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14/07/2023 | LUXEMBOURG | N°46435

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2023, 46435


Tribunal administratif N°46435 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46435 1re chambre Inscrit le 6 septembre 2021 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Sanem, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46435 du rôle et déposée le 6 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Elisabeth Alex, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Sanem d...

Tribunal administratif N°46435 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46435 1re chambre Inscrit le 6 septembre 2021 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par Monsieur A, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Sanem, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46435 du rôle et déposée le 6 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Elisabeth Alex, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Sanem du 4 juin 2021, référencée sous le numéro …, portant refus d’une demande d’autorisation de construire une annexe sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Sanem, section … de …, sous le numéro …, sise à l’adresse L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves Tapella, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 9 septembre 2021, portant signification de ladite requête introductive d’instance à l’administration communale de Sanem, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie et ayant sa maison communale à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 septembre 2021 par Maître Steve Helminger, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 décembre 2021 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée;

Vu le mémoire en réplique déposé le 24 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Elisabeth Alex, au nom de son mandant, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elisabeth Alex et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2023.

Il se dégage des explications des parties à l’instance qu’en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Sanem, secteur … de …, sous le numéro …, sise à L-…, ci-après désignée par la « parcelle … », Monsieur A introduisit, en date du 24 décembre 2020, une demande auprès du bourgmestre de la commune de Sanem, ci-après désigné par le « bourgmestre », tendant à l’obtention d’une autorisation pour la construction d’une annexe à l’arrière de sa maison sise sur la prédite parcelle, ainsi que l’ajout de lucarnes sur le toit de ladite maison, le bourgmestre ayant accusé bonne réception de ladite demande le 7 janvier 2021.

Par décision du 17 mars 2021, le bourgmestre fit droit à la demande de Monsieur A en ce qui concerne l’ajout de lucarnes sur le toit de sa maison, mais lui opposa un refus en ce qui concerne la construction de l’annexe, dans les termes suivants :

« […] Suite à votre demande d’autorisation de construire pour la construction d’une annexe et de deux lucarnes, sis …, rue … L-…, nous vous informons nous ne pouvons pas donner une suite favorable au dossier.

Selon le plan d’aménagement général (PAG) actuellement en vigueur, le terrain se trouve dans une zone HAB-1 couverte par un plan d’aménagement particulier (PAP/4) dénommé ‘Unter Redingerweg’, no ref.: 9547, approuvé le 03.04.1995.

Après analyse du dossier par rapport au PAP susmentioné nous vous informons que le dossier ne respecte pas l’article suivant « 7) Périmètres d’implantation, alignements et reculs Toutes les maisons doivent être construites à l’intérieur des périmètres d’implantation définis au plan de lotissement. Les avant-toits et balcon sont admis en anticipation. Le plan de lotissement indique le recul minimum des constructions par rapport aux limites de lotissement le recul antérieur se situe en principe à 6m. » Votre annexe dépasse le périmètre d’implantation du PAP.

Par contre, les lucarnes projetées sont conformes et peuvent être autorisés.

Veuillez revoir vos plans conformément aux règlements en vigueur.

Considérant ce qui précède, nous ne sommes à ce stade pas en mesure de délivrer l’autorisation sollicitée.

Vu l’élément non-conforme de votre projet, nous vous suggérons de revoir entièrement votre Projet afin de le conformer intégralement aux règlements en vigueur.

Conformément à l’article 37. Autorisations de construire de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, toute autorisation ne peut être délivrée que sous condition que le projet soit parfaitement conforme.

Afin d’éviter un nouveau refus pour un projet non-conforme, nous vous conseillons de consulter les parties écrites et graphiques du plan d’aménagement général (PAG), du plan d’aménagement particulier - quartier existant PAP QE et du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la Commune de Sanem avant l’introduction d’un nouveau dossier. […] ».

Par décision du 4 juin 2021 intervenue sur recours gracieux de Monsieur A, le bourgmestre confirma sa décision du 17 mars 2021, précitée, en réitérant la teneur de sa décision et en précisant que « […] Comme déjà expliqué dans le lettre du 17.03.2021 le projet ne respecte pas le règlement susmentionné du PAP en vigueur.

L’extension de votre maison donc dépasse le périmètre d’implantation prévu par la partie graphique du PAP (annexe I présent courrier) […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 septembre 2021, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision confirmative de refus du bourgmestre du 4 juin 2021.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Aucun recours en réformation n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, Monsieur A a valablement pu introduire un recours en annulation contre la décision du bourgmestre datée du 4 juin 2021.

L’administration communale de Sanem, ci-après désignée par « l’administration communale », se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en annulation, ainsi qu’en ce qui concerne le « respect […] des délais et autres formalités », de même que par rapport à l’intérêt à agir de Monsieur A.

S’il est exact que le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions2. Dès lors, et dans la mesure où l’administration communale est restée en défaut de fournir la moindre explication de nature à remettre en cause la recevabilité du recours en annulation sous analyse tant par rapport aux respect « des délais et autres formalités », que par rapport à l’existence d’un intérêt pour Monsieur A à agir contre la décision du bourgmestre lui ayant refusé l’autorisation sollicitée, le tribunal est amené à rejeter les contestations afférentes de l’administration communale.

Etant donné que la décision du bourgmestre du 4 juin 2021, déférée, a été notifiée à Monsieur A en date du 24 juin 2021, tel qu’il l’affirme et sans être contesté sur ce point par l’administration communale, le recours en annulation introduit en date du 6 septembre 2021 et dirigé à son encontre est à déclarer recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai prévus par la loi.

2) Quant au fond 1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur précise d’abord qu’à l’endroit où il projetterait de construire l’annexe se trouverait actuellement une terrasse extérieure dont la construction aurait été autorisée au cours de l’année 2000 au même moment que sa maison d’habitation. Tout en affirmant que sa maison d’habitation formerait un bloc de maisons jumelées avec la maison voisine directement attenante à la sienne sise à L-…, laquelle aurait été construite en même temps et aux mêmes dimensions que la sienne, et qui disposerait d’une terrasse à l’arrière, le demandeur s’étonne que son voisin aurait obtenu l’autorisation du bourgmestre d’étendre sa construction vers l’arrière en transformant sa terrasse par une surélévation et par l’ajout d’une pièce supplémentaire en-dessous de ladite terrasse. Il fait valoir qu’il entendrait lui aussi agrandir sa maison vers l’arrière en l’alignant par rapport à l’extension de la maison voisine.

En droit, le demandeur fait plaider que la décision du bourgmestre du 4 juin 2021, déférée, serait illégale et devrait encourir l’annulation pour violation de la loi, excès de pouvoir et erreur d’appréciation.

Dans le cadre de son moyen fondé sur une violation de la loi, le demandeur se prévaut de l’article 7 du plan d’aménagement particulier « Unter Redingerweg », ci-après désigné par le « PAP », sur lequel se serait fondé le bourgmestre, pour lui reprocher d’avoir déduit de cette disposition, d’une part, que toutes les maisons devraient être construites à l’intérieur des périmètres d’implantation définis dans le plan de lotissement, et, d’autre part, que l’extension qu’il aurait projetée de réaliser à travers la construction d’une annexe dépasserait le périmètre prévu par la partie graphique du PAP.

Le demandeur explique que sa maison d’habitation aurait été construite avec une profondeur de 11 mètres en respectant un recul antérieur de 8 mètres, tandis que l’extension projetée aurait une profondeur de 4 mètres. Il s’ensuivrait que le bâtiment aurait, ensemble avec l’extension projetée, une profondeur totale de 15 mètres, et le recul postérieur serait d’au moins 9,32 mètres.

Il fait valoir que le plan de lotissement indiquerait uniquement les reculs minimums à respecter par rapport aux limites des parcelles, sans prévoir de périmètre d’implantation à l’intérieur duquel la construction devrait se trouver. Les seules prescriptions qui seraient données seraient celles issues de la partie graphique du PAP et des différents articles de sa partie écrite. Par rapport à sa parcelle qui figurerait sur le plan de lotissement sous le numéro 19, ledit plan indiquerait un recul de 6 mètres vers l’avant et un recul de 9 mètres vers l’arrière.

Le demandeur se prévaut de l’article 6 du PAP qui compléterait son article 7 pour soutenir que dans la mesure où la profondeur maximale autorisée serait de 15 mètres, à condition d’observer un recul postérieur de 9 mètres, la construction projetée serait conforme aux prescriptions des parties écrite et graphique du PAP au motif qu’elle laisserait un recul postérieur de plus de 9 mètres et ne dépasserait pas la profondeur légale de 15 mètres.

En ce qui concerne son moyen fondé sur un excès de pouvoir, sinon une erreur d’appréciation qu’aurait commis le bourgmestre au motif que la décision du 4 juin 2021 contreviendrait à l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », le demandeur explique qu’il aurait démontré que sa demande d’autorisation de construire serait conforme au PAP et qu’il serait établi qu’en accordant à son voisin l’autorisation de construire une terrasse surélevée, ainsi qu’une pièce située en-dessous de la même taille que ladite terrasse surélevée, le bourgmestre aurait autorisé une extension sur la partie arrière de la maison voisine jumelée.

Tout en se référant à l’article 38 du règlement des bâtisses de la commune de Sanem, ci-après désigné par le « RB », qui définirait la notion de « construction », le demandeur poursuit en expliquant que l’extension de la maison de son voisin constituerait une véritable construction soumise aux prescriptions du PAP et que la construction jumelée du voisin serait non seulement soumise aux mêmes prescriptions que celles que le bourgmestre lui aurait opposées pour fonder son refus de lui octroyer une autorisation de construire une annexe, mais qu’elle aurait également la même profondeur que son projet de construction, de sorte que l’extension qu’il projetterait de faire serait alignée à l’arrière sur la construction voisine. Le demandeur ajoute que le recul postérieur de sa construction projetée serait même un peu supérieur à celui de l’immeuble du voisin au motif que son terrain serait légèrement plus long vers l’arrière.

Il reproche au bourgmestre d’avoir commis un excès de pouvoir sinon une erreur d’appréciation en refusant de lui accorder l’autorisation de construire sollicitée, malgré le fait que son projet respecterait les dimensions et mesures prescrites par le PAP, le demandeur réitérant qu’il se trouverait dans une situation urbanistique identique à celle de son voisin qui aurait été autorisé à réaliser une construction à l’arrière aux mêmes dimensions.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste l’interprétation du PAP faite par l’administration communale.

Il donne d’abord à considérer que le plan de lotissement constituant la partie graphique du PAP n’existerait apparemment plus dans sa version initiale de 1995 et que le litismandataire de l’administration communale aurait admis que ledit plan aurait été colorié par la suite. Le demandeur affirme qu’il ne disposerait que de ce plan colorié, ainsi que d’un autre plan « gribouillé » sur lequel aurait été dessiné sa maison et qui aurait été joint à la décision du bourgmestre du 4 juin 2021, déférée.

Le demandeur estime que le plan sur lequel aurait été indiqué l’emplacement de sa maison avec la terrasse existante ne saurait justifier la décision du bourgmestre de refuser le permis de construire litigieux. Il ajoute que la date à laquelle les inscriptions et marquages y figurant auraient été faits serait inconnue, de sorte qu’il ne serait pas possible de savoir si elles avaient été faites dès l’origine ou rajoutées par la suite. Après avoir indiqué que le plan originaire daterait de 1995, soit au moment où le PAP aurait été approuvé, le demandeur indique que sa maison avec sa terrasse arrière auraient été autorisées 5 ans plus tard, soit en l’an 2000. Il serait un fait que sur le plan de lotissement ne figurerait pas de bande de construction à proprement parler et que les seules inscriptions qui figureraient sur le plan du PAP qui permettraient éventuellement de déterminer la bande de construction ressortiraient de 3 chiffres, à savoir 6 mètres pour le recul antérieur minimum à partir de la voie désservante, 15 mètres pour la profondeur maximale d’une construction et 9 mètres pour le recul postérieur minimum obligatoire.

Le demandeur poursuit en expliquant qu’une ligne discontinue serait visible à l’avant des maisons portant les numéros 18 et 19, tandis qu’une ligne continue qui indiquerait une terrasse ayant une profondeur de 4 mètres serait visible à l’arrière de ces maisons. Tout en se référant à un « petit cercle sur la ligne continue », il ajoute que le recul postérieur de 9 mètres s’arrêterait justement à la limite de la terrasse et que la profondeur de 15 mètres commencerait quelques mètres derrière la ligne discontinue indiquant le recul antérieur de 6 mètres, soit « certainement à partir du recul de 8 mètres [qu’il aurait] observé pour la construction de sa maison ». Le demandeur en conclut que sur base des éléments figurant sur le plan de lotissement annexé à la décision de refus, la construction d’une maison avec une profondeur de 15 mètres devrait être possible.

Il ajoute qu’« en tout état de cause », le plan de lotissement litigieux ne contiendrait pas d’annotations spécifiques concernant un périmètre d’implantation à respecter pour les constructions, mais seulement des données chiffrées et des traits pour autant qu’ils aient existé dès le début. Dans la mesure où sa maison actuelle n’aurait pas une profondeur de 15 mètres mais seulement de 11 mètres, il serait possible que ces données chiffrées aient existé au préalable.

Le demandeur donne ensuite à considérer que le plan de lotissement qui constituerait la partie graphique du PAP devrait être obligatoirement lu ensemble avec sa partie écrite. Tout en reprochant à l’administration communale de s’être basée sur le seul article 7 et d’avoir renvoyé au plan graphique du PAP, le demandeur affirme que pour déterminer ce périmètre d’implantation, il y aurait lieu de se référer aux articles 6 et 7 de la partie écrite du PAP dont il ressortirait que le périmètre d’implantation se trouverait sur une bande de terrain qui se situerait à 6 mètres de la limite avant du terrain et à 9 mètres de la limite arrière du terrain sans dépasser une profondeur de 15 mètres.

Etant donné que sa construction actuelle aurait une profondeur de 11 mètres et qu’elle respecterait un recul antérieur de 8 mètres, le demandeur affirme qu’il devrait pouvoir construire respectivement agrandir sa maison sur une profondeur de 15 mètres. Il argumente que son recul arrière resterait toujours supérieur à 9 mètres et que la bande de construction concernant son terrain se situerait à 9 mètres de la limite arrière du terrain et à 6 mètres de la limite avant du terrain, de sorte qu’il devrait être autorisé à construire sur une profondeur de 15 mètres à l’intérieur de cette partie.

Il conteste le raisonnement de la commune tendant à voir dire que la bande de construction se situerait sur une bande de 21 mètres au départ du domaine public, alors qu’une telle argumentation omettrait de prendre en considération que la construction projetée pourrait s’étendre sur 15 mètres à condition de respecter un recul postérieur de 9 mètres. Le demandeur conteste encore que la profondeur constructible qui lui resterait en partant d’un recul antérieur de 8 mètres à l’avant ne serait que de 13 mètres et que la construction d’un immeuble de 15 mètres ne pourrait dès lors pas être autorisée. Admettre l’argumentation de l’administration communale reviendrait à considérer que la bande de construction se trouverait en fait toujours sur une bande de 21 mètres à partir de la voie desservante de laquelle il conviendrait d’enlever le recul antérieur réglementaire de 6 mètres.

Il estime que l’argumentaire de l’administration communale consistant à soutenir que le lot constructible ne devrait avoir qu’une profondeur de 30 mètres serait « pour le moins étrange » et en tout cas totalement incompréhensible. A cet égard, le demandeur donne à considérer que l’intégralité de son terrain correspondant au lot numéro 19 ferait partie du lotissement « Unter Redingerweg » et qu’il l’aurait acheté en tant que parcelle en faisant partie.

Il résulterait du plan cadastral que la profondeur de son terrain mesurerait d’un côté 33,72 mètres et de l’autre côté 32,32 mètres, de sorte que la profondeur moyenne de son terrain serait ainsi de 33,52 mètres. Compte tenu de la longueur de son terrain, le demandeur fait valoir que le recul antérieur de 8 mètres lui permettrait de construire une annexe de 15 mètres tout en respectant un recul postérieur de 9 mètres (32,2 mètres - 8mètres - 15 mètres = 9,2 mètres ;

33,52 mètres - 8 mètres -15 mètres = 10,5 mètres) Le demandeur ajoute que dans la mesure où l’administration communale estimerait que la seule profondeur pour ce lot à prendre en considération serait celle renseignée par la partie graphique du PAP, qui ne serait que de 30 mètres, il verrait son terrain amputé de plus de 2 mètres.

L’administration communale conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date où il statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise3.

Par ailleurs, dans la mesure où l’article 8 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 » dispose que « Toute pièce versée après que le juge-rapporteur a commencé son rapport en audience publique est écartée des débats, sauf si le dépôt en est ordonné par le tribunal », une pièce produite non seulement après le rapport fait par le juge-rapporteur à l’audience, mais également après la prise en délibéré de l’affaire, est à écarter des débats4.

Dans ces conditions, le tribunal siégeant en l’espèce en tant que juge de l’annulation est amené à écarter des débats le courrier du litismandataire du demandeur transmis, sans que le tribunal n’ait formulé une demande afférente, au greffe du tribunal administratif, en ce compris les photographies y annexées, en date du 24 mars 2023, soit postérieurement au rapport fait par le juge-rapporter à l’audience publique du 22 mars 2023 et à la prise en délibéré de l’affaire le même jour.

Il convient ensuite de délimiter le champ de compétence du bourgmestre lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire.

Aux termes de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 : « […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. […] ».

Il convient de rappeler qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité 3 Trib. adm. 23 mars 2005, n° 19061 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 3 mars 1997, n° 9698 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 825 et les autres références y citées.

d’un projet de construction aux dispositions réglementaires applicables5 (plan d’aménagement général, plans d’aménagement particulier « quartier existant » et « nouveau quartier » - s’il y en a - et règlement sur les bâtisses). En effet, la finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et, par principe, le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir6. Dans ce contexte, le bourgmestre ne dispose par ailleurs d’un pouvoir d’appréciation que pour autant que la réglementation urbanistique lui laisse une telle marge d’appréciation.

Il y a, par ailleurs, lieu de souligner que saisi d’une demande d’autorisation sur le fondement de la loi du 19 juillet 2004, le bourgmestre opère son contrôle exclusivement par rapport aux dispositions urbanistiques relevant de son champ de compétence, à l’exclusion d’autres considérations, telles que des considérations civiles ou encore relevant de domaines de compétence du bourgmestre autres que la police d’urbanisme, le principe de l’indépendance des polices impliquant que l’autorité administrative est amenée à statuer uniquement dans le cadre de la législation pour l’application de laquelle elle intervient.

Il convient également de relever que le contrôle, par le tribunal, de l’exercice de ses compétences par le bourgmestre s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation. Ainsi, saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité7.

C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné.

5 Trib. adm., 6 octobre 2008, n° 23416 du rôle, confirmé par Cour adm., 19 février 2009, n° 24960C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Urbanisme, n° 834 et les autres références y citées.

6 Voir en ce sens : Ph. Vanden Borre, « Les permis de bâtir, de lotir, les certificats d’urbanisme et les sanctions », in : Le droit de la construction et de l’urbanisme, Ed. du jeune Barreau, Bruxelles, 1976, p.219, ainsi que trib.

adm., 24 novembre 2014, n° 33379, disponible sur le site www.justice.public.lu.

7 Cour adm. 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 55 et les autres références y citées.

Force est au tribunal de constater que les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si le demandeur est fondé à obtenir une autorisation de construire une annexe à l’arrière de sa maison.

Le demandeur soutient, en substance, que dans la mesure où sa maison d’habitation aurait actuellement une profondeur de 11 mètres et accuserait un recul antérieur de 8 mètres, ainsi qu’un recul postérieur de 9 mètres au moins, il devrait être autorisé, conformément aux articles 6 et 7 du PAP, à ajouter une annexe d’une profondeur de 4 mètres à l’arrière de sa maison aux motifs que la profondeur maximale de la construction finale prévue par le PAP, soit 15 mètres, de même que le recul postérieur minimum de 9 mètres, seraient tous les deux respectés.

De son côté, l’administration communale fait valoir, en substance, qu’en ayant érigé sa maison d’habitation accusant un recul antérieur de 8 mètres, le demandeur ne serait autorisé à étendre sa maison d’habitation, qui aurait actuellement une profondeur de 11 mètres, uniquement de 2 mètres supplémentaires au motif que l’ajout d’une annexe d’une profondeur de 4 mètres à l’arrière respecterait certes la profondeur maximale de 15 mètres prévue par la partie écrite du PAP, mais (i) ne respecterait plus le recul postérieur de 9 mètres, et (ii) dépasserait de 2 mètres le périmètre d’implantation visé dans la partie graphique du PAP qui indiquerait une fenêtre de construction de 15 mètres calculé à partir d’un recul antérieur de 6 mètres, tout en laissant un recul postérieur de 9 mètres, étant relevé que le demandeur conteste l’existence d’un tel périmètre d’implantation.

Le tribunal relève de prime abord qu’il n’est pas contesté que l’annexe et la maison d’habitation litigieuse qualifient de « construction » au sens du RB.

Le tribunal relève ensuite que l’article 6) de la partie écrite du PAP, intitulé « Surface des constructions », dispose comme suit : « La surface bâtie minimum admissible est de 60m2.

Le coefficient d’emprise au sol tel qu’il ressort de l’article 26 du règlement sur les bâtisses n’est pas de rigueur. Toutefois, la profondeur des constructions est limitée à 12 m resp. 15 mètres, sous condition que la marge libre postérieure de 9,00 m minimum. ».

Aux termes de l’article 7), intitulé « Périmètres d’implantation, alignements et reculs », « Toutes les maisons doivent être construites à l’intérieur des périmètres d’implantation définis au plan de lotissement. Les avant-toits et balcon sont admis en anticipation. Le plan de lotissement indique le recul minimum des constructions par rapport aux limites de lotissement. Le recul antérieur se situe en principe à 6 m. ».

Il résulte de ces dispositions que si la profondeur d’une construction peut atteindre 12, respectivement 15 mètres au maximum à condition qu’un recul postérieur d’au moins 9 mètres soit respecté, la profondeur de construction de 12, respectivement 15 mètres doit se situer à l’intérieur d’un périmètre d’implantation défini dans le plan de lotissement. La construction doit, en outre, se situer au minimum à 6 mètres de la voie désservante.

En l’espèce, il ressort du plan soumis par le demandeur à l’appui de sa demande d’autorisation de construire et à l’appréciation du tribunal que la maison d’habitation de l’intéressé d’une profondeur de 11 mètres a été érigée en respectant un recul antérieur de 8 mètres, soit 2 mètres de plus que la limite minimum de 6 mètres imposée par la partie écrite du PAP. Il en ressort également que le recul postérieur de la maison d’habitation du demandeur s’étend de 9,32 mètres à 14,72 mètres, la limite postérieure de la parcelle du demandeur n’étant pas rectiligne par rapport à sa maison d’habitation.

Force est ensuite de constater, contrairement à l’affirmation du demandeur, que la partie graphique du PAP révèle effectivement l’existence d’un périmètre d’implantation des constructions, à savoir une fenêtre de construction de 15 mètres qui se situe entre, d’un côté, un recul antérieur de 6 mètres, et, d’un autre côté, un recul postérieur de 9 mètres.

A cet égard, dans la mesure où il ressort des pièces versées par l’administration communale que le plan de lotissement en question a été dûment approuvé par le ministre de l’Intérieur, le tribunal est amené à retenir, à défaut d’éléments contraires, que cette version doit être considérée comme étant la partie graphique du PAP en vigueur au moment de la prise de la décision déférée, de sorte que le plan de lotissement en question est à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité de la décision du bourgmestre du 4 juin 2021, déférée.

Il résulte, dès lors, d’une lecture combinée des articles 6) et 7) de la partie écrite du PAP, ainsi que de sa partie graphique, qu’en ajoutant une annexe de 4 mètres de profondeur à l’arrière de la maison d’habitation du demandeur, la construction finale dépasserait de 2 mètres le périmètre d’implantation de 15 mètres qui débute à compter d’un recul antérieur de 6 mètres, et non de 8 mètres, de sorte que l’implantation actuelle de la maison d’habitation respectant un recul antérieur de 8 mètres – au lieu des 6 mètres minimum –, ampute de facto le terrain du demandeur d’une profondeur de 2 mètres à l’arrière de sa maison, tel que le fait plaider à juste titre l’administration communale.

En conséquence, l’ajout d’une annexe ayant une profondeur de 4 mètres à l’arrière de la maison d’habitation du demandeur contreviendrait aux articles 6) et 7) du PAP, ainsi qu’au plan de lotissement du PAP.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à retenir que c’est sans violer les articles 6) et 7) de la partie écrite du PAP, ainsi que sa partie graphique, et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni un excès de pouvoir, que le bourgmestre a refusé d’accorder au demandeur l’autorisation de construire l’annexe litigieuse selon les modalités prévues dans le plan soumis à l’appui de sa demande, de sorte que les contestations y afférentes du demandeur sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Pour être complet, encore que les développements y afférents soient exclusivement fondés sur l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 et sur l’article 38 du RB, le tribunal retient, pour autant que le demandeur ait entendu se prévaloir d’une différence de traitement avec son voisin, qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à son appréciation que son voisin se trouverait dans une situation identique à la sienne, tel qu’il le soutient, ni qu’il se serait vu accorder une autorisation de construire une terrasse surélevée, ainsi qu’une pièce située en dessous, ni en quoi l’octroi d’une telle autorisation de construire à son voisin serait de nature à impacter la légalité de son projet de construction d’une annexe, de sorte que les contestations y relatives encourent également le rejet.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé dans aucun de ses moyens et qu’il est à rejeter.

Eu égard à l’issue du litige, l’indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros sollicitée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

écarte des débats le courrier du litismandataire du demandeur daté du 24 mars 2023 ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande d’indemnité de procédure du demandeur d’un montant de 3.000 euros ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46435
Date de la décision : 14/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-14;46435 ?

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