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19/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49158

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2023, 49158


Tribunal administratif N° 49158 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49158 chambre de vacation Inscrit le 12 juillet 2023 Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Recours formé par Monsieur A, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49158 du rôle et déposée au greffe du tribunal admi

nistratif le 12 juillet 2023 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au t...

Tribunal administratif N° 49158 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49158 chambre de vacation Inscrit le 12 juillet 2023 Audience publique de vacation du 19 juillet 2023 Recours formé par Monsieur A, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49158 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2023 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, déclarant être né le … à … (Sénégal) et être de nationalité sénégalaise, alias A, né le … à …, de nationalité sénégalaise, alias A, né le … à …, de nationalité espagnole, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 juillet 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Xavier Manga, en remplacement de Maître Marcel Marigo, et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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En date du 3 juin 2021, Monsieur A s’est enregistré en tant que citoyen de l’Union européenne auprès du Biergercenter de … au moyen d’une carte d’identité espagnole.

Suite à une demande en obtention d’un visa en vue d’un regroupement familial en faveur de son épouse, Madame B, de nationalité sénégalaise, introduite le 5 juin 2023, le ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après dénommée « le ministère », informa Monsieur A, par courrier du 13 juin 2023, des formalités administratives à respecter à cet égard.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat Luxembourg C3R, du 3 juillet 2023, portant le numéro de référence …, qu’à cette même date, Monsieur A fut appréhendé par les forces de l’ordre, alors qu’il avait tenté de s’enregistrer en tant que citoyen de l’Union européenne auprès de l’office de l’état civil de Luxembourg Ville au moyen de la même carte d’identité espagnole précédemment utilisée, s’étant révélée être une fausse carte d’identité espagnole après analyse du document par l’Unité de la Police de l’Aéroport – Service Expertise Documents. Il résulte encore du même rapport de police que Monsieur A était en possession d’un faux permis de conduire espagnol portant les mêmes coordonnées, d’une carte de sécurité sociale luxembourgeoise, ainsi que d’une attestation d’enregistrement luxembourgeoise, que son identité n’avait pas pu être confirmée, qu’il est propriétaire d’un véhicule immatriculé au Luxembourg, qu’il s’est déjà enregistré quatre fois au Luxembourg, à savoir dans les communes de …, …, … et …, à l’aide de la même carte d’identité espagnole, qu’il dispose d’une adresse au Luxembourg et y travaille, de sorte à avoir des moyens financiers propres.

Par arrêté du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur A comme étant irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prit également une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de 5 ans à son égard.

Par arrêté séparé du 3 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida de placer Monsieur A au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, l’arrêté afférent étant libellé comme suit :

« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport numéro … du 3 juillet 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un faux document identité ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Une recherche effectuée dans la base de données Eurodac en date du 5 juillet 2023 en vue de la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, révéla un « no hit » dans le chef de Monsieur A.

Par courrier du 5 juillet 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le 7 juillet 2023, le ministre informa Monsieur A, en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de son intention de révoquer son droit de séjour sur le territoire luxembourgeois au motif que l’attestation d’enregistrement en sa possession serait entachée d’illégalité en raison du fait qu’il ne possédait pas la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne alors qu’il avait fait usage d’un faux document d’identité espagnol afin de l’obtenir, de sorte que l’attestation d’enregistrement avait été indûment délivrée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2023, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 3 juillet 2023 décidant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste tout risque de fuite dans son chef, alors qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucun élément concret qui serait de nature à prouver objectivement qu’il empêcherait la réalisation de la mesure d’éloignement prise à son encontre.

Il précise, à cet égard, qu’il aurait toujours coopéré tant avec les autorités luxembourgeoises qu’avec les autorités sénégalaises en vue de son identification.

En se basant sur l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur reproche ensuite un manque de diligences au ministre, en soutenant que s’il ressortait certes du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises auraient contacté les autorités consulaires sénégalaises, il n’en resterait pas moins qu’il n’y aurait aucune perspective raisonnable de voir réaliser la mesure d’éloignement prise à son encontre. Or, il estime que lesdites démarches ne sauraient justifier une privation de liberté dans son chef au risque de constituer une violation de sa liberté de mouvement consacrée à l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

En se prévalant des dispositions des articles 120 et 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, Monsieur A affirme que les mesures moins coercitives devraient bénéficier d’une priorité par rapport au placement en rétention. Il insiste, à cet égard, sur le fait qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable d’exécuter la mesure d’éloignement à destination de son pays d’origine, en mettant plus particulièrement en avant que le dossier administratif ne contiendrait pas le moindre écrit adressé aux autorités sénégalaises dans le cadre de l’organisation de son retour vers le Sénégal, et ce, alors même qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes. A cet égard, il explique avoir vécu en couple avec Madame C depuis plus de quatre ans, les enfants de cette dernière le considérant comme leur propre père, alors que leurs parents seraient séparés. Il en déduit que sa rétention serait à qualifier de disproportionnée, voire d’arbitraire.

Il fait préciser qu’il n’entendrait pas se soustraire aux effets de la mesure d’éloignement prise à son encontre et demande dès lors à se voir assigner à résidence, respectivement auprès de sa compagne, tout en soulignant qu’il serait prêt à se soumettre à toute mesure restrictive, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l'autorité administrative.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

Force est, ainsi, de constater que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il convient tout d’abord de souligner que le tribunal n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent.

S’agissant en premier lieu des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, il est constant en cause que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans prise à son encontre le 3 juillet 2023, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. Il est encore constant qu’il ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur A de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste en défaut de faire, la seule affirmation du demandeur suivant laquelle il aurait coopéré tant avec les autorités luxembourgeoises qu’avec les autorités sénégalaises, étant insuffisante à cet égard.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

Au vu de toutes ces considérations, le moyen ayant trait à une absence de risque de fuite dans le chef du demandeur encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Ainsi, s’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation (…).

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), qui peuvent être prononcées de manière cumulative, sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. La seule invocation de sa volonté à se voir assigner à résidence, auprès d’une dénommée Madame C et les enfants de cette dernière avec lesquels il entretiendrait une bonne relation n’est, en tout état de cause, pas suffisante pour ébranler ce constat, ce d’autant plus que, d’une part, le demandeur reste en défaut de prouver tant l’existence d’une relation stable entre lui-même et Madame C que l’accord de cette dernière pour l’héberger à son adresse, non indiquée. Il s’y ajoute que le demandeur a introduit une demande de regroupement familial avec son épouse, Madame B, en date du 5 juin 2023, avec laquelle il se serait marié le …, laissant douter de la réalité de sa relation avec Madame C.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article ne sauraient être efficacement appliquées et l’arrêté de placement déféré ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

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1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

Quant à l’argumentation non autrement étayée du demandeur selon laquelle l’arrêté ministériel déféré porterait atteinte à son droit à la liberté de mouvement, le tribunal retient que l’argumentation en question est à rejeter, étant donné qu’il ne lui appartient pas de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions. En tout état de cause, en plus d’être expressément prévu en droit interne luxembourgeois, le placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière en vue d’organiser son éloignement constitue une privation de liberté expressément autorisée par l’article 5 de la CEDH et, par conséquent, par l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, le paragraphe (1), point f) dudit article 5 de la CEDH prévoit justement la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours, le terme d’expulsion devant être entendu dans son acceptation la plus large de sorte à viser toutes les mesures respectivement d’éloignement et de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays.2 En ce qui concerne ensuite les diligences entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que par courrier électronique du 4 juillet 2023, soit le lendemain de la notification de la décision déférée, les autorités ministérielles ont sollicité, auprès de la police judiciaire, les empreintes et une photographie du demandeur. Le 5 juillet 2023, le ministre a fait vérifier la base de données Eurodac et il a informé Monsieur A, par courrier du même jour, notifié en mains propres à l’intéressé le 7 juillet 2023, de son intention de lui retirer son droit de séjour acquis de manière irrégulière. Par courrier électronique du 7 juillet 2023, les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités consulaires sénégalaises en vue de l’identification de Monsieur A, demande à laquelle étaient joints un jeu d’empreintes digitales, une copie de son acte de mariage, une copie de son livret de famille ainsi qu’une photo d’identité de l’intéressé. Par courrier électronique du même jour, les autorités sénégalaises ont accusé réception de la demande d’identification de Monsieur A, tout en informant les autorités luxembourgeoises qu’une réponse sera communiquée dès que possible.

Force est ainsi de constater, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à rejeter.

Il en est de même de l’argumentation du demandeur ayant trait à l’impossibilité d’exécuter son éloignement dans les meilleurs délais, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant de conclure à une telle impossibilité.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

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2 Trib. adm., 20 janvier 2017, n° 38970 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 805 et les autres références y citées.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 19 juillet 2023 par :

Françoise Eberhard, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 49158
Date de la décision : 19/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-19;49158 ?

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