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04/07/2023 | LUXEMBOURG | N°49083

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2023, 49083


Tribunal administratif N° 49083 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49083 4e chambre Inscrit le 27 juin 2023 Audience publique du 4 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49083 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2023 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … en Al...

Tribunal administratif N° 49083 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49083 4e chambre Inscrit le 27 juin 2023 Audience publique du 4 juillet 2023 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49083 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2023 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … en Algérie, alias …, né le …, alias …, né le … à … (Algérie), alias …, né le …, déclarant être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 juin 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 juillet 2023, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé.

Le 26 mars 2019, Monsieur …, alias …, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Toujours en date du 26 mars 2019 fut effectué une recherche dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », qui révéla que Monsieur … avait introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas le 4 mars 2019.

Par décision du 15 avril 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers les Pays-Bas.

Il ressort d'un rapport journalier émis par la Structure d'hébergement d'urgence du Kirchberg, ci-après désignée par « la SHUK », en date du 13 mai 2019, que Monsieur … avait disparu, de sorte que le transfert de ce dernier vers les Pays-Bas ne put être effectué.

Par courrier du 21 mai 2019, les autorités luxembourgeoises informèrent leurs homologues néerlandais de la suspension du transfert de Monsieur … conformément à l’article 29, paragraphes (1) et (2) du Règlement Dublin III au vu de la disparition de celui-ci.

Il ressort d'un rapport de la police grand-ducale dit « Fremdennotiz », émanant du commissariat de Luxembourg, Région Capitale, daté du 22 mars 2020 et ayant pour référence le numéro R45095, que Monsieur … fut appréhendé par les forces de l'ordre lors d'un contrôle d'identité.

Par arrêté du 22 mars 2020, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre déclara le séjour de Monsieur … comme étant irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prit une mesure d'interdiction d'entrée pour une durée de trois ans dans son chef.

Par arrêté séparé du même jour, le ministre décida de placer l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d'un mois.

Par arrêté du 24 mars 2020, le ministre ordonna la mainlevée de la mesure de placement en rétention prise dans le chef de Monsieur … en date du 22 mars 2020 et ordonna sa libération immédiate du Centre de rétention.

Par arrêté du même jour, le ministre assigna Monsieur … à résidence pour une durée de trois mois à la SHUK, durée qui fut prorogée pour une nouvelle durée de trois mois par un nouvel arrêté d'assignation à résidence daté du 22 juin 2020.

Par courrier du 7 septembre 2020, le ministre obtint de la part de la Police judiciaire un plan de vol prévu pour le 29 septembre 2020 vers les Pays-Bas dans le chef de l’intéressé.

Par arrêté du 21 septembre 2020, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida de placer le requérant au Centre de rétention pour une durée de trois mois afin de préparer utilement son transfert vers les Pays-Bas.

Il ressort d'un rapport de la police grand-ducale intitulé « Bericht Rückführung nach Dublinverfahren » émanant de la Police judiciaire, daté du 2 octobre 2020 et ayant pour référence le numéro SPJ-15/2020/74774/7/DESI, que Monsieur … fut transféré vers les Pays-

Bas en date du 29 septembre 2020.

Il ressort d'un rapport de police dit « Fremdennotiz », émanant du commissariat de Luxembourg, Région Capitale, daté du 13 août 2022 et ayant pour référence le numéro 2022/118145-1, que Monsieur … fut appréhendé par les forces de l'ordre pour des faits de vol en flagrant délit.

2 Il ressort du relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg, ci-après désigné par « le CPL », du 14 août 2022, que le même jour Monsieur … y fut placé en détention préventive pour des faits de vol qualifié.

Tel qu'il ressort d'un acte d'écrou émis par le greffe du CPL daté du 29 mars 2023, Monsieur … purgea une peine de neuf mois d'emprisonnement ferme, s'étalant du 14 août 2022 au 10 mai 2023, pour des faits de vol qualifié et de vol simple.

En date du 12 avril 2023, les autorités luxembourgeoises envoyèrent une demande de reprise en charge dans le chef de Monsieur … aux autorités néerlandaises sur base de l'article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, demande que lesdites autorités néerlandaises refusèrent par courrier du 20 avril 2023.

Par courrier du 5 mai 2023, les autorités luxembourgeoises prièrent leurs homologues néerlandais de revoir leur position.

Par arrêté du 5 mai 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le 10 mai 2023, le ministre déclara le séjour de Monsieur … comme étant irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé le 10 mai 2023, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d'un mois. Le recours introduit par Monsieur … en date du 19 mai 2023 à l’encontre du prédit arrêté du 10 mai 2023 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 24 mai 2023, inscrit sous le numéro 48948 du rôle.

Par courrier du 11 mai 2023, les autorités néerlandaises refusèrent de revoir leur position quant au transfert de Monsieur … aux Pays-Bas, sur base de l'article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III. Par courrier du même jour, les autorités luxembourgeoises demandèrent une deuxième fois à leurs homologues néerlandais de réévaluer leur position et par réponse du 17 mai 2023, les autorités néerlandaises acceptèrent la reprise en charge du requérant sur base dudit article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par décision du 17 mai 2023, le ministre informa Monsieur … qu’il sera à nouveau transféré vers les Pays-Bas.

Par arrêté du 8 juin 2023, le ministre rapporta la décision de retour prise dans le chef de Monsieur … le 5 mai 2023.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre ordonna la mainlevée de la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur … du 5 mai 2023 et prit une nouvelle mesure de placement en rétention à son égard pour une durée d'un mois.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 100, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

3Considérant que l’intéressé se trouvait en détention au Centre pénitentiaire du 14 août 2022 au 10 mai 2023 ;

Considérant que l’intéressé a déjà été transféré en date du 29 septembre 2020 vers les Pays-Bas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Considérant que l’intéressé est revenu au pays malgré ma décision de transfert du 15 avril 2019 ;

Vu l’accord de reprise en charge des autorités néerlandaises du 17 mai 2023 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Vu ma décision de transfert du 17 mai 2023 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que le transfert immédiat de l’intéressé vers les Pays-Bas n’est pas possible ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé ont été engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation de l'arrêté ministériel précité du 8 juin 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d'un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d'une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement 4soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur conteste ensuite toute perspective d’éloignement vers les Pays-Bas, faute de disposer d’une date précise de son transfert vers ledit pays, de sorte à mettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable.

En deuxième lieu, le demandeur s’empare de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu fixé par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée, tout en affirmant que le placement en rétention serait disproportionné.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que :

« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

5Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une première décision de retour en date du 22 mars 2020 et d’une seconde en date du 5 mai 2023, laquelle fut cependant rapportée par une décision ministérielle du 8 juin 2023, et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) ».

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite. Or, le demandeur, lequel a en outre fourni plusieurs autres identités lors de ses séjours au Luxembourg, n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

6En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, dont fait état le demandeur, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que 7prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant ensuite des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser le transfert du demandeur, il ressort du dossier administratif ainsi que des explications concordantes du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, qu’après le placement au Centre de rétention de Monsieur … le 10 mai 2023, les autorités luxembourgeoises ont contacté en date du 11 mai 2023 leurs homologues néerlandais, afin de reprendre en charge Monsieur …. A la suite de l’acceptation des autorités néerlandaises de la reprise en charge du demandeur, le ministre a pris en date du 17 mai 2023 à l’encontre du demandeur une décision de transfert vers les Pays-Bas et a chargé le même jour le service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers avec l’organisation du transfert vers les Pays-Bas de Monsieur …, transfert qui est actuellement planifié pour être réalisé le 5 juillet 2023.

Force est au tribunal de constater, au vu de ces démarches, que c’est à tort que le demandeur reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises. Ainsi, à défaut d’autres contestations plus circonstanciées du demandeur, aucun reproche ne saurait être fait aux services du ministre.

Au regard de ces diligences, force est également de retenir que le demandeur estime à tort qu’il n’y a pas de chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

8reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49083
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-04;49083 ?

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