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14/07/2023 | LUXEMBOURG | N°45079a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2023, 45079a


Tribunal administratif N° 45079a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45079a 1re chambre Inscrit le 9 octobre 2020 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par la société anonyme A contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45079 du rôle et déposée le 9 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie B

rouns, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif N° 45079a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45079a 1re chambre Inscrit le 9 octobre 2020 Audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 Recours formé par la société anonyme A contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45079 du rôle et déposée le 9 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie Brouns, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme A, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 juillet 2020, référencée sous le numéro … du rôle, ayant rejeté sa demande de remise gracieuse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 5 février 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie Brouns pour le compte de la société anonyme A, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2021 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 9 février 2022, portant le numéro 45079 du rôle ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 7 juillet 2022, portant le numéro 47209C du rôle ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart et Maître Desislava Gosteva, en remplacement de Maître Virginie Brouns, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2023.

Il ressort du dossier administratif qu’en date du 19 février 2020, la société anonyme A, ci-

après désignée la « société A », procéda au dépôt électronique d’une déclaration fiscale 1 rectificative au titre de l’année 2018 auprès du bureau d’imposition Sociétés 6, ci-après désigné le « bureau d’imposition ».

Par courrier du 24 février 2020, le bureau d’imposition informa la société A que les bulletins d’imposition de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune de l’année 2018 étaient coulés en force de chose jugée et que partant un redressement n’était plus possible.

Par courrier du 20 mai 2020, réceptionné le 27 mai 2020 d’après le tampon d’entrée, la société anonyme B, déclarant agir en sa qualité de mandataire de la société A, introduisit une demande auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », ayant pour objet une remise gracieuse, dans les termes suivants :

« (…) Nous avons été mandatés, par notre client, la société « Société A », afin d'introduire un recours en remise gracieuse à l'encontre de la décision du 24 février 2020 prise par le bureau d'imposition 6 en la personne de ….

Pour vous situer le litige en cause, je vous prie de trouver ci-après une description des faits. En 2015, la société a procédé à un achat de titres pour environ … USD. Cet achat n’a pas été reflété dans les comptes de la société suite à une erreur de comptabilisation. Cette erreur provient d'une erreur de communication dans la fourniture des informations ; l'actionnaire ayant acheté les titres en nom personnel, avant de les allouer à la société par la suite. En tout état de cause, ces titres font partie des actifs de la société et sont bien dans le portefeuille de la société depuis 2015.

En 2018, les titres ont été vendus par la société avec une plus-value d'environ … USD.

Mais à la suite de l'erreur de communication qui a eu pour conséquence le non-inscription du coût d'acquisition dans les comptes, la plus-value réalisée a été comptabilisée pour … USD. La déclaration pour l'année 2018 a été faite en suivant la comptabilité, et en conséquence les bulletins d'impositions aussi.

Cela étant, je tiens à signaler que les bulletins d'imposition ne sont jamais arrivés à l'adresse sociale de la société, qui n'a donc pas pu en prendre connaissance, ni réagir dans les délais légaux prévus en matière de réclamation.

Au moment du rappel de paiement daté du 13 janvier 2020 (pièce 1), le client s'est rendu compte que la dette fiscale réclamée ne pouvait pas refléter la situation comptable et réelle de la société. Il a dès lors directement pris contact avec l'administration pour les informer de l'erreur.

Le conseil d' administration de la société a quant à lui immédiatement pris les choses en main, en recherchant l'origine de l'erreur et en la corrigeant, puis en déposant de nouveaux comptes pour l'année 2018 et dans la foulée une déclaration rectificative.

Un nouveau jeu de comptes annuels (pièce 2) soumis à approbation du commissaire aux comptes a été déposé le 17 février 2020. La déclaration rectificative (pièce 3) a été introduite en date du 11 février 2020.

2 Toutes ces démarches ont été entreprises dans un délai très court et en parfaite transparence avec le bureau d'imposition des Sociétés 6 qui a été informé de l'erreur, de la décision de déposer un nouveau jeu de comptes annuels et par la suite une déclaration rectificative. Je tiens à préciser à cet égard que le bureau d'imposition, à ce stade, ne s'est pas opposé au dépôt d'une déclaration rectificative.

Malheureusement, quelques jours plus tard (en date du 24 février 2020 - pièce 4), il s'ensuit une réponse négative de la part des autorités fiscales argumentant que la taxation a été établie, donc elle est coulée en force jugée et que partant un redressement par le bureau d'imposition n'est plus possible. En bref, le bureau d'imposition a décidé de ne pas accepter la nouvelle déclaration.

De ces faits, nous pouvons en conclure qu'un premier bulletin d'imposition a été émis, que le délai de réclamation légal de 3 mois est écoulé et que la déclaration fiscale rectificative a été envoyée après ce délai.

Je tiens cependant à noter que s'agissant d'une taxation d'après le § 100a AO une réouverture du dossier serait tout à fait envisageable et que cette décision ne repose que sur la volonté des autorités fiscales à revoir le dossier du contribuable.

En conséquence, nous sommes d'avis qu'une demande de réouverture du dossier fiscal est envisageable dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée entrainerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Dans le cas d'espèce, l'application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l'intention du législateur, puisque le contribuable de bonne foi, se rendant comptant de son erreur manifeste a rectifié la situation par le dépôt de nouveaux comptes annuels et d'une déclaration fiscale rectificative. Par une communication régulière avec le bureau d'imposition en toute transparence, par l'approbation et le dépôt de comptes annuels rectifiés et d'une déclaration fiscale rectifiée en conformité avec les comptes annuels, la société a en effet démontré son entière bonne foi et sa toute entière collaboration avec les autorités, afin que ces derniers puissent revoir la dette fiscale de la société en pleine connaissance de la situation.

Il nous semble donc que nous sommes dans une situation où l'esprit du législateur est rencontré et respecté et que le bureau d'imposition aurait pu recevoir la nouvelle déclaration fiscale et en permettre une nouvelle imposition selon les éléments comptables probants dont il a eu connaissance.

En conclusion, nous vous demandons de bien vouloir prendre en main le dossier afin de le réinstruire et d'émettre une imposition conforme à l'esprit de la législation fiscale. (…) ».

Par courrier du 27 mai 2020, l’administration des Contributions directes, division Contentieux, demanda à la société A de préciser la nature exacte de sa demande. La société A confirma par un courrier du même jour réceptionné par l’administration des Contributions directes, division Contentieux, en date du 8 juin 2020, qu’il s’agissait d’une demande de remise gracieuse 3au sens du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO ».

Par une décision du 6 juillet 2020, répertoriée sous le numéro … du rôle, le directeur qualifia la demande de la société A de demande de remise gracieuse et déclara non fondée ladite demande en les termes suivants :

« (…) Vu la demande présentée le 27 mai 2020 par le sieur C de la société anonyme B, établie à L-…., en sa qualité de mandataire et au nom de la société anonyme SOCIÉTÉ A, établie à L-…, ayant pour objet une demande de remise gracieuse de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l'année 2018, ainsi que des intérêts de retard;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande tend à obtenir la révision des impositions de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l'année 2018 ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Force est de constater que le moyen invoqué dans la demande s'analyse en une contestation de la légalité de l'impôt, étrangère en tant que tel à la matière gracieuse (cf. T.A. N°11196 du 27.20.99 et confirmé par C.A. N°11703C du 30.03.2000) ;

Considérant que la demande gracieuse ne doit ni servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux ou le réexamen d'office, ni à multiplier les voies de recours ;

Considérant aussi qu'il apparaît qu'il pourrait y avoir faute propre de la requérante; que dans ce contexte il n'appartient pas au Trésor, en cas de préjudice subi sur le plan fiscal par suite de faute propre, d'en dégager la demandeuse précitée de sa responsabilité à charge du budget public ;

Considérant encore que le dossier fiscal de la requérante ne contient pas d'éléments concernant un éventuel courrier retourné à l'expéditeur et non notifié au destinataire ;

Considérant donc qu'une rigueur objective n'a pas pu être constatée en l'espèce ;

Considérant qu'une rigueur subjective ne saurait dans le présent cas être admise, au vu de la motivation présentée ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

4 La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2020, la société A introduisit un recours en réformation, sinon en annulation, contre la décision du directeur du 6 juillet 2020.

Par jugement du 9 février 2022, inscrit sous le numéro 45079 du rôle, le tribunal se déclara compétent pour connaître du recours principal en réformation et le déclara irrecevable, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société A et la condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par arrêt du 7 juillet 2022, inscrit sous le numéro 47209C du rôle, la Cour administrative déclara l’appel introduit le 21 mars 2022 par la société A à l’encontre dudit jugement fondé et, partant, par réformation de ce jugement, dit que c’était à tort que le tribunal avait déclaré irrecevable le recours initial du 9 octobre 2020 pour cause de tardiveté. Elle débouta la société A de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et pour l’instance d’appel, réserva les frais de première instance et renvoya le dossier en prosécution de cause devant les premiers juges afin qu’ils tranchent l’affaire au fond.

Il appartient dès lors à présent au tribunal de trancher le bien-fondé du recours sous analyse.

A l’appui de son recours et en fait, la société A expose qu’elle aurait procédé en 2015 à un achat de titres pour environ …- USD, qui n’aurait pas été inscrit dans ses comptes suite à une erreur de comptabilisation.

En 2018, elle aurait vendu lesdits titres avec une plus-value d'environ …- USD.

En raison de la non-inscription du coût d’acquisition dans les comptes de la société A en 2015, la plus-value réalisée aurait été comptabilisée pour …- USD.

Cette erreur aurait été transcrite dans la déclaration d’impôt de l'année 2018, et en conséquence, dans les bulletins d'imposition.

Après la découverte de l’erreur, elle aurait introduit une déclaration rectificative en date du 11 février 2020.

La société A souligne que dans la mesure où il s’agirait d’une taxation opérée d'après le paragraphe 100 AO, une réouverture du dossier aurait été envisageable et que cette décision ne reposerait que sur la volonté de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », à revoir le dossier du contribuable. Ainsi, l'administration aurait dû rouvrir le dossier fiscal, revoir l'imposition et accorder une remise gracieuse, alors que l'application de la législation fiscale conduirait à un résultat contraire à l'intention du législateur étant donné que le contribuable de bonne foi, se rendant compte de son erreur manifeste, aurait rectifié la situation par le dépôt de nouveaux comptes annuels et d'une déclaration fiscale rectificative.

5 En droit, la société demanderesse conclut à une violation du paragraphe 243 AO et du principe de la détermination exacte de la base d'imposition.

Elle explique dans ce contexte avoir détaillé son erreur, procédé à la rectification des comptes et à l'émission d'une déclaration fiscale rectificative détaillant tous les éléments permettant de déterminer que l'imposition effectuée ne pourrait être équitablement maintenue par l'administration et que son absence de remise gracieuse serait inéquitable et entraînerait objectivement une rigueur incompatible avec l'équité dans la mesure où l’administration disposerait dorénavant de tous les éléments lui permettant de se prononcer sur le caractère objectivement inéquitable de cette taxation au vu de ces éléments nouveaux.

En se basant sur le principe de la détermination exacte des bases d'imposition obligeant les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité, la société A soutient que bien que le directeur ne soit pas saisi d’une réclamation, il lui appartiendrait de procéder d'office à un réexamen intégral de la cause pour toiser le caractère objectivement et subjectivement inéquitable et accorder une remise de la taxation et des intérêts mis à sa charge.

En l’espèce, l’iniquité consisterait dans le fait que l'administration ne tiendrait pas compte de l'erreur comptable ainsi que de la bonne foi du contribuable et des démarches mises en œuvre immédiatement pour rectifier l'erreur malgré les intérêts excessifs qui lui causeraient un préjudice non nécessaire et inéquitable.

La société A fait valoir que le fait de l’administration de justifier cet excès ou cette iniquité par la faute de la demanderesse conduirait à ne pas appliquer la loi et à ne pas examiner si cette situation est objectivement ou subjectivement inéquitable.

Elle conclut ensuite à une violation du paragraphe 258, alinéa (1) AO ainsi que de l'article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », ainsi que des principes de loyauté, de confiance légitime, de bonne administration et de collaboration procédurale de l'administration.

Elle donne à considérer dans ce contexte que la décision déférée serait particulièrement succincte quant à sa motivation en droit et en fait et invoque à cet égard une violation de ses droits de la défense, alors qu’il faudrait que les motifs à la base de la décision soient connus du contribuable pour lui permettre de préparer utilement sa défense.

La société demanderesse fait valoir que son « recours gracieux » ne s'analyserait pas en une contestation de la légalité de l'impôt mais soulèverait la question de « l'équité ou non du maintien des réclamations fiscales en matière d'impôt et d'intérêt alors que son maintien apparaît objectivement inéquitable par rapport au contribuable qui se retrouverait à devoir débourser des sommes excessives dépassant manifestement l'imposition qu'il aurait dû supporter sur base de sa situation comptable réelle qui ne tient nullement compte de l'élément nouveau qui consiste en l'erreur intervenue et la bonne foi et rectification de la Requérante ».

6 Elle se réfère à une jurisprudence des juridictions administratives selon laquelle, en raison du principe de sécurité juridique, les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse seraient tenues d'honorer les expectatives ainsi créées. Dans ce contexte elle explique que le fait pour l’administration de ne pas tenir compte des circonstances de l’espèce s'analyserait en une méconnaissance de ses droits et constituerait une attitude nouvelle excessive caractérisant à elle seule un excès de pouvoir.

La société A reproche à l’administration d’avoir méconnu ses obligations de motivation, en précisant qu’elle n’aurait pu refuser, sans le motiver, d'examiner le caractère inéquitable ou non du maintien de l'imposition et des intérêts litigieux alors que cet examen et cette motivation lui auraient été imposés par la loi.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque la décision lui déférée, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

Concernant tout d’abord le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 aux termes duquel : « Les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d'office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l'autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté. », il convient de relever, outre le fait que la société demanderesse reste en défaut de préciser en quoi cette disposition serait violée en l’espèce, que les règles consacrées par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont inapplicables à la matière des impôts directs.

En effet, l’AO instaure un régime de procédure en matière d’impôts directs qui est considéré comme « réglementation exhaustive et respectueuse des droits du contribuable », qualification qui a motivé le législateur à exclure expressément la « matière des contributions directes », à laquelle s’applique l’AO, du champ d’application de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et partant de celui du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pris en exécution de celle-ci1.

Il s’ensuit que la référence de la société demanderesse à l’article 14 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 est à rejeter pour manquer en tout état de cause de pertinence.

En ce qui concerne ensuite le moyen tendant à un défaut de motivation de la décision directoriale en violation du paragraphe 258 AO, force est au tribunal de rappeler que le directeur était saisi, non pas d’une réclamation, mais d’une demande de remise gracieuse, de sorte que c’est à tort que la société demanderesse se prévaut des disposition du paragraphe 258 AO, qui s’appliquent aux réclamations, au sens du paragraphe 228 AO, et non pas aux demandes de remise gracieuses, au sens du paragraphe 131 AO.

1 Cour adm., 14 juillet 2009, n° 25366C, Pas. adm. 2022, V° impôts, n° 861 et les autres références y citées.

7 Il s’ensuit que le moyen fondé sur le paragraphe 258 AO est dépourvu de pertinence, étant cependant précisé que la décision du directeur de ne pas faire droit à la demande de remise gracieuse lui soumise est motivée tant en fait qu’en droit, étant donné qu’elle précise, en substance, que ladite demande tendrait à obtenir la révision des impositions de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2018 et que des contestations de la légalité de l’impôt seraient étrangères à la matière gracieuse. Le tribunal retient que cette motivation, qui a encore été complétée en cours d’instance contentieuse par le délégué du gouvernement, est - indépendamment de la question de son bien-fondé - suffisamment précise pour permettre à la société demanderesse de saisir les raisons ayant amené le directeur à rejeter sa demande, de sorte que, sans violer les principes de loyauté, de confiance légitime, de bonne administration et de collaboration procédurale de l’administration - à défaut par la société demanderesse de préciser de façon concrète en quoi ces principes auraient été violés -, ses droits de la défense ont été respectés.

Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

Quant à la légalité interne, il échet de rappeler qu’aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ». Une remise gracieuse n’est donc justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur.

Une rigueur objective se conçoit en une iniquité de l’imposition en elle-même, tout comme elle peut résulter des délais et effets de la procédure d’imposition. La décision sur l’existence d’une rigueur objective doit tendre à aboutir à la solution que le législateur aurait prise s’il avait eu à réglementer la situation. Il n’en demeure pas moins qu’une demande de remise gracieuse s’analyse également et exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte ainsi aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette2.

En l’espèce, la société demanderesse conclut exclusivement à une violation du paragraphe 243 AO et du principe de la détermination exacte de la base d’imposition en expliquant qu’elle se serait trompée dans sa déclaration d’impôt.

Force est cependant de constater qu’un bureau d’imposition agit conformément à la loi en se basant sur les déclarations du contribuable et la circonstance que certaines des bases d’impositions déclarées s’avèrent ex post, et plus particulièrement après l’expiration du délai de recours contre ce bulletin d’imposition, être erronées, de sorte à avoir conduit à une surtaxe, n’est pas de nature à mettre en cause l’application de la loi qui a été faite antérieurement par ledit bureau et à aboutir à une situation non-réglementée par le législateur comme étant susceptible d’être 2 Trib. adm., 1er juillet 1999, n° 11180 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 816 et les autres références y citées.

8rectifiée, étant donné que ce dernier a précisément circonscrit à travers les paragraphes 92 à 96 et 222 AO les hypothèses dans lesquelles il admet les modifications d’actes d’imposition.3 En effet, la demande gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai contentieux de même que le réexamen d’office et la rigueur de la perception ne sauraient être prétexte à un contrôle virtuel du bien-fondé de l’imposition, ni à faire l’économie d’une éventuelle action en responsabilité contractuelle contre l’auteur d’un éventuel dommage.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la déclaration rectificative pour l’année 2018 a été introduite tardivement auprès du bureau d’imposition compétent, de sorte que ledit bureau d’imposition n’a pas été en temps utile en possession des informations qui auraient pu l’amener à amoindrir la charge fiscale de la société demanderesse, les bulletins litigieux ayant déjà été coulés en force de chose décidée.

Il s’ensuit qu’une iniquité objective ne saurait être retenue en l’espèce.

Force est ensuite de constater que la société demanderesse ne conclut pas à l’existence d’une rigueur subjective dans son chef, de sorte qu’elle ne saurait pas non plus se voir accorder une remise gracieuse au sens du paragraphe 131 AO sous ce rapport.

Il s’ensuit que la société demanderesse n’a pas produit d’éléments en cause permettant au tribunal de réformer la décision directoriale déférée, de sorte que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi de l’arrêt de la Cour administrative du 7 juillet 2022, portant le numéro 47209C du rôle ;

vidant le jugement du 9 février 2022 ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge 3 Trib. adm., 29 septembre 2003, n° 15983 du rôle, Pas. adm. 2022, v° Impôts, n° 812 et l’autre référence y citée.

9 et lu à l’audience publique extraordinaire du 14 juillet 2023 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 45079a
Date de la décision : 14/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-14;45079a ?

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