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10/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49106

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2023, 49106


Tribunal administratif N° 49106 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49106 2e chambre Inscrit le 30 juin 2023 Audience publique du 10 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49106 du rôle et déposée le 30 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par

Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

Tribunal administratif N° 49106 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49106 2e chambre Inscrit le 30 juin 2023 Audience publique du 10 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49106 du rôle et déposée le 30 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, alias …, né le …, de nationalité tunisienne, alias …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 juin 2023 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Eric Says s’étant excusé.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Commissariat …, du 16 janvier 2023, référencé sous le numéro …, dit « Fremdennotiz », qu’en date du même jour, Monsieur …, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fut appréhendé par les forces de l’ordre et qu’il ne put pas présenter de documents d’identité. Au commissariat, il présenta ensuite un document selon lequel il serait né le … à … sous l’identité de …, tout en s’étant présenté aux policiers sous le nom de ….

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le même territoire pendant une durée de cinq ans.

Suivant un rapport de la police grand-ducale, Commissariat …, du 18 janvier 2023, référencé sous le numéro …, dit « Fremdennotiz », Monsieur … fut appréhendé une nouvelle fois par les forces de l’ordre, sans être en mesure de s’identifier.

Il ressort ensuite d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (CPU) du 18 janvier 2023 que Monsieur … y fut placé pour des faits de vol simple.

Par courriel du 3 février 2023, l’agent en charge du dossier auprès du service du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, demanda au Centre de coopération policière et douanière de s’informer auprès des autorités allemandes, françaises et belges sur l’identité de Monsieur …. Ledit centre répondit en date du même jour que Monsieur … serait inconnu desdites autorités.

Suivant un relevé journalier du CPU du 29 mars 2023, Monsieur … fut libéré du CPU.

Par arrêté du 29 mars 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 16 janvier 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Vu les différents rapports de police ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé a été en détention préventive ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».

Par arrêtés des 26 avril et 25 mai 2023, notifiés à l’intéressé respectivement les 28 avril et 26 mai 2023, le ministre prorogea à chaque fois la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet au 29 avril, respectivement au 29 mai 2023.

Le recours contentieux introduit le 2 juin 2023 contre l’arrêté de prorogation, prévisé, du 25 mai 2023 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 12 juin 2023, inscrit sous le numéro 49002 du rôle.

Par arrêté du 28 juin 2023, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une troisième fois la mesure de placement initiale pour une durée d’un mois, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 29 mars, 26 avril et 25 mai 2023, notifiés le 29 mars, le 28 avril avec effet au 29 avril et le 26 mai avec effet au 29 mai 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 29 mars 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l’intéressé a été identifié par les autorités tunisiennes en date du 22 juin 2023 ;

Considérant que la mesure d’éloignement sera exécutée dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 28 juin 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et quant à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre pour prendre l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en reprochant au ministre de ne pas avoir entrepris toutes les démarches requises pour procéder à son éloignement, tout en précisant qu’il ne constituerait pas une menace pour l’ordre public. Il conteste encore qu’il existerait un danger de fuite dans son chef en soulignant qu’il souhaiterait partir volontairement et par ses propres moyens du Luxembourg vers la France où son cousin pourrait l’accueillir. Il donne enfin à considérer que ni le manque de démarches nécessaires des autorités, ni l’absence de vols ne sauraient justifier une prorogation du placement en rétention.

Le demandeur en conclut que son placement en rétention ne serait pas justifié et réclame sa libération immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3 g) de la loi du 29 août 2008, le ministre visé dans les dispositions de cette même loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions, soit le ministre de l’Immigration et de l’Asile, aux termes de l’arrêté grand-ducal du 22 août 2022 portant constitution des ministères.

Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, il y a lieu de relever, à l’instar de ce qui avait été retenu dans le jugement précité du 12 juin 2023 qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire ont été prises à son encontre le 16 janvier 2023, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

A l’instar de ce qui a été retenu dans le jugement, précité, du 12 juin 2023, le tribunal constate que Monsieur … reste toujours en défaut de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il souhaiterait quitter volontairement le Luxembourg par ses propres moyens pour se rendre en France où son cousin serait prêt à l’accueillir.

En effet, outre le fait que le demandeur ne dispose d’aucun document de voyage, sa volonté de quitter le Luxembourg par ses propres moyens est de nature à conforter l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, alors que la notion de risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement et non point comme le risque de quitter le territoire luxembourgeois.

Le tribunal en conclut qu’a priori, le ministre pouvait valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur au Centre de rétention, afin d’organiser son éloignement.

Au vu de ces considérations, le moyen ayant trait à une absence de risque de fuite dans le chef du demandeur encourt le rejet pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite l’existence de mesures moins coercitives qu’un placement en rétention ayant, le cas échéant, pu être efficacement appliquées au demandeur, il y a lieu de relever que l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur reste toujours en défaut de soumettre au tribunal des éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. A cet égard, il convient de relever qu’il est constant que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache. Il n’a, par ailleurs, présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal qu’en l’espèce, l’une des mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 aurait pu être efficacement appliquée au demandeur.

En ce qui concerne enfin les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser son éloignement, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que le ministre a contacté les autorités consulaires tunisiennes en date du 30 mars 2023 afin qu’elles procèdent à l’identification de Monsieur … et délivrent un laissez-passer dans son chef. Il ressort ensuite des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que les démarches entreprises par l’autorité ministérielle ont abouti puisque par courrier du 22 juin 2023, les autorités tunisiennes ont confirmé que le demandeur avait été identifié comme étant un ressortissant tunisien, tout en se déclarant disposées à délivrer un laissez-passer dans son chef. Le tribunal relève ensuite qu’immédiatement après avoir reçu cette information, le ministre a contacté la police grand-ducale, section …, afin que celle-ci organise l’éloignement du demandeur, et que la police grand-ducale a été relancée à cet effet en date du 27 juin 2023 par l’agent en charge du dossier auprès de la direction de l’Immigration. Enfin, le tribunal constate qu’il se dégage du dossier administratif que par courrier du 3 juillet 2023, le service de police judiciaire a transmis au ministre un plan de vol à destination de Djerba prévu pour le 28 juillet 2023.

Eu égard aux éléments à la disposition du tribunal et plus particulièrement compte tenu du fait que la date pour le vol de retour du demandeur est connue, le tribunal est amené à retenir qu’au moment où il statue, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire pour procéder dans les meilleurs délais à l’éloignement de l’intéressé du territoire. Au vu de ces considérations et dans la mesure où il ne se dégage pas du dossier que l’éloignement ne puisse pas être mené à bien à la date à laquelle il est prévu, la prorogation de la mesure de placement n’est pas sujette à critique.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, juge, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 10 juillet 2023 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 49106
Date de la décision : 10/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-10;49106 ?

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