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20/06/2023 | LUXEMBOURG | N°46218

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2023, 46218


Tribunal administratif Numéro 46218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46218 3e chambre Inscrit le 9 juillet 2021 Audience publique du 20 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, Luxembourg, agissant en sa qualité de liquidateur de la société anonyme “B” SA, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la req

uête inscrite sous le numéro 46218 du rôle et déposée le 9 juillet 2021 au greffe du tribunal ad...

Tribunal administratif Numéro 46218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46218 3e chambre Inscrit le 9 juillet 2021 Audience publique du 20 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, Luxembourg, agissant en sa qualité de liquidateur de la société anonyme “B” SA, Luxembourg, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46218 du rôle et déposée le 9 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF LUXEMBOURG SARL, ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 174248, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Petrus MOONS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société à responsabilité limitée “A” SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, agissant en sa qualité de liquidateur de la société anonyme “B” SA, liquidée en date du 21 mars 2017, ayant eu son siège social à L-… et ayant été immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro … et 2) « pour autant que de besoin » au nom de la société anonyme “B” SA, liquidée, préqualifiée, et 3) « pour autant que de besoin » au nom des anciens actionnaires de la société anonyme “B” SA, liquidée, préqualifiée, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 avril 2021, référencée sous le numéro … ayant déclaré irrecevable la réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectives de l’année 2017, émis le 2 novembre 2017 et ayant déclaré la réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 recevable en la forme et fondée quant au fond et ayant annulé le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique de la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF LUXEMBOURG SARL déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2021 au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL et « pour autant que de besoin » au nom de la société anonyme “B” SA, liquidée et « pour autant que de besoin » au nom des anciens actionnaires de la société anonyme “B” SA, liquidée, préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

1 Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre KLETHI, en remplacement de Maître Petrus MOONS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 mars 2023.

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Le 1er mars 2017, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société anonyme “B” SA, liquidée, désignée ci-après par la « société “B” », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2014, en précisant qu’à défaut de dépôt des déclarations fiscales afférentes, il avait été procédé par voie de taxation d’office en vertu du paragraphe 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

La société “B” fit déposer en date du 28 mars 2017 sa déclaration fiscale pour les années 2015 et 2016 et en date du 26 juillet 2017 sa déclaration fiscale pour l’année 2017.

Par courrier du 26 septembre 2017, le bureau d’imposition informa la société “B” en vertu du paragraphe 205, alinéa (3) AO qu’il envisageait de s’écarter de ses déclarations fiscales pour l’année 2016 sur les points suivants :

«  Les revenus provenant du fonds suédois ne peuvent pas bénéficier des dispositions de l’article 166 L.I.R.

 La perte reportable de l’année 2014 s’élève à … €, suivant bulletin daté du 01.03.2017.

Détermination de la base imposable de l’année 2016 Résultat suivant bilan fiscal … + Impôts … - Perte reportable 2011 - … - Perte reportable 2012 - … - Perte reportable 2013 - … - Perte reportable 2014 -… - Perte reportable 2015 - …

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Base imposable … », tout en l’invitant à fournir ses observations jusqu’au 17 octobre 2017 au plus tard, ce qu’elle fit par courrier du 20 octobre 2017.

Le 2 novembre 2017, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société “B”, les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2017, en indiquant que l’imposition diffère de la déclaration fiscale sur les points suivants : « […] Imposition suivant article 169 (1) LIR. Perte reportable 2014 = … suivant courrier du 26 septembre 2017. ».

Par courrier du 20 octobre 2020, la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », agissant en sa qualité de liquidateur de la société “B”, ainsi 2que la société “B”, liquidée et « pour autant que de besoin » les anciens actionnaires de la société “B”, liquidée, introduisirent auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2017.

Par une décision du 12 avril 2021, inscrite sous le numéro … du rôle, le directeur déclara la réclamation en ce qu’elle était dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 irrecevable pour non-respect des délais légaux, tout en déclarant la réclamation en ce qu’elle était dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 recevable au motif que le délai de réclamation contre ledit bulletin n’a pas commencé à courir et en annulant ledit bulletin d’imposition pour non-respect par le bureau d’imposition de l’article 205 AO.

Ladite décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite en date du 20 octobre 2020 par Maître Nadège Le Gouellec, de la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg, au nom de la société anonyme liquidée “B”, L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, tous deux émis le 2 novembre 2017.

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Quant au bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle est reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification, qui, en cas de simple pli postal, est présumée accomplie le troisième jour ouvrable après la mise à la poste ;

Considérant que la réclamante expose qu’en l’espèce, les bulletins litigieux « divergent de la déclaration fiscale déposée qui fait état d’un résultat très limité alors qu’aucune justification ne permet de comprendre l’imposition appliquée par le bureau d’imposition » ;

que « le paragraphe 211 AO impose un contenu minimum à tout bulletin d’imposition notamment le respect des dispositions du 205(3) AO » ; qu’ « en vertu des dispositions du paragraphe 246(3) AO, la sanction du non-respect des mentions obligatoires du paragraphe 211 AO est que les délais de recours ne courent pas » ;

Considérant à titre introductif que s’il est certes vrai que le non-respect des dispositions du § 205, alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, entraîne le cas échéant l’annulation des bulletins attaqués, il n’en demeure pas moins que cette annulation ne peut se 3faire que suite à une réclamation au sens du § 228 AO introduite en bonne et due forme à l’encontre du bulletin litigieux ; qu’en l’occurrence la requérante semble faire un amalgame de deux situations de droit profondément différentes, à savoir d’un côté l’annulation pure et simple du bulletin en cause pour non-respect des dispositions du § 205, alinéa 3 AO avec effet concomitant la remise à plat de toute la procédure d’imposition, le tout dans le cadre de la réclamation devant le directeur des contributions, et, de l’autre côté, la situation où le délai de recours ne commence pas à courir dans le cas où le bureau d’imposition a omis d’apposer soit les voies de recours, soit les divergences par rapport aux déclarations remises sur le bulletin litigieux au sens du § 211 AO ;

Considérant que le § 246, alinéa 3 AO, retenant notamment que « Fehlt in einem Bescheid eine Rechtsmittelbelehrung oder ist sie unrichtig erteilt, so wird die Rechtsmittelfrist nicht in Lauf gesetzt. Dasselbe gilt für die in Absatz 2 von § 211 vorgesehenen Punkte », entraîne que le délai de recours ne commence pas à courir lorsque les voies de recours font défaut sur le bulletin entrepris (cf. par exemple TA du 29 juillet 1998, n° 10426 du rôle et TA du 21 janvier 2015, n° 35745 du rôle : « Une instruction incorrecte ou incomplète sur les voies de recours (ou le fait d’omettre d’indiquer les divergences par rapport aux déclarations remises) n’affecte pas la validité de la décision en soi, mais ne peut avoir, le cas échéant, que pour seul effet d’empêcher le délai du recours à courir ») ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des indications portées sur le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 en cause que le bureau d’imposition a clairement attiré l’attention de la réclamante sur les points de divergence alors que le bulletin contient la mention suivante :

« L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants :

Imposition suivant article 169 (1) LIR.

Perte reportable 2014 = … suivant courrier du 26 septembre 2017. » Considérant de surcroît et à titre purement superfétatoire que le courrier du 26 septembre 2017 auquel il est fait référence est un courrier émis conformément au § 205 (3) AO et qui explique les raisons pour lesquelles la perte reportable de l’année 2014 n’est pas déductible de sorte à donner à la requérante toutes les informations nécessaires à sa compréhension ; que le fait que ce courrier soit relatif à l’année d’imposition 2016 est sans incidence alors que la référence à ce courrier n’a pour seul but que de clarifier le point de divergence en son principe ;

Considérant qu’il échet de constater que le bulletin litigieux, indiquant également les voies et délais de recours, a été régulièrement émis au sens du § 211 AO ; que partant, le délai de recours a commencé à courir dès sa notification ;

Considérant que le bulletin litigieux a été émis en date du 2 novembre 2017 et notifié le 7 novembre 2017, de sorte que le délai a expiré le 7 février 2018 ; que la réclamation, introduite en date du 20 octobre 2020, est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 est irrecevable ;

4Quant au bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 Considérant qu’en l’espèce, le bénéfice d’exploitation soumis à l’impôt commercial au sens du § 7 de la loi concernant l’impôt commercial (GewStG) a été fixé indépendamment du bénéfice commercial soumis à l’impôt sur le revenu des collectivités de sorte que le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial de l’espèce n’est que partiellement subordonné au bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de la même année au sens du § 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 ; que conformément au § 211 AO précité, un tel bulletin doit expressément contenir les points de divergence par rapport à la déclaration remise, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; qu’en l’absence de cette mention et sur base des principes précédemment développés, il convient de confirmer les conclusions de la réclamante en ce que le délai de réclamation contre le bulletin entrepris n’a pas commencé à courir ;

Que dès lors, la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 est à considérer comme ayant été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

Considérant qu’un contrôle approfondi au sens des alinéas 1er et 2e du § 205 AO de la déclaration d’impôt par le bureau d’imposition qui, le cas échéant, aboutit à la détection d’anomalies majeures et dont le redressement s’avère inévitable, déclenche obligatoirement et préalablement à l’imposition définitive la mise sur pied d’une information écrite chaque fois qu’une conciliation avec le contribuable est impossible du fait que celui-ci ne peut fournir des explications aisément compréhensibles et vérifiables ; que ladite information écrite s’avère originaire du § 205, alinéa 3 AO, suivant lequel des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu’elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l’émission du bulletin ; que le but du § 205, alinéa 3 AO consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d’éventuels malentendus (cf. « Recht auf Gehör ») ;

Considérant que cette prescription, qui exige que le contribuable se voie offrir l’occasion de présenter des observations dans le cas où le bureau d’imposition entend s’écarter de sa déclaration pour aboutir à une imposition bien plus onéreuse que celle qui se dégage des faits déclarés par le contribuable, garantit la participation du contribuable à la constatation de faits que celui-ci connaît mieux que personne ; que la disposition du § 205, alinéa 3 AO a un caractère contraignant (« sind … mitzuteilen ») et constitue une forme substantielle destinée autant à garantir une bonne administration de la loi d’impôt qu’à protéger les intérêts du contribuable ;

Considérant que la sanction grevant le manquement par le bureau d’imposition de satisfaire à son devoir d’informer le contribuable préalablement à l’imposition des redressements envisagés, est, conformément au prédit § 205, alinéa 3 AO, l’annulation du 5bulletin d’impôt respectif avec effet concomitant la remise à plat de l’ensemble de la procédure d’imposition ;

Considérant qu’en l’espèce, le bureau d’imposition a significativement augmenté la base d’assiette de l’impôt commercial communal sans toutefois avoir préalablement informé, conformément aux dispositions du § 205, alinéa 3 AO, cette dernière de son intention de diverger de la déclaration pour l’impôt commercial communal de l’année 2017 remise par la requérante ; que la sanction en est l’annulation pure et simple du bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 ;

PAR CES MOTIFS dit la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 irrecevable, annule le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017. ».

Par requête déposée le 9 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif 1) la société “A”, en sa qualité de liquidateur de la société “B” et 2) « pour autant que de besoin » la société “B”, liquidée et 3) « pour autant que de besoin » les anciens actionnaires de la société “B”, liquidée, firent introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 12 avril 2021, mais uniquement en ce que ladite décision a rejeté comme irrecevable la réclamation introduite le 20 octobre 2020 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, émis le 2 novembre 2017.

1. Quant à la compétence et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision directoriale déférée.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en réformation pour défaut de « qualité/capacité à agir de [la société] “B” à travers son liquidateur ».

Il s’appuie sur la jurisprudence des juridictions judiciaires et se réfère plus particulièrement à un arrêt de la Cour de cassation belge du 14 février 2020 pour faire valoir qu’une société dissoute dont la clôture de la liquidation a été publiée ne pourrait plus agir en justice au motif que sa survie ne serait que passive.

Le délégué du gouvernement invoque encore la doctrine luxembourgeoise pour relever qu’il faudrait uniformiser la jurisprudence administrative et judiciaire pour se conformer au droit des sociétés et dénier tout droit d’action à une société qui n’aurait plus d’existence.

6 La société demanderesse entend résister au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé en citant les articles 1400-6 et 1100-15 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (LSC) desquels il résulterait que le droit pour le liquidateur de défendre la société liquidée contre les procédures engagées par ses créanciers découlerait du droit à agir contre la société liquidée - en la personne de son liquidateur - durant les 5 ans suivant la clôture de sa liquidation.

Elle se réfère ensuite à un jugement du tribunal administratif du 30 novembre 2021, inscrit sous le numéro 43817 du rôle, pour faire valoir que la jurisprudence récente des juridictions administratives serait claire et constante sur la notion de survie passive de la société liquidée.

Elle explique qu’en l’espèce, la liquidation de la société “B” aurait été décidée lors de son assemblée générale ordinaire du 21 mars 2017 dont l’extrait du procès-verbal aurait été publié au registre de commerce et des sociétés le 23 mars 2017.

Elle insiste ensuite d’une part sur le fait que la requête introductive d’instance du 9 juillet 2021 aurait été déposée par ministère d’avocat à la Cour, au nom et pour le compte de la société “A”, agissant en sa qualité de liquidateur de la société “B”, liquidée, ainsi que « pour autant que de besoin » au nom et pour le compte de la société “B” et de ses anciens actionnaires et, d’autre part, sur le fait que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités litigieux aurait été adressé à « “B” S.A. LIQUIDEE ».

En conséquence, la société demanderesse estime qu’en application de la jurisprudence du tribunal administratif, le recours introduit au nom et pour le compte du liquidateur de la société “B” devrait être matériellement considéré comme une défense conforme aux capacités passives de la société liquidée.

Par rapport à l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle il faudrait « uniformiser la jurisprudence administrative et judiciaire pour se conformer au droit des sociétés », la société demanderesse soutient qu’un déni, par les juridictions administratives, de la capacité d’agir en justice à une société dont la liquidation a été clôturée, porterait atteinte au principe du droit de la défense tel que prévu à l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH). Elle donne à considérer dans ce contexte que si certes l’absence de droit, pour une société liquidée, à introduire un recours devant les juridictions judiciaires pouvait se concevoir, étant donné que pour prétendre à sa créance un créancier d’une société liquidée devrait au préalable assigner en paiement la société liquidée en la personne de son liquidateur, ce préalable n’existerait toutefois pas en matière d’imposition directe, de sorte qu’il reviendrait au contribuable d’initier la procédure contentieuse d’un point de vue purement formel.

Elle souligne enfin que le directeur n’aurait pas contesté la capacité à agir de la société “B” ce qui renforcerait l’incohérence globale de l’argumentation de la partie étatique.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement maintient son moyen d’irrecevabilité ratione temporis, tout en mettant en avant que le régime juridique d’une liquidation commencerait avec la dissolution de la société et se terminerait avec la clôture sous réserve du droit pour les créanciers impayés de se retourner contre les liquidateurs pendant une période de cinq ans conformément à l’article 1200-1, paragraphe (7) LSC. Le délégué du 7gouvernement en déduit que la dissolution d’une société suivie des opérations de liquidation aurait pour objet de faire disparaître la société et de faire cesser la personnalité juridique, de sorte qu’une fois ces opérations achevées, la société serait rayée du registre de commerce et des sociétés et n’existerait plus à partir de ce moment.

Il poursuit qu’une liquidation volontaire, qui exigerait le désintéressement de tous les créanciers, ferait présumer un actif suffisant pour ce faire, tout en affirmant qu’au cas où l’actif ne permettrait pas de payer tous les créanciers et que les opérations de liquidation auraient permis de constater l’insuffisance de l’actif avec certitude, les règles de la mise en faillite de la société en liquidation s’appliqueraient, et le liquidateur devrait procéder au dépôt du bilan et à la déclaration de faillite de la société. Ainsi, s’il devait se révéler que l’actif d’une société n’est pas suffisant pour apurer le passif, le liquidateur ne pourrait pas clôturer les opérations de liquidation mais devrait, le cas échéant, faire l’aveu de faillite.

Il en conclut que le liquidateur volontaire devrait faire preuve d’un devoir d’investigation auprès de créanciers potentiels avant toute distribution aux associés et désintéresser tous les créanciers ou procéder à la consignation de sommes nécessaire pour ce faire.

Le délégué du gouvernement se réfère ensuite à un arrêt de la Cour d’appel du 14 juillet 1999, dans lequel celle-ci aurait décidé que toute liquidation volontaire présupposerait un actif suffisant pour combler l’intégralité du passif et que s’il devait se révéler que tel n’était pas le cas, le liquidateur « ne peut clôturer la liquidation mais doit, le cas échéant, déposer le bilan ».

Ainsi, en clôturant la liquidation sans pour autant avoir désintéressé le Trésor public, le liquidateur et le liquidé auraient commis des fautes. Il fait encore remarquer qu’en l’espèce la dette fiscale aurait été réglée en 2018 donc après la clôture de la liquidation.

Quant au moyen de la société demanderesse fondé sur une violation de l’article 6.1 de la CEDH, le délégué du gouvernement rétorque que le présent procès témoignerait que le droit à un procès équitable devant un tribunal impartial serait respecté en l’espèce.

A cela s’ajouterait que si un quelconque préjudice devait en résulter, il serait exclusivement dû au comportement fautif du liquidateur qui aurait clôturé la liquidation tout en sachant que des impositions étaient en cours, alors qu’il aurait dû attendre les bulletins de l’impôt, régler la dette fiscale pour ensuite seulement clôturer la liquidation et faire disparaître la personne morale.

La qualité à agir a trait à la représentation d’une personne en justice1.

Aux termes de l’article 1400-6 3° LSC, « Sont prescrites par cinq ans : […] 3° toutes actions contre les liquidateurs, en cette qualité à partir de la publication prescrite par l’article 1100-15 ».

En l’espèce, et en ce qui concerne de prime abord le recours introduit par la société “A” en sa qualité de liquidateur de la société “B”, il échet de constater que ladite société a, à bon droit, fait répliquer qu’il est de principe que la disparition d’une société commerciale liquidée n’est pas absolue et que la survie passive, a priori limitée à un rôle de défense, implique néanmoins également la possibilité d’introduire une action, constituant, sur un plan formel, une défense au sens matériel, tel que cela est le cas, en l’espèce, dans le cadre d’un recours 1 cf. « Le contentieux administratif en droit luxembourgeois » par R. Ergec, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n°127.

8administratif ou juridictionnel dirigé contre une décision de l’administration fiscale2, étant d’ailleurs relevé que tant les bulletins d’impôts émis en date du 22 mars 2017 que la décision directoriale déférée ont été adressés à la société “B” « liquidée ».

En effet, l’Etat a entamé contre la société dissoute la procédure légalement prévue pour fixer et recouvrer certaines cotes d’impôts, qui doit dès lors être qualifiée d’action d’un créancier contre la société dissoute, de manière à ce que la personnalité de cette dernière doit subsister pour répondre à cette action3.

Il s’ensuit que le recours en réformation introduit par la société “A” en sa qualité de liquidateur de la société “B” dirigé contre la décision directoriale du 12 avril 2021 est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit également qu’au vu de la qualité pour agir devant être reconnue dans le chef de la société “A”, celle-ci ayant, en sa fonction de liquidateur, seul qualité pour agir au nom de la société liquidée4, les recours introduits « pour autant que de besoin » au nom de la société “B”, respectivement au nom des anciens actionnaires de celle-ci sont à déclarer irrecevables faute de qualité à agir.

2. Quant au fond Argumentation des parties A l’appui de son recours, la société demanderesse dresse les faits et rétroactes de l’affaire, tout en insistant sur la circonstance que la société “B” aurait été mise en liquidation le 17 décembre 2012, liquidation qui aurait été clôturée le 21 mars 2017.

En droit, la société demanderesse s’empare en premier lieu du paragraphe 211 AO pour soutenir que le délai de réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 n’aurait jamais commencé à courir et que le directeur aurait, dès lors, erronément déclaré irrecevable pour tardiveté le volet de la réclamation relatif au bulletin litigieux.

Elle se prévaut à cet égard du principe d’annualité de l’impôt, tel qu’il serait consacré notamment par l’article 1er de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », et l’article 100 de la Constitution ainsi que du paragraphe 205, alinéa (3) AO pour faire valoir que le bureau d’imposition aurait dû émettre, avant l’émission des bulletins d’impôt de l’année 2017, un courrier informant la société “B” qu’il souhaitait dévier de sa déclaration fiscale de l’année 2017 d’une façon défavorable. Or, le courrier prémentionné du 26 septembre 2017 concernerait la seule année 2016, et non pas l’année 2017.

Elle insiste ensuite sur le fait que le bureau d’imposition n’aurait pas seulement refusé d’octroyer le report des pertes de l’année 2014, mais aurait également significativement augmenté le bénéfice commercial suivant bilan fiscal alors que la déclaration fiscale de la société “B” indiquerait un montant négatif de … euros, tandis que le bulletin d’impôt litigieux 2 Trib. adm., 17 novembre 2016, n° 36865 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 195 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 3 décembre 2007, n° 22678 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

4 Trib. adm., 17 novembre 2016, n° 36865 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 195 et les autres références y citées.

9aurait retenu un montant positif de … euros pour ce poste. Le montant des impôts et taxes non-

déductibles serait également différent alors qu’il s’élèverait à … euros selon la déclaration fiscale et à … euros selon le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017.

Ainsi, elle critique le bureau d’imposition, d’une part, pour ne pas avoir annoncé par un courrier fondé sur le paragraphe 205, alinéa (3) AO toutes les différences qu’il envisageait d’opérer par rapport à la déclaration fiscale de la société “B”, et, d’autre part, de ne pas avoir indiqué dans le bulletin litigieux toutes les différences effectivement opérées.

Dès lors, elle conclut à une violation du paragraphe 211, alinéa (2), point 4. AO du fait de l’absence d’un courrier relatif à l’année 2017 émis sur le fondement du paragraphe 205, alinéa (3) AO.

La société demanderesse se réfère encore à un arrêt de la Cour administrative du 2 juillet 2020, inscrit sous le numéro 43931C du rôle, pour faire valoir que si le paragraphe 211, alinéa (2), point 4. AO avait été respecté « formellement », alors que des mentions sur les déviations figureraient sur le bulletin d’impôt litigieux, il n’aurait toutefois pas été respecté « matériellement », puisque ces mentions renverraient à un courrier qui ne se réfèrerait pas à l’année d’imposition litigieuse et ne mentionnerait pas toutes les différences retenues par le bureau d’imposition par rapport à la déclaration fiscale de l’année 2017 de la société “B”.

Elle en conclut que le délai pour introduire une réclamation contre le bulletin d’impôt litigieux n’aurait jamais commencé à courir.

Dans un deuxième temps, la société demanderesse fait valoir que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 litigieux devrait être annulé pour violation du paragraphe 205, alinéa (3) AO.

Enfin, dans un troisième temps, la société demanderesse fait valoir que l’imposition effectuée dans le bulletin de l’impôt litigieux serait erronée et aurait dû être effectuée suivant la déclaration fiscale de la société “B” pour l’année 2017. Elle en conclut, à titre subsidiaire, à la réformation du bulletin de l’impôt litigieux.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse après avoir renvoyé aux développements dans la requête introductive d’instance du 9 juillet 2021 donne à considérer que la Cour administrative aurait, dans son arrêt du 2 juillet 2020, inscrit sous le numéro 43931C du rôle, précisé les exigences formelles découlant du paragraphe 211, alinéa (2), point 4. AO tout en ayant retenu que le but de cette disposition résiderait « dans l’information effective du contribuable sur les points quant auxquels le bureau d’imposition n’a pas suivi les déclarations de celui-ci afin de lui permettre la sauvegarde de ses intérêts ».

Elle fait valoir que les mentions très vagues et succinctes sur le bulletin litigieux ne lui permettraient pas de comprendre effectivement les points sur lesquels le bureau d’imposition entendrait dévier de la déclaration initiale.

A cet égard, la société demanderesse critique en premier lieu que le bulletin litigieux renverrait au courrier du 26 septembre 2017, émis sur base du paragraphe 205, alinéa (3) AO qui se réfèrerait toutefois à l’année d’imposition 2016 et non à l’année litigieuse. Or, et contrairement à l’exercice 2016, aucun revenu n’aurait été perçu par la société “B” au cours de l’exercice 2017, de sorte qu’il ne pourrait être considéré que ce courrier antérieur renseignerait sur toutes les différences retenues par le bureau d’imposition par rapport à la déclaration de la 10société “B” et resterait, en particulier, muet sur l’origine du revenu imputé à la société “B” par le bureau d’imposition.

Elle estime, par ailleurs, que le renvoi à l’article 169, paragraphe (1) LIR serait incompréhensible, dans la mesure où la liquidation de la société “B” aurait duré plus de trois ans, de sorte que l’article 169, paragraphe (1) LIR ne serait pas pertinent dans le cas d’espèce.

La société demanderesse en conclut que le délai pour introduire une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 n’aurait jamais commencé à courir en raison de la violation par le bureau d’imposition du paragraphe 211, alinéa (2) AO, de sorte que la réclamation contre le bulletin litigieux serait bien recevable.

Dans un deuxième temps, elle réitère son argumentation suivant laquelle le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 devrait être annulé pour violation du paragraphe 205, alinéa (3) AO, au motif que le courrier du 26 septembre 2017, émis sur base du paragraphe 205, alinéa (3) AO, se rapporterait à l’année 2016 et non à l’année litigieuse.

Enfin, la société demanderesse souligne qu’aucune réponse n’aurait été apportée par la partie étatique sur les raisons de la fixation d’une côte d’impôt positive alors qu’aucun revenu n’aurait été perçu par la société “B” au cours de l’exercice 2017.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, force est de constater que si la décision directoriale précitée porte également sur le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, la société demanderesse a cependant indiqué limiter son recours au seul volet de la décision litigieuse déclarant irrecevable le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, de sorte que l’analyse du tribunal portera également exclusivement sur ce volet de la décision litigieuse.

Toujours à titre liminaire, le tribunal relève que dans la mesure où à travers la décision directoriale litigieuse le directeur s’est limité à déclarer irrecevable ratione temporis la réclamation introduite en date du 20 octobre 2021 contre bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 sans se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci, son analyse ne pourra porter que sur la question de savoir si c’est à bon droit ou non que le directeur est arrivé à cette conclusion et qu’il a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardivité.

Il s’ensuit que les contestations telles que soulevées par la société demanderesse et fondées sur une violation du paragraphe 205 AO n’ayant pas trait au contenu formel d’un bulletin de l’impôt au sens du paragraphe 211, alinéa (2) AO, mais à la régularité de la procédure d’imposition suivie par le bureau d’imposition échappent à l’analyse du tribunal et sont dès lors rejetées.

En effet et s’il s’agit là certes de contestations que le directeur a à vérifier lorsqu’il est saisi d’une réclamation soulevant un tel moyen, le tribunal retient toutefois qu’en l’espèce, il n’avait pas à se prononcer sur ces contestations à partir du moment où il a déclaré le recours irrecevable ratione temporis. En effet, un tel vice est à situer au niveau de la régularité de la procédure d’établissement du bulletin de l’impôt, tandis que le respect du délai de réclamation, 11que le directeur est en application du paragraphe 252 AO, précité, obligé de contrôler, est à situer à une étape antérieure5.

En ce qui concerne ensuite concrètement le délai pour l’introduction d’une réclamation auprès du directeur contre un bulletin d’impôt, le paragraphe 245 AO dispose que « le délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§ 228 AO) », ce délai de réclamation étant un délai de forclusion, cela conformément au paragraphe 83 (2) AO qui dispose que « […] Fristen zur Einreichung eines Rechtsmittels sind Ausschlussfristen […] ».

En l’espèce, il est constant en cause pour ne pas être contesté que le bulletin litigieux a été notifié à la société “B” en date du 2 novembre 2017, de sorte que le délai de réclamation a expiré le 2 février 2018 et qu’au moment de l’introduction de la réclamation par courrier du 20 octobre 2021, le délai de réclamation avait a priori expiré.

La société demanderesse estime néanmoins que sa réclamation n’aurait pas dû être déclarée irrecevable, en se prévalant d’une violation par le bureau d’imposition du paragraphe 211, alinéa (2) AO, au motif, d’une part, que les éléments sur lesquels l’imposition diffère de la déclaration fiscale de l’année 2017 telle que déposée par la société “B” n’auraient pas tous été mentionnés dans le bulletin de l’impôt litigieux et, d’autre part, que ledit bulletin de l’impôt renverrait à un courrier qui ne se référerait pas à l’année d’imposition 2017, violation dont elle déduit que le délai de recours n’aurait pas commencé à courir.

Aux termes du paragraphe 211 AO:

« (1) Steuerbescheide, die nach den Steuergesetzen schriftlich zu erteilen sind, müssen die Höhe der Steuer enthalten.

(2) Sie müssen ferner enthalten:

1. eine Belehrung, welches Rechtsmittel zulässig ist und binnen welcher Frist und bei welcher Behörde es einzulegen ist, 2. die Besteuerungsgrundlagen, soweit sie dem Steuerpflichtigen nicht schon mitgeteilt wurde, 3. eine Anweisung, wo, wann und wie die Steuer zu entrichten ist, 4. die Punkte, in denen von der Steuererklärung abgewichen wird. […] ».

Cette disposition énumère un certain nombre d’informations devant obligatoirement figurer dans un bulletin de l’impôt et a trait au contenu formel des bulletins, étant relevé que c’est exclusivement sur le point 4. du paragraphe 211, alinéa (2) AO, à savoir l’indication dans le bulletin d’impôt des éléments sur lesquels l’imposition diffère, en défaveur du contribuable, par rapport aux déclarations déposées, sur lequel portent les critiques de la société demanderesse.

Le but de cette disposition consiste dans l’information effective du contribuable sur les points par rapport auxquels le bureau d’imposition n’a pas suivi les déclarations de celui-ci afin de lui permettre la sauvegarde de ses intérêts, mais ladite disposition ne consacre pas un formalisme comme une fin en soi.

En ce qui concerne la sanction d’une éventuelle inobservation de cette disposition, il convient de se référer au paragraphe 246, alinéa (3) AO, qui dispose que : « Fehlt in einem 5 Trib. adm., 8 septembre 2021, n° 44581 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

12Bescheid eine Rechtsmittelbelehrung oder ist sie unrichtig erteilt, so wird die Rechtsmittelfrist nicht in Lauf gesetzt. Dasselbe gilt für die in Absatz 2 von § 211 vorgesehenen Punkte. ».

La sanction d’une inobservation des exigences tenant au contenu formel d’un bulletin telles que prévues au paragraphe 211, alinéa (2) AO, en l’occurrence l’indication des points par rapport auxquels le bureau d’imposition n’a pas suivi les déclarations de la société “B”, consiste dès lors dans le fait que le délai légal de réclamation de trois mois ne commence pas à courir6.

En l’espèce, il échet tout d’abord au tribunal de constater que le bureau d’imposition a expressément indiqué sur le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, au titre des points sur lesquels l’imposition s’écarte de la déclaration d’impôt, que l’imposition est réalisée suivant l’article 169, paragraphe (1) LIR7, de sorte qu’il a informé la société “B” sur le fait que le bureau d’imposition l’a imposé sur le bénéfice net réalisé pendant la liquidation et non pas, tel que réclamé par celle-ci, à la fin de chaque exercice conformément à l’article 169, paragraphe (2) LIR8.

Force est ensuite de constater que le bulletin d’impôt sur le revenu des collectivités litigieux mentionne, par ailleurs, qu’il diffère de la déclaration fiscale en ce qu’il ne reprend pas la perte reportable de l’année 2014 telle que déclarée par la société “B”, tout en renvoyant sur ce point à son courrier du 26 septembre 2017, tel que repris in extenso ci-avant, par lequel le bureau d’imposition a informé la société “B” de son intention de ne pas accepter la perte reportable déclarée au titre de l’année 2014 en revoyant au bulletin de taxation d’office pour l’année fiscale 2014, émis le 1er mars 2017 à défaut de dépôt des déclarations fiscales afférentes. La circonstance que ce courrier est relatif à l’année d’imposition 2016 est sans incidence sur le fait que le bulletin litigieux a bien porté à la société “B” l’information de ce que la perte reportable déclarée au titre de l’année 2014 n’a pas été retenue par le bureau d’imposition conformément au paragraphe 211, alinéa (2) AO, point 4.

Il s’ensuit que la société demanderesse ne saurait, au regard des développements figurant dans sa requête introductive d’instance, affirmer être restée dans l’ignorance des points sur lesquels l’imposition a divergé par rapport à la déclaration fiscale.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017, pris ensemble avec le courrier du 26 septembre 2017, comportait une information suffisante quant aux points sur lesquels il a été dévié de sa déclaration fiscale pour que la société “B” ait pu assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, de sorte que c’est à tort que la société affirme que le délai de réclamation n’aurait, de ce fait, pas commencé à courir dès la notification du bulletin de l’impôt litigieux, en l’occurrence à partir du 2 novembre 2017.

Etant donné que, tel que retenu ci-avant, la réclamation litigieuse du 20 octobre 2017 a été introduite après l’expiration du délai de réclamation, sans qu’une cause ayant empêché ce délai à courir n’ait pu être vérifiée, partant en dehors du délai de trois mois prévu par le paragraphe 228 AO, lequel constitue un délai de forclusion en vertu du paragraphe 83, alinéa 6 Trib. adm., 10 juillet 2006, n° 19410 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°958 et l’autre référence y citée.

7 « Les organismes à caractère collectif dont la dissolution est survenue sont imposables sur le bénéfice net réalisé pendant leur liquidation. ».

8 « Toutefois, si des opérations de liquidation dépassent un délai de trois ans, il y aura imposition à la fin de chaque exercice. ».

13(2) AO, c’est à juste titre que le directeur a déclaré la réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 irrecevable ratione temporis.

Il suit des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours principal introduit au nom de la société “B” et aux noms des anciens actionnaires de la société “B” faute de qualité à agir ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation introduit au nom de la société “A” en sa qualité de liquidateur de la société “B” en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juin 2023 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46218
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-20;46218 ?

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