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19/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49175

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2023, 49175


Tribunal administratif N° 49175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49175 chambre de vacation Inscrit le 14 juillet 2023 Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49175 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023

par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif N° 49175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49175 chambre de vacation Inscrit le 14 juillet 2023 Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49175 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023 par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 juillet 2023 ordonnant le placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation de ce jour.

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Il se dégage d’un rapport de police dit « Fremdennotiz », portant le numéro 2023/28656/1155/GJ, daté du 12 juillet 2023, émanant du commissariat C2R Käerjeng/Péiteng – Région Sud-Ouest, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle par les agents de la police grand-

ducale lors duquel il ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité.

Par arrêté du 12 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 12 juillet 2023 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 12 juillet 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes relevés ci-avant, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour vices d’excès et de détournement de pouvoir, pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Le demandeur fait ensuite valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime moyen, alors que celui-ci porterait atteinte à la liberté de mouvement. Il soutient, à cet égard, que le placement en rétention ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, qui ne serait pas discrétionnaire mais devrait être motivé à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. Il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans envisager d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté, telles que des mesures moins coercitives. Il soutient à cet égard qu’« un placement » dans la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) ou dans tout autre foyer pour demandeurs de protection internationale aurait été plus adapté à sa situation administrative.

Le demandeur critique encore le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. Il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permet le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier lorsque des circonstances rendent impossible l’exécution de son éloignement, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, inscrit sous le numéro 25344 du rôle, selon lequel il y aurait lieu de tenir non seulement compte de l’opportunité du principe de l’enfermement de l’étranger concerné, mais également du type de structure fermée retenu par le ministre afin de pouvoir vérifier si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité. Le demandeur fait également valoir, dans ce contexte, qu’il ne présenterait pas un danger pour l’ordre public luxembourgeois, alors qu’il n’aurait commis aucune infraction grave au Luxembourg. En outre, il ne serait pas connu « négativement » par les services de police d’aucun pays européen. Il ajoute qu’au moment du contrôle par la police luxembourgeoise, il aurait été en train de travailler dans un salon de coiffure et qu’il aurait, par ce biais, tenté de subvenir à ses besoins en trouvant un travail, dans l’optique de régulariser éventuellement sa situation administrative.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, alors qu’aucune mesure d’éloignement n’aurait existé au jour du placement en rétention et que les autorités algériennes ne lui auraient pas délivré de laissez-passer.

Au vu de ces considérations, le demandeur estime que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate, son assignation à résidence ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé à cet égard que ce dernier a fait l’objet d’une décision ministérielle séparée du 12 juillet 2023, qui est assortie d’un ordre de quitter le territoire et d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, - décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse -, et qu’il ne dispose pas de documents d’identité valables. En effet, il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement d’un courrier électronique du 17 juillet 2023 adressé aux services ministériels par le commissaire adjoint au commissariat de police de Pétange qu’il a été informé par le service expertise de la police que la carte d’identité et le permis de conduire italiens remis par le demandeur étaient des « faux documents (faux total) », ce que le demandeur n’a d’ailleurs pas contesté.

A cela s’ajoute que le demandeur ne dispose pas non plus d’un visa, d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », tout en relevant que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3 de la disposition légale en question.

Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant fourni aucun élément susceptible de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui.

Cette conclusion, à défaut de développements circonstanciés à cet égard, n’est pas énervée par la simple affirmation du demandeur selon laquelle il ne présenterait pas « un danger à l’ordre public luxembourgeois alors que le requérant a été respectueux de l’ordre public luxembourgeois et n’a commis aucun infraction grave au Luxembourg », ni par l’affirmation selon laquelle il aurait travaillé illégalement sur le territoire luxembourgeois en vue d’éventuellement régulariser sa situation administrative.

Concernant les mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ou tout autre foyer pour demandeurs de protection internationale ne sauraient être considérés comme domiciles stables ni comme fournissant à eux seuls une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y est pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-

ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Etant donné que (i) le demandeur a fait l’objet d’un arrêté constatant son séjour irrégulier sur le territoire et d’un ordre de quitter le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et (ii) une procédure d’éloignement engagée à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les moyens du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef, ainsi qu’à une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre pour organiser son éloignement, il ressort du dossier administratif qu’en date du 13 juillet 2023 un agent ministériel a contacté le Centre de coopération policière et douanière luxembourgeois pour obtenir des renseignements sur le demandeur de la part des autorités allemandes, françaises et belges.

Il échet ensuite de constater qu’en date du 13 juillet 2023, soit le lendemain de la notification de l’arrêté de placement en rétention, un agent de la police a soumis les documents remis par Monsieur …, à savoir sa carte d’identité et son permis de conduire italiens, au service expertise de la police pour vérifier leur authenticité, suite aux soupçons de l’agent de police ayant entendu le demandeur après son interpellation. Il ressort encore d’un courrier électronique du 17 juillet 2023 d’un agent de la police grand-ducale à un agent ministériel que le service « expertise documents » de la police grand-ducale l’aurait informé que les documents à analyser constitueraient des faux (« faux total ») et que le rapport détaillé serait dressé « au plus vite » au vu de l’urgence du dossier. Or, la preuve de l’authenticité ou de l’absence d’authenticité de ces documents italiens s’avère nécessaire afin de déterminer le pays dont il a la nationalité et partant les autorités auxquelles il sera nécessaire de s’adresser en vue de son éloignement.

Au regard de ces démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 19 juillet 2023 par le premier vice-président en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49175
Date de la décision : 19/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-19;49175 ?

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