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14/07/2023 | LUXEMBOURG | N°46703

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2023, 46703


Tribunal administratif N° 46703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46703 3e chambre Inscrit le 18 novembre 2021 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Madame A, …, contre deux décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46703 du rôle et déposée le 18 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Sibel DEMIR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A,

demeurant à …, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la r...

Tribunal administratif N° 46703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46703 3e chambre Inscrit le 18 novembre 2021 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Madame A, …, contre deux décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46703 du rôle et déposée le 18 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Sibel DEMIR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A, demeurant à …, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du service des permis de conduire du département de la mobilité et des transports auprès du ministère de la Mobilité et des Travaux publics du 6 mai 2021, subordonnant le renouvellement du permis de conduire luxembourgeois à la réussite préalable d’un examen de contrôle théorique et pratique, ainsi que d’une décision confirmative du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 17 août 2021, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 juin 2023.

___________________________________________________________________________

Le 29 mars 2000, le ministre des Transports luxembourgeois procéda à l’enregistrement du permis de conduire français de Madame A, de nationalité française, née le ….

Le 15 décembre 2000, Madame A s’adressa au ministère des Transports en vue de l’échange de son permis de conduire français par un permis de conduire luxembourgeois, demande à laquelle le ministre des Transports fit droit le 3 février 2001.

Son permis de conduire luxembourgeois étant venu à échéance le 27 septembre 2010, Madame A introduisit, le 4 octobre 2011, une demande de renouvellement de son permis de conduire auprès du service compétent du ministère du Développements durable et des Infrastructures, entretemps en charge du dossier. Le lendemain, Madame A s’est vue renouveler son permis de conduire luxembourgeois, avec une validité jusqu’au 27 septembre 2013.

1Le 5 septembre 2013, Madame A introduisit une nouvelle demande de renouvellement de son permis de conduire luxembourgeois. Suite à cette demande, la concernée s’est vue inviter, par courrier du service « permis de conduire » auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures du 12 septembre 2013, d’introduire un formulaire signé à cette fin et de produire un certificat médical récent, de moins de trois mois attestant qu’elle présente les aptitudes physiques et mentales requises en vue du renouvellement sollicité.

Le 28 novembre 2013, Madame A fit parvenir un formulaire signé au service ministériel compétent, sans toutefois y joindre le certificat médical requis.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 13 avril 2021, portant le numéro de référence …, que Madame A avait fait l’objet d’un contrôle le 7 avril 2021 et qu’après vérification des papiers de bord de son véhicule, il s’était avéré qu’elle conduisait avec un permis de conduire périmé depuis le 28 septembre 2013.

Par courrier recommandé du 19 avril 2021, Madame A adressa une « demande de restitution de son permis de conduire » au ministre de la Mobilité et des Travaux publics, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », tout en y joignant un formulaire signé intitulé « Demande de renouvellement d’un permis de conduire » et un certificat médical établi par le docteur … en date du 13 avril 2021, attestant qu’elle est apte, sous réserve d’un « port obligatoire de lunettes/lentilles de contact » de conduire un véhicule automoteur des catégories B, BE, A, A1, A2 et AM et F.

Le 6 mai 2021, le service « permis de conduire » du département de la mobilité et des transports, auprès du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, prit position comme suit :

« […] Votre demande citée en objet nous est bien parvenue et a retenu toute notre attention.

Or, il ressort de votre dossier, que votre permis de conduire est périmé depuis 2013.

Par conséquent, vous devez encore réussir l’examen de contrôle théorique et pratique prévu par la réglementation.

Afin de pouvoir établir votre certificat d’apprentissage, nous vous prions de nous transmettre les pièces justificatives manquantes listées dans notre courrier ci-annexé.

Veuillez noter que si vous deviez échouer à l’examen cité ci-dessus, vous devrez suivre les heures d’apprentissage telles que prévues par la réglementation, afin de pouvoir vous représenter audit examen. […] ».

Par courrier de son litismandataire du 6 août 2021, Madame A fit introduire un recours gracieux contre la décision précitée du 6 mai 2021 subordonnant le renouvellement de son permis de conduire luxembourgeois à la réussite d’un examen de contrôle théorique et pratique.

Par décision du 17 août 2021, le ministre rejeta le recours gracieux lui soumis par Madame A dans les termes suivants :

2 « […] J’accuse bonne réception de votre courrier concernant le sujet sous rubrique.

D’emblée, je me permets de vous informer que les dispositions légales en la matière, en l’occurrence l’article 87 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques stipulent que les permis de conduire dont la durée de validité d’une ou de plusieurs catégories est venue à échéance il y a plus de 6 ans, le renouvellement requiert la réussite à un examen de contrôle.

Or, il ressort du dossier administratif de votre mandante que la durée de validité des catégories A et B est venue à échéance en date du 27 septembre 2013, tandis que la demande de renouvellement n’a été introduite qu’en date 26 avril 2021, de sorte que la Société nationale de circulation automobile (SNCA) ne pouvait qu’appliquer les dispositions légales pré-mentionnées.

Dans votre courrier du 6 août 2021, vous me demandez à titre principal de bien vouloir revoir la décision du 6 mai 2021, tout en arguant que le permis de conduire de votre mandante était initialement un permis de conduire français sans date de péremption et que dans le cadre d’un échange de permis de conduire, le nouveau permis de conduire devrait acquérir les valeurs équivalentes que le permis de conduire faisant l’objet dudit échange.

En réponse, je tiens à vous informer qu’en procédant à l’échange du permis de conduire français en permis de conduire luxembourgeois, votre mandante s’est vue appliquer les dispositions légales luxembourgeoises en vigueur, en l’occurrence l’article 87 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques qui stipule que le renouvellement du permis de conduire au-delà de l’âge de 60 ans doit se faire moyennant introduction d’un certificat médical.

En outre, vous invoquez qu’il ne ressort nullement d’un de mes formulaires que votre mandante a été informée sur les dates de péremptions sur les permis de conduire.

Je me permets de vous informer qu’il est de pratique administrative que la SNCA (société nationale de circulation automobile) envoie des formulaires de renouvellement aux administrés afin que ces derniers n’omettent pas de faire prolonger leur permis de conduire.

Dans le présent cas d’espèce, votre mandante a remis à la SNCA son formulaire de renouvellement le 5 septembre 2013.

Par courrier du 12 septembre 2013, votre mandante a été priée de faire parvenir un certificat médical récent afin de compléter sa demande en renouvellement.

Néanmoins, votre mandante a introduit une nouvelle demande en renouvellement en date du 28 novembre 2013, sans pour autant y joindre un certificat médical récent.

Force est de constater que votre mandante était au courant qu’elle devait présenter un certificat médical récent, mais qu’elle n’a repris contact avec la SNCA qu’en date du 26 avril 2021.

A titre subsidiaire, vous me demandez de restituer le permis de conduire français à votre mandante.

3 En réponse, je me dois de vous informer que le permis de conduire luxembourgeois de votre mandante fait foi, de sorte que son permis de conduire français n’est plus valable et a été envoyé aux autorités françaises en 2011.

Au vu de ce qui précède et au vu du fait que les dispositions légales en la matière sont d’application stricte, ne laissant aucune marge d’appréciation, je suis au regret de vous informer que je me dois, dès lors, de confirmer la décision du 6 mai 2021. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2021, inscrite sous le numéro 46703 du rôle, Madame A a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du 6 mai 2021 du service « permis de conduire » auprès du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, subordonnant le renouvellement de son permis de conduire luxembourgeois à la réussite préalable d’un examen de contrôle théorique et pratique, ainsi que de la décision ministérielle précitée du 17 août 2021, rejetant son recours gracieux.

Il y a de prime abord lieu de relever que si la demanderesse a certes entendu exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation à l’encontre des décisions déférées, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre ces mêmes décisions1.

Dans ce contexte, il échet encore de relever que si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours2.

Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 », ni d’autres dispositions légales, ne prévoient un recours en réformation en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions litigieuses, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

Il est en revanche compétent pour connaître du recours principal en annulation lequel est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, et après avoir exposé les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, Madame A, en se référant à l’article 87 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, fait valoir qu’en considération du fait qu’un conducteur âgé de plus de 60 ans devrait introduire une demande de renouvellement de son permis de conduire, elle aurait introduit une telle demande de renouvellement de son permis de conduire à la SNCA en date du 5 septembre 2013.

1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées 2 Trib. adm., 28 mai 1997, n° 9667 du rôle, confirmé par Cour adm., 16 octobre 1997, n ° 10082C du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Recours en réformation, n° 9 et les autres références y citées.

4Elle précise en outre qu’en date du 12 septembre 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures lui aurait demandé de compléter sa demande par un certificat médical.

Le 28 novembre 2013, elle aurait encore reçu un courrier du service « permis de conduire » la priant de ne pas remplir le formulaire de renouvellement qu’elle aurait reçu précédemment, mais de remplir et de signer le formulaire qui aurait été annexé à ce même courrier. Ledit courrier serait toutefois resté muet sur les pièces à annexer, la demanderesse précisant encore qu’elle n’aurait, par la suite, plus été invitée à compléter sa demande de renouvellement de son permis de conduire par un certificat médical. Elle aurait dès lors pu légitiment admettre que sa demande de renouvellement aurait été acceptée et que la demande du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 12 septembre 2013, visant la production d’un certificat médical, ne serait plus d’actualité.

Elle aurait ainsi été convaincue du renouvellement de son permis de conduire, sans qu’elle ne soit obligée d’effectuer d’autres démarches, renouvellement qui aurait dû être valable jusqu’en 2023 au moins, année de son …e anniversaire.

Elle ajoute que dans la mesure où sa demande de renouvellement de son permis de conduire n’aurait jamais été rejetée, elle aurait bénéficié d’une « reconduction tacite » de son permis de conduire.

Suite à l’interpellation du 7 avril 2021, elle aurait présenté une nouvelle demande de renouvellement de son permis de conduire, demande à laquelle elle aurait, cette fois-ci, annexé un certificat médical.

Au vu des démarches ainsi entreprises et compte tenu du fait que sa demande de renouvellement « valablement » présentée en 2013 n’aurait jamais fait l’objet d’une décision de rejet de la part du ministre, la demanderesse estime que ce dernier n’aurait pas pu lui opposer la péremption de son permis de conduire et lui imposer un contrôle théorique et pratique en vue du renouvellement de celui-ci, de sorte que les décisions litigieuses devraient encourir l’annulation.

Dans un deuxième temps, la demanderesse met en exergue que son permis de conduire luxembourgeois lui aurait été délivré en échange de son permis de conduire français.

A cet égard, elle fait valoir que la législation française ne connaîtrait plus la notion de péremption d’un permis de conduire et que les permis de conduire français délivrés avant cette date, tel que ce serait le cas pour son propre permis de conduire, bénéficieraient d’une validité jusqu’au 19 janvier 2033.

Elle affirme ensuite que dans le cadre d’un échange de permis de conduire, il serait « acquis que ne peuvent faire l’objet d’un échange que ce qui est de valeur équivalente », tout en relevant qu’il ne ressortirait d’aucun des formulaires d’échange de permis de conduire que le permis de conduire luxembourgeois pourrait faire l’objet d’une péremption.

La demanderesse en conclut qu’elle aurait été lésée par l’échange de son permis de conduire français, de sorte qu’une durée de validité de son permis de conduire inférieure au 19 janvier 2033 ne saurait lui être opposable.

5Ce serait dès lors à tort que son permis de conduire aurait été qualifié de périmé, de sorte que les décisions litigieuses devraient encourir l’annulation pour violation de la loi.

Le délégué du gouvernement de son côté, conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

En l’espèce, il est constant en cause pour résulter tant des développements de part et d’autre que des pièces figurant au dossier administratif et plus particulièrement de la pièce n° 2 intitulée « Demande en Obtention d’un permis de conduire », que la demanderesse s’est vue délivrer son permis de conduire luxembourgeois par voie d’échange de son permis de conduire français en date du 3 février 2001, ledit permis de conduire luxembourgeois ayant été valable jusqu’au 27 septembre 2010.

Il ressort encore du dossier administratif, et plus particulièrement de la pièce n° 3 intitulée « Demande de prorogation d’un Permis de Conduire », que la demanderesse s’est vue renouveler une première fois son permis de conduire le 5 octobre 2011 et ce sur base d’une demande introduite par ses soins le 4 octobre 2011, ce même document renseignant encore que le permis de conduire ainsi renouvelé était valide jusqu’au 27 septembre 2013.

Force est ensuite de constater qu’après avoir introduit une demande de renouvellement de son permis de conduire luxembourgeois le 5 septembre 2013, la demanderesse s’est vue adresser, en date du 12 septembre 2013, un courrier du service « permis de conduire » du département des transports auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures l’invitant à compléter sa demande de renouvellement de son permis de conduire par « Un certificat médical récent (de moins de trois mois) pour la procédure en cours, établi sur formule prescrite par un médecin autorisé à exercer la profession de médecin en qualité de médecin-généraliste et/ou médecin-spécialiste en médecine interne au Luxembourg, répondant aux conditions à fixer par arrêté ministériel et attestant que le candidat présente les aptitudes physiques et mentales requises. » Si la concernée admet certes dans le cadre du présent recours qu’elle n’a jamais donné suite à cette invitation et n’a dès lors jamais remis le certificat médical requis, elle conclut toutefois à une reconduction tacite de son permis de conduire en arguant d’une part, qu’après avoir adressé, le 28 novembre 2013, un nouveau formulaire en vue du renouvellement de son permis de conduire au service « permis de conduire », elle n’aurait plus été invitée à annexer un tel certificat médical, et, d’autre part, que sa demande de renouvellement de son permis de conduire n’aurait jamais été explicitement refusée de sorte qu’elle aurait bénéficié d’un renouvellement tacite.

A cet égard, il convient de noter que la demanderesse ne saurait valablement soutenir qu’elle aurait ignoré les modalités de renouvellement de son permis de conduire alors que suite à sa demande en ce sens, elle a explicitement été invitée, à travers le prédit courrier du service « permis de conduire » du département des transports auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures du 12 septembre 2013 de remettre un certificat médical récent, étant encore précisé qu’il n’existe aucune disposition légale imposant au ministre d’adresser d’itératives rappels aux administrés refusant de donner suite à ses injonctions.

6A cela s’ajoute que la nécessité de remettre un tel certificat médical est explicitement prévue par la loi et plus particulièrement par l’article 2, paragraphe 1er de la loi du 14 février 1955, lequel dispose que : « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions, désigné ci-après «le ministre», délivre les permis de conduire civils; il peut refuser […] leur renouvellement […] si l’intéressé : […] 5) refuse d’exécuter la décision du ministre des Transports l’invitant à produire un certificat médical récent ou à faire inscrire sur le permis de conduire la prolongation ou le renouvellement de la période de stage ou la restriction de son droit de conduire; […] », ainsi que par l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 prévoyant, quant à lui, que « En vue de l’obtention ou du renouvellement d’un permis de conduire, l’intéressé doit se soumettre à un examen médical destiné à établir s’il ne souffre pas d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire et s’il ne présente pas de signes d’alcoolisme ou d’autre intoxications. […] ».

Or, selon le principe général de droit que « nul n’est censé ignorer la loi », une personne ne saurait, en principe, tirer profit de son ignorance alléguée de la loi. Si cet adage représente certes une fiction juridique, c’est-à-dire un principe dont on sait la réalisation impossible, il est cependant nécessaire au fonctionnement de l’ordre juridique. En effet, alors même qu’il est évident que personne ne peut connaître l’ensemble des lois, il n’en demeure pas moins que sans cette fiction, les règles perdraient toute efficacité devant la facilité avec laquelle on pourrait se soustraire à leur application en invoquant son ignorance des conditions légales applicables. Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait invoquer sa propre ignorance des conditions légales de renouvellement de son permis de conduire pour conclure à l’illégalité des décisions déférées.

Quant à l’argumentation de la demanderesse relative à une prétendue acceptation tacite du ministre de sa demande de renouvellement de son permis de conduire, celle-ci est également à rejeter alors que le mécanisme de l’acceptation tacite de principe, en cas de silence gardé par l’administration suite à une demande lui soumise par un administré, n’est pas prévu par la législation luxembourgeoise, le législateur ayant, au contraire, consacré, à travers l’article 4, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif3, l’existence d’une décision implicite de refus, laquelle est supposée avoir été prise trois mois après l’introduction d’une demande.

Quant aux affirmations de la demanderesse, relatives à une prétendue absence de péremption de son permis de conduire luxembourgeois dans la mesure où celui-ci lui aurait été délivré en échange de son permis de conduire français qui n’aurait pas comporté de date de péremption, il échet de relever que la directive 91/439/CEE du Conseil du 29 juillet 1991 relative au permis de conduire, entretemps remplacée par la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire (refonte), mais en vigueur à la date de l’échange du permis de conduire français de la demanderesse, et dont il n’est pas contesté en cause qu’elle a valablement été transposée en droit luxembourgeois, prévoyait en son article 8, point 2. « Sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l'État membre de résidence normale 3 « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif. ».

7peut appliquer au titulaire d'un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l'annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l'échange de ce permis. », disposition qui a d’ailleurs été reprise à l’article 11, paragraphe 2 de la prédite directive 2006/126/CE.

Il s’ensuit que la personne ayant recours à la voie d’échange de son permis de conduire accepte de se soumettre aux lois nationales de l’Etat membre de délivrance de son nouveau permis de conduire, en ce qui concerne la délivrance de son permis de conduire, ainsi que de la restriction, de la suspension du retrait et de l’annulation de son droit de conduire.

Ainsi, et tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, la demanderesse, en procédant à l’échange de son permis de conduire français en permis de conduire luxembourgeois, s’est vue appliquer les dispositions légales luxembourgeoises en vigueur en la matière dont celle de la validité limitée de son permis de conduire, la demanderesse ayant en procédant à l’échange de son permis de conduire d’origine renoncé aux conditions de validité françaises.

Il convient encore de relever que la validité du permis de conduire français de la demanderesse a d’ailleurs déjà été restreinte avant même qu’elle ait procédé à l’échange de celui-ci, alors qu’il ressort des pièces figurant au dossier administratif, et plus particulièrement de la lettre du 1er commis principal du ministère des transports du 29 mars 2000, que « Dorénavant les conditions de validité prévues pour le permis de conduire luxembourgeois s’applique à votre permis de conduire », de sorte que la demanderesse est en tout état de cause malvenue d’affirmer que la péremption de son permis de conduire ne saurait lui être opposée compte tenu du fait que son permis de conduire d’origine n’aurait pas comporté de date de péremption.

Finalement, et en ce qui concerne les affirmations de la demanderesse qu’aucun des formulaires d’échange de permis de conduire n’aurait précisé que le permis de conduire luxembourgeois pourrait faire l’objet d’une péremption, celles-ci sont également à rejeter alors qu’il ressort des développements qui précèdent que la demanderesse a non seulement été informée de la validité restreinte de son permis de conduire au moment de l’échange de son permis de conduire français4, mais même avant cet échange, à savoir au moment de l’enregistrement de son permis de conduire français au Luxembourg5. La demanderesse ne saurait d’ailleurs valablement affirmer qu’elle aurait ignoré la validité restreinte de son permis de conduire, alors qu’elle a elle-même entrepris des démarches en vue du renouvellement de celui à l’âge de ses 60 ans.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que la partie étatique est venue à la conclusion que le permis de conduire de Madame A est périmé depuis le 28 septembre 2013, de sorte que les décisions litigieuses, subordonnant le renouvellement dudit permis de conduire à la réussite préalable d’un examen de contrôle théorique et pratique, ne souffrent d’aucune critique, l’article 87 de la loi du 14 février 1955 prévoyant en effet que « Pour les permis de conduire dont la durée de validité d’une ou de plusieurs catégories est venue à échéance il y plus de 6 ans, le renouvellement requiert la réussite à un examen de contrôle. […] ».

4 Pièce n° 2 du dossier administratif.

5 Pièce n° 1 du dossier administratif.

8 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut de tout autre moyen, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du présent litige, il y a encore lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.500,- euros telle que formulée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond le déclare non fondé, partant le rejette, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 par :

Marc Sünnen, président, Thessy Kuborn, vice-président, Sibylle Schmitz, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46703
Date de la décision : 14/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-14;46703 ?

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