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11/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49135

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2023, 49135


Tribunal administratif Numéro 49135 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49135 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49135 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïm

a El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 49135 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49135 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49135 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma El Handouz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 juin 2023, ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

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Le 19 décembre 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Suivant relevé du Centre pénitentiaire d'Uerschterhaff du 13 janvier 2023, Monsieur … fit l'objet d'un mandat d'amener pour avoir été suspecté d’avoir commis un vol qualifié, détention préventive dont il fut libéré le 10 février 2023.

Par décision du 27 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », débouta Monsieur … de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée tout en lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de 30 jours. Le recours introduit par Monsieur … à l’encontre de la décision ministérielle du 27 janvier 2023 fut définitivement rejeté par un jugement du tribunal administratif du 10 mars 2023, inscrit sous le numéro 48533 du rôle.

Suivant procès-verbaux du commissariat Diekirch/Vianden de la police grand-ducale du 20 avril 2023, portant la référence 10899/2023, la police dut intervenir à la gare de Diekirch, alors que Monsieur … avait fumé dans le train et jeté des pierres sur les agents de sécurité. Lors de son contrôle par la police grand-ducale, il s'avéra que Monsieur … était en possession de stupéfiants.

Par arrêté ministériel du 20 avril 2023, lui notifié le même jour, Monsieur … fit l'objet d'une mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport numéro 16283-829/2003 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 21 janvier 2023 ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un document de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Considérant que l’intéressé ne s’est pas présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine ;

Considérant que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 17 mai 2023, notifié à l’intéressé le 19 mai 2023, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois avec effet au 20 mai 2023.

Le 20 mai 2023, Monsieur … se désista de son recours introduit le 16 mai 2023 contre l’arrêté ministériel du 20 avril 2023, ce qui fut acté dans un jugement du tribunal administratif du 23 mai 2023, inscrit sous le numéro 48936 du rôle.

Par un arrêté du 19 juin 2023, notifié à l’intéressé le 20 juin 2023, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur la motivation suivante :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 20 avril et 17 mai 2023, notifiés le 20 avril respectivement le 19 mai avec effet au 20 mai 2023, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 20 avril 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 19 juin 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, après avoir rappelé les rétroactes relevés ci-avant, Monsieur … reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir apprécié sa situation de manière erronée et estime que la décision litigieuse devrait être réformée pour vices d’excès et de détournement de pouvoir, pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, tels qu’ils seraient énumérés à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, et pour violation de l’article 121 de la loi du 29 août 2008.

Le demandeur fait ensuite valoir que le placement en rétention devrait être considéré « comme un moyen », alors que le placement porterait atteinte à sa liberté de mouvement, et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre qui ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, devrait rester exceptionnelle. Il estime que ce serait à tort que le ministre l’aurait placé en rétention sans envisager d’autres solutions plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté, telles que des mesures moins coercitives. Il propose à cet égard « un placement » à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, ci-

après désignée par « la SHUK », tout en précisant qu’il aurait résidé dans une structure d’accueil pour étrangers à Mersch.

Il critique ensuite le fait pour le ministre de ne pas avoir pris en considération les éléments liés à sa personne. A cet égard, il explique que si l’article 120 de la loi du 29 août 2008 permet le placement en rétention d’un étranger en séjour irrégulier au cas où des circonstances rendraient l’exécution de l’éloignement de celui-ci impossible, il n’en demeurerait pas moins que cette mesure de placement en rétention devrait être proportionnée à la situation de l’étranger en question. A cet égard, il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, inscrit sous le numéro 25344 du rôle, selon lequel, afin de pouvoir vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité, il y aurait lieu de tenir non seulement compte de l’opportunité du principe de l’enfermement, mais également du type de structure fermée retenu par le ministre. Dans ce contexte, le demandeur fait également valoir qu’il n’aurait jamais tenté de se soustraire à son éloignement et qu’il ne présenterait pas de risque de fuite « se sachant en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois et étant surtout respectueux des lois du pays ». Il relève encore, dans ce contexte que la décision de rejet de sa demande de protection internationale n’aurait pas encore acquise autorité de chose décidée au moment de son placement en rétention, alors qu’il aurait introduit un recours à son encontre.

Finalement, il reproche au ministre de ne pas avoir agi avec toute la diligence requise pour écourter son placement en rétention, alors que des mesures auraient été engagées mais n’auraient pas abouti, de sorte qu’aucune mesure d’éloignement n’aurait été en cours au jour de la prolongation du placement en rétention et que les autorités algériennes ne lui auraient pas délivré de laissez-passer.

Au vu de ces considérations, le demandeur estime que l’arrêté ministériel sous analyse devrait encourir la réformation et qu’il y aurait lieu de prononcer sa libération immédiate, son assignation à résidence ou son « placement dans un centre ouvert ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne d’abord le moyen du demandeur selon lequel le ministre n’aurait pas suffisamment motivé la décision déférée, force est de relever que, comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait à réformer pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés et pour méconnaissance de l’article 121 de la loi du 29 août 2008, régissant la notification d’une décision de placement en rétention, le tribunal retient que ladite argumentation est à rejeter pour ne pas être autrement étayée en fait et en droit, étant précisé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, le tribunal précise de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant rappelé à cet égard que la décision ministérielle du 27 janvier 2023 est assortie d’un ordre de quitter le territoire, décision qui a fait l’objet d’un recours contentieux le 14 février 2023 dont Monsieur … fut définitivement débouté par un jugement du tribunal administratif du 10 mars 2023, inscrit sous le numéro 48533 du rôle, de sorte qu’au jour de son placement initial en rétention, le délai pour Monsieur … de quitter volontairement le territoire luxembourgeois était déjà écoulé, et qu’il ne disposait ni de documents d’identité, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite (…) est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) ».

Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant fourni aucun élément susceptible de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui.

Cette conclusion, à défaut de développements circonstanciés à cet égard, n’est pas énervée par la simple affirmation du demandeur selon laquelle il ne présenterait « nullement un risque de fuite, se sachant en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois et étant surtout respectueux des lois du pays ».

Concernant les mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: (…) f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) ».

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-

ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.

Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de prorogation de son placement en rétention basés sur une absence d’un risque de fuite dans son chef ainsi qu’une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser son éloignement, il échet de constater qu’en date du 21 avril 2023, soit le lendemain de la notification de l’arrêté de placement en rétention initial, un agent du ministère a pris contact avec les autorités algériennes en vue de l’identification de Monsieur … et l’obtention d’un laissez-passer en faveur de ce dernier en y annexant les empreintes digitales de l’intéressé, ainsi que quatre photos d’identité. Ledit agent adressa un rappel dudit courrier aux autorités consulaires algériennes en date du 11 mai 2023, suite auquel les autorités algériennes informèrent les autorités luxembourgeoises, par courrier électronique du 19 mai 2023, que l’identification de Monsieur … serait toujours en cours. Un agent du ministère adressa encore des rappels aux autorités consulaires algériennes en date des 2, 16 et 30 juin 2023.

Au regard de ces démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités algériennes, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 804 et les autres références y citées.

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49135
Date de la décision : 11/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-11;49135 ?

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