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14/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49138

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2023, 49138


Tribunal administratif Numéro 49138 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49138 1re chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous de multiples alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49138 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au gre

ffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite ...

Tribunal administratif Numéro 49138 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49138 1re chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous de multiples alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49138 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, connu sous de multiples alias, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, d’après le dispositif de la requête, principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juin 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 juillet 2023.

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Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat C3R Luxembourg, du 13 avril 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur …, connu sous de multiples alias, ci-après désigné par « Monsieur … », fut interpellé par les forces de l’ordre à cette même date et ne put, à cette occasion, présenter de document d’identité.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Museldall, du 7 mai 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité alors qu’il se trouvait dans une maison abandonnée. Il ne put, à cette occasion, présenter de document d’identité.

Il ressort des éléments du dossier administratif que Monsieur … fit l’objet d’un signalement dans la base de données du système d’information Schengen (SIS) en vue d’une « Arrestation/Remise/Extradition » jusqu’au 10 juin 2025, ainsi que dans la base de données SIRENE (« Supplément d’Information Requis à l’Entrée Nationale ») notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique en France en 2020.

1Une vérification faite le 27 juin 2022 dans les bases de données du Centre de coopération policière et douanière (CCPD) révéla, d’une part, que l’intéressé n’était pas connue en France et en Allemagne, mais en Belgique pour « meurtre », « disparition-fugue », « vol qualifié », « étranger illégal », « harcèlement », « chemin de fer » et « considéré comme dangereux dans toutes nos bases de données et haut potentiel d’évasion », et, d’autre part, que l’intéressé était signalé dans la base de données de l’International Criminal Police Organisation (INTERPOL).

Par ailleurs, il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») du 14 juin 2022 qu’à cette date, Monsieur … y fut placé sous le statut de mineur après en avoir été préalablement libéré le même jour en tant que prévenu, un extrait établi par le service greffe du CPL du 27 juin 2022 précisant que l’intéressé y faisait l’objet d’une mesure de garde provisoire.

Par jugement du 1er décembre 2022, inscrit sous le numéro TAL-2022-05329 du rôle, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg rejeta la requête de l’ancien litismandataire de Monsieur … en vue de sa désignation en tant qu'administrateur ad hoc de l'intéressé.

Par un arrêté du 13 février 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur …, lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai et prononça à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans.

Par un arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un moins à compter de la notification dudit arrêté, le recours contentieux introduit le 8 mars 2023 contre cette décision ayant fait l’objet d’un désistement acté par un jugement du tribunal administratif du 15 mars 2023, inscrit sous le numéro 48658 du rôle.

Il se dégage du relevé journalier du CPL du 14 février 2023 qu’à cette date, Monsieur … fut libéré.

La susdite mesure de placement en rétention fut, par la suite, prorogée, chaque fois pour une durée supplémentaire d’un mois, par arrêtés ministériels des 13 mars, 13 avril, 11 mai et 13 juin 2023, notifiés respectivement les 14 mars, 14 avril, 12 mai et 14 juin 2023, l’arrêté ministériel, précité, du 13 juin 2023 reposant sur les considérations et les motifs suivants :

« […] Vu les 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 13 février, 13 mars, 13 avril et 11 mai 2023, notifiés le 14 février, le 14 mars, le 14 avril et le 12 mai avec effet au 14 mai 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 13 février 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant le manque de collaboration de l’intéressé ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure déplacement afin de garantir 2l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

En date du 15 juin 2023, Monsieur … fut conduit par les forces de l’ordre devant le juge d'instruction près le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg qui prit ce même jour une décision de maintien en détention à l'encontre de l'intéressé en vue de sa remise aux autorités françaises en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis en date du 27 décembre 2021 du chef notamment de tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, tel que cela ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Unité de garde et d’appui opérationnel, du 20 juin 2023, référencé sous le numéro …. Il ressort également dudit rapport que Monsieur … fut, ensuite, escorté au Centre pénitentiaire Ueschterhaff (« CPU ») en vue d'un placement en détention, lequel refusa l’admission de l'intéressé du fait de l’absence d’attestation médicale prouvant que l’intéressé serait majeur, de sorte que Monsieur … fut finalement reconduit au Centre de rétention le même jour.

Par un arrêté du 15 juin 2023, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par un arrêté daté du 16 juin 2023, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre rapporta la mesure de placement du 15 juin 2023, précitée, et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 13 février 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

3Considérant que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Considérant que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ;

Revue la mesure de placement du 15 juin 2023 ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, d’après le dispositif de la requête, auquel le tribunal est seul tenu, principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 16 juin 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes repris ci-avant, le demandeur se réfère aux articles 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », et 121 de la loi du 29 août 2008 pour soutenir que le ministre aurait fait une appréciation erronée de sa situation, commis un excès et détournement de pouvoir et aurait violé la loi ou les formes destinées à protéger les intérêts privés.

Il avance que le placement en rétention, qui porterait atteinte à sa liberté de mouvement, ne serait qu’une simple faculté pour le ministre, sans qu’il ne s’agisse d’une faculté discrétionnaire, le demandeur faisant valoir que le placement en rétention devrait être sérieusement et suffisamment motivé, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Tout en se fondant sur l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 5 novembre 1950, ci-après désignée par la « CEDH », qui prévoirait expressément la possibilité de placer en rétention un « étranger » se trouvant en situation irrégulière, le demandeur indique que la rétention, qui équivaudrait à une « détention », devrait rester une mesure exceptionnelle.

Après avoir relevé qu’il aurait déjà passé 4 mois en rétention et s’être référé à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur donne à considérer qu’il aurait déjà été placé une première fois en rétention pour une durée supérieure à quatre mois et qu'il aurait été extrait du Centre de rétention afin de l'informer de l’existence d’un mandat d'arrêt européen émis à son encontre. Il n’aurait toutefois pas pu faire l'objet d'une détention en raison 4de sa minorité au moment des faits, alors que cet élément aurait figuré dans le mandat d'arrêt, de sorte qu’il n'aurait pas pu échapper aux « autorités exécutantes » dudit mandat. Il en conclut qu’il y aurait lieu de considérer qu’il n’aurait jamais quitté le Centre de rétention et qu'il ne pourrait, dès lors, pas faire l'objet d'une nouvelle mesure de placement en rétention.

Le demandeur déplore que depuis le 13 février 2023, soit en 5 mois, son identité n’aurait pas encore pu être établie jusqu’à ce jour.

Il reproche également au ministre d’avoir ordonné immédiatement son placement en rétention, sans qu'il n’ait envisagé d'autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté.

Ce serait, dès lors, à tort que le ministre aurait décidé de le placer en rétention sans étudier la possibilité d'ordonner des mesures moins coercitives, telles que son placement dans la structure d'hébergement d'urgence au Kirchberg (« SHUK ») ou « tout autre foyer pour étrangers » qui seraient plus adaptés pour lui et permettraient de réduire la durée de la privation de liberté au strict minimum. Il ne ressortirait, par ailleurs, pas des éléments du dossier qu’une solution alternative et moins coercitive aurait été recherchée.

Le demandeur fait encore valoir que le placement en rétention ne serait permis que si une mesure d’éloignement ou de transfert était en cours, si elle était menée avec diligence et si elle avait des probabilités d’aboutir. Il estime qu’il ne ressortirait pas du dossier que le ministre ait fait toutes les diligences en vue d’aboutir à son éloignement, alors que le ministre n’aurait toujours pas établi, après 5 mois, son identité, de sorte que son éloignement paraîtrait illusoire.

Il donne à considérer que 5 mois après son placement en rétention, les autorités consulaires n'auraient toujours pas donné de réponse au ministre et aucun laissez-passer n'aurait été délivré à ce jour par les autorités de son pays d'origine qui aurait permis au ministre d’envisager son transfert vers le pays dont il serait originaire. Le demandeur en conclut que la procédure d'éloignement resterait très hypothétique à l'heure actuelle et risquerait de lui faire endurer une privation de liberté trop longue compte tenu de la privation de liberté de 5 mois qu’il aurait déjà subie, de sorte qu’il serait injuste de lui faire endurer une rétention « inutile ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que si le tribunal est investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n'en demeure pas moins que saisi d'un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l'examen auquel il doit se livrer ne peut s'effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l'acte déféré. Son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation des requérants. Il appartient, dès lors, au demandeur d'établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l'un des motifs énumérés à l'article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996, tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation1.

1 Trib. adm. 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 31 et les autres références y citées 5D’ailleurs, le tribunal n’est, en présence de plusieurs moyens invoqués, pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

En ce qui concerne la légalité externe et l’affirmation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait dépourvue de motivation, force est de constater que le tribunal n’a pas à répondre à des moyens simplement suggérés et qu’il incombe en tout état de cause au demandeur de désigner la règle de droit qui serait violée, ainsi que la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué2. Or, en l’espèce, le demandeur se contente de relever de façon vague une motivation insuffisante, sans toutefois autrement expliquer le moyen et sans l’appuyer sur une quelconque disposition légale.

A titre superfétatoire et uniquement pour être complet, à admettre que le demandeur ait entendu s’appuyer sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par le «»règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », il échet de retenir que s’il est vrai qu’en vertu de cette disposition, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte que l’obligation inscrite à cette disposition ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, respectivement de prorogation d’un placement en rétention d’un mois, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs est en tout état de cause à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, le tribunal relève de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que 2 Trib. adm., 27 mai 2013, n°32017 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n°492 et les autres références y citées.

6l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 13 février 2023, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé que la légalité de cette décision ne fait pas l’objet du présent recours. Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, les contestations y afférentes de l’intéressé, y compris celle selon laquelle son placement en rétention serait « inutile », étant, dès lors, à rejeter.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du demandeur consistant à soutenir, en substance, que l’arrêté ministériel de placement du 16 juin 2023, déféré, constituerait une cinquième mesure de prorogation de l’arrêté de placement du 13 février 2023. Le tribunal retient, au contraire, que l’arrêté de placement du 13 février 2023, ainsi que les arrêtés de prorogation subséquents des 13 mars, 13 avril, 11 mai et 13 juin 2023 7doivent être considérés comme ayant cessé de produire leurs effets dès le 15 juin 2023. Il est, en effet, constant en cause que le demandeur a non seulement quitté le Centre de rétention à cette date3, mais que cette sortie s’inscrivait dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis à son encontre ayant amené le juge d’instruction à enjoindre aux forces de l’ordre d’extraire l’intéressé du Centre de rétention pour le soumettre, dans ce contexte, à un interrogatoire auprès du juge d’instruction en vue de son extradition. Indépendamment du constat que suivant le rapport de la police grand-ducale du 20 juin 2023, prémentionné, le demandeur n’a pas pu être admis au CPU, l’itératif arrêté de placement en rétention du 15 juin 2023 pris par le ministre et remplacé par l’arrêté de placement en rétention du 16 juin 2023, déféré, ne s’inscrit, dès lors, pas dans la lignée de la série de mesures de placement précédentes, mais constitue une nouvelle mesure de placement initiale qui satisfait a priori aux conditions visées à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, tel que relevé ci-avant4.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence à la SHUK ou au sein de « tout autre foyer pour étrangers », il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, 3 Voir par analogie : Cour adm., 27 février 2020, n° 44188C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 975 (1er volet).

4 Voir par analogie : Cour adm., 17 juillet 2019, n° 43234C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 976 ; de même que : Trib. adm., 21 novembre 2016, n° 38691 du rôle, confirmé par Cour adm., 29 novembre 2016, n° 38749C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 975 (2e volet).

8conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.5 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, dont il se prévaut, en substance, à l’appui de son recours, à savoir l’assignation à résidence, s’impose, étant encore précisé que la SHUK, respectivement « tout autre foyer pour étrangers » ne sauraient être considérés comme domiciles stables ni comme fournissant à eux seuls une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’y est pas concevable. Le tribunal constate également que le demandeur ne dispose pas de passeport ou de tout document justificatif de son identité et qu’il n’a pas proposé le dépôt d’une garantie financière, de sorte à ne pas pouvoir bénéficier des mesures visées à l’article 125, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 29 août 2008.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence à la SHUK ou « tout autre foyer pour étrangers », ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de cette dernière disposition de droit international : ««1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer 5 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

9irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH, que celui-

ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays6.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention sans violer l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen y relatif est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, force est au tribunal de constater qu’il ressort du dossier administratif, ainsi que des explications fournies par la partie étatique, non contestées sur ce point par le demandeur, que le 13 février 2023, jour de son premier placement au Centre de rétention, les autorités luxembourgeoises s’étaient déjà préalablement adressées aux autorités marocaines par courrier du 12 octobre 2022, en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef du demandeur et de son identification, tout en y joignant une photo d’identité et un jeu d’empreintes digitales de l’intéressé, demande que les autorités luxembourgeoises ont complété par courrier du 20 octobre 2022 dans lequel elles ont informé le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège que leurs « recherches approfondies [les] amènent à conclure que l’identité réelle de [l’intéressé] est la suivante : « …, né le …. à …, fils de … et … ».

A défaut de réponses des autorités marocaines, les autorités ministérielles se sont enquises de l’état d’avancement du dossier par courrier du 11 novembre 2022 auquel les autorités marocaines ont répondu, par courrier du 16 novembre 2022, que le dossier était toujours en cours d’examen.

Suite à un courrier de rappel du 25 janvier 2023 des autorités luxembourgeoises, les autorités marocaines les ont informées, par courrier du même jour, qu’« aucune concordance n’a pu être déterminée lors de la soumission de la demande d’identification du dénommé … alias … ».

Le tribunal relève ensuite qu’à compter du premier placement de l’intéressé au Centre de rétention le 13 février 2023, les services du ministre ont communiqué, par courrier électronique du 21 février 2023, une « note verbale », référencée sous le numéro … et datée du 20 février 2023, au Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège, en l’informant que Monsieur … maintenait être un ressortissant marocain et en lui demandant de procéder à un entretien d’identification de l’intéressé au Centre de rétention, soit en présentiel, soit par visioconférence, ou dans les locaux du Consulat Général à Liège, et ce afin d’exclure tout doute quant à la nationalité de l’intéressé, les services du ministre lui ayant encore adressé, à défaut 6 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

10de réponse des autorités marocaines, des rappels à ce sujet par courriers des 6, 15 et 29 mars 2023.

Par courrier du 3 avril 2023, le Consulat Général du Royaume du Maroc a indiqué aux autorités ministérielles que le traitement des empreintes digitales de « Monsieur … » par ses services avait révélé qu’il n’y avait pas de concordance avec l’identité présumée de Monsieur … et que l’intéressé ne serait pas un ressortissant marocain.

De leurs côtés, les services du ministre ont informé le Consulat Général du Royaume du Marc par courrier du 4 mai 2023, qu’eu égard à la dangerosité de Monsieur …, il était préférable d’annuler la « séance d’identification » qui avait été fixée, d’un commun accord, dans les locaux du Consulat Général à Liège, tel que cela ressort d’un courrier des services du ministre du 27 avril 2023.

Le tribunal constate également qu’il ressort d’une note au dossier datée du 23 mai 2023 que le demandeur a été entendu par des agents du Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège en date du 20 mai 2023 dans les locaux du Centre de rétention, le rendez-vous ayant été fixé d’un commun accord lors d’un échange téléphonique du 17 mai 2023, tel que cela ressort d’un courrier des services du ministre du même jour adressé au Consul Général.

Un courrier du 1er juin 2023 émis par le Consulat Général et adressé aux autorités luxembourgeoises révèle en particulier que « compte tenu de la spécificité de l’entretien n’ayant duré qu’une dizaine de minutes et du comportement néfaste de l’intéressé, l’opération d’identification de l’intéressé n’avait pas donné les fruits escomptés ».

Force est au tribunal de constater que depuis le 16 juin 2023, date de l’arrêté de placement du demandeur au Centre de rétention dont il est saisi, les autorités luxembourgeoises se sont adressées, toujours dans le but de procéder à l’identification de l’intéressé, par deux courriers séparés des 19 juin 2023, à leurs homologues algériens et tunisiens en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef de Monsieur …, tout en y joignant une photo d’identité et un jeu d’empreintes digitale de l’intéressé.

Le lendemain du dépôt du présent recours et à défaut de réponse, lesdites autorités luxembourgeoises se sont enquises de l’état d’avancement du dossier auprès de leurs homologues tunisiens et algériens par deux courriers séparés du 7 juillet 2023.

Sur base de l’ensemble de ces éléments et dans la mesure où les autorités luxembourgeoises sont actuellement en attente d’une réponse de la part de autorités algériennes et tunisiennes suite à l’envoi des deux courriers de rappel leurs adressés en date du 7 juillet 2023, le tribunal est amené à constater que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours et que les démarches entreprises à cet égard par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 pour justifier le placement du demandeur au Centre de rétention.

En tout état de cause, le demandeur n’est pas fondé à reprocher au ministre un manque de diligences et plus particulièrement que le ministre n’aurait « toujours pas » établi son identité, alors qu’il ressort manifestement des éléments du dossier administratif explicités ci-

avant que le demandeur, qui est connus sous de multiples alias, est, à tout le moins partiellement, sinon essentiellement à l’origine des difficultés rencontrées par le ministre pour 11déterminer son identité, étant donné que le demandeur a indiqué et maintenu être de nationalité marocaine après que les autorités marocaines aient informé les autorités luxembourgeoises que, suivant leurs vérifications, l’intéressé ne serait pas un ressortissant marocain, ce qui a conduit les représentants du Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège à devoir se rendre au Centre de rétention afin de mener un entretien d’identification avec le demandeur, étant rappelé que c’est la dangerosité du demandeur qui a amené les autorités luxembourgeoises à préalablement devoir annuler le rendez-vous initialement fixé dans les locaux du Consulat Général à Liège aux fins d’identification de l’intéressé Les explications du Consulat Général incluses dans son courrier du 1er juin 2023, prémentionné, adressé aux autorités luxembourgeoises, sont éloquentes à ce sujet :

«  L'intéressé ne s'est pas montré coopératif dès le début de l'entretien, et a d'emblée tenté d'imposer sa manière de conduire les discussions, soit en contournant les questions, soit en refusant de donner les informations utiles le concernant.

 Il a parlé en langue arabe sans qu'il ne soit possible de déterminer avec précision l'accent de sa région ou pays d'où il provient ;

 Interrogé sur son éventuel lien avec le Maroc, il a refusé de donner des renseignements à ce sujet, ni de divulguer son nom réel, celui de ses parents et de leurs nationalités, sa date et lieu de naissance et de résidence antérieure.

Il a par contre indiqué avoir été en Belgique avant de séjourner au Luxembourg, sans donner plus de détails sur ce parcours, faits ou indications utiles à ce sujet;

 Devant l'insistance du personnel de ce Consulat Général pour obtenir les informations nécessaires pour pouvoir déterminer son identité, il a sans prévenir mis fin à la discussion et a quitté les lieux en criant que cela ne l'intéresse pas de s'entretenir avec des personnes venant de l'extérieure. ».

Force est de constater qu’une telle attitude, témoignant d’un défaut de collaboration flagrant, ne correspond pas à celle d’une personne désireuse de faciliter son processus d’identification afin d’écourter la durée de son placement en rétention et pour que la mesure d’éloignement la concernant puisse être menée à bien.

C’est, dès lors, à tort que le demandeur, d’une part, reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises, qui sont, tel que relevé ci-avant, actuellement tributaires de la collaboration des autorités tunisiennes et algériennes auxquelles elles se sont adressées, et, d’autre part, estime que son éloignement paraîtrait illusoire.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

12 au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49138
Date de la décision : 14/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-14;49138 ?

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