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11/07/2023 | LUXEMBOURG | N°46290

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2023, 46290


Tribunal administratif N° 46290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46290 3e chambre Inscrit le 26 juillet 2021 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Madame … et consort, … contre une décision du conseil communal de la commune de Putscheid et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2021 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L-… et de Madame …, demeurant...

Tribunal administratif N° 46290 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46290 3e chambre Inscrit le 26 juillet 2021 Audience publique du 11 juillet 2023 Recours formé par Madame … et consort, … contre une décision du conseil communal de la commune de Putscheid et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46290 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2021 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L-… et de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation - de la délibération du conseil communal de la commune de Putscheid du 6 octobre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, de la commune de Putscheid, et ;

- de la décision du ministre de l’Intérieur du 14 avril 2021 portant approbation de la prédite délibération du conseil communal de la commune de Putscheid du 6 octobre 2020 et ayant déclaré recevable, mais non fondée leur réclamation ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 29 juillet 2021, portant signification de ce recours à l’administration communale de Putscheid, ayant sa maison communale à L-9462 Putscheid, 7, Veinerstrooss, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2021 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2021 par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de Putscheid ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2021 par Maître Albert RODESCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2021 par Maître Marc WALCH, au nom de l’administration communale de Putscheid, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2022 par Maître Alain BINGEN, au nom des parties demanderesses, préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2022 par Maître Marc WALCH, au nom de l’administration communale de Putscheid, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2022 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alain BINGEN, Maître Marc WALCH et Maître Stéphane SUNNEN, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2023.

________________________________________________________________________________

Lors de sa séance publique du 11 juin 2019, le conseil communal de Putscheid, ci-après désigné par le « conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par « le collège échevinal », de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, désigné ci-après par le « ministre de l’Environnement », émit son avis sur le projet d’aménagement général en application de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ainsi que son avis sur le rapport sur les incidences environnementales et sur le projet d’aménagement général en application des dispositions de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, en date du 23 octobre 2019, tandis que la commission d’aménagement émit, quant à elle, son avis dans sa séance du 10 décembre 2019.

Par courrier recommandé de leur litismandataire du 11 juillet 2019 adressé au collège échevinal, Madame … et Madame …, ci-après désignées par les « consorts … », déclarant agir en leur qualité de propriétaires des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Putscheid, section … de …, sous les numéros …, … et …, sises à …, firent valoir leurs objections à l’encontre du projet d’aménagement général de ladite commune.

Lors de sa séance publique du 6 octobre 2020, le conseil communal décida d’adopter le projet d’aménagement général adapté suite aux avis de la commission d’aménagement et du ministre de l’Environnement et de rejeter les objections dirigées à l’encontre dudit projet, notamment par les consorts …. Par courrier du 8 octobre 2020, le collège échevinal informa les consorts … de l’adoption définitive du projet d’aménagement général ainsi que du rejet de leurs objections en précisant que « […] Votre demande d’agrandissement du périmètre d’agglomération n’a pas été accordée étant donné que les responsables du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable sont d’avis que les fonds situés le long de la promenade de l’Our sont difficiles à viabiliser. De plus, ces terrains étaient classés en « zone verte de protection » sous l’ancien PAG et le seul classement admis par les responsables du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable est la « zone de jardins familiaux » (zone JAR).

En ce qui concerne le classement en PAP-NQ de votre terrain situé derrière votre maison natale le conseil communal est d’avis que ce classement ne vous lèse pas mais en contrepartie augmente la valeur immobilière de vos fonds. […] ».

Par courrier recommandé du 21 octobre 2020, les consorts … introduisirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par le « ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 6 octobre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant rejeté leurs objections dirigées à l’encontre de ce même projet.

Par décision du 14 avril 2021, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 6 octobre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont notamment la réclamation introduite par les consorts …, qu’il déclara non fondée. Les passages de la décision ministérielle, précitée, se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« […] Ad réclamation … et … (rec 3) Les réclamantes s’opposent au classement des parcelles cadastrales n°…, … et …, sises à …, actuellement affectées en « zone mixte villageoise [MIX-v] », en « zone de jardins familiaux [JAR] », en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » et en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».

Plus particulièrement, en qui concerne la parcelle n°…, elles souhaitent voir supprimer la « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».

A cet égard, il convient d’abord de préciser qu’il n’existe aucune obligation légale de faire correspondre le zonage avec le parcellaire, ce dernier ne constituant qu’un fonds de plan. Ainsi, il y a lieu de considérer que la cohérence par rapport à la délimitation des zones prime sur la cohérence par rapport au parcellaire. Or, à ce niveau, force est de constater que la délimitation actuelle est cohérente et permet une utilisation rationnelle du sol.

Ainsi, la « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] » permet un développement en profondeur des parcelles, autrement non constructibles, étant précisé que rien n’oblige les propriétaires à participer au plan d’aménagement particulier.

Ensuite, en ce qui concerne les parcelles n°… et …, les réclamantes demandent le remplacement de la « zone de jardins familiaux [JAR] » par une « zone mixte villageoise [MIX-

v] », le tout superposé d’une « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ». A titre subsidiaire, elles sollicitent la suppression de la « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».

Il convient d’abord de constater à cet égard que l’actuelle « zone de jardins familiaux [JAR] » est d’ores et déjà plus flexible que l’ancienne zone destinée à rester libre qui était prévue à cet endroit sous l’ancien plan d’aménagement général. Cette zone est par ailleurs cohérente, alors qu’il n’y a pas lieu de développer le site davantage en profondeur, voire en seconde ligne.

La réclamation est partant non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2021, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal du 6 octobre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, de la commune de Putscheid, ainsi que de la décision ministérielle précitée du 14 avril 2021 portant approbation de la prédite délibération du conseil communal du 6 octobre 2020 et ayant déclaré recevable, mais non fondée leur réclamation.

I.

Quant à la compétence du tribunal et quant à la recevabilité du recours Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 14 avril 2021 ayant statué sur la réclamation introduite par les consorts …, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

II.

Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général, désigné ci-après par « le PAG », est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 30 juillet 2021, entrée en vigueur postérieurement à la décision d’approbation du conseil communal du 6 octobre 2020, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes réglementaires, n° 55 et les autres références y citées.III.

Quant au fond Arguments des parties A l’appui de leur recours et après avoir rappelé les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, les demanderesses expliquent que la parcelle portant le numéro cadastral …, laquelle aurait une contenance de … ares et accueillerait actuellement trois constructions accolées, ci-après désignée par « la parcelle n°… », aurait, sous l’empire de l’ancien PAG été classée, dans son intégralité, en « secteur habitat à caractère rural ». D’après le nouveau PAG, la partie frontale de cette même parcelle aurait été classée en « zone mixte villageoise [MIX-v] », désignée ci-après par « la zone mix-v », relevant d’un plan d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après désigné par « PAP QE », tandis que sa partie arrière aurait, quant à elle, été classée en zone mix-v superposée d’une « zone soumise à un plan d’aménagement particulier nouveau quartier », ci-après désignée par zone « PAP NQ ».

Elles donnent encore à considérer que deux mois avant la date de la décision portant mise sur orbite du projet d’aménagement général, le conseil communal aurait reclassé la parcelle adjacente à la leur, située à l’arrière de celle-ci et portant le numéro cadastral …, ci-après désignée par « la parcelle n°… », initialement classée en zone de camping, en « zone d’habitation à caractère rural » et en « zone d’aménagement public ». En se basant sur un extrait du bulletin d’information de la commune de Putscheid, elles soutiennent que ce reclassement aurait été la condition sine qua non posée par l’ancien propriétaire de celle-ci, pour accorder la cession d’une partie de sa parcelle à la commune et ce afin d’y installer un bassin de rétention avec station de pompage.

Les demanderesses expliquent ensuite que dans le cadre du nouveau PAG, cette même parcelle aurait finalement été intégrée dans la zone mix-v, superposée d’une zone PAP NQ, tout en affirmant que ce classement final profiterait au seul propriétaire desdits fonds. A cet égard, elles font valoir que la parcelle n°…, serait trop exiguë et pas suffisamment profonde pour accueillir des logements, raison pour laquelle les autorités communales auraient décidé d’inclure leur propre parcelle à la zone PAP NQ. Ce faisant, les autorités communales auraient morcelé artificiellement leur parcelle en la scindant en deux, ce qui entraînerait indubitablement une diminution de sa valeur, alors que la partie frontale serait condamnée à rester à l’état et ne pourrait plus accueillir de nouvelle construction compte tenu des différents reculs à respecter. Quant à la partie postérieure de cette même parcelle, celle-ci ne pourrait pas être aménagée isolément, les demanderesses ajoutant qu’en tout état de cause un tel aménagement en deuxième ligne ne présenterait pas d’intérêt pour elles alors qu’elles compteraient préserver cette partie de parcelle à des fins de loisirs. Elles ajoutent que le classement de la partie arrière de leur parcelle les désavantagerait par rapport à leur voisin alors que leur parcelle aurait moins de profondeur que la sienne.

Elles font encore remarquer qu’en 2016, les autorités communales leur auraient proposé un plan d’aménagement particulier portant sur l’intégralité de leur parcelle et des parcelles ayant constitué le camping adjacent. Compte tenu du classement actuel et de la scission de leur parcelle, l’aménagement de la partie arrière de celle-ci ne pourrait se faire qu’avec l’accord du propriétaire de la parcelle n°….

En se basant sur l’article 28, paragraphe 1er de la loi du 19 juillet 2004, les demanderesses contestent encore l’affirmation du ministre qu’elles ne seraient pas obligées de participer à un éventuel PAP NQ futur en soutenant que ledit PAP pourrait se faire à la seule initiative du propriétaire de la parcelle n°… et contre leur gré, alors que ce dernier serait propriétaire de trois quarts de la surface intégrale visée par la zone PAP NQ.

Elles ajoutent que la parcelle n°… serait située le long de la promenade de l’Our et serait, au vu de son classement, prévue d’être développée en deuxième ligne et ce contrairement à leurs propres parcelles portant les numéros cadastraux … et … également situées le long de la promenade de l’Our et ce à une trentaine de mètres. En effet, en ce qui concerne ces deux parcelles, les autorités communales se seraient opposées à leur aménagement en avançant comme motif de refus un développement en profondeur et en seconde ligne, les demanderesses reprochant, dans ce contexte, un manque de cohérence aux autorités communales.

Elles font ensuite valoir qu’une utilisation rationnelle du sol passerait par l’urbanisation de la totalité de la surface visée par la zone PAP NQ et exigerait ainsi la démolition de toutes les bâtisses existantes pour faire place à de nouvelles constructions. Or, compte tenu des investissements importants qu’elles auraient opéré, elles refuseraient un tel aménagement. Elles en concluent que ce serait à tort que la partie arrière de la parcelle n°… aurait été superposée d’une zone PAP NQ, tout en précisant encore qu’elles ne critiqueraient pas le classement de base, à savoir celui en zone mix-v.

Quant aux deux autres parcelles leur appartenant, les demanderesses précisent que sous l’empire de l’ancien PAG, la parcelle portant le numéro cadastral … d’une contenance de … ares, ci-après désignée par « la parcelle n°… » aurait, en ce qui concerne sa partie frontale, été classée en « secteur d’habitat à caractère rural » et en ce qui concerne sa partie arrière en « zone verte de protection », tandis que la parcelle portant le numéro cadastral …, ci-après désignée par « la parcelle n°… », d’une contenance de … ares, aurait, quant à elle, été classée en « secteur d’habitat à caractère rural ». D’après la nouvelle règlementation urbanistique en vigueur, la partie frontale de la parcelle n°… ferait partie de la zone mix-v relevant d’un PAP QE, tandis que sa partie arrière, de même que la parcelle n°… seraient reclassées en « zone mixte rurale » ci-après « zone mix-r », laquelle ferait partie d’un PAP QE « zone de jardins familiaux », ci-après désignée par « zone JAR ». Or, le fait d’intégrer plus de deux tiers de ces deux parcelles dans la zone mix-r rendrait toute implantation future d’un immeuble servant à des fins d’habitation impossible.

Les demanderesses sont ainsi d’avis que le reclassement de leurs parcelles, lequel serait intervenu suite aux avis du ministre de l’Environnement et du ministre de l’Intérieur, et ce au motif que les fonds situés le long de la promenade de l’Our seraient difficiles à viabiliser, motif qui serait paradoxal puisqu’il n’aurait pas été invoqué pour la parcelle n°…, leur serait préjudiciable. Elles ajoutent que ces mêmes conclusions s’imposeraient en ce qui concerne le refus leur opposé de développer le site davantage en profondeur, voire en seconde ligne, alors qu’un tel motif de refus n’aurait pas non plus été retenu pour la parcelle n°….

Les demanderesses sont encore d’avis que le classement d’une partie de leurs parcelles en zone JAR ne serait pas cohérent, dans la mesure où la parcelle voisine portant le numéro cadastral …, serait, quant à elle, classée en zone mix-v, superposée d’une zone PAP NQ, les demanderesses soutenant qu’un développement cohérent aurait milité en faveur de l’intégration des parcelles n°… et n°… dans la même zone superposée.

Au vu de l’ensemble de ces développements, les demanderesses concluent à l’annulation des décisions litigieuses.

Dans leur mémoire en réplique, les demanderesses réitèrent en substance leurs développements figurant dans la requête introductive d’instance.

Elles insistent plus particulièrement sur le fait que le classement de la partie arrière de la parcelle n°… n’aurait pas été motivé par des considérations d’ordre urbanistique et d’aménagementcommunal, mais serait intervenu dans l’intérêt de l’ancien propriétaire de la parcelle adjacente à la leur. A cet égard, elles donnent à considérer que suivant acte de vente du 18 septembre 2019, l’ancien propriétaire de celle-ci aurait vendu une partie de cette même parcelle à la commune en vue d’y implanter un bassin de rétention avec station de pompage, acte qui aurait notamment stipulé que « Die Gemeinde Putscheid verpflichtet sich, die Fläche des hier verkauften Grundstücks in die Berechnung der Gesamtfläche von 25% einfließen zu lassen, welche im Rahmen der Ausführung eines PAP nouveau quartier durch einen zukünftigen Bauherrn an die Gemeinde abgetreten werden muss. ». Dans la mesure où la condition à la vente posée par l’ancien propriétaire de ladite parcelle aurait été le reclassement de celle-ci en zone d’habitation à caractère rural, les demanderesses soutiennent que le classement définitif de ladite parcelle aurait été abordé expressément dans ledit acte de vente, et partant à une époque où le nouveau PAG n’aurait pas encore été approuvé définitivement. Dans ce même contexte, les demanderesses notent encore que la parcelle n°…, substantiellement revalorisée à la suite du reclassement, aurait finalement été vendue à l’Etat.

Elles font ensuite valoir que leur parcelle n°… aurait d’ores et déjà été constructible sous l’ancien PAG et que l’intégration de la partie arrière de celle-ci, en zone PAP NQ, n’aurait « pas changé quoi que ce soit à cet état » dans la mesure où elle serait classée intégralement zone mix-v.

Quant à la possibilité d’un développement en profondeur de cette même parcelle mise en avant par les parties défenderesses, les demanderesses affirment qu’elles ne viseraient pas un tel développement alors que les constructions érigées actuellement sur leur parcelle répondraient de manière adéquate à leurs besoins en habitation.

Elles font encore valoir que s’il n’existe certes pas d’obligation légale de faire correspondre le zonage avec le parcellaire, celui-ci ne pourrait toutefois pas établi à n’importe quel endroit. Les demanderesses sont d’avis qu’en l’espèce, une approche cohérente aurait commandé soit d’exclure leur parcelle de la zone soumise à un PAP NQ, soit de l’intégrer dans sa totalité dans cette zone.

En ce qui concerne le classement des deux autres parcelles leur appartenant, et face aux contestations des parties défenderesses y relatives, les demanderesses expliquent que s’il serait exact que dans le corps de leur requête introductive d’instance elles auraient certes erronément indiqué que la partie arrière de la parcelle n°… et la parcelle n°… seraient classées en zone mix-r, faisant partie du PAP QE JAR, il n’en resterait pas moins que dans le dispositif de ladite requête elles auraient indiqué le classement exact en sollicitant l’annulation du classement de ces mêmes parcelles en zone JAR.

Elles donnent à cet égard encore à considérer qu’en raison du classement ainsi retenu, tant la partie arrière de la parcelle n°… que la parcelle n°… seraient inconstructibles.

Par ailleurs, il résulterait de la partie graphique du PAG que dans la localité de … ces parcelles donnant à l’arrière de l’Our seraient les seules à être situées dans une zone JAR à l’exception des parcelles voisines portant les numéros cadastraux … et …, les demanderesses affirmant que toutes les autres parcelles longeant l’Our seraient constructibles et réfutent toute valorisation de leurs parcelles, tel qu’allégué par les parties défenderesses.

Elles réitèrent en outre leurs conclusions quant à l’incohérence du classement retenu vu la situation comparable de la partie arrière de la parcelle n°… avec la parcelle n°….

En affirmant encore qu’un contrôle de cohérence ne saurait se limiter à une prise de considération exclusive ou isolée des parcelles formant l’objet du classement querellé, les demanderesses concluent à l’annulation des décisions litigieuses.

Finalement, elles soutiennent que la présence de chauves-souris à cet endroit ne saurait constituer un obstacle insurmontable au classement qu’elles sollicitent.

La commune, de même que la partie étatique, concluent, quant à elles, au rejet du recours sous analyse.

Appréciation du tribunal Force est d’abord de relever que saisi, comme en l’espèce, d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2.

S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés3.

Quant aux objectifs devant guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des 2 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 725 et les autres références y citées.énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Il s’ensuit que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs PAG, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.

Par ailleurs, en ce qui concerne la finalité d’intérêt général à laquelle les plans d’aménagement doivent tendre, il convient de constater que les décisions portant adoption, voire modification d’un plan d’aménagement sont, dans leur essence même, prises dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits incriminés. Dans le même contexte, il échet encore de préciser qu’il n’y a pas lieu de démontrer que la décision ait été prise exclusivement dans l’intérêt général, mais, en revanche, que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général4.

Il convient ensuite de rappeler que la mutabilité des plans d’aménagement général relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné5. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-après.

C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné a) Quant à la parcelle n°… Il ressort de la partie graphique du PAG, que la parcelle en question est située au sud de la localité de …, à proximité immédiate de l’Our. Il en ressort en outre, de même que des développements de part et d’autre que cette même parcelle, laquelle longe, en ce qui concerne sa limite frontale la « … », est classée dans son intégralité en zone mix-v, superposée d’un secteur 4 V. en ce sens : Trib. adm. 26 février 2004, n° 16974 du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu.

5 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas. adm.

2021, V° Urbanisme, n° 207 et les autres références y citées.protégé de type « environnement construit ». Force est finalement de constater que la partie postérieure de ladite parcelle est encore couverte par une zone PAP NQ, seul classement litigieux en l’espèce.

Pour contester le bien-fondé de la superposition de la partie arrière de leur parcelle par une zone PAP NQ, les demanderesses affirment d’un côté que celle-ci aurait été décidée dans le seul intérêt de leur voisin, et, de l’autre côté, qu’elle scinderait leur parcelle en deux entraînant ainsi une perte de valeur de cette dernière, les demanderesses affirmant à cet égard, que la partie avant de leur parcelle serait condamnée à rester à l’état. Elles sont par ailleurs d’avis que le classement ainsi retenu serait incohérent.

En ce qui concerne les développements des demanderesses quant à la prétendue origine du classement opéré, ceux-ci sont, pour autant qu’ils ont trait au classement finalement retenu pour la parcelle n°… et les circonstances ayant amené à ce même classement, à rejeter pour défaut de pertinence alors qu’ils sont étrangers au présent litige, le présent litige visant en effet uniquement l’annulation du classement des seules parcelles n°…, n°… et n°…. Dans ce contexte, il convient encore de noter que même à admettre que le classement de la parcelle n°… en zone mix-v superposée d’un secteur protégé de type « environnement construit », ainsi que d’une zone soumise à un PAP NQ ait effectivement profité à l’ancien propriétaire de celle-ci, cette circonstance à elle seule ne saurait laisser conclure ipso facto que le classement ainsi opéré soit contraire à l’intérêt général et aux objectifs inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, étant encore rappelé à cet égard, tel que retenu ci-avant, qu’il n’y a pas lieu de démontrer que la décision ait été prise exclusivement dans l’intérêt général, mais, en revanche, que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général6.

Si à travers ces mêmes développements, les demanderesses affirment certes encore que la superposition de la partie arrière de leur parcelle par une zone PAP NQ ne serait qu’une conséquence du classement finalement retenu pour la parcelle n°… dans une telle zone, de sorte que le classement de leur parcelle aurait été décidé dans le seul intérêt particulier de l’ancien propriétaire de la parcelle n°…, ces affirmations restent toutefois à l’état de pures allégations alors qu’elles ne sont non seulement appuyées par aucun élément concret, mais sont, par ailleurs, contredites par les pièces figurant au dossier administratif.

A cet égard, il convient d’abord de noter que contrairement aux affirmations des demanderesses, il résulte tant de la partie graphique du PAG que des explications circonstanciées de la commune, que contrairement aux dires des demanderesses, l’urbanisation de la parcelle n°… peut se faire indépendamment d’une éventuelle urbanisation de leur propre parcelle, la parcelle n°… disposant, d’après la partie graphique du PAG d’un accès à la voie publique et présentant, d’après le site internet GEOPORTAIL, une profondeur d’environ 20 mètres sur une large partie de sa surface.

Par ailleurs, il ressort de la prise de position du conseil communal du 17 décembre 2020 relative aux objections introduites devant le ministre contre le projet d’aménagement particulier, de même que de l’avis de la commission d’aménagement du 5 avril 2021, que la superposition de la partie arrière de la parcelle n°… s’explique bien par des considérations urbanistiques à savoir la possibilité de permettre un développement en profondeur de ladite parcelle, autrement non constructible sur cette partie.

Quant aux contestations des demanderesses relatives aux considérations urbanistiques ainsi mises en avant par les autorités compétentes, les demanderesses affirmant à cet égard que la finalité d’un tel développement en profondeur de leur parcelle serait contredite par le fait que cette dernière aurait d’ores et déjà été constructible sous l’empire de l’ancien PAG, celles-ci sont également à 6 V. en ce sens : Trib. adm. 26 février 2004, n° 16974 du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu. rejeter, alors que s’il est vrai, d’après les constructions se trouvant d’ores et déjà sur leur parcelle, que la partie frontale de celle-ci était bien constructible, tel n’est pourtant pas le cas pour la partie postérieure de cette même parcelle, cette partie ne disposant, à l’heure actuelle pas d’accès sur la voie publique, accès qui pourra toutefois être garanti à travers la réalisation d’un PAP NQ sur la zone prévue à cet effet.

En ce qui concerne ensuite les affirmations des demanderesses qu’elles ne souhaitent pas procéder à un développement en profondeur de leur parcelle, il convient de rappeler à l’instar des parties défenderesses, que si la partie arrière de la parcelle des concernées a certes été classée en zone soumise à un PAP NQ et que le site en question a vocation, de par son classement, d’être urbanisé à terme, il n’en reste pas moins que si les demanderesses ne souhaitent pas participer audit PAP NQ en question, elles ne sauraient y être obligées, le classement en question ne faisant que leur garantir une possibilité de viabilisation de ce même bout de parcelle7. Dès lors, et si d’après l’article 28 de la loi du 19 juillet 2004, le propriétaire de la parcelle … peut certes prendre l’initiative d’élaborer un PAP NQ, cette même disposition légale ne prévoit toutefois pas de possibilité pour celui-ci d’obliger les propriétaires d’autres terrains concernés par la zone PAP NQ de participer à la réalisation d’un tel PAP NQ. Il s’ensuit que les affirmations des demanderesses quant à une prétendue démolition obligatoire des bâtisses existantes sur la parcelle en question laissent également d’être fondées.

Quant à la légalité du classement opéré, il y a lieu de retenir que, dans la mesure où il ressort, tel que relevé ci-avant, tant du dossier administratif que des explications circonstanciées des parties défenderesses que l’intégration de la partie arrière de la parcelle litigieuse en zone soumise à un PAP NQ permet un développement en profondeur de cette même parcelle, développement qui vise une utilisation rationnelle du sol, il y a lieu de retenir que le classement opéré est conforme aux objectifs fixés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et notamment au point (a) de ladite disposition légale. A cet égard, il convient encore de relever, en ce qui concerne la délimitation de la zone PAP NQ, qu’un classement urbanistique ne doit pas nécessairement respecter les limites parcellaires, si un tel respect devait, comme en l’espèce, conduire à un urbanisme incohérent, et partant contraire aux objectifs ancrés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. En effet, en intégrant la partie arrière de la parcelle des demanderesses en zone PAP NQ, les autorités communales n’ont non pas procédé à un quelconque morcellement artificiel de ladite parcelle, mais ont, tel que relevé ci-avant, veillé à permettre le développement futur de celle-ci, ainsi que de la parcelle adjacente, la délimitation retenue relevant ainsi d’une urbanisation rationnelle du sol et ne souffrant dès lors d’aucune critique pour être conforme aux objectifs inscrits au prédit article 2, point (a) de la loi du 19 juillet 2004.

Au vu des considérations qui précèdent, les contestations des demanderesses quant à la superposition de la partie arrière de la parcelle n°… d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ sont à rejeter pour ne pas être fondées.

b) Quant aux parcelles n°… et n°… Il ressort de la partie graphique du PAG, que lesdites parcelles sont, tout comme la parcelle n°…, situées à proximité immédiate de l’Our, la parcelle n°… longeant directement ce cours d’eau. Il en ressort en outre, que la parcelle n°… est partiellement, pour autant qu’elle donne sur la « … », classée en zone mix-v, superposée d’un secteur protégé de type « environnement construit » et pour le surplus en zone JAR, tandis que la parcelle n°… est, quant à elle, classée entièrement en zone JAR. Il s’ensuit que les développements des demanderesses, figurant dans leur requête introductive d’instance, quant à une prétendue impossibilité d’ériger un immeuble d’habitation compte tenu d’un prétendu classement d’une partie de ces mêmes parcelles en zone mix-r tombent à faux, un tel 7 Trib. adm. 22 mars 2022, n°43936 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu classement en zone mix-r n’étant en effet et tel que les demanderesses l’admettent elles-mêmes dans le cadre de leur mémoire en réplique, pas prévu.

Force est ensuite de constater que les demanderesses critiquent le classement ainsi retenu, en arguant que celui-ci leur porterait préjudice dans la mesure où il empêcherait l’urbanisation desdites parcelles, les demanderesses estimant encore que ce même classement manquerait de cohérence alors que les autres parcelles situées le long de l’Our seraient pour la plupart classées en zone habitable.

Face aux contestations ainsi soulevées par les demanderesses en ce qui concerne le classement finalement retenu pour les parcelles n°… et n°…, il convient d’abord de préciser qu’en matière d’urbanisme, une commune bénéficie d’un droit d’appréciation très étendu en vertu du principe de l’autonomie communale inscrit à l’article 107 de la Constitution8, tel qu’en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, l’analyse de la légalité des décisions litigieuses étant à opérer par les juridictions administratives selon les préceptes ci-avant détaillés.

Appliquées au recours sous examen, les considérations qui précèdent impliquent que même dans l’hypothèse où les demanderesses argumentaient à raison que leurs parcelles sous analyse se prêteraient à un aménagement, le droit d’appréciation très étendu dont bénéficient les autorités communales n’en pâtirait pas et celles-ci resteraient libres de décider de l’affectation du site concerné, sans être liées par l’appréciation des demanderesses.

Force est d’abord de relever qu’il ressort des explications circonstanciées et non contestées des parties défenderesses, de même que des pièces figurant au dossier administratif et notamment de l’avis prémentionné de la commission d’aménagement du 5 avril 2021, ainsi que de la « Strategische Umweltprüfung » (SUP) des allgemeinen Bebauungsplans (PAG) der Gemeinde Putscheid, 2 Teil DEP » de mai 2019, que même sous l’ancienne réglementation, les parcelles en question n’étaient pas constructibles en leur intégralité alors qu’elles étaient partiellement classées en « secteur d’habitat à caractère rural » et partiellement en « zone verte de protection », zones qui prévoyaient des règles urbanistiques plus restrictives que le classement actuel.

Il convient ensuite de constater que pour justifier le refus d’intégrer la totalité des parcelles visées en zone mix-v, les autorités communales et ministérielles ont retenu que le zonage ainsi retenu serait cohérent alors qu’il n’y aurait pas lieu de développer davantage le site en profondeur, voire en seconde ligne, les autorités communales s’étant encore référées à une réunion ayant eu lieu avec les autorités étatiques en date du 1er juillet 2020.

S’il est vrai que la conclusion qu’il n’y a pas lieu de développer le site en question en profondeur peut sembler, dans un premier temps, contradictoire compte tenu du classement retenu pour les autres parcelles situées le long de l’Our et notamment la parcelle n°…, force est toutefois de constater qu’il ressort des pièces figurant au dossier administratif et plus particulièrement de la SUP9 effectuée dans le cadre de l’élaboration du PAG, que le classement en question se justifie pour pouvoir veiller à préserver le territoire de chasse des chauves-souris présentes le long de l’Our.

Tel que relevé à juste titre par la partie étatique, il ressort en effet de la SUP qu’une urbanisation à cet endroit serait inopportune et qu’une mise en place d’une couverture végétale s’impose, les auteurs ayant en effet retenu que « Im Rahmen der DEP wurde der Bereich entlang der Our zu JAR (Zone de Jardin) klassiert. Diese Klassierung ist für den Fledermausschutz sehr zu begrüßen, da 8Trib. adm., 30 septembre 2013, n° 30838 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Tutelle administrative, n° 35, de même que Trib.

adm., 9 juillet 2007, n° 22242 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Tutelle administrative, n° 37 et les autres références y citées.

9 « Strategische Umweltprüfung » (SUP) des allgemeinen Bebauungsplans (PAG) der Gemeinde Putscheid, 2 Teil DEP », page 226.hierdurch das Jagdgebiet erhalten bleibt. Dadurch wird den Vorgaben des Fledermausgutachtens entsprochen. Weitere Kompensationsmaßnahmen entfallen hierdurch. » et que « Da der Bereich entlang der Our zur Zone de jardin wird und so den Anforderungen des Fledermausgutachtens Rechnung getragen wird und keine weiteren nennenswerten Auswirkungen auf die Schutzgüter zu erwarten sind, entfällt eine vertiefende Analyse der Fläche in der DEP […] ».

Il s’ensuit que les autorités communales, confirmées sur ce point par le ministre, ont valablement pu, sans dépasser leur pouvoir d’appréciation décrit ci-avant, classer une partie de la parcelle … et l’intégralité de la parcelle n°… en zone JAR, ledit classement étant conforme aux objectifs inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et plus particulièrement au point (e) de cette même disposition légale, lequel vise notamment « un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage », ledit classement ne souffrant dès lors d’aucune critique.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent et faute de tout autre moyen le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le déclare non justifié partant en déboute ;

condamne les demanderesses au frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juillet 2022 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Sibylle Schmitz, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

Judith Tagliaferri Thessy Kuborn 13


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46290
Date de la décision : 11/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-11;46290 ?

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