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03/07/2023 | LUXEMBOURG | N°46464

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juillet 2023, 46464


Tribunal administratif N° 46464 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46464 1re chambre Inscrit le 17 septembre 2021 Audience publique du 3 juillet 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée A, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46464 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2021 par la soci

été à responsabilité limitée Harvey SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des...

Tribunal administratif N° 46464 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46464 1re chambre Inscrit le 17 septembre 2021 Audience publique du 3 juillet 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée A, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46464 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2021 par la société à responsabilité limitée Harvey SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1930 Luxembourg, 22, avenue de la Liberté, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B236549, représentée aux fins de la présente instance par Maître Guy Perrot, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée A, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 juin 2021 rendue sur recours hiérarchique formel introduit le 9 décembre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christine Ntumba, en remplacement de Maître Guy Perrot, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmenyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2023.

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Le bureau d’imposition Sociétés 6 Luxembourg, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée A, ci-après désignée par la « société A », (i) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’année d’imposition 2014 en date du 10 août 2016, (ii) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’année d’imposition 2015, et un bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 en date du 18 octobre 2017, ainsi que (iii) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’année d’imposition 2016, et un bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2017 en date du 26 septembre 2018, dans le cadre du §§217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé ««AO»».

1En date du 24 décembre 2018, la société A déposa ses déclarations pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune des collectivités concernant les années d’imposition 2014 et 2015.

En date du 23 octobre 2019, le bureau d’imposition émit à l’encontre de la société A, toujours en application du §§217 AO, des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’année d’imposition 2017, ainsi qu’un bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, ce dernier indiquant notamment que : « A défaut de déclaration, la fortune imposable a été taxée en vertu du § 217 AO », « Impôt minimum selon §8(2) L.I.F. inférieur à l’impôt normal selon §8(1) L.F.I. », et « Vu le manque d’information la Société n’est plus considérée comme une société de titrisation ».

En date du 29 juin 2020, la société A déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune des collectivités concernant l’année d’imposition 2016. Elle en fit de même pour les années d’imposition 2017 et 2018 en date du 8 octobre 2020.

En date du 12 novembre 2020, le receveur-préposé du bureau des recettes des Contributions directes assigna la société A en faillite devant le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, pour non-paiement d’impôts d’un montant de … euros.

Par courrier électronique du 30 novembre 2020, la société A s’adressa au bureau d’imposition, comme suit :

« […] Merci pour votre temps au téléphone ce matin. Hautement apprécié.

Comme discuté, nous avons tout récemment remarqué que le document ci-joint comporte la mention : « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants / Vu le manque d’information la société n’est plus considérée comme une société de titrisation. » A ce jour, nous n’avons :

 remarqué cette note que sur le document ci-joint ;

 pas reçu de courrier émanant de votre administration et justifiant de ne plus considérer notre société comme une « société de titrisation » ;

 pas sollicité votre administration pour considérer la société comme une Soparfi.

J’ai compris de notre échange courtois que cette notification ne vaut que pour l’imposition à l’IF au 1.1.2018 et que la société doit continuer de faire valoir ses droits et obligations auprès de votre administration en tant que « société de titrisation ». Est-ce correct? Pouvez-vous me confirmer ce point s’il vous plait ? Aussi, je vous confirme que nous avons bien reçu le décompte daté du 21.10.2020 (dont copie en annexe) mais pas les bulletins inhérents à ce décompte, à savoir :

 bulletin impôt sur le revenu (IRC) 2018 ;

 bulletin impôt commercial communal (ICC) 2018 ;

 bulletin impôt sur la fortune (IF) au 01.2019.

Pourriez-vous s’il vous plait nous fournir une copie papier ou pdf des dits bulletins par retour de cet email ? […] ».

2Un agent du bureau d’imposition répondit à la société A par courrier électronique daté du 2 décembre 2020, dans les termes suivants :

1) Une copie des bulletins de l’année 2018 sera envoyée aujourd’hui.

2) Je vous confirme que suite à l’examen des déclarations 2017 - 2018, déposées en octobre 2020, la société est considérée comme société de titrisation. Le régime favorable d’une société de titrisation au niveau de l’IF lui a été retiré vu le manque de pièces à notre disposition et le silence gardé suite à nos taxations. […] ».

Par courrier électronique du même jour, la société A adressa, par l’intermédiaire de son litismandataire, une « requête en modification des bulletins d’imposition 2014 à 2018* (§94 et §222 al1, n° 4 LGI) » au bureau d’imposition, dans les termes suivants :

« […] Selon l’extrait de compte du 05 novembre 2020 émis par l’Administration, la société A serait redevable d’une somme de … Euro qui se composerait selon l’Administration des créances d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune pour les exercices 2014 à 2018 ainsi que des avances d’impôts pour l’année 2020.

A conteste les impôts calculés par votre bureau d’imposition en ce que ces impôts ne correspondent ni à sa capacité contributive réelle, ni à son statut de société de titrisation. En effet, dans la mesure où elle est régie par la loi du 22 mars 2004 sur la titrisation, A n’est pas légalement soumise à l’impôt sur la fortune (sauf à l’impôt sur la fortune minimum). Pourtant, les bulletins d’imposition repris dans l’acte d’assignation en faillite font état des montants réclamés au titre de l’impôt sur la fortune 2018 (… Euro x2) et des avances sur l’impôt sur la fortune 2020 (… Euro).

Les déclarations fiscales ainsi que toutes les informations comptables nécessaires au calcul des impôts réellement dus par cette société ont été électroniquement déposées sur le site de l’Administration fiscale (www.myguichet.lu) avant la date d’envoi de l’assignation en faillite au Tribunal. Sur base de ces déclarations fiscales (déclarations IRC-ICC 2014/IF2015, IRC-ICC 2015/IF2016, IRC-ICC 2016/IF2017, IRC-ICC 2017/IF2018, IRC-ICC 2018/IF2019), la dette fiscale totale de société A ne devrait pas excéder … Euro. Cependant, malgré le dépôt des déclarations fiscales, l’Administration a néanmoins procédé à l’assignations en faillite, réclamant l’apurement d’une créance fiscale en faveur du Trésor Public particulièrement élevée par rapport à la dette fiscale réelle de la société.

Compte tenu des erreurs d’imposition matérielles et juridiques décrites ci-dessus, dans la mesure où ces erreurs causent un préjudice certain à la société A, nous vous prions de bien vouloir examiner ses déclarations fiscales et de modifier les bulletins d’imposition initialement émis (à savoir les Bulletins d’imposition IRC-ICC 2014/IF2015, IRC-ICC 2015/IF2016, IRC-

ICC 2016/IF2017, IRC-ICC 2017/IF2018, IRC-ICC 2018/IF2019) conformément aux §§ 94 et 222 al.1 n°4 de la Loi Générale des Impôts du 22 mai 1931.

En outre, nous vous demandons de réduire les avances d’impôts réclamées au titre de l’exercice 2020 (étant entendu que ces avances doivent être déterminées en fonction des impôts réellement dus pour l’année 2018) et de réduire proportionnellement les pénalités / intérêts de retard mis à la charge de la société. […] ».

3Par courrier électronique du 3 décembre 2020, un agent du bureau d’imposition rejeta la requête de la société A comme suit :

« Le bureau d’imposition est au regret de vous informer que votre requête en modification des bulletins d’imposition 2014 à 2018 est rejetée.

En effet les §94 et §222 al1, No 4 LGI ne trouvent pas d’application pour les années IRC et ICC 2014 - 2017 (et IF 18).

Concernant l’imposition IRC et ICC de l’année 2018 et l’IF 2019 il vous est loisible d’introduire une réclamation.

Les avances ont été adaptées à partir de l’année 2021 suite à l’imposition de l’année 2018. Les avances de l’année 2020 ainsi que les intérêts de retard seront régularisées lors de l’imposition de cette même année. […] ».

Par un courrier recommandé du 7 décembre 2020, réceptionné le 9 décembre 2020, la société A introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, un recours hiérarchique formel contre la décision du bureau d’imposition, précitée, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », dans les termes suivants :

« […] Nous avons l’honneur de former un recours hiérarchique formel visant au retrait de la décision de refus qui a été prise par Monsieur l’inspecteur … du bureau d’imposition 6 en date du 3 décembre 2020 à la suite de notre requête du 2 décembre 2020 et dont vous trouverez copies en annexe.

Cette décision du bureau d’imposition ainsi que les bulletins d’imposition susmentionnés nous paraissent en effet entachés de plusieurs vices qui affectent leur légalité.

Nous contestons leur légalité pour les raisons suivantes :

1. Concernant l’application de l’impôt sur la fortune à une société de titrisation non agrée La société A (ci-après la « Société ») a été constituée en 2014 conformément aux dispositions de la loi modifiée du 22 mars 2004 relative à la titrisation, ci-après « la loi du 22 mars 2004 ».

Depuis sa constitution jusqu’à ce jour, les activités exercées par la Société correspondent à son objet social. Son objet social n’a jamais été modifié de manière à lui attribuer la forme d’une société de participations financières (SOPARFI), régie par la loi du 25 août 2006, modifiant la loi modifiée du 10 août 1915 ».

En date du 23 octobre 2019, le bureau d’imposition 6 de l’administration des contributions directes (ci-après le « bureau d’imposition ») a émis à l’égard de la Société un bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 (ci-après le « Bulletin IF »). Suivant ce Bulletin IF, le bureau d’imposition lui réclame un impôt sur la fortune de … Euro après avoir arbitrairement fixé sa fortune imposable à … Euro.

4A la page 2 du Bulletin IF, le bureau d’imposition mentionne ce qui suit : « Vu le manque d’information la Société n’est plus considérée comme une société de titrisation ».

La procédure suivie par le bureau d’imposition est critiquable à plusieurs égards :

- La Société est exonérée de l’impôt sur la fortune en vertu du § 3, n° 4 de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’impôt sur la fortune, dite « Vermögenssteuergesetz », en abrégé « VStG », sous réserve de l’impôt sur la fortune minimum déterminé conformément aux dispositions du § 8, alinéa 2. Par conséquent, à moins que le bureau d’imposition ne puisse démontrer qu’il a préalablement instruit sur l’assujettissement de la Société à l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 en tenant compte de ses activités réelles et qu’il est arrivé à la conclusion que cette Société était effectivement à qualifier de SOPARFI (et donc à soumettre à l’impôt sur la fortune) nous sommes d’avis que le Bulletin IF devrait faire l’objet d’un retrait conformément au paragraphe 299, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée «»Abgabenordnung»».

- En cas d’insuffisance d’informations, le bureau d’imposition aurait dû envoyer un courrier à la Société afin de l’informer de la décision qu’il s’apprêtait à prendre et l’inviter à formuler ses objections éventuelles. Nous notons que le bureau d’imposition disposait bel et bien des informations sur les activités de la Société sur base des comptes annuels 2014 et 2015 publiés en août 2018 sur le site www.lbr.lu.

- Le bureau d’imposition ne peut pas démontrer que la Société ne s’est jamais livrée à des opérations de titrisation conformément à son objet social pour justifier le retrait de statut fiscal favorable dont la Société est en droit de bénéficier. Le dépôt tardif des déclarations fiscales à lui seul ne constitue pas une raison suffisante pour lui retirer le statut de société de titrisation.

- La Société est régie par la loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation. Il n’existe aucune condition supplémentaire prévue par les textes normatifs applicables pour bénéficier de l’exonération fiscale à l’impôt sur la fortune. La décision de lui appliquer un impôt sur la fortune viole l’article 99 de la Constitution, selon lequel aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi.

- Le paragraphe 204 AO impose à l’administration fiscale d’instruire le dossier du contribuable à charge comme à décharge, de sorte que le bureau d’imposition aurait dû également rechercher des arguments favorables au contribuable avant de lui appliquer une décision lourde de conséquences pour la poursuite de son activité.

- Quand bien même la Société aurait été une Soparfi, le principe de la « wirtschaftliche Betrachtungsweise » exige que l’administration des contributions directes puisse se fonder sur les informations disponibles, à savoir les comptes annuels 2014 et 2015 publiés, pour déterminer une base imposable qui soit réaliste et cohérente par rapport à la capacité contributive de la Société. Or, sur bases de ces comptes annuels, la Société n’aurait jamais pu être redevable d’un impôt sur la fortune de … Euro. Sur cette base, le bureau d’imposition a également réclamé des avances pour l’impôt sur la fortune 2019 de … Euro, ainsi que des avances pour l’impôt sur la fortune 2020 de … Euro.

Nous rappelons à cet égard que la fiscalité par son essence est une matière qui frappe des manifestations de nature économique, le but de la loi fiscale étant d’imposer des charges que seul celui qui possède la capacité contributive correspondante peut supporter sans dommages.

2. Concernant les bulletins d’imposition d’office IRC- ICC 2014 à 2017 5Sur base des bulletins d’imposition d’office IRC-ICC 2014 à 2017, le bureau d’imposition après avoir déterminé de manière arbitraire la base imposable de la Société lui réclame des sommes qui ne correspondent ni à sa capacité contributive ni à la volonté du législateur (loi du 22 mars 2004) à savoir la neutralité fiscale du véhicule de titrisation.

Par exemple, le bureau d’imposition lui réclame … Euro pour l’IRC 2015, … Euro pour l’IRC 2016, … Euro pour l’IRC 2017, … Euro pour les avances IRC 2019, … pour les avances IRC 2020, etc.

Le bureau d’imposition n’ignore pourtant pas que les sociétés de titrisation sont certes soumises à l’impôt luxembourgeois sur le revenu des collectivités (IRC) et à l’impôt commercial communal (ICC). Toutefois, étant donné que tous les engagements de payer les investisseurs et d’autres créanciers sont assimilés à des charges d’intérêts déductibles d’un point de vue fiscal, les bénéfices imposables des sociétés de titrisation sont dans la pratique réduits à des niveaux négligeables.

Ces bulletins d’imposition IRC-ICC 2014 à 2017 ainsi que la base imposable retenue par le bureau d’imposition ne tiennent manifestement pas compte des engagements de la Société vis-à-vis des investisseurs.

En ignorant la neutralité fiscale qui s’applique à toutes les sociétés de titrisation, ces bulletins d’imposition aboutissent à instaurer une différenciation arbitraire entre la Société et les autres sociétés de titrisations luxembourgeoises.

Quand bien même la Société n’avait pas encore déposé ses déclarations fiscales, le principe de la « wirtschaftliche Betrachtungsweise » exige que l’administration des contributions directes puisse se fonder sur les informations disponibles, à savoir l’imposition des autres sociétés de titrisations afin de fixer une base imposable plus conforme à la nature et à l’activité de la Société.

Nous demandons par conséquent que ces erreurs soient corrigées afin de permettre à la Société d’être imposée sur une base réelle.

C’est pourquoi nous vous prions de revenir sur la décision qui a été prise par le bureau d’imposition.

En cas de refus nous nous verrions contraints d’intenter un recours contentieux. […] ».

Par décision du 18 juin 2021, référencée sous le numéro C 28777, le directeur rejeta le recours comme étant non fondé, dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 9 décembre 2020 par Maître Christine Ntumba, au nom de la société à responsabilité limitée A, ayant son siège social à L-…, pour formuler « un recours hiérarchique formel » contre « la décision du bureau d’imposition 6 (sic) (décision de refus du 3 décembre 2020 faisant suite à la requête en modification des bulletins d’imposition IRC-ICC 2014 à 2017 et IF 2018) », émise par e-mail en date du 3 décembre 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 237, 245 et 246 de la loi générale des impôts (AO) ;

6 Considérant que le recours contre la décision du bureau d’imposition du 3 décembre 2020 portant refus de rectification suivant les §§ 94 et 222, alinéa 1er, n° 4 AO des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC) et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal (ICC) des années 2014 à 2017, ainsi que du bulletin de l’impôt sur la fortune (IF) au 1er janvier 2018, a été introduit dans les délai et forme de la loi, qu’il est partant recevable ;

En ce qui concerne la demande d’application du § 94 AO Considérant que les bulletins d’impôt litigieux émis en dates du 10 août 2016 (IRC et ICC 2014), du 18 octobre 2017 (IRC et ICC 2015), du 26 septembre 2018 (IRC et ICC 2016) et du 23 octobre 2019 (IRC, ICC 2017 et IF 2018) sont coulés en force depuis le 16 novembre 2016 (IRC et ICC 2014), le 23 janvier 2018 (IRC et ICC 2015), le 2 janvier 2019 (IRC et ICC 2016) et le 28 janvier 2020 (IRC, ICC 2017 et IF 2018) ;

Considérant qu’étant donné que la date ultime d’un redressement d’un bulletin d’impôt sur base du § 94, alinéa 1er AO est la date d’expiration du délai de recours prévu par le § 245 AO, sachant qu’après cette date le bulletin d’origine est de toute façon coulé en force de la chose décidée et n’est donc plus susceptible d’être redressé sur base dudit paragraphe 94, alinéa 1er AO, et qu’en l’espèce l’ensemble des bulletins dont le redressement est sollicité sur base dudit § 94, alinéa 1er AO sont justement coulés en force de la chose décidée («»rechtskräftig»», contrairement à la notion de « rechtswirksam », qui désigne la période commençant par la notification du bulletin jusqu’à l’expiration du délai de réclamation), aucun redressement ne saura plus être effectué, de sorte que toute discussion à propos d’un tel redressement s’avère dorénavant vaine ;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que c’est à juste titre que le bureau d’imposition a refusé de redresser les bulletins en cause en vertu du § 94, alinéa 1er AO ;

Considérant, à titre superfétatoire, que même si, par application du principe de l’effet utile, la requête, introduite en date du 9 décembre 2020, était à interpréter comme constitutive de réclamations dirigées contre les bulletins en cause, ces dernières devraient être considérées comme tardives au vu de ce qui suit :

 le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2014 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014, supposés litigieux, ont été émis en date du 10 août 2016 de sorte que le délai a expiré le 16 novembre 2016,  le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015, supposés litigieux, ont été émis en date du 18 octobre 2017 de sorte que le délai a expiré le 23 janvier 2018,  le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2016, supposés litigieux, ont été émis en date du 26 septembre 2018 de sorte que le délai a expiré le 2 janvier 2019, 7 le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, supposés litigieux, ont été émis en date du 23 octobre 2019 de sorte que le délai a expiré le 28 janvier 2020,  le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1.1.2018, supposé litigieux, a été émis en date du 23 octobre 2019 de sorte que le délai a expiré le 28 janvier 2020 ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’aux termes du § 252 AO les réclamations tardives sont irrecevables ;

En ce qui concerne la demande d’application du § 222 AO Considérant que le bureau d’imposition ne procède à la rectification, en vertu du §§222, alinéa 1er AO, d’un bulletin prévu par la loi, qu’au cas où :

1) le bureau d’imposition a eu connaissance de faits nouveaux qui justifient une imposition en défaveur du contribuable et que le délai de prescription n’est pas expiré, 2) des faits nouveaux ont été constatés lors d’un contrôle fiscal de l’entreprise (Betriebsprüfung) avant l’expiration du délai de prescription et justifiant une imposition plus favorable du contribuable, 3) des fautes ont été dévoilées lors d’une vérification par le service d’inspection, justifiant une imposition en défaveur du contribuable et que le délai de prescription n’est pas expiré ; que l’impôt sur le revenu, entre autres, n’est toutefois pas visé par cette mesure, 4) des fautes ont été dévoilées lors d’une vérification par le service d’inspection, justifiant une imposition plus favorable du contribuable ;

Considérant qu’il s’agit en l’espèce des dispositions du n° 4 du § 222, alinéa 1er AO (cf. courriel du 2 décembre 2020) que la recourante souhaite voir appliquer à l’égard des bulletins en cause ;

Considérant, à titre liminaire, que le § 222, alinéa 1er, n° 4 AO n’introduit aucun délai invalidant ceux prévus par les §§ 91 ou 228 AO et permettant de solliciter des rectifications au-delà des délais de rectification et de réclamation réguliers ; qu’au contraire, il ne vise que les inexactitudes constatées lors d’un réexamen par une instance supérieure ; que « le contribuable ne peut (…) pas obliger l’administration à procéder à de nouvelles investigations, et le refus de celle-ci d’instruire à nouveau sur la situation du contribuable n’est susceptible d’aucun recours. En l’absence de toute révision ultérieure de l’administration ayant révélé des inexactitudes qui auraient justifié une imposition inférieure, une réclamation tardive est à juste titre déclarée irrecevable par le directeur » (CE du 6 janvier 1960, n° 5609 du rôle).

Considérant à ce titre que les raisons de l’application exclusive et unilatérale sur initiative de l’administration du § 222, alinéa 1er, n° 4 AO sont au nombre de deux ; que d’un côté, le législateur, confirmé dans ses idées et pensées par le Conseil d’État à force de l’avis précité, a intentionnellement consigné de laisser le choix du côté de l’administration, afin justement de ne pas entraver la théorie de l’autorité de la chose décidée après un délai, en 8général, de trois mois après la notification du bulletin d’impôt ; qu’en effet, tant le contribuable que l’administration doivent, à un moment donné précis, pouvoir être sûrs, sauf dérogations expresses, du montant à contribuer, voire à percevoir à titre d’impôt;

Considérant que d’un autre côté et à titre d’illustration, il y a lieu d’imaginer la situation suivante: le contribuable, parfaitement conscient que le bureau d’imposition a commis une erreur en sa faveur, aimerait tout de même contester un autre point de son imposition, s’avérant, selon lui, en sa défaveur ; qu’or, le contribuable, également conscient des dispositions du § 243 AO, qui lie le directeur en cas d’une réclamation introduite devant lui à réexaminer l’imposition effectuée dans son intégralité, donc tant en faveur qu’en défaveur, omet intentionnellement d’introduire une réclamation, sachant que le résultat sera très probablement une reformatio in pejus ; qu’admettre que ce même contribuable serait en droit, après expiration du délai de réclamation de trois mois, de solliciter sur pied du § 222, alinéa 1er, n° 4 AO de la part de l’ « Aufsichtsbehörde », c’est-à-dire de la part du directeur, par le biais de la division inspection et organisation du service d’imposition, un redressement d’un point tout à fait précis de son imposition, tout en ayant minutieusement veillé, et réussi, le cas échéant, à esquiver le risque de se voir subir une imposition plus importante que celle initialement effectuée par le bureau d’imposition, aurait comme conséquence que le § 243 AO se verrait dorénavant dénué de tout sens, ce qui ne saurait être admis ;

Considérant que le § 222, alinéa 1er, n° 4 AO trouve dès lors uniquement application si la division inspection et organisation du service d’imposition tombe, dans le cadre des missions qui lui sont confiées et par pur hasard, sur un dossier fiscal où il est manifeste que le Fonctionnaire en charge du dossier a commis une faute qui s’avère en défaveur du contribuable ; que le § 222, alinéa 1er, n°4 AO a donc pour seule vocation le redressement d’inconvénients qui s’avèrent originaires d’une erreur humaine et qui sont détectés, comme énoncé, dans le cadre de la mission confiée à l’inspection des bureaux d’imposition ;

Considérant que le § 222, alinéa 1er, n° 4 AO, invoqué par la recourante, ne sort donc pas ses effets en l’espèce, étant donné que les conditions d’application ne sont pas remplies ;

PAR CES MOTIFS reçoit le recours contre la décision du bureau d’imposition Sociétés 6, tant dans la mesure où elle concerne le refus d’appliquer le § 94, alinéa 1er AO que dans la mesure où elle concerne le refus d’appliquer le § 222, alinéa 1er, n° 4 AO, en la forme, le rejette comme non fondé. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2021, la société A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 18 juin 2021 rendue sur recours hiérarchique formel introduit le 9 décembre 2020.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 237 AO et du point 2. du paragraphe (3) de l’article 8 de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur les recours introduits contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’un recours hiérarchique formel dirigé contre une décision autre que 9celles visées aux § 166 alinéa (3), 211, 212, 212a alinéa (1), 214, 215, 215a et 235, 396 alinéa (1) et 402 AO.

D’un autre côté, le tribunal relève que s’il est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours1.

Dans ces conditions et dans la mesure où le directeur a, en l’espèce, statué par rapport à un recours hiérarchique formel introduit sur le fondement du § 237 AO, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par la société A contre la décision directoriale du 18 juin 2021, précitée, mais est, en revanche, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation dirigé à son encontre, ledit recours étant encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité « en la pure forme » du recours en annulation. S’il est vrai que le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement n’a formulé aucune explication concrète à l’appui de sa contestation. Or, une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’elles ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense2. Il s’ensuit que la contestation de la recevabilité du recours est à écarter.

2) Quant au fond Arguments des parties A l’appui de sa requête, la société demanderesse reprend les faits et rétroactes relatés ci-avant et explique qu’elle serait un véhicule de titrisation au sens de la loi modifiée du 22 mars 2004 sur la titrisation, ci-après désignée par la « loi du 22 mars 2004 », tel que cela ressortirait de son objet social dont elle donne une description.

En droit, elle sollicite l’annulation de la décision directoriale déférée pour violation de la loi, incompétence, et excès, sinon détournement de pouvoir.

En ce qui concerne l’impôt sur la fortune, la société demanderesse reproche d’abord au directeur de ne pas s’être prononcé sur la question de l’application d’un impôt sur la fortune à une société de titrisation, alors qu’elle lui aurait explicitement posé cette question dans son recours hiérarchique du 9 décembre 2020 et qu’elle aurait justifié sa « demande de retrait » de la décision du bureau d’imposition du 3 décembre 2020 concernant la modification des bulletins d’impôt litigieux. Tout en admettant que le directeur ne serait pas obligé de répondre à toutes les questions soulevées dans un recours qui lui est adressé, son silence devrait néanmoins être interprété comme un « aveu de culpabilité » dans le cas d’espèce, d’autant plus que le bureau d’imposition se serait abstenu de lui réclamer un impôt sur la fortune au 1er janvier 2019, tel que les bulletins d’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial 1 Trib. adm., 28 mai 1997, n° 9667 du rôle, confirmé par Cour adm., 16 octobre 1997, n ° 10082C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 9 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

10et de l’impôt sur la fortune émis le 21 octobre 2020 le révéleraient. Ces bulletins d’impôt confirmeraient qu’elle n’aurait jamais perdu son statut de société de titrisation et qu’elle ne serait pas soumise à un impôt sur la fortune, sauf à l’impôt sur la fortune minimum, de sorte que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 émis le 23 octobre 2019 qui aurait fixé une cote d’impôt de … euros ne pourrait que résulter d’une erreur de droit commise par le bureau d’imposition.

La société demanderesse explique ensuite qu’une société de titrisation qui exercerait ses activités sous la forme d’une société de capitaux serait exonérée de l’impôt sur la fortune en vertu du § 3, numéro 4 de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’impôt sur la fortune, en abrégé « Vermögenssteuergesetz », ci-après « VStG », sous réserve de l’impôt sur la fortune minimum déterminé conformément aux dispositions du § 8, alinéa 2 VStG, et qu’il n’existerait aucune condition supplémentaire prévue par les textes normatifs applicables pour bénéficier de l’exonération à l’impôt sur la fortune, mise à part que la société en question devrait être constituée conformément à loi du 22 mars 2004.

La décision du bureau d’imposition de lui appliquer un impôt sur la fortune violerait l’article 99 de la Constitution dont il ressortirait qu’un impôt au profit de l’Etat ne pourrait être établi que par une loi. L’AO serait le seul texte qui prévoirait les sanctions qu’un bureau d’imposition pourrait appliquer à un contribuable en cas de dépôt tardif des déclarations fiscales, comme par exemple les §§ 168, 396 et 402 AO. Le retrait du « statut fiscal favorable » à un contribuable n’en ferait pas partie.

Elle en conclut qu’il y aurait violation de la loi au motif que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 porterait atteinte à la hiérarchie des normes en ce sens qu’il s’agirait d’un acte administratif dont le contenu serait incompatible avec une norme qui lui serait supérieure, en l’occurrence la Constitution et la loi, et serait de ce fait illégal.

Dans ce contexte, la société demanderesse ajoute que le bureau d’imposition serait incompétent ratione materiae pour retirer à une société son « statut fiscal favorable » et il n’aurait pas non plus dans ses attributions le pouvoir de se substituer au pouvoir législatif en créant un « impôt sur la fortune-sanction » qui serait applicable aux sociétés de titrisation en cas de dépôt tardif des déclarations fiscales. Elle fait valoir que dans la mesure où l’incompétence matérielle serait un moyen d’ordre public, elle entraînerait ipso facto l’illégalité du bulletin d’impôt litigieux et de la décision confirmative, à savoir la décision directoriale déférée.

Elle se prévaut ensuite du § 204 AO qui imposerait à l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », d’instruire le dossier du contribuable à charge comme à décharge, de sorte que le bureau d’imposition aurait dû également rechercher des arguments en sa faveur, avant de lui appliquer une « sanction » aussi lourde de conséquences.

Tout en réaffirmant qu’elle serait régie par la loi du 22 mars 2004, la société demanderesse explique qu’elle aurait toujours exercé ses activités conformément à son objet social lequel n’aurait jamais été modifié pour lui attribuer la forme d’une société de participations financières (SOPARFI) qui aurait été régie par la loi du 25 août 2006 laquelle aurait modifié la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales.

11Elle reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir démontré qu’il aurait préalablement procédé à une instruction quant à la question de son assujettissement à l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 en tenant compte de ses activités réelles. Ce défaut d’instruction aurait amené le bureau d’imposition à conclure qu’elle qualifierait de SOPARFI qui serait soumise à l’impôt sur la fortune. Or, le bureau d’imposition aurait disposé de suffisamment d’informations à la date d’émission du bulletin d’impôt le 23 octobre 2019 au motif qu’il aurait été en possession non seulement de ses déclarations fiscales portant sur les années 2014 et 2015 qui ont été déposées le 24 décembre 2018 via le site internet « Myguichet.lu », mais également de ses comptes annuels concernant les exercices 2014 et 2015 qui auraient été publiés en août 2018 sur le site internet « www.lbr.lu ».

Le bureau d’imposition n’aurait pas tenté de recueillir les informations manquantes auprès d’elle, ni ne lui aurait-il envoyé un courrier afin de l’informer de la décision qu’il se serait apprêté à prendre et de l’inviter à formuler ses objections éventuelles. La société demanderesse estime que le bureau d’imposition n’aurait pas démontré qu’elle ne se serait jamais livrée à des opérations de titrisation conformément à son objet social, pour justifier le retrait de son « statut fiscal favorable » dont elle aurait été en droit de bénéficier. Le dépôt tardif des déclarations fiscales à lui seul ne constituerait pas une raison suffisante pour lui retirer le statut de société de titrisation. La société demanderesse en conclut que le bureau d’imposition aurait agi en dehors des pouvoirs lui conférés par les dispositions de l’AO, de sorte qu’il aurait commis un excès, voire un détournement de pouvoir en l’assujettissant à l’impôt sur la fortune.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal au titre des années 2014 à 2017, la société demanderesse indique qu’il ne serait ni contesté qu’une société de titrisation exerçant son activité sous la forme d’une société des capitaux serait soumise à ces deux impôts en application de l’article 159 LIR, ni que le bureau d’imposition serait autorisé à liquider l’impôt par voie d’estimation en l’absence de déclarations fiscales. Elle poursuit en expliquant que dans l’exercice de sa mission de taxation d’office dans le cadre de laquelle il disposerait d’une large de marge manœuvre en sa faveur, le bureau d’imposition resterait néanmoins tenu de respecter l’« équité » et le principe de proportionnalité conformément au §168, alinéa (2), 2e phrase de l’AO. Les décisions prises par le bureau d’imposition devraient être à la mesure de l’objectif poursuivi, à savoir celui de prélever un impôt conformément aux dispositions légales en vigueur en tenant compte de la capacité contributive du contribuable, au besoin en procédant par comparaison avec la charge fiscale des autres contribuables se trouvant dans une situation similaire, la société demanderesse estimant que l’inspecteur fiscal n’aurait pas pour mission de maximiser les recettes fiscales. Elle ajoute que le caractère excessif d’un impôt qui serait fixé de manière « discrétionnaire » ne s’apprécierait qu’en vertu du principe de proportionnalité.

Tout en soutenant que la volonté du législateur de la loi du 22 mars 2004 aurait été d’aboutir à la neutralité fiscale des véhicules de titrisation et que tous les engagements d’un organisme de titrisation vis-à-vis notamment des investisseurs seraient assimilés à des charges d’intérêts déductibles d’un point de vue fiscal, la société demanderesse donne à considérer que le bureau d’imposition n’aurait pas pu ignorer que la base imposable d’une société de titrisation serait dans la pratique réduite à un niveau négligeable. Elle estime que le bureau d’imposition n’aurait pas respecté le principe de proportionnalité au motif qu’il aurait ignoré l’exigence légale relative à la déductibilité de ses engagements dans l’estimation de la base imposable déterminée d’office qui aurait abouti à une charge fiscale excessive.

12Après avoir présenté un tableau confectionné par ses soins et reprenant le détail des montants d’impôt qui auraient été calculés par le bureau d’imposition, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, la société demanderesse indique que cette estimation aurait abouti à une charge fiscale de … euros, hors intérêts de retard, alors que le montant d’impôt qui aurait été dû sur base de ses déclarations fiscales se serait, quant à lui, élevé à … euros, intérêts de retard compris.

Elle poursuit en faisant valoir qu’en ignorant la neutralité fiscale qui s’appliquerait à toutes les sociétés de titrisation, les bulletins d’impôt litigieux auraient abouti à instaurer une différenciation « arbitraire » entre sa situation et celle des autres sociétés de titrisation luxembourgeoises. Tout en admettant ne pas avoir déposé de déclaration fiscale, la société demanderesse donne à considérer que le principe de la « wirtschaftliche Betrachtungsweise » exigerait que l’administration puisse se fonder sur les informations disponibles, en ce compris l’imposition des autres sociétés de titrisation, afin de fixer une base imposable plus conforme à la nature de ses activités.

La demanderesse en conclut que compte tenu des disproportions flagrantes entre les bulletins d’impôt et les faits de l’espèce, la décision directoriale déférée qui aurait confirmé le bulletin d’impôt litigieux serait à annuler au motif qu’elle serait disproportionnée.

La décision directoriale serait encore à annuler pour détournement de pouvoir, sinon pour excès de pouvoir au motif que si la mission de l’administration était la collecte des impôts conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, l’administration aurait en l’espèce utilisé la procédure de taxation d’office afin de maximiser les recettes de l’Etat, ce qui aurait abouti, sans tenir compte de sa capacité contributive, à fixer une cote d’impôt 100 fois supérieure à celle qu’elle aurait dû payer.

La société demanderesse prend ensuite position par rapport aux moyens que le directeur aurait invoqué pour rejeter le recours hiérarchique en se prévalant d’abord du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO. Elle estime que ce serait à tort que le directeur aurait conclu, d’une part, que cette disposition ne pourrait donner lieu à une modification que dans le cadre d’une révision qui révélerait des inexactitudes justifiant une imposition inferieure, et, d’autre part, que l’administration aurait l’initiative exclusive et unilatérale pour se prévaloir de cette disposition.

Elle conteste également la conclusion du directeur selon laquelle une réclamation introduite 3 mois après la notification du bulletin d’impôt serait à déclarer irrecevable.

Elle fait valoir que la doctrine la plus largement reconnue aurait retenu qu’un bulletin d’impôt pourrait être modifié dans un sens favorable au contribuable, en application du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO, même s’il était forclos à exercer un recours contentieux, alors qu’il suffirait que la modification soit faite conformément à une demande du contribuable et que la créance du contribuable ne soit pas prescrite. La finalité de cette disposition serait d’empêcher que des erreurs d’imposition matérielles ou juridiques soient maintenues pour la seule raison que le contribuable aurait omis de réclamer en temps utile.

La société demanderesse ajoute que le § 222, alinéa (1), numéro 4 AO ne fixerait aucun délai et que le droit pour le contribuable d’obtenir une modification des erreurs contenues dans ses bulletins d’impôt ne pourrait s’éteindre qu’après l’expiration du délai de prescription, qui serait en principe de 5 ans. Elle aurait donc été en droit de demander la modification des erreurs constatées dans ses bulletins d’impôt pour les années 2014 à 2018, étant donné que le délai de prescription n’aurait pas encore expiré à la date de sa demande du 2 décembre 2020, ni à celle du 9 décembre 2020. Dans la mesure où le directeur aurait refusé de procéder aux modifications 13demandées, elle serait dès lors fondée à solliciter l’annulation de la décision directoriale déférée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater qu’il est saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision du directeur ayant confirmé le bureau d’imposition dans sa décision de refuser l’application des §§ 94 et 222, alinéa (1), numéro 4 AO, telle que sollicitée par la société demanderesse dans le cadre de son recours hiérarchique formel introduit le 9 décembre 2020.

La société demanderesse sollicite, dans le cadre de son recours, l’annulation de la décision directoriale précitée du 18 juin 2021 aux motifs que :

- son assujettissement à l’impôt sur la fortune matérialisé par l’émission du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, respectivement le « retrait de son statut fiscal favorable » de société de titrisation, (i) serait contraire aux dispositions de la loi du 22 mars 2004, aux §§ 3, numéro 4 et 8, alinéa (2) VStG, et à l’article 99 de la Constitution, (ii) matérialiserait un défaut d’instruction du bureau d’imposition qui serait contraire au § 204 AO, et (iii) serait constitutif d’une erreur au sens du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO ;

- le bureau d’imposition ne serait pas compétent ratione materiae pour lui retirer son statut de société de titrisation ; et - le montant de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal fixé par le bureau d’imposition dans le cadre de la taxation d’office opéré au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017 serait disproportionné, contraire à l’équité, contraire au principe de l’appréciation économique (« wirtschaftliche Betrachtungsweise »), et violerait le §168, alinéa (2), 2e phrase de l’AO.

Force est au tribunal de constater que la société demanderesse n’est pas fondée à remettre en cause, dans le cadre du présent recours en annulation, la taxation d’office dont elle a fait l’objet. En effet, aux termes du § 237 AO, prémentionné, un bulletin d’impôt (« Steuerbescheid»») fixant une cote d’impôt au sens du § 211 AO constitue expressément une décision contre laquelle le législateur n’a pas prévu la voie de la contestation (« Beschwerde »), mais la voie de la réclamation (« Rechtsmittel ») au sens du § 228 AO. Or, un bulletin d’impôt émis dans le cadre d’une taxation d’office par application du §§217 AO fixe justement une cote d’impôt, de sorte que la société demanderesse n’est pas fondée à contester, dans le cadre d’un recours hiérarchique formel au sens du § 237 AO, et a fortiori dans le cadre du présent recours en annulation, les montants de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal fixés dans les bulletins d’impôt litigieux émis à son égard en date des 10 août 2016, 18 octobre 2017, 26 septembre 2018 et 23 octobre 2019.

Les développements fournis par la société demanderesse dans ce contexte au sujet de de sa capacité contributive, de la neutralité fiscale des véhicules de titrisation qu’aurait instituée la loi du 22 mars 2004, du caractère disproportionné de la taxation d’office opérée par le bureau d’imposition, et des éléments et pièces dont aurait disposé le bureau d’imposition et qu’il aurait dû utiliser pour procéder à ladite taxation d’office, sont tous de nature à contester la cote d’impôt fixée dans son chef pour les besoins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de années 2014 à 2017, et ainsi étrangers à l’objet du présent litige, de sorte à devoir encourir le rejet, étant relevé que c’est en connaissance de cause 14que la société demanderesse a choisi d’introduire une contestation, tel que cela ressort de sa contestation introduite le 9 décembre 2020, cité in extenso ci-avant3.

A toutes fins utiles, le tribunal relève que cette conclusion s’impose également dans la mesure où les décisions contre lesquelles le législateur a introduit la voie de la contestation (« Beschwerde ») au sens du § 237 AO visent essentiellement celles comportant un élément discrétionnaire de la part de l’administration4, par opposition aux bulletins d’impôts qui sont susceptibles de faire l’objet d’une réclamation (« Rechtsmittel ») au sens du § 228 AO et pour lesquels l’administration ne dispose justement d’aucune marge d’appréciation eu égard, d’une part, au § 204, alinéa (1) AO dont est tiré le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition correspondant le plus exactement possible à la réalité, qui est également applicable dans le cadre d’une taxation d’office au sens du § 217 AO5, et, d’autre part, au principe de légalité de l’impôt qui prohibe à l’administration de raisonner en équité pour déterminer les bases d’imposition d’un contribuable et lui confère une compétence liée en la matière.

Force est ensuite au tribunal de constater que la société demanderesse ne conteste pas la décision du directeur ayant, en substance, confirmé celle du bureau d’imposition quant au caractère inapplicable des dispositions du § 94 AO aux bulletins d’impôt litigieux. En effet, la société demanderesse n’a ni invoqué le § 94 AO dans le cadre de sa requête introductive d’instance, ni soumis des développements à cet égard visant à contester la conclusion du directeur selon laquelle les bulletins d’impôts litigieux émis à son égard en date des 10 août 2016, 18 octobre 2017, 26 septembre 2018 et 23 octobre 2019 sont tous coulés en force de chose décidée, de sorte à ne plus être susceptibles de faire l’objet d’un redressement au sens de cette disposition.

Dans ces conditions, le tribunal ne procèdera pas à l’analyse des conditions d’application du § 94 AO.

Le tribunal relève ensuite qu’aux termes du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO :

« (1) Hat bei Steuern…, die Steuerkontrollstelle nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung) nur statt: […] 4. wenn bei einer Nachprüfung durch die Aufsichtsbehörde vor dem Ablauf der Verjährungsfrist Fehler aufgedeckt werden, deren Berichtigung eine niedrigere Veranlagung rechtfertigt. ».

Il résulte du numéro 4 du § 222, alinéa (1) AO, sur lequel s’est exclusivement fondé la société demanderesse, qu’un bulletin d’impôt ne peut être modifié que si des fautes sont révélées lors d’une vérification par l’autorité de surveillance, avant écoulement du délai de 3 « […] C’est pourquoi nous vous prions de revenir sur la décision qui a été prise par le bureau d’imposition.

En cas de refus nous nous verrions contraints d’intenter un recours contentieux. […] ».

4 Cour adm., 15 octobre 2019, n° 43368C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

5 Cour adm., 19 février 2009, n° 24907C rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 953 (1er volet) et les autres références y citées.

15prescription, et dont la rectification justifie une fixation moins élevée de l’impôt6 dans le chef du contribuable. Il s’ensuit que l’hypothèse visée est celle d’une vérification opérée après que l’imposition du contribuable ait été fixée.

En l’espèce, si la société demanderesse soutient, en substance, qu’en décidant de ne plus la considérer comme une société de titrisation et en l’assujettissant, en conséquence, à l’impôt sur la fortune, le bureau d’imposition aurait commis une « faute » au sens de la disposition précitée qui justifierait l’émission d’un bulletin rectificatif visant à remplacer le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, émis le 23 octobre 2019, force est au tribunal de constater que l’argumentation de la société demanderesse revient in fine à contester le bien-fondé de son assujettissement à l’impôt sur la fortune dans le cadre du présent recours en annulation dirigé contre une décision rendue sur recours hiérarchique formel à la suite sa contestation (« Beschwerde ») fondée sur le § 237 AO, de sorte à devoir encourir le rejet, alors que seule une réclamation au sens du §§228 AO, ouvrant, le cas échéant, la voie à un recours en réformation, permet de contester une cote d’impôt, tel que relevé ci-avant.

Aucun reproche ne saurait dès lors être fait au directeur de ne pas s’être prononcé sur la question de l’assujettissement de la société demanderesse à l’impôt sur la fortune dans le cadre du recours hiérarchique formel introduit par la société demanderesse en date du 9 décembre 2020 sur le fondement du § 237 AO.

En effet, en indiquant dans le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, émis le 23 octobre 2019, que la société demanderesse ne serait plus « considérée » comme une société de titrisation « Vu le manque d’information », le bureau d’imposition n’a pas pris une décision détachable de la fixation de l’imposition de la société demanderesse qui serait susceptible de faire l’objet d’une contestation (« Beschwerde ») au sens du § 237 AO au motif qu’il s’agirait d’une « décision autre que celles visées aux § 166 alinéa (3), 211, 212, 212a alinéa (1), 214, 215, 215a et 235, 396 alinéa (1) et 402 AO », tel que semble le suggérer la société demanderesse.

Au contraire, c’est dans le cadre de sa mission d’ordre public d’établissement et de liquidation de l’impôt dû par la société demanderesse, ayant par ailleurs dû être exercée, en l’espèce, par voie de taxation d’office, faute de déclarations fiscales de la société demanderesse, que le bureau d’imposition affirme avoir manqué d’information de nature à établir que la société demanderesse aurait qualifiée de société de titrisation au titre de l’année d’imposition litigieuse, et qu’il a décidé, en conséquence, (i) de traiter la société demanderesse comme une société de capitaux résidente luxembourgeoise en fixant une cote d’impôt sur la fortune d’un montant de … euros en application des § 1, alinéa (1), point a) et § 8, alinéa (1) VStG et (ii) de refuser de lui appliquer l’exonération subjective dont bénéficient les sociétés de titrisation, à l’exclusion de l’impôt sur la fortune minimum, conformément au § 3, alinéa (1), numéro 4 VStG.

La demanderesse n’est dès lors pas fondée à se prévaloir d’une violation du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO et plus particulièrement de l’existence d’une « faute » au sens de cette disposition qu’aurait commise le bureau d’imposition en décidant de ne plus la considérer comme une société de titrisation pour les besoins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les contestations de la société demanderesse fondées (i) sur une violation alléguée de l’article 99 de la Constitution, (ii) sur le fait que son 6 Trib. adm., 8 juin 2010, n° 26074 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

16assujettissement à l’impôt sur la fortune constituerait une sanction prononcée par le bureau d’imposition, voire une erreur de droit, (iii) sur une incompétence du bureau d’imposition pour lui retirer son « statut fiscal favorable » de société de titrisation, voire sur un excès ou un détournement de pouvoir qu’aurait commis le bureau d’imposition ce faisant, (iv) sur une violation alléguée du § 204, alinéa (1) AO in fine – aux termes duquel le bureau d’imposition est dans l’obligation d’instruire à charge et à décharge du contribuable –, aux motifs que le bureau d’imposition et le directeur auraient non seulement exclusivement instruit à charge en décidant de ne plus la considérer comme une société de titrisation et en l’assujettissant, en conséquence, à l’impôt sur la fortune, mais également omis de prendre en considération les informations dont ils auraient déjà disposé – en l’occurrence le fait qu’elle qualifierait de société de titrisation – avant de procéder à la taxation d’office, et (v) l’omission pour le bureau d’imposition d’avoir informé la société demanderesse de son intention de lui retirer son « statut fiscal favorable » sans l’avoir, par ailleurs, invité à présenter ses objections éventuelles avant l’émission du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018.

Le tribunal relève ensuite que c’est à juste titre que le directeur a confirmé le bureau d’imposition d’avoir conclu à l’inapplicabilité du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO, alors que cette disposition ne vise que la découverte d’une faute par le service de révision après que l’imposition du contribuable ait déjà été établie et liquidée, tel que relevé ci-avant. Or en l’espèce, l’assujettissement de la société demanderesse à l’impôt sur la fortune ne s’inscrit justement pas dans le cadre d’une mission de vérification de l’imposition de la société demanderesse qui aurait été opérée par le service de contrôle postérieurement à l’émission du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 litigieux, mais dans le cadre de la détermination des bases d’imposition de la société demanderesse par voie de taxation d’office.

Par ailleurs, le tribunal relève que la société demanderesse n’est pas fondée à reprocher au directeur d’avoir considéré que les dispositions du §§222, alinéa (1), numéro 4 AO n’étaient pas applicables en l’espèce en raison de l’expiration du délai de recours de trois mois, en argumentant qu’elles demeureraient applicables au motif que le délai de prescription n’aurait pas encore expiré.

En effet, l’administration est certes admise à redresser, même après l’expiration du délai de recours, toute inexactitude constatée lors d’une vérification ultérieure dans le but d’empêcher que des erreurs d’imposition soient maintenues pour la seule raison que le contribuable a omis de réclamer en temps utile7. Or, le contribuable ne peut cependant pas obliger l’administration à procéder à de nouvelles investigations et le refus de celle-ci d’instruire à nouveau sur la situation du contribuable n’est susceptible d’aucun recours8.

Il s’ensuit que dans la mesure où il est constant en cause que les bulletins d’impôt litigieux sont tous coulés en force de chose décidée, la circonstance que le délai de prescription n’aurait pas encore expiré habilite uniquement le bureau d’imposition à décider d’émettre, de sa propre initiative, des bulletins d’impôt rectificatifs conformément aux dispositions du § 222, alinéa (1), numéro 4 AO, sans que la société demanderesse puisse l’y contraindre, voire en réclamer l’émission devant les juridictions administratives.

A défaut d’autres moyens, le tribunal retient que le recours sous examen n’est fondé dans aucun de ses moyens, de sorte à devoir encourir le rejet.

7 Trib. adm., 23 novembre 2009, nos 25468, 25468 et 25469 du rôle, confirmés sur ce point par Cour adm., 11 mai 2010, n° 26458C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1036 et l’autre référence y citée.

8 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 36467 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1037.

17 Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 euros fondée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 18 juin 2021 rendue sur recours hiérarchique formel ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme dirigé à son encontre ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, et lu à l’audience publique du 3 juillet 2023 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juillet 2023 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46464
Date de la décision : 03/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-07-03;46464 ?

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