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20/06/2023 | LUXEMBOURG | N°49036

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2023, 49036


Tribunal administratif Numéro 49036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49036 4e chambre Inscrit le 14 juin 2023 Audience publique du 20 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49036 du rôle et déposée le 14 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Str

oesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif Numéro 49036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49036 4e chambre Inscrit le 14 juin 2023 Audience publique du 20 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49036 du rôle et déposée le 14 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée-Bissau) et être de nationalité « tunisienne », actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 mai 2023 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Pascale Millim en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé.

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Il ressort d’une information du greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg, figurant au dossier administratif, qu’en date du 1er décembre 2015, Monsieur … fut placé en détention préventive.

Aux termes d’un arrêt du 14 juin 2017 de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée de deux années, assortie d’un sursis à exécution d’une année, ainsi qu’à une amende de 1.000,- euros.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, commissariat de proximité Ville Haute, du 19 octobre 2017, portant le numéro 1293/2017, que Monsieur … fut appréhendé, le même jour, pour avoir présenté une carte d’identité portugaise falsifiée au bureau de la population de la Ville de Luxembourg.

Aux termes d’un acte d’écrou du 7 avril 2018 établi par le Centre pénitentiaire de Luxembourg, Monsieur … fut incarcéré entre le 19 octobre 2017 et le 27 avril 2018.

1Par un arrêté du 19 avril 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-

après « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, tout en lui ordonnant de quitter le pays dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Par un arrêté séparé du même jour, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d'un mois afin de préparer l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son égard. Cet arrêté fut prorogé à deux reprises le 14 mai, respectivement le 14 juin 2018.

Il ressort d'une note au dossier du 23 avril 2018, que lors de l'entretien réalisé le même jour, Monsieur … affirma être de nationalité portugaise et avoir une femme et trois enfants en Espagne sans pourtant y figurer comme père dans les registres espagnols, ainsi qu’une femme et quatre enfants en Guinée-Bissau, Par courriel du 24 avril 2018, les autorités luxembourgeoises s’adressèrent aux autorités portugaises afin de vérifier l'identité de Monsieur …, lesquelles affirmèrent ne pas connaître Monsieur … comme étant un ressortissant portugais, alors qu’il ne correspondrait pas physiquement à la personne figurant dans leurs registres nationaux portant le nom de…, né le … à … en Guinée-Bissau.

Le 27 avril 2018, le ministre envoya une demande d'identification à l'ambassade de la République de Guinée-Bissau à Bruxelles.

Il ressort de la note au dossier du 9 mai 2018, que, dans le cadre de l'entretien entre les autorités bissau-guinéennes et Monsieur …, ce dernier fut prié par ces dernières de leur soumettre un document permettant de prouver son identité et sa filiation, demande à laquelle ce dernier déclara vouloir rapidement donner des suites.

Il ressort du relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 25 juin 2019, que Monsieur … fut à nouveau placé en détention préventive le même jour.

Par arrêté du 31 mai 2023, notifié le 2 juin 2023, le ministre constata, à nouveau, le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en prononçant encore une interdiction de territoire de cinq ans à son encontre.

Par un arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé le 2 juin 2023, le ministre décida, de nouveau, de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d'un mois afin de préparer l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son égard. Cette décision est motivée comme suit :

« Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l'intéressé ;

Vu ma décision de retour du 31 mai 2023, lui notifiée le 2 juin 2023, assortie d'une interdiction d'entrée de 5 ans ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

2Considérant que l'intéressé n'est plus disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Considérant que l'intéressé n'a jusqu'à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé a fait usage d'un faux document identité ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du Tribunal administratif en date du 14 juin 2023, inscrite sous le numéro 49036 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours, principalement, en réformation et subsidiairement en annulation, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 31 mai 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir repris les termes de la décision déférée et après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.

Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur conteste ensuite toute perspective d’éloignement vers son pays d’origine, de sorte à remettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable.

Il s’empare enfin de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre et avec l’obligation de se présenter 3régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée, tout en affirmant que son placement en rétention serait disproportionné.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que :

« Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure 4d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, il est constant que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour ayant autorité de chose décidée a été prise à son encontre le 19 avril 2018, décision réitérée le 31 mai 2023, par laquelle il a également fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse. Il est encore constant que l’intéressé ne dispose ni d’un document de voyage valable, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Or, force est en l’espèce de constater que Monsieur … reste en défaut de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, de sorte que le risque de fuite n’est pas valablement mis en cause, d’autant plus qu’il ressort du dossier administratif que Monsieur … a, dans le passé, utilisé une pièce d’identité portugaise falsifiée, affirmant actuellement, dans sa requête introductive d’instance, être de nationalité tunisienne, tout en ayant refusé de quitter le territoire après la première série de mesures de placement, éléments qui sont plutôt de nature à corroborer l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant à cet égard précisé que la notion de risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant de l’argumentation de Monsieur … selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève que cette 5disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale 6de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que retenu ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef, de sorte que dans la mesure où Monsieur … ne dispose dès lors ni d’un domicile fixe, ni d’une quelconque autre attache au Luxembourg, de même qu’il n’est pas vérifié qu’il puisse déposer l’original de son passeport, respectivement une garantie financière, il échet de conclure que l’intéressé ne présente a priori pas de garanties de représentation effectives suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article dont l’application est sollicitée par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant enfin des démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il ressort du dossier administratif qu’en date du 5 juin 2023, les autorités ministérielles luxembourgeoises ont contacté les autorités consulaires de la Guinée-Bissau à Bruxelles en vue de l’identification de l’intéressé et de l’obtention d’un laissez-passer.

Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères, le tribunal conclut que les démarches entreprises sont, à ce stade, à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Il en est de même de l’argumentation du demandeur ayant trait à l’impossibilité d’exécuter son éloignement dans les meilleurs délais, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant de conclure à une telle impossibilité.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

7au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juin 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49036
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-20;49036 ?

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