée soit par une société en commandite simple ou par une société en commandite spéciale, dont au moins un associé commandité est une société de capitaux détenant au moins 5% des parts d’intérêts, soit par une société en nom collectif, un groupement d’intérêt économique, un groupement européen d’intérêt économique ou une société civile, dont la majorité des parts est détenue par une ou plusieurs sociétés de capitaux. Une société de personnes à caractère commercial en vertu du numéro 1 ou de la première phrase de la présente disposition, qui détient des parts dans une autre société de personnes, est assimilée à une société de capitaux pour déterminer la nature du revenu réalisé par cette autre société de personnes. ».

Il y a encore lieu de relever qu’aux termes de l’article 175, alinéa 1er LIR : « Les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en commandite spéciale, les groupements d’intérêt économique, les groupements européens d’intérêt économique, les sociétés commerciales momentanées, les sociétés commerciales en participation et les sociétés civiles sont considérés comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés, excepté ceux de ces organismes qui sont des organismes non résidents visés par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents ou par l’article 3 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre. ».

Si à l’égard de l’impôt sur le revenu des collectivités, la SCS et la SCSp sont fiscalement transparentes conformément à l’article 175, alinéa 1er L.I.R, les entreprises commerciales exploitées par une SCS ou une SCSp sont, en revanche, des contribuables assujettis à l’impôt commercial communal pour autant que les conditions de l’article 14 LIR et du paragraphe 2 de la loi modifiée du 1er décembre 1936 concernant l’impôt commercial communal, dite « Gewerbesteuergesetz », en abrégé « GewStG », relatives au bénéfice commercial soient remplies.

La question concrètement litigieuse en l’espèce est celle de savoir si les revenus réalisés par la société demanderesse constituent un bénéfice commercial au sens de l’article 14 de la LIR.

Or, à la lecture de l’article 14, numéro 1 LIR, il apparaît qu’un FIA réservé sous forme de SCP ou de SCSp et répondant aux critères de l’article 48, paragraphe 1er de la loi modifiée du 23 juillet 2016 relative aux fonds d’investissement alternatifs réservés, ci-après désignée par « la loi du 23 juillet 2016 » n’est pas à considérer comme une entreprise commerciale.

C’est également ce qui se dégage de la circulaire n°14/4 puisqu’il y est expliqué qu’au cas où la SCS ou la SCSp est un FIA au sens de la loi du 12 juillet 2013, constitué sous la forme de SCS ou de SCSp, sans être un FIA établi en dehors du territoire luxembourgeois, ni une SICAV gouvernée par la partie II de la loi du 17 décembre 2010 constituée sous la forme d’SCS ou de SCSp, ni un fonds d’investissement spécialisé (SIF), constitué sous la forme de SCS ou de SCSp, ni une société d’investissement en capital à risques (SICAR), constituée sous la forme de SCS ou de SCSp, la SCS ou SCSp en question est réputée ne pas réaliser une activité commerciale au sens de l’article 14, numéro 1 L.I.R., au motif qu’elle n’a, par définition, pas d’objet commercial, mais un objet d’investissement. La non-commercialité automatique se justifierait, dans ce cas, par le fait que le FIA doit avoir une politique d’investissement conforme à la loi précitée et aux lignes directrices émises par la European Securities and Markets Authority (ESMA).

En l’espèce, la société demanderesse affirme, en substance, être un FIA au sens de la loi du 12 juillet 2013 et qu’en tant que tel, son objet social ne saurait être de nature commerciale, de sorte qu’elle ne pourrait pas non plus être considérée comme réalisant un bénéfice commercial.

Le tribunal se doit de constater que cette affirmation se trouve corroborée par le contenu de son rapport annuel de l’année 2020 dont il se dégage qu’elle est un FIA non-régulé alternatif3 au sens de la loi du 12 juillet 2013 suivant laquelle il y a lieu d’entendre par la notion de FIA « des organismes de placement collectif, y compris leurs compartiments d’investissement, qui: a) lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs; et b) ne sont pas soumis à agrément au titre de l’article 5 de la directive 2009/65/CE ».

Ensuite, il ne ressort d’aucun élément à la disposition du tribunal que la société demanderesse, en tant que FIA constitué sous forme de SCS ne répondrait pas aux critères de l’article 48, paragraphe 1er de la loi du 23 juillet 2016, à savoir que son « objet exclusif [soit] le placement de [ses] fonds en valeurs représentatives de capital à risque », le placement en capital à risque étant défini dans le même article comme étant « l’apport de fonds direct ou indirect à des entités en vue de leur lancement, de leur développement ou de leur introduction en bourse. ».

Enfin et pour être tout à fait complet, le tribunal relève que si l’article 14, numéro 4 LIR dispose qu’une SCS ou une SCSp, dont au moins un associé commandité est une société de capitaux détenant au moins 5% des parts d’intérêts, réalise d’office un bénéfice commercial, même en l’absence d’une réelle activité commerciale, du fait d’être imprégnée par une ou plusieurs sociétés de capitaux, de sorte qu’une SCS ou SCSp réalisant des investissements de type alternatif, mais dépourvue de toute activité commerciale réelle est considérée comme réalisant néanmoins un bénéfice commercial en présence d’une participation de 5% au moins détenue par un associé commandité ayant revêtu la forme juridique d’une société de capitaux, 3 « … Feeder, S.C.S. (the “Feeder Fund”) is an unregulated, closed-end Luxembourg limited partnership which operates solely as a “feeder fund” and invests all of its assets in the Fund. », page 10 du rapport annuel.il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que tel serait le cas dans le chef de l’associé commandité de la société demanderesse.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal se doit de conclure que c’est à bon droit que la société demanderesse fait plaider qu’il ne serait pas établi qu’elle aurait réalisé pour l’année de perception en cause des revenus pouvant être qualifiés de bénéfices commerciaux au sens de l’article 14 LIR. C’est, par conséquent, également à tort que la Chambre de commerce a assis le montant de la cotisation annuelle de la société demanderesse sur base de l’article 16 de la loi du 26 octobre 2020 et de l’article 1er du règlement de cotisation, précités.

Il s’ensuit que, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, le bulletin de cotisation déféré est à annuler, étant précisé que le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, doit se borner à annuler une décision qu’il juge dénuée de fondement légal, mais qu’il ne saurait lui substituer une nouvelle décision, tel que le sollicite la société demanderesse dans le dispositif de sa requête introductive d’instance.

S’agissant de la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 EUR formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, celle-ci est à rejeter dans la mesure où il n’est pas justifié à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte les mémoires en réponse et en réplique des débats ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule le bulletin de cotisation de l’année 2021 émis par la Chambre de commerce le 12 juillet 2021 et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant la Chambre de Commerce ;

déboute la société demanderesse de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 EUR ;

condamne la Chambre de commerce aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, juge, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 20 juillet 2023 par le vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46566
Date de la décision : 20/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-20;46566 ?

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