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11/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49129

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2023, 49129


Tribunal administratif Numéro 49129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49129 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49129 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administra

tif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif Numéro 49129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49129 4e chambre Inscrit le 6 juillet 2023 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49129 du rôle et déposée le 6 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Annaba (Algérie), et être de nationalité algérienne alias …, né le …, alias …, alias …, né le … à … (Algérie), actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 juin 2023 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 24 juin 2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, C3R Esch, du 28 août 2022, portant le numéro de référence 2022/32249/1564/SY, qu’à cette même date, Monsieur …, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il ne put présenter de document d’identité en cours de validité. Il ressort encore du même rapport de police que Monsieur … ne disposa pas d’adresse fixe au Luxembourg.

Une recherche effectuée dans la base de données EURODAC en date du 30 août 2022 en vue de la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », révéla que Monsieur … 1avait auparavant introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas en date du 2 décembre 2020.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Mersch, du 9 septembre 2022, portant le numéro de référence 2022/33472/1140/MEJO, Monsieur … fit, en date de ce même jour, l’objet d’un contrôle par les agents de la police grand-

ducale lors duquel il ne fut toujours pas en mesure de présenter des documents d’identité.

Suite à cette interpellation, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », déclara, en date du même jour, le séjour de l’intéressé sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter ledit territoire et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de la sortie de l’espace Schengen. L’arrêté en question fut notifié à l’intéressé en date du même jour.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat Capellen, du 26 septembre 2022, portant le numéro de référence 2022/35686/1536-SCAR, Monsieur … fut, à cette même date, de nouveau intercepté par la police sans papiers d’identité.

Il ressort d’un rapport de police grand-ducale, Région Centre-Est, Commissariat Mersch C3R, du 2 janvier 2023, portant le numéro de référence 2023/252/19/KIMA, que Monsieur … fit de nouveau l’objet d’un contrôle en relation avec une tentative de cambriolage, lors duquel il ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité.

Une recherche dans le système d’information Schengen (SIS) effectuée en date du 14 avril 2023 révéla que Monsieur … faisait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire de la part des autorités néerlandaises.

Le 17 avril 2023, Monsieur … fit l’objet d’un signalement national.

Il ressort finalement d’un rapport de police grand-ducale, Région Sud-Ouest, C2R Kayldall, du 24 mai 2023, portant le numéro de référence 2023/21202/465/CK, que Monsieur … fit de nouveau l’objet d’un contrôle, lors duquel il ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité.

En date du même jour, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues néerlandais, afin de s’enquérir du sort réservé par eux à la demande de protection internationale y déposée par Monsieur …, demande à laquelle ces dernières répondirent par courriel du même jour en précisant que la demande de protection internationale de Monsieur … avait été rejetée en 2020, que l’intéressé avait été transféré de la Belgique aux Pays-Bas en dates des 30 mars 2021 et 20 mai 2022 sans qu’il n’y ait plus déposé de nouvelle demande de protection internationale.

Par arrêté du 24 mai 2023, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les 2considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°2023/21202/465/CK du 24 mai 2023 établi par la Police grand-

ducale ;

Vu ma décision de retour du 9 septembre 2022 assortie d’une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les différents rapports de police ;

Vu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un arrêté du 21 juin 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre décida de prolonger la mesure de placement prise à l’égard de Monsieur … pour une durée d'un mois avec effet au 24 juin 2023.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 24 mai 2023, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 24 mai 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juillet 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 21 juin 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, 3le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique, s’agissant d’une atteinte évidente à la liberté de mouvement. Il s’ensuivrait qu’une telle mesure devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il ajoute qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Or, il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine, de sorte que se poserait la question de l’exécution de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et avant le délai maximal de la mesure de rétention, le demandeur soulignant, par ailleurs, que le maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum, de sorte qu’il devrait être mis en liberté en attendant l'exécution de la mesure d'éloignement.

En se référant à un jugement du 19 février 2009 du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, le demandeur fait finalement valoir que le placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce et de son comportement, de sorte que, sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, il estime pouvoir être assigné à résidence dans un lieu à fixer par le ministre, avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services ministériels ou de toute autre autorité désignée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun des moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.

En ce qui concerne d’abord le moyen du demandeur selon lequel le ministre n’aurait pas suffisamment motivé la décision déférée, force est de relever que, comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le 4demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

5Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, force est d’abord de relever, que Monsieur … se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où il a fait l’objet d’une décision déclarant son séjour sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonnant de quitter le territoire sans délai et lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, décision lui notifiée en date du 9 septembre 2022.

Il est encore constant en cause que le demandeur ne disposait pas de documents d’identité et de voyage en cours de validité, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage valables, le risque de fuite est présumé dans son chef. Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Il n’est pas non plus allégué que le demandeur serait actuellement en possession de documents d’identité ou de voyage valables, voire d’un titre de séjour, le contraire étant le cas, alors qu’il a affirmé lui-même, lors de l’ensemble des contrôles de polices énumérés ci-avant, ne pas être en possession de tels documents, de sorte que le demandeur reste en défaut de fournir un quelconque élément dans le cadre de son recours permettant de renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef.

Une telle garantie de représentation effective de nature à prévenir le risque de fuite ne résulte pas non plus de son affirmation, dans le cadre desdits contrôle de police, selon laquelle, il voudrait se rendre en France, alors qu’au contraire, une telle allégation est plutôt de nature à conforter le risque de fuite dans son chef, lequel se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut de fournir un quelconque élément pertinent de nature à exclure tout risque de fuite dans son chef, de sorte que ses contestations y relatives sont à rejeter.

Pour les mêmes considérations, le tribunal est encore amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel une mesure d’assignation à résidence aurait dû être appliquée en l’espèce.

A cet égard, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective 6raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs 7techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose, étant relevé qu’il ressort par ailleurs du dossier administratif et notamment des différents rapports de police que l’intéressé n’a aucune attache au Luxembourg.

S’agissant ensuite des critiques du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif et des explications non contestées du délégué du gouvernement que les autorités ministérielles avaient non seulement le jour du placement en rétention du demandeur, sollicité des informations supplémentaires auprès des autorités néerlandaises concernant la situation administrative de ce dernier, mais également, en date du 25 mai 2023, adressé au Consulat de la République Algérienne démocratique et populaire une demande en obtention d’un laissez-

passer dans le chef de Monsieur …, le ministre ayant, ensuite adressé des rappels audit Consulat en date des 14 et 18 juin 2023.

Force est ainsi de relever, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes – que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que non seulement le dispositif de l’éloignement est en cours, mais qu’il est encore poursuivi avec la diligence légalement requise, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, 1 trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

8le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49129
Date de la décision : 11/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-11;49129 ?

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