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30/06/2023 | LUXEMBOURG | N°45692

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2023, 45692


Tribunal administratif N° 45692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45692 4e chambre Inscrit le 23 février 2021 Audience publique du 30 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE 1 SARL, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45692 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2021 par la

société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, inscrite sur la liste V du t...

Tribunal administratif N° 45692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45692 4e chambre Inscrit le 23 février 2021 Audience publique du 30 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE 1 SARL, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45692 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2021 par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 174.248, représentée aux fins des présentes par Maître Petrus Moons, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée SOCIETE 1 SARL, établie et ayant son siège social à L-… inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses organes sociaux actuellement en fonction, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 26 novembre 2020, référencée sous le numéro de rôle C 26909, portant rejet du recours hiérarchique formel introduit le 23 août 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2021 par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff, préqualifiée, au nom et pour le compte de la société à responsabilité limitée SOCIETE 1 SARL préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre-Antoine Klethi, en remplacement de Maître Petrus Moons, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2022.

Suite au dépôt de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial communal et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2016, le bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa la société à responsabilité limitée SOCIETE 1 SARL, ci-

après désignés par la « société SOCIETE 1 », par courrier du 7 juin 2018 et sur le fondement du paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », qu’il envisageait de s’écarter de ladite déclaration fiscale aux motifs suivants :

« (…) En vertu du §205 (3) de la loi générale des impôts, je vous informe que le bureau d'imposition Sociétés VI envisage de s'écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l'année 2016.

Après contrôle des pièces et renseignements mis à notre disposition, l'application de l'article 50bis LIR et §60bis BewG est partiellement refusée.

Notre décision se base sur le fait que suivant le contrat de licence avec SOCIETE 2, vous n'est pas propriétaire de la licence mais seulement bailleur de la licence en question pour une durée déterminée de 25 ans.

Je vous prie de formuler vos objections éventuelles pour le 22 juin 2018 au plus tard.

Ce délai dépassé, l'imposition sera établie en tenant compte du point ci-avant signalé. (…) ».

Par courrier du 5 juillet 2018, la société SOCIETE 1 formula ses objections à l’égard de l’imposition envisagée par le bureau d’imposition, courrier suite auquel le bureau d’imposition réitéra sa position, par courrier du 23 juillet 2018, dans les termes suivants :

« (…) En vertu du §205 (3) de la loi générale des impôts, je vous informe, que le bureau d'imposition Sociétés 6 envisage de s'écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l'année 2016.

Après analyse de votre lettre du 5 juillet 2018, le bureau d'imposition ne change en rien sa position initiale comme mentionnée dans le courrier du 7 juin 2018. Dès lors, la somme de …$ payée à titre de droit exclusif d'utilisation de la marque SOCIETE 2 est à activer au bilan et à amortir sur la durée du contrat (i.e. 25 ans).

Je vous prie de formuler vos objections éventuelles pour le 6 août 2018 au plus tard.

Ce délai dépassé, l'imposition sera établie en tenant compte du point ci-avant signalé. (…) ».

Par courrier du 6 août 2018, la société SOCIETE 1 formula ses objections à l’égard de l’imposition envisagée par le bureau d’imposition et sollicita la tenue d’une réunion, laquelle eut lieu le 20 septembre 2018.

Il ressort du dossier fiscal qu’en date du 3 avril 2019, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société SOCIETE 1 le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l'impôt commercial communal de l’année 2016, le bulletin de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2017, bulletins à l’égard desquels la société SOCIETE 1 introduisit une réclamation le 5 juillet 2019 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par courrier du 10 avril 2019, la société SOCIETE 1 transmit ses observations au bureau d’imposition suite à la réunion du 20 septembre 2018 afin de confirmer sa position quant à l’application de l’article 50bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après « LIR », concernant le contrat de licence conclu avec la société de droit américain SOCIETE 2, ci-après désignée par « la société SOCIETE 2 ».

Par courrier du 21 mai 2019, le bureau d’imposition informa la société SOCIETE 1 du maintien de sa position exprimée à travers ses courriers des 11 avril et 7 juin 2018, courrier libellé comme suit :

« (…) Après réception de votre lettre du 10 avril concernant vos observations au sujet de l'application de l'article 50bis L.I.R., je vous prie de bien vouloir noter que le bureau d'imposition ne compte pas différer de sa position motivée dans les courriers du 11 avril 2018 et du 7 juin 2018.

Il vous est encore possible d'introduire une réclamation auprès du directeur des contributions directes. (…) » La société SOCIETE 1 introduisit le 23 août 2019 une réclamation auprès du directeur à l’encontre du prédit courrier du bureau d’imposition du 21 mai 2019, laquelle fut portée au rôle du contentieux sous le numéro C 26909.

Par une décision du 26 novembre 2020, répertoriée sous le numéro C 26909 du rôle, le directeur requalifia la réclamation de la société SOCIETE 1 du 23 août 2019 en recours hiérarchique formel qu’il déclara irrecevable sur base des motifs suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 23 août 2019 par Me Nadège Le Gouellec, de la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée SOCIETE 1, avec siège social à L-…, pour réclamer contre « la décision de refus d'application de l'article 50bis de la loi sur l'impôt sur le revenu, émis (sic) en date du 21 mai 2019 » ;

Considérant que le bureau d'imposition a adressé à la recourante une lettre datée au 21 mai 2019 retenant notamment ce qui suit : « Après réception de votre lettre du 10 avril concernant vos observations au sujet de l'application de l'article 50bis je vous prie de bien vouloir noter que le bureau d'imposition ne compte pas différer de sa position motivée dans les courriers du 11 avril 2018 et du 7 juin 2018. » ;

Considérant de prime abord, qu'il convient de présenter l'historique en ordre chronologique qui a mené au courrier dont recours ;

Considérant que dans le cadre de la vérification de la déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial et pour l'impôt sur la fortune de l'année 2016, le bureau d'imposition a sollicité des renseignements auprès de la recourante en date du 22 janvier 2018 ;

Considérant qu'en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d'imposition a informé la recourante en date du 7 juin 2018, que les dispositions de l'article 50bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) respectivement du § 60bis de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs (BewG) ne seraient pas applicables au titre de l'année 2016 voire à la date-clé du 1er janvier 2017 ; que la recourante, exerçant son droit d'être entendue, y a répliqué en date du 5 juillet 2018 en faisant valoir qu'elle ne partagerait pas le point de vue du bureau d'imposition ;

Considérant qu'en date du 23 juillet 2018, le bureau d'imposition a encore une fois informé la recourante en vertu du § 205, alinéa 3 AO qu'il n'envisagerait pas appliquer les dispositions de l'article 50bis L.I.R. et du § 60bis BewG ; que suite au prédit courrier, la recourante s'est montrée à son tour insatisfaite quant aux divergences en sa défaveur par le biais d'une lettre datée au 6 août 2018;

Considérant qu'en date du 20 septembre 2018, une réunion a été tenue entre le bureau d'imposition et la recourante afin de discuter des problématiques en cause ;

Considérant que les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016, ainsi que le bulletin de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2017 et le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2017 ont été émis le 3 avril 2019 ;

Considérant qu'en date du 10 avril 2019, la recourante a fait parvenir au bureau d'imposition un courrier dont l'objet a été formulé comme suit : « Observations suite à la réunion du 20 septembre 2018 tenue à la suite du courrier du 23 juillet 2018 visant à s'écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l'année 2016 de SOCIETE 1 (…) et plus spécifiquement sur l'application de l'article 50bis L.I.R. et §60bis BewG pour certains droits de propriété intellectuelle, suite au courrier initial daté du 7 juin 2018 et aux échanges subséquents » ; qu'en analysant le courrier précité, il doit être admis que la recourante n'avait pas encore pris note des bulletins d'impôt susmentionnés, émis le 3 avril 2019 ; qu'il s'ensuit que la lettre datée au 10 avril 2019 n'est pas à considérer comme une demande en redressement en vertu du § 94 AO ;

Considérant qu'il est patent que la missive du 21 mai 2019 constitue une réponse à la lettre de la recourante datée au 10 avril 2019 ; qu'il est manifeste que cette dernière lettre se réfère, d'une part, à l'entrevue du 20 septembre 2018, et d'autre part, aux courriers datés au 7 juin 2018 et au 23 juillet 2018 à travers lesquels le bureau d'imposition a communiqué à la recourante les divergences notables en sa défaveur par rapport à la déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial et pour l'impôt sur la fortune de l'année 2016, pour observation préalablement à l'imposition ;

Considérant que la présente requête est dès lors à assimiler à un recours contre les courriers du bureau d'imposition émis conformément au § 205, alinéa 3 AO en dates du 7 juin 2018 et du 23 juillet 2018 ;

Considérant que le § 205, alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d'être entendu par le bureau d'imposition (« Recht auf Gehör ») dont le but est d'asseoir correctement l'obligation fiscale du contribuable, compte tenu de sa situation patrimoniale ;

Considérant que la lettre adressée au contribuable dans le cadre de cette procédure constitue une invitation à ce dernier de faire part au bureau d'imposition de ses observations éventuelles, quant aux « wesentliche Abweichungen » que le bureau d'imposition envisage d'entreprendre, et ne constitue pas de décision exécutoire concernant ses droits et obligations ;

Considérant que la procédure du § 205, alinéa 3 AO s'inscrit en effet dans la phase d'élaboration de la décision, matérialisée moyennant l'établissement du bulletin d'impôt, de sorte qu'une information adressée aux contribuables sur cette base ne saurait faire l'objet d'un recours contentieux ;

Considérant qu'il s'ensuit que le recours hiérarchique formel (Beschwerde) doit être déclaré irrecevable, car là où il n'y a pas de décision, il n'y a pas de recours ;

Considérant que dans un souci d'exhaustivité, il échoit d'attirer l'attention de la recourante sur le fait que la problématique de l'espèce, i.e. la prétendue propriété économique afférente aux marques « SOCIETE 2 », a été traitée dans la décision directoriale portant le n° du rôle C 26686 ; (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2021, la société SOCIETE 1 a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision directoriale, précitée du 26 novembre 2020 ayant déclaré irrecevable son recours hiérarchique formel.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 237 AO et de l’article 8, paragraphe (3), 2. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désigné par « la loi du 7 novembre 1996 », aux termes duquel « En cas d’application du §237 de la loi générale des impôts le tribunal administratif statue conformément aux dispositions de l’article 2. », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’un recours hiérarchique formel. En effet, aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, auquel l’article 8, paragraphe (3), 2. de la même loi renvoie expressément en cas d’application du paragraphe 237 AO, « (1) Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements. ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours sous examen pour défaut d'intérêt à agir dans le chef de la société SOCIETE 1 à l'encontre d'une décision directoriale qui ne comporterait aucun élément décisionnel de nature à faire grief à cette dernière. Il relève, dans ce contexte, que la société SOCIETE 1 aurait également introduit une réclamation à l’encontre des bulletins d’impôt de l’année 2016, réclamation rejetée par une décision directoriale du 26 novembre 2020, référencée sous le numéro de rôle C 26686, à l’encontre de laquelle un recours contentieux, inscrit sous le numéro 45706 du rôle, aurait été introduit le 26 février 2021, dans le cadre duquel elle aurait fait valoir disposer d’un intérêt à agir au motif que le bénéfice de l’article 50bis LIR lui aurait été refusé à travers les bulletins de l’année 2016.

Le délégué du gouvernement en conclut que la société SOCIETE 1 considèrerait elle-

même que le refus d'application du régime d'exonération prévu par l'article 50bis LIR ne découlerait pas du courrier du bureau d'imposition du 21 mai 2019, mais des bulletins litigieux et de la décision directoriale dans l'affaire connexe, de sorte que le recours sous examen serait à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société SOCIETE 1.

La société SOCIETE 1, dans le cadre de son recours, conclut à la recevabilité du recours sous examen, au motif qu’elle serait confrontée à une décision directoriale sur recours hiérarchique formel, partant une décision émise sur le fondement du paragraphe 237 AO, à l’égard de laquelle, conformément aux articles 2 et 8, alinéa 3 de la loi du 7 novembre 1996 un recours en annulation serait ouvert devant les juridictions administratives.

Dans son mémoire en réplique, la société SOCIETE 1 précise encore que le bureau d’imposition lui aurait refusé le bénéfice de l’article 50bis LIR tant à travers les bulletins d’impôt de l’année 2016 qu’à travers la décision sous examen, laquelle aurait, en plus, comporté l’indication des voies de recours à exercer à son encontre, en l’occurrence la possibilité d’introduire une réclamation auprès du directeur, ce qu’elle aurait fait. Par ailleurs, le directeur, à travers la décision actuellement litigieuse du 26 novembre 2020, aurait refusé de reconnaître que le courrier du bureau du 21 mai 2019 constituerait une décision lui faisant grief, aurait erronément requalifié sa réclamation de recours hiérarchique formel et aurait, à tort, déclaré ce dernier irrecevable, de sorte à avoir, lui aussi, pris une décision lui faisant grief.

La société SOCIETE 1 conclut, sur base des éléments qui précèdent, d’une part, au rejet du moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans son chef et, d’autre part, à la recevabilité du recours en annulation sous examen.

A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame.

Il convient ensuite de relever que le tribunal est saisi en l’espèce de la décision du directeur du 26 novembre 2020 qui constitue l’étape finale de la procédure déclenchée par la réclamation de la société SOCIETE 1, bien que le directeur ait requalifié ladite réclamation de recours hiérarchique formel, de même que la décision déférée cause grief à cette dernière, dans la mesure où elle a déclaré sa réclamation, requalifiée en recours hiérarchique formel, irrecevable.

Il suit des considérations qui précèdent que la société SOCIETE 1 dispose d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision directoriale du 26 novembre 2020, laquelle lui cause grief, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter pour manquer de fondement.

En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision directoriale du 26 novembre 2020 est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose, tout d’abord, les faits et rétroactes à la base du litige sous examen, en précisant s’être prévalue de l’application de l’article 50bis LIR dans le cadre de sa déclaration fiscale relative à l’année 2016.

Suite aux courriers du bureau d’imposition des 7 juin et 23 juillet 2018 l’informant, sur base du paragraphe 205 AO, de son intention de s’écarter de sa déclaration fiscale de l’année 2016 et suite à ses prises de position des 5 juillet et 6 août 2018, la demanderesse se serait vu adresser, d’une part, les bulletins d’impôt de l’année 2016 le 3 avril 2019 déviant de sa déclaration fiscale, à l’égard desquelles elle aurait introduit une réclamation le 5 juillet 2019, et, d’autre part, le courrier du bureau d’imposition du 21 mai 2019 l’informant du refus d’application de l’article 50bis LIR, à l’encontre duquel elle aurait également introduit une réclamation le 23 août 2019.

Sa réclamation du 23 août 2019 aurait débouché sur la décision actuellement litigieuse du 26 novembre 2020 à travers laquelle le directeur aurait, à tort, requalifié sa réclamation de recours hiérarchique formel, ce qui ne lui aurait ouvert que le recours en annulation sous examen.

En droit, la demanderesse fait, tout d’abord, valoir la circonstance qu’elle aurait introduit une réclamation sur le fondement des paragraphes 228 et 235 (5) AO, que le directeur aurait, à tort, requalifié en recours hiérarchique formel au sens du paragraphe 237 AO, de sorte à avoir commis une erreur manifeste d’appréciation devant engendrer l’annulation de la décision directoriale déférée du 26 novembre 2020. Elle conteste encore, dans ce contexte, l’analyse directoriale selon laquelle sa réclamation aurait été dirigée à l’encontre des courriers du bureau d’imposition des 7 juin et 23 juillet 2018 émis sur base du paragraphe 205 (3) AO, de sorte à être irrecevable pour avoir visé des actes dépourvus de caractère décisionnel, alors qu’elle aurait expressément précisé, dans sa réclamation du 23 août 2019, que cette dernière serait dirigée à l’encontre du courrier du bureau du 21 mai 2019 lui refusant l’application de l’article 50bis LIR, la demanderesse relevant encore que ledit courrier ne se serait plus référé au paragraphe 205 (3) AO, de sorte à constituer non pas un simple courrier préparatoire, mais une décision de refus ayant, pour le surplus, indiqué les voies de recours à exercer à son encontre, en l’occurrence la réclamation au sens du paragraphe 228 AO.

Sur base d’un arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2020, inscrit sous le numéro 43760C du rôle, dont la solution serait à appliquer par analogie à son cas de figure, la demanderesse soutient encore que puisque la décision de refus d'appliquer l'article 50bis LIR aurait, en l’occurrence, été prise, d'une part, à travers les bulletins d’imposition de l’année 2016 et, d'autre part, dans le courrier de refus du bureau d’imposition du 21 mai 2019, elle aurait valablement pu introduire une réclamation tant contre lesdits bulletins que contre le prédit courrier. Ainsi, ce serait à tort que le directeur, dans la décision déférée, aurait retenu que sa réclamation serait à considérer comme un recours hiérarchique formel, ce qui aurait eu pour conséquence qu’elle n’aurait pu qu’introduire un recours en annulation au lieu d’un recours en réformation, conformément aux articles 3 et 8, paragraphe (3) de la loi du 7 novembre 1996.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur la circonstance que le courrier du bureau d’imposition du 11 mai 2019 aurait contenu une décision de refus d'application de l'article 50bis LIR pouvant faire l’objet d’une réclamation, sur base du truchement des paragraphes 235 (5) et 228 AO, ledit courrier ayant, pour le surplus, expressément mentionné comme voie de recours à exercer à son encontre la réclamation à adresser au directeur au sens du paragraphe 228 AO et n’aurait comporté aucune référence au paragraphe 237 AO visant le recours hiérarchique formel. Par ailleurs, la demanderesse aurait formellement indiqué, dans son courrier du 23 août 2019, introduire une réclamation et non pas un recours hiérarchique formel.

La demanderesse se prévaut ensuite d’un jugement du tribunal administratif du 24 mars 2021, inscrit sous le numéro 44301 du rôle, où il aurait été retenu que le directeur avait erronément qualifié de réclamation un recours hiérarchique, solution qui devrait a contrario être appliquée dans le présent litige, alors que, dans son courrier du 23 août 2019, elle aurait indiqué introduire une réclamation du fait de se considérer lésée par le courrier de refus du 11 mai 2019, tout en sollicitant un réexamen de son imposition, dont le bien-fondé aurait été remis en cause par elle.

Elle réfute encore l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle seuls les bulletins d’impôt émis à son égard le 3 avril 2019 auraient comporté la décision refusant de lui appliquer l’article 50bis LIR, en réitérant sa position selon laquelle la décision de refus d'appliquer l'article 50bis LIR aurait été véhiculée tant à travers les prédits bulletins litigieux, qu’à travers le courrier du bureau d’imposition du 11 mai 2019, tout en précisant qu’elle aurait également introduit une réclamation à l’encontre des prédits bulletins d’impôt, démarche expressément validée par la Cour administrative, dans un arrêt du 9 juin 2020, inscrit sous le numéro 43760C du rôle.

Finalement, sur base d’un arrêt de la Cour administrative du 27 juillet 2016, inscrit sous le numéro 36843C du rôle, la demanderesse argumente que l’application de l’article 50bis LIR devrait être considérée comme un avantage fiscal, tout comme cela aurait été le cas du régime d’intégration fiscale dans l’arrêt précité, de sorte que l'introduction, par ses soins, à la fois d'une réclamation contre les bulletins d’impôts et contre le courrier de refus litigieux, aurait été nécessaire pour préserver la possibilité dans son chef de faire ultérieurement examiner cette problématique par le tribunal administratif, au risque sinon de voir déclarer sa réclamation contre les bulletins d’impôts irrecevable et de se voir reprocher de ne pas avoir introduit de réclamation contre le prédit courrier du 21 mai 2019.

Sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision litigieuse du 26 novembre 2020, en ce que le directeur aurait, à tort, considéré la Réclamation comme un recours hiérarchique formel.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Force est, tout d’abord, au tribunal de relever que le courrier du 21 mai 2019 ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO, alors qu’il ne constitue ni un bulletin d’impôt, ni une décision fiscale fixant une amende administrative, ni une décision individuelle refusant au contribuable concerné un droit que ce dernier aurait tiré des lois fiscales.

Contrairement à l’argumentation de la demanderesse, il échet de constater que le courrier du 21 mai 2019 s’inscrit dans les démarches du bureau d’imposition effectuées sur base du paragraphe 205 (3) AO aux termes duquel « wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen », imposant à l’administration des Contributions directes de prévenir le contribuable si elle entend s’écarter de façon substantielle de ses déclarations.

Il échet, en effet, dans ce contexte, de relever que la demanderesse s’était vu informer, par courrier des 11 avril et 7 juin 2019, de l’intention du bureau d’imposition de s’écarter de sa déclaration fiscale de l’année 2016, en ce que ce dernier lui refusait l’application de l’article 50bis LIR, suite auxquels la demanderesse a, à chaque fois pris position. Suite à la dernière prise de position de la demanderesse du 10 avril 2019, intervenue suite à une réunion entre parties du 20 septembre 2018 et suite à l’émission des bulletins d’impôts à son égard le 3 avril 2019, le bureau d’imposition n’a pas pris de décision formelle par rapport à l’applicabilité à la demanderesse de l’article 50bis LIR, décision qu’il avait déjà pris à travers les prédits bulletins d’impôts, mais n’a fait que confirmer, dans son courrier du 21 mai 2019, sa position antérieure en précisant expressément que « (…) le bureau d’imposition ne compte pas différer de sa position motivée dans les courriers du 11 avril 2018 et du 7 juin 2018.

(…) ».

Il suit des éléments qui précèdent que le courrier du 21 mai 2019 n’a pas pour objet de constituer une décision autonome, à côté des bulletins d’impôt, alors qu’uniquement lesdits bulletins fixent la cote d’impôt de la demanderesse et lui refusent l’application de l’article 50bis LIR, étant, pour le surplus, relevé, qu’il est constant en cause pour ressortir des déclarations concordantes des parties, que la société SOCIETE 1 a également introduit une réclamation à l’encontre des prédits bulletins, et, par la suite, un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale ayant rejeté sa réclamation.

Il s’ensuit que la décision directoriale du 26 novembre 2020 est à confirmer en ce qu’elle a, à bon droit, requalifié la réclamation de la demanderesse du 23 août 2019 en recours hiérarchique formel.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la demanderesse selon laquelle le courrier du 21 mai 2019 devrait être considéré comme une décision de refus de lui appliquer l’article 50bis LIR, en ce que ledit courrier aurait comporté une indication des voies de recours, en l’occurrence de la réclamation, à diriger à son encontre, alors que la simple indication erronée dans un courrier d’une autorité administrative de voies de recours ne saurait créer un droit et conférer un quelconque caractère décisionnel à l’acte en question1.

Sur base des considérations qui précèdent, il y a encore lieu de retenir que le directeur a, à juste titre, déclaré le recours hiérarchique formel de la demanderesse à l’encontre du courrier du bureau d’imposition du 21 mai 2019 irrecevable, alors qu’un courrier émis par un bureau d’imposition en vertu du paragraphe 205 (3) AO ne fixe aucune cote d’impôt et ne comporte aucune autre décision sur une obligation du contribuable concerné à l’égard de l’administration fiscale, mais se confine par essence à permettre au contribuable de prendre position, préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, sur les éléments au sujet desquels le bureau d’imposition envisage de ne pas s’en tenir à sa déclaration d’impôt. Il ne constitue par voie de conséquence ni un bulletin au sens du paragraphe 228 AO, ni une autre décision au sens du paragraphe 237 AO, de sorte qu’un recours contre un courrier émis en vertu du paragraphe 205 (3) AO est irrecevable, faute pour celui-ci de constituer une décision soumise au contrôle directorial, respectivement des juridictions administratives2.

Il suit de tout ce qui précède que le recours est à rejeter pour manquer de fondement.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter au regard de l’issue du litige sous examen.

Par ces motifs, 1 Trib. adm., 19 juin 2018, n° 39513 du rôle, Pas adm. 2022, V° Actes administratifs n° 70 et les autres références y citées.

2 Par analogie trib. adm., 22 avril 2009, n° 24804 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé ;

rejette la demande de la société SOCIETE 1 SARL en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45692
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-30;45692 ?

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