La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49136

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2023, 49136


Tribunal administratif Numéro 49136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49136 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49136 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïm

a El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 49136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49136 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49136 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 juin 2023, ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2023 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée le 11 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif, par laquelle Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare reprendre le mandant pour le compte de Monsieur …, en remplacement de Maître Naïma El Handouz ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour, Maître Eric Says s’étant excusé.

___________________________________________________________________________

Il se dégage du dossier administratif que, suivant un rapport de police, dit « Fremdennotiz », référencé sous le numéro JDA/2023/133958-1, du 14 mai 2023, émanant du commissariat de Luxembourg, Groupe Gare, Monsieur … fut interpellé sans être en possession ni de papiers d’identité ni d’une autorisation de séjour.

Par arrêté du 14 mai 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du 14 mai 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no JDA/2023/133958-1 du 14 mai 2023 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg, Groupe Gare ;

Vu ma décision de retour du 14 mai 2023 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l’intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée de séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 13 juin 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur la motivation suivante :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 14 mai 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 14 mai 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2023, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 13 juin 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes relevés ci-avant, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour vices d’excès et de détournement de pouvoir, pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Le demandeur fait ensuite valoir que le placement en rétention devrait être considéré « comme un moyen », alors que le placement porterait atteinte à sa liberté de mouvement, et qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. Il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans envisager d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté, telles que des mesures moins coercitives. Il propose à cet égard « un placement » à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK).

Il critique ensuite le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. A cet égard, il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permet le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ci impossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, inscrit sous le numéro 25344 du rôle, selon lequel, afin de pouvoir vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité, il y a lieu de tenir non seulement compte de l’opportunité du principe de l’enfermement, mais également du type de structure fermée retenu par le ministre. Dans ce contexte, le demandeur fait également valoir qu’il n’aurait jamais tenté de se soustraire à son éloignement et qu’il ne présenterait pas de risque de fuite « se sachant en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois et étant surtout respectueux des lois du pays ». Il fait encore souligner, dans ce contexte, qu’il ne se serait pas fait connaître négativement au Luxembourg, où il n'aurait jamais commis d’infraction, malgré sa situation financière précaire, de sorte qu’il ne présenterait aucune menace ou danger pour l'ordre public. Le demandeur ajoute qu’il aurait vécu en France, où sa concubine et son enfant vivraient également.

Par ailleurs, Monsieur … donne à considérer qu’il ne se sentirait pas en sécurité au Centre de rétention, alors qu'il y aurait subi une agression l'ayant rendu craintif et inquiet quant à son futur.

Finalement, le demandeur estime qu’il ne ressortirait pas du dossier que le Ministre ait agi avec toutes les diligences requises, de sorte qu'aucune mesure d'éloignement n'aurait été en cours au jour du placement en rétention. Etant donné qu’à ce jour, aucun laissez-passer n'aurait été délivré par les autorités de son pays d'origine en vue d’un éventuel transfert vers le Maroc, la procédure d'éloignement resterait hypothétique à l'heure actuelle et risquerait de déboucher in fine sur une libération tardive à la suite d’une rétention inutile.

Au vu de ces considérations, le demandeur estime que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate, une assignation à résidence ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.

A titre liminaire, force est de relever, quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait à réformer pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour méconnaissance de l’article 121 de la loi du 29 août 2008, régissant la notification d’une décision de placement en rétention, que ladite argumentation est à rejeter pour ne pas être autrement étayée en fait et en droit, étant précisé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Le tribunal précise ensuite qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé à cet égard que la décision du 14 mai 2023 est assortie d’un ordre de quitter le territoire et d’une interdiction de territoire de cinq ans, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni de documents d’identité, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », tout en relevant que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant fourni aucun élément susceptible de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui.

Cette conclusion, à défaut de développements circonstanciés à cet égard, n’est pas énervée par la simple affirmation du demandeur selon laquelle il ne présenterait « nullement un risque de fuite, se sachant en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois et étant surtout respectueux des lois du pays ».

Concernant les mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y est pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter, étant d’ailleurs relevé que le demandeur ne prétend pas remplir les conditions pour une des deux autres mesures moins coercitives y prévues.

Cette conclusion n’est pas mise en cause par l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur, dans sa requête introductive d’instance, selon laquelle il aurait une compagne et un enfant en France, alors qu’au-delà du constat que cette allégation est contredite par ses propres déclarations faites auprès de la police grand-ducale en date du 14 mai 2023, quand il prétend ne pas avoir de famille au Luxembourg ou dans un autre pays de l’Union européenne, cette affirmation est plutôt de nature à corroborer, dans son chef, un risque de fuite, lequel se définit par le risque de se soustraire à son éloignement.

Il en va de même du moyen du demandeur tenant à une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: (…) f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-

ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH, sans que l’affirmation non autrement étayée selon laquelle il y aurait subi des violences ne soit de la moindre pertinence à cet égard.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de prorogation de son placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef ainsi qu’une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser son éloignement, il échet de constater qu’en date du 16 mai 2023, soit deux jours après la notification de l’arrêté de placement en rétention initial, un agent du ministère a pris contact avec les autorités marocaines en vue de l’obtention d’un laissez-passer en faveur de Monsieur … en y annexant les empreintes digitales de l’intéressé et deux photos d’identité. Ledit agent adressa un rappel dudit courrier aux autorités consulaires marocaines en date du 5 juin 2023, ce qui amena, le lendemain, ces dernières à confirmer au ministre que la demande d’identification serait en cours. De nouveaux rappels ont été adressés aux autorités consulaires marocaines en dates du 20 juin et 4 juillet 2023.

Au regard de ces démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, sans qu’il ne ressorte d’un quelconque élément de la cause qu’il puisse d’ores et déjà être conclu, à l’heure actuelle, qu’il n’y ait pas de chances que l’éloignement puisse aboutir, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49136
Date de la décision : 11/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-11;49136 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award