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26/06/2023 | LUXEMBOURG | N°46633

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juin 2023, 46633


Tribunal administratif Numéro 46633 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46633 1re chambre Inscrit le 2 novembre 2021 Audience publique du 26 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46633 du rôle et déposée le 2 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jessica Henriot, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le

… à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement sans domicile connu, mais élisan...

Tribunal administratif Numéro 46633 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46633 1re chambre Inscrit le 2 novembre 2021 Audience publique du 26 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46633 du rôle et déposée le 2 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jessica Henriot, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement sans domicile connu, mais élisant domicile en l’étude de son litismandataire, préqualifié, sise à L-1520 Luxembourg, 30, rue Adolphe Fischer, tendant à l’annulation d’une décision de retour du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 septembre 2021, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2022 par Maître Jessica Henriot, au nom du demandeur, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2022 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jessica Henriot et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2023.

Il se dégage du dossier administratif que Monsieur … est connu des autorités luxembourgeoises depuis le 19 juillet 2014, date à laquelle il fut interpellé par la police grand-ducale, sans qu’il n’ait pu s’identifier à l’aide de documents d’identité, suite à quoi il fut placé au Centre de rétention.

Une recherche dans la base de données européenne EURODAC du 22 juillet 2014 renseigna les autorités luxembourgeoises du fait que Monsieur … avait notamment introduit une demande de protection internationale en date du 11 juin 2012 à Frankfurt am Main en Allemagne.

Suivant un rapport de la police grand-ducale du 22 juillet 2014, référencé sous le numéro …, l’intéressé fut arrêté pour avoir commis un vol à l’étalage et placé en détention préventive.

Le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté à travers lequel il déclara son séjour sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur le même territoire pour une durée de trois ans.

Par un arrêté prononcé et notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois en vue d’une reprise en charge par les autorités allemandes.

Cette mesure de placement en rétention fut prorogée à plusieurs reprises, à savoir les 20 août, 16 septembre et 20 octobre 2014.

Il se dégage du dossier administratif que pendant cette période, le Consulat Général du Royaume du Maroc fut régulièrement contacté en vue de l’identification de l’intéressé et de la délivrance d’un laissez-passer.

Le 28 octobre 2014, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention.

En date du 12 novembre 2014, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Par décision du 27 janvier 2015, le ministre refusa de faire droit à la demande en reconnaissance d’un statut conféré par la protection internationale sur base de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006. Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ce refus fut déclaré irrecevable par un jugement du tribunal administratif du 20 avril 2015, inscrit sous le numéro 35894 du rôle.

En date du 13 août 2015, Monsieur … fut interpellé par une patrouille de la police grand-

ducale dans le quartier de la gare de …. Aucune mesure de placement ne fut prise à son encontre, alors qu’il disposait à ce moment d’une adresse à ….

Le 2 novembre 2015, le ministre demanda à la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur … en vue d’un placement au Centre de rétention.

Suivant procès-verbal du 15 avril 2016, dressé par le Commissariat de proximité … et référencé sous le numéro …, Monsieur … fut appréhendé le même jour à la gare de Luxembourg.

Par décision ministérielle du même jour, Monsieur … fit l’objet d’une mesure de placement au Centre de rétention qui fut prorogée, à chaque fois pour une durée d’un mois, les 10 mai, 9 juin, 12 juillet et 9 août 2016.

Il se dégage du dossier administratif que pendant cette période, le Consulat Général du Royaume du Maroc fut de nouveau régulièrement contacté en vue de l’identification de l’intéressé et de la délivrance d’un laissez-passer.

Par jugement du tribunal administratif du 31 août 2016, inscrit sous le numéro 38373 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours dirigé contre la dernière décision de prorogation de sa mesure de placement du 9 août 2016.

Le 7 septembre 2016, l’intéressé fut libéré du Centre de rétention.

Par courrier du 19 octobre 2016, l’autorité consulaire du Maroc informa les autorités luxembourgeoises que Monsieur … avait été identifié comme étant un ressortissant marocain et que le Consulat Général du Royaume du Maroc était partant disposé à délivrer un laissez-passer si toutes les conditions nécessaires étaient remplies.

Le même jour, la police grand-ducale fut chargée de procéder au signalement national de Monsieur … et, en cas d’interception, d’en aviser le service de police judiciaire, section police …, en vue d’un placement en rétention.

Suivant un rapport de la police grand-ducale du 13 avril 2021, référencé sous le numéro …, Monsieur … fit l’objet à cette même date d’un contrôle d’identité lors duquel il lui fut impossible de présenter des documents d’identité.

Suivant un rapport de la police grand-ducale du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, il fut surpris en flagrant délit au moment où il était en train de cambrioler une maison.

Par un arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de le quitter sans délai soit à destination du pays dont il a la nationalité, le Maroc, soit à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et prononça à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à partir de la sortie dudit territoire ou à partir de la sortie de l’Espace Schengen, ledit arrêté étant basé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le rapport … établi par la Police grand-ducale, Région …, Commissariat de Police …, en date de ce jour ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

Qu’il n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail ;

Qu’il constitue un danger pour l’ordre public :

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ; […] ».

Par arrêté séparé du même jour, également notifié ce jour-là, le ministre ordonna encore le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois, afin de préparer l’exécution de sa mesure d’éloignement.

Par arrêté du 14 octobre 2021, notifié à l’intéressé le lendemain, la mesure de placement en rétention initiale fut prorogée pour une durée d’un mois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2021, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 16 septembre 2021 portant décision de retour sans délai, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par jugement du tribunal administratif du 8 novembre 2021, portant le numéro 46634 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit le 2 novembre 2021 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 14 octobre 2021 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par arrêté du 15 novembre 2021, le ministre ordonna la prorogation de la susdite mesure de placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à compter de la notification de la décision en question, intervenue le lendemain.

Monsieur … fut libéré du Centre de rétention le 24 novembre 2021.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la matière, un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre de la décision ministérielle déférée, ledit recours étant recevable, pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A titre liminaire, le tribunal constate que dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement soulève l’inadmissibilité du mémoire en réplique déposé par Maître Jessica Henriot en date du 2 mars 2022, pour cause de tardiveté.

A cet égard, le tribunal relève que l’article 5 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que « [l]e demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse […] », tandis que l’article 5 (6) de la même loi prévoit que « [l]es délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus sous peine de forclusion […] ».

Dans ce contexte, il y a lieu de préciser, d’une part, que le délai pour répliquer court à compter de la réception du mémoire en réponse1 et, d’autre part, que la charge de la preuve de la tardiveté d’un acte incombe à la partie qui s’en prévaut2.

Or, en l’espèce, le tribunal ne s’est pas vu soumettre un quelconque élément probant quant à la date de réception par le litismandataire du demandeur du mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2022. A cela s’ajoute que le mémoire en réponse du représentant étatique a été notifié audit litismandataire par les soins du greffe par courrier simple expédié le jour de son dépôt, soit le 1er février 2022, et réceptionné, par conséquent, au plus tôt le lendemain, de sorte que le délai pour le dépôt du mémoire en réplique a commencé à courir au plus tôt le 2 février 2022 et a expiré au plus tôt le 1 Cour adm. 18 mai 2006, n° 21112C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 931 et les autres références y citées.

2 Par analogie : trib. adm. 15 décembre 2004, n° 10784 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 232 et l’autre référence y citée.

2 mars 2022, date du dépôt du mémoire en réplique litigieux. Ce dernier n’est, dès lors, pas tardif, de sorte qu’il n’est pas à écarter des débats.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée. Plus particulièrement, il souligne les « […] circonstances particulières relatives à [son] entrée sur le territoire […] ». A cet égard, il explique avoir introduit une demande de protection internationale en date du 12 novembre 2014 « […] pour des raisons humanitaires […] », tout en renvoyant à ses déclarations relatives à l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, faites lors de son entretien « Dublin III » en date du 21 novembre 2014, et à celles se rapportant aux motifs de sa demande de protection internationale, telles qu’actées par un agent ministériel lors de son entretien en date du 15 décembre 2014.

Par ailleurs, il renvoie à des certificats médicaux des 19 août et 11 septembre 2014, pour soutenir que lors de son arrivée au Luxembourg, son état de santé physique et mental aurait été particulièrement fragile, de sorte qu’il se serait trouvé dans un état de vulnérabilité, ce que les autorités luxembourgeoises n’auraient, cependant, pas pris en considération.

En effet, après avoir dû subir le rejet de sa demande de protection internationale, il se serait « […] retrouvé dans un engrenage administratif propre à l’enferrer dans la précarité, sans espoir de recouvrer sa liberté d’homme et de pouvoir envisager la possibilité de pouvoir exercer ses droits fondamentaux tels que prévus par la Convention [e]uropéenne des [d]roits de l’Homme[, ci-après désignée par « la CEDH »] […] ».

En droit, le demandeur soutient qu’en n’assortissant l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre d’aucun délai, le ministre aurait méconnu les dispositions de l’article 111 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 ». A cet égard, il soutient que la seule mention selon laquelle il constituerait un danger pour l’ordre public ne serait pas suffisante pour justifier le prononcé d’un ordre de quitter le territoire sans délai, le demandeur reprochant encore au ministre d’être resté en défaut de « […] motiver l’urgence […] ».

Par ailleurs, Monsieur … remet en cause la légalité de l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son encontre, en faisant valoir que le ministre n’aurait pas prouvé qu’il représenterait un danger pour l’ordre public.

Sur ce dernier point, le demandeur renvoie à une attestation d’un collaborateur de l’association sans but lucratif … ASBL, aux termes de laquelle il aurait effectué une mission bénévole en tant que coiffeur entre novembre 2020 et août 2021.

Il reproche encore au ministre de ne pas avoir pris en compte les circonstances propres à son cas, en méconnaissance des dispositions de l’article 112 (1) de la loi du 29 août 2008.

En conclusion, il demande au tribunal d’annuler la décision déférée, sinon de réduire la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire litigieuse « […] à une plus juste et équitable durée au regard des circonstances particulières de [s]a situation personnelle, familiale, et médicale, [de ses] compétences professionnelles en qualité de coiffeur […] ».

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le fait, d’une part, qu’il aurait quitté son pays d’origine, au motif qu’il y aurait subi des actes de violence et qu’il y aurait craint pour sa vie et, d’autre part, qu’il ne souhaiterait pas y retourner pour les mêmes motifs.

L’« […] erreur originelle […] » qu’il aurait commise consisterait dans le fait de ne pas avoir introduit de demande de protection internationale dès son arrivée au Luxembourg.

Il soutient, en substance, que le dépôt tardif de sa demande d’asile s’expliquerait par le fait qu’un assistant social « […] et trois autres personnes du service social […] » lui auraient indiqué, respectivement confirmé qu’une demande de protection internationale déposée depuis le Centre pénitentiaire de Luxembourg engendrerait une détention préventive pouvant durer jusqu’à une année, ce qui l’aurait dissuadé d’introduire sa demande.

Il estime que sa situation de séjour irrégulier serait imputable à un défaut de diligences de la part de son litismandataire de l’époque, qui aurait omis d’introduire son recours dirigé à l’encontre de la décision ministérielle portant rejet de sa demande de protection internationale endéans le délai légal.

Ainsi, il semblerait « […] privé de tout espoir de bénéficier d’une vie stable, d’une vie professionnelle, d’une vie familiale, d’un simple domicile, d’un lieu de vie […] » et « […] être condamné à errer à l’instar, au mieux, d’un éternel dubliné […] ».

Par ailleurs, quant à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle il se dégagerait d’un rapport de police du 22 juillet 2014 qu’il aurait été arrêté pour avoir commis un vol à l’étalage, Monsieur … fait valoir qu’il ne se dégagerait pas du dossier administratif qu’il aurait fait l’objet de poursuites pénales de ce chef. Il précise avoir volé des chaussures de sport dont il aurait eu besoin « […] pour pouvoir marcher […] », de sorte que le vol en question aurait été commis dans un état de nécessité, le demandeur soulignant ne pas avoir été condamné pour ces faits. De manière plus générale, il n’aurait fait l’objet d’aucune condamnation pénale au Luxembourg.

En droit, le demandeur conteste le caractère irrégulier de son séjour, en renvoyant à ses développements antérieurs, aux termes desquels, en substance, sa situation administrative ne lui serait pas directement imputable. Il en déduit que l’ordre de quitter le territoire et l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcés à son encontre par le ministre seraient illégaux pour être contraires tant aux articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 qu’à l’article 5 de la CEDH.

Il ajoute que « […] les arguments tels que développés par la partie défenderesse dans son mémoire en réponse, datés postérieurement au 16 septembre 2021 [seraient] à rejeter purement et simplement et ne sauraient venir étayer la motivation carencée [de l’arrêté ministériel déféré […] ».

Par ailleurs, le demandeur fait valoir, en substance et de l’entendement du tribunal, que l’arrêté ministériel déféré ne préciserait pas le territoire qu’il devrait quitter, ce qui violerait ses droits fondamentaux, et notamment son droit à la liberté, tel que prévu par l’article 5 (1) de la CEDH.

Il ajoute que s’il a certes été libéré du Centre de rétention en date du 24 novembre 2021, la décision attaquée « […] l’enferme[rait] dans une prison à ciel ouvert, engendrant dans son chef, bien plus qu’une exclusion de la société, mais une véritable désocialisation, voire sa désintégration […] ».

En insistant sur le fait que sa situation, qualifiée d’irrégulière par le ministre, ne lui serait pas imputable, il fait valoir que l’ordre de quitter le territoire et l’interdiction d’entrée sur le territoire litigieux violeraient l’article 2 du Protocole n° 4 à la CEDH, reconnaissant et garantissant le droit à la libre circulation.

Par ailleurs, le demandeur soutient, en substance, que l’arrêté ministériel déféré reposerait sur des motifs factuels erronés, étant donné que le rapport susmentionné de la police grand-ducale du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, ferait état d’un cambriolage d’une maison abandonnée sise à L-…, alors qu’il se dégagerait du procès-verbal relatif à l’exécution de la mesure de placement en rétention prise à son égard le même jour, référencé sous le numéro …, qu’il aurait été trouvé dans une maison abandonnée sise à ….

En outre, il se dégagerait dudit rapport de police du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, que suite à son arrestation, son audition aurait été faite en langue allemande, sans la présence d’un interprète, alors qu’il ne maîtriserait pas cette langue, ce qui serait constitutif d’une violation de l’article 5 (2) de la CEDH, le demandeur soulignant, dans ce contexte, que tant les notifications des divers arrêtés de placement en rétention dont il aurait fait l’objet que celle de l’arrêté ministériel déféré du 16 septembre 2021 portant décision de retour sans délai assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire auraient été faites en langue française.

Il insiste sur le fait qu’il ne se dégagerait pas du dossier administratif qu’il aurait été informé des motifs de son arrestation, ni a fortiori que pareille information aurait été faite dans une langue qu’il serait en mesure de comprendre.

Le demandeur en déduit, en substance et de l’entendement du tribunal, que les renseignements recueillis lors de son audition en langue allemande, tels que retranscrits dans ledit rapport de police du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, ne sauraient être utilement invoqués par la partie étatique pour motiver l’arrêté ministériel déféré.

Ainsi, la partie étatique ne serait pas en mesure d’établir la matérialité des faits invoqués à l’appui de sa décision et les motifs figurant dans l’arrêté ministériel déféré seraient erronés dans leur ensemble, de sorte que ce dernier violerait les articles 100, 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, le demandeur reprochant au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation.

Par ailleurs, il soutient que le ministre aurait commis un excès de pouvoir. A cet égard, il fait valoir que le ministre aurait « […] agi de manière automatique […] », alors qu’il se serait tenu presque exclusivement audit rapport de police du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, et qu’il aurait rendu son arrêté dans un bref laps de temps après la rédaction dudit rapport.

Il ajoute qu’hormis la référence à ce dernier rapport de police, la motivation figurant dans l’arrêté ministériel déférée pourrait se retrouver dans tout arrêté ministériel portant ordre de quitter le territoire et interdiction d’entrée sur le territoire, tout en soulignant que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement serait resté en défaut de fournir des motifs complémentaires qui seraient de nature à justifier la décision litigieuse, alors que « […] [l]es seuls éléments [seraient] postérieurs à ladite décision et ne sauraient, partant, a posteriori, justifier ladite décision […] ».

En outre, le demandeur fait valoir que l’ordre de quitter le territoire prononcé à son égard méconnaîtrait l’article 111 (1) de la loi du 29 août 2008, Monsieur … réitérant, à cet égard, en substance, ses développements antérieurs selon lesquels sa situation actuelle ne lui serait pas imputable.

Après avoir cité l’article 112 (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste encore sur le fait que le ministre n’aurait pas fait état d’éléments pertinents et circonstanciés relatifs à sa situation particulière qui seraient de nature à justifier une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, durée qui correspondrait au maximum légal et qui serait excessive.

Finalement, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir tenu compte des circonstances particulières liées à la crise sanitaire de la Covid-19, qui serait de nature à le « […] limit[er] de facto et de jure […] », en ce que la seule option qui lui resterait serait de retourner au Maroc, pays qu’il aurait pourtant dû quitter alors qu’il y aurait été exposé à des actes de violence, de sorte qu’en prononçant à son encontre « […] une telle décision […] », le ministre aurait violé l’article 2 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Pour autant qu’à travers ses diverses critiques visant la motivation de la décision déférée, qualifiée de « […] carencée […] » par l’intéressé, le demandeur ait entendu soulever le caractère insuffisant de ladite motivation, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 109 de la loi du 29 août 2008, « (1) Les décisions de refus visées respectivement aux articles 25 et 27 et aux articles 100, 101 et 102 sont prises par le ministre et dûment motivées. La décision motivée par des raisons de santé publique est prise sur proposition du ministre ayant la Santé dans ses attributions.

(2) Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique qui sont à la base d’une décision, sont portés à la connaissance de la personne concernée, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’Etat ne s’y opposent. ».

Contrairement aux affirmations du demandeur, le tribunal est amené à retenir que les motifs à la base de la décision litigieuse en ressortent à suffisance de droit, étant donné que le ministre y a indiqué, de manière certes succincte, mais suffisante, en citant les dispositions légales applicables, les motifs qui l’ont amené à prendre à l’égard de l’intéressé une décision de retour sans délai, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, à savoir le fait (i) qu’il ne serait pas en possession d’un document de voyage valable, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, (ii) qu’il constituerait un danger pour l’ordre public et (iii) que, dès lors, il existerait un risque de fuite dans son chef, le ministre s’étant encore référé au susdit rapport de police du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro ….

Cette motivation, qui a été complétée en cours d’instance par le délégué du gouvernement, lequel a pris position de façon détaillée quant aux arguments présentés par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, est suffisamment précise pour permettre à ce dernier d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, de sorte que les contestations afférentes de Monsieur … encourent le rejet, étant précisé, dans ce contexte, que la question de savoir si la motivation ainsi fournie par la partie étatique est de nature à justifier la prise de l’arrêté ministériel déféré relève du fond du litige et sera abordée ci-après.

Quant au fond, le tribunal relève que l’arrêté ministériel litigieux comporte trois volets, à savoir (i) le constat du caractère irrégulier du séjour du demandeur, (ii) un ordre de quitter le territoire sans délai et (iii) une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Quant au premier de ces trois volets, le tribunal précise que l’article 100 de la loi du 29 août 2008, sur lequel l’arrêté ministériel déféré est, entre autres, basé, prévoit ce qui suit :

« (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers :

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise;

d) qui relève de l’article 117. […] ».

Force est au tribunal de constater qu’en son paragraphe (1), points a), b), c) et d), ledit article 100 prévoit des critères alternatifs permettant de conclure au caractère irrégulier du séjour d’un étranger, de sorte qu’il suffit que l’étranger en question tombe dans l’une des hypothèses visées auxdits points a), b), c) et d), pour que le ministre puisse déclarer irrégulier son séjour.

En l’espèce, étant donné qu’il n’est pas contesté qu’au jour de la prise de la décision déférée, l’intéressé ne disposait pas d’un document de voyage valable, il ne remplissait pas les conditions fixées à l’article 34 de la loi du 29 août 2008, et plus particulièrement celle inscrite au paragraphe (1) de cette dernière disposition légale, aux termes duquel « Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire. ».

Il s’ensuit que le ministre a a priori valablement pu déclarer son séjour irrégulier, en application de l’article 100 (1) a) de la loi du 29 août 2008.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur selon laquelle l’irrégularité de sa situation ne lui serait pas imputable, étant donné qu’outre le fait que l’article 100 (1) n’accorde aucune importance à de telles considérations, mais énonce des critères objectifs pour qualifier le séjour d’un étranger d’irrégulier, Monsieur … est malvenu de soutenir que sa situation serait causée par des facteurs indépendants de sa volonté.

En effet, il est constant en cause que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois depuis 2014, nonobstant le fait d’avoir fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans en date du 22 juillet 2014 et malgré le rejet de sa demande de protection internationale par décision ministérielle du 27 janvier 2015, devenue définitive à la suite du jugement, précité, du 20 avril 2015, sans avoir à un quelconque moment tenté de régulariser sa situation, de sorte à avoir délibérément enfreint la législation sur l’immigration, et ce pendant une période de plusieurs années.

Quant à l’ordre de quitter le territoire litigieux, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 111 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Les décisions de refus visées aux articles 100, 101 et 102, déclarant illégal le séjour d’un étranger, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve, comportant l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office ».

Il suit de cette disposition légale que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la prise d’une décision déclarant irrégulier le séjour d’un ressortissant de pays tiers, sans que le ministre ne dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation, le ministre étant ainsi investi d’une compétence liée.

Dès lors, étant donné que le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré irrégulier le séjour du demandeur sur le territoire luxembourgeois, il a valablement pu prononcer un ordre de quitter le territoire à son égard, sans que cette conclusion soit énervée par l’argumentation du demandeur selon laquelle l’ordre de quitter le territoire litigieux méconnaîtrait les articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, 5 de la CEDH et 2 du Protocole 4 à la CEDH, au motif que l’irrégularité de son séjour ne lui serait pas imputable, le tribunal renvoyant, sur ce dernier point, aux développements afférents faits ci-avant.

Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle l’arrêté ministériel déféré ne préciserait pas le territoire qu’il devrait quitter, ce qui violerait ses droits fondamentaux, et notamment son droit à la liberté, tel que prévu par l’article 5 (1) de la CEDH, le tribunal relève que dans la mesure où, à travers l’arrêté litigieux, le ministre a constaté que Monsieur … « […] est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois […] », avant de lui ordonner de « […] quitter le territoire sans délai […] », il ne fait pas le moindre doute que le territoire que le demandeur est obligé de quitter est bien le territoire luxembourgeois, de sorte que l’argumentation sous analyse encourt le rejet, outre le fait que le tribunal ne perçoit pas en quoi ledit article 5 (1) de la CEDH, aux termes duquel « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] », serait susceptible de s’appliquer dans le cadre du présent recours, qui n’est pas dirigé à l’encontre d’une mesure privative de liberté.

S’agissant ensuite des contestations du demandeur ayant trait à l’absence d’un délai de départ volontaire assortissant l’ordre de quitter le territoire litigieux, le tribunal relève que l’article 111 (3) c) 1. de la loi du 29 août 2008 prévoit que « L’étranger est obligé de quitter le territoire sans délai […] s’il existe un risque de fuite dans le chef de l’étranger. Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants : […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 ».

Or, le tribunal vient ci-avant de retenir qu’au jour de la prise de la décision déférée, le demandeur ne remplissait pas les conditions de l’article 34 de la loi du 29 août 2008.

Il s’ensuit qu’en application de l’article 111 (3) c) 1., précité, de la loi du 29 août 2008, il existe une présomption de risque de fuite dans le chef du demandeur, présomption qui n’est pas renversée par l’intéressé, mais qui, bien au contraire, est corroborée par son comportement personnel, le tribunal renvoyant, sur ce point, aux développements faits ci-avant aux termes desquels Monsieur … a délibérément enfreint la législation sur l’immigration, et ce pendant une période de plusieurs années.

C’est, dès lors, à juste titre et conformément au susdit article 111 (3) c) 1. de la loi du 29 août 2008 que le ministre n’a pas assorti l’ordre de quitter le territoire d’un délai de départ volontaire.

Quant à l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à l’égard du demandeur, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 112 de la loi du 29 août 2008, « (1) Les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans prononcée soit simultanément à la décision de retour, soit par décision séparée postérieure. Le ministre prend en considération les circonstances propres à chaque cas. […] ».

Selon les enseignements de la Cour administrative3, l’article 112, précité, de la loi du 29 août 2008 est à interpréter en ce sens que le ministre est obligé d’assortir automatiquement une décision de retour ne comportant pour l’intéressé aucun délai de départ d’une décision d’interdiction d’entrée, que le terme « peuvent », utilisé dans ledit article 112, vise le seul choix à effectuer par le ministre de prendre une telle décision simultanément avec la décision de retour ou par un acte séparé, conformément à l’article 6 (6) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et que l’obligation faite par le même article 112 de prendre en considération les circonstances propres à chaque cas se rapporte essentiellement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée. L’article 112 (1), précité, oblige donc le ministre à assortir une décision de retour d’une interdiction d’entrée sur le territoire dont la durée ne peut, en principe, pas excéder cinq ans, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

Il s’ensuit que le ministre était obligé d’assortir la décision de retour prononcée à l’encontre du demandeur d’une interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte que le principe d’une interdiction d’entrée sur le territoire n’est a priori pas sujet à critique, sans que cette conclusion soit énervée par l’argumentation du demandeur selon laquelle l’interdiction d’entrée sur le territoire litigieuse méconnaîtrait les articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, 5 de la CEDH et 2 du Protocole 4 à la CEDH, au motif que l’irrégularité de son séjour ne lui serait pas imputable, le tribunal renvoyant, sur ce dernier point, aux développements afférents faits ci-avant.

Le demandeur conteste encore la durée de l’interdiction de l’entrée sur le territoire prononcée à son encontre.

A cet égard, le tribunal relève que si le ministre a un large pouvoir d’appréciation dans la fixation de la durée de l’interdiction du territoire sous la seule limite de la durée maximale fixée en principe à cinq ans et de la prise en compte des circonstances propres de l’espèce, un tel pouvoir n’échappe cependant pas au contrôle des juridictions administratives, en ce que le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire. Ainsi, confronté à une décision relevant d’un 3 Cour adm., 11 octobre 2018, n° 40795C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 739 et les autres références y citées.

pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, en ce sens qu’au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision.4 Le tribunal relève, à l’instar de la partie étatique, que le comportement du demandeur est à prendre en considération dans le cadre de la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire, qui, en l’espèce, a été fixée au maximum légal de cinq ans, pour les étrangers qui ne constituent pas une menace pour l’ordre public, la sécurité publique et la sécurité nationale.

En l’espèce, le tribunal vient de constater que le demandeur s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois depuis 2014, nonobstant le fait d’avoir fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans en date du 22 juillet 2014 et malgré le rejet de sa demande de protection internationale par décision ministérielle du 27 janvier 2015, devenue définitive à la suite du jugement, précité, du 20 avril 2015, sans avoir à un quelconque moment tenté de régulariser sa situation, de sorte à avoir délibérément enfreint la législation sur l’immigration, et ce pendant une période de plusieurs années.

A cela s’ajoute, d’une part, qu’en date du 22 juillet 2014, jour de la prise de la première décision de retour à son contre, le demandeur a été interpellé par les forces de l’ordre et placé en détention préventive pour avoir commis un vol à étalage. L’explication du demandeur selon laquelle il aurait eu besoin des chaussures volées « […] pour pouvoir marcher […] » n’est guère convaincante, étant donné qu’il n’appert pas qu’une personne séjournant au Luxembourg de manière illégale n’aurait aucun autre moyen de se procurer des chaussures que de commettre un vol.

D’autre part, le 16 septembre 2021, jour de la prise de la décision déférée, le demandeur a été appréhendé en flagrant délit au moment où il était en train de cambrioler une maison.

Dans ce contexte, le tribunal précise que c’est à tort que le demandeur entend remettre en cause la matérialité des faits en se prévalant d’une divergence entre le rapport de police du 16 septembre 2021, référencé sous le numéro …, d’une part, et le procès-verbal relatif à l’exécution de la mesure de placement en rétention prise à son égard le même jour, référencé sous le numéro …, d’autre part, en ce qui concerne l’adresse de la maison dans laquelle il a été appréhendé, étant donné qu’il ressort sans équivoque du susdit rapport de police que le demandeur a bien été appréhendé à l’intérieur d’une maison cambriolée, peu importe l’adresse exacte de celle-ci.

Dans ce contexte, il y a encore lieu de préciser que dans la mesure où le tribunal n’est, en l’espèce, pas saisi d’une mesure privative de liberté et ne statue pas dans le cadre d’une procédure pénale, toute l’argumentation de Monsieur … ayant trait à une violation de l’article 4 Trib. adm., 27 février 2013, n° 30584 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 721 et les autres références y citées.

5 (2) de la CEDH, au motif que lors de son arrestation, il aurait été entendu dans une langue qu’il ne maîtriserait pas et n’aurait pas été informé des motifs de son arrestation, est à écarter pour défaut de pertinence et l’ensemble des éléments factuels se dégageant du susdit rapport de police peuvent bien être pris en considération par le tribunal pour apprécier le caractère proportionné de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire litigieuse, contrairement à ce que semble suggérer le demandeur.

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, desquelles il ressort qu’au cours de son séjour au Luxembourg, le demandeur a adopté un comportement témoignant d’un mépris total non seulement de la législation sur l’immigration, mais aussi des règles élémentaires de la société quant au respect de la propriété d’autrui, le tribunal arrive à la conclusion que le ministre n’a pas dépassé sa marge d’appréciation, ni méconnu le principe de proportionnalité, en fixant la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire litigieuse à cinq ans, et cela indépendamment de l’absence de condamnation au pénal de l’intéressé.

Dans le cadre du volet de son recours visant l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son encontre, le demandeur reproche encore au ministre de ne pas avoir tenu compte des circonstances particulières liées à la crise sanitaire de la Covid-19, qui serait de nature à le « […] limit[er] de facto et de jure […] », en ce que la seule option qui lui resterait serait de retourner au Maroc, pays qu’il aurait pourtant dû quitter alors qu’il y aurait été exposé à des actes de violence, de sorte qu’en prononçant à son encontre « […] une telle décision […] », le ministre aurait violé l’article 2 de la CEDH.

Or, au-delà de toute autre considération, le tribunal rappelle que la question du risque pour son intégrité physique prétendument encouru par le demandeur dans son pays d’origine a été toisée dans le cadre de sa demande de protection internationale, dont le rejet par décision ministérielle du 27 janvier 2015 est devenu définitif à la suite du jugement, précité, du tribunal administratif du 20 avril 2015. A défaut d’un quelconque élément nouveau, le tribunal ne saurait revenir sur cette question dans le cadre du présent recours, sous peine de méconnaître l’autorité de chose décidée attachée à la susdite décision du 27 janvier 2015.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation ni un excès de pouvoir que le ministre a pris à l’encontre du demandeur une décision de retour sans délai, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte que le recours en annulation sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 juin 2023 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46633
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-26;46633 ?

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