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14/06/2023 | LUXEMBOURG | N°46054

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2023, 46054


Tribunal administratif Numéro 46054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46054 1re chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 14 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée A, Luxembourg, contre des bulletins de l’impôt, un décompte et une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46054 du rôle et déposée le 25 mai 2021 au greffe d

u tribunal administratif par Maître Alex Pham, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr...

Tribunal administratif Numéro 46054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46054 1re chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 14 juin 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée A, Luxembourg, contre des bulletins de l’impôt, un décompte et une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46054 du rôle et déposée le 25 mai 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex Pham, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée A, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée auprès du Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 février 2021, 2) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, et 3) d’un décompte, tous émis en date du 26 août 2020 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 5 juillet 2021 inscrite sous le numéro 46096 du rôle rejetant la demande de la société à responsabilité limitée A, préqualifiée, tendant à voir instaurer un sursis à exécution de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 février 2021 relative à la réclamation introduite le 27 novembre 2020 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 26 août 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2021;

Vu le mémoire en réplique déposé le 12 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex Pham pour le compte de la société A, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2021 ;

Vu l’avis du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif du 17 décembre 2021 autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire limité à la prise de position par rapport (i) au motif nouveau invoqué par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique fondé sur le § 6 de la loi modifiée d’adaptation fiscale et (ii) aux motifs 1de rejet de l’étude B développés par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique, à l’exclusion des autres points abordés par Maître Alex Pham dans son courrier du 16 décembre 2021 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 15 février 2022 par Maître Alex Pham pour le compte de la société A, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alex Pham et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 janvier 2023.

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Le 27 juillet 2015, la société à responsabilité limitée A, ci-après la « société A », anciennement dénommé « société C », déposa sa déclaration fiscale relative à l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités résidentes pour l’année 2014 ; elle en fit de même en date du 21 avril 2016 en ce qui concerne l’exercice 2015.

En date du 12 août 2016, la société A sollicita, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limitée B, ci-après désignée par la « société B », auprès de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’«»administration », l’émission de bulletins d’impôt définitifs pour les années 2014 et 2015, demande qui fut, à défaut de réaction de l’administration, réitérée par courrier du 22 novembre 2016.

Par courrier du 1er décembre 2016, le bureau d’imposition Sociétés 5 de l’administration, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à la société A après examen de ses déclarations fiscales relatives aux années 2014 et 2015 sur le fondement des §§ 170 et 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », pour lui enjoindre de fournir un certain nombre de pièces et renseignements pour le 19 décembre 2016 au plus tard, la société B ayant transmis les informations et pièces demandées par courrier du 12 décembre 2016.

Par courrier recommandé du 1er juin 2017, la société A introduisit sa déclaration fiscale pour l’année 2016, tandis qu’elle déposa celle relative à l’année 2017 en date du 31 juillet 2018.

En date du 26 juin 2019, le bureau d’imposition émit les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2014, ainsi que de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015.

Par courrier du 22 juin 2020, le préposé du bureau d’imposition informa la société A qu’il envisagea de s’écarter des déclarations fiscales pour les années 2015, 2016 et 2017 sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO dans les termes suivants :

« Etant donné, qu’il n’existe aucune justification économique pour les paiements faits au profit de la société liée D, les dépenses suivantes ne sont pas admises :

* 2015 : … euros * 2016 : … euros 2* 2017 : … euros Traitement fiscal :

- Les montants sont ajoutés aux résultats déclarés », tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 15 juillet 2020 au plus tard :

Par courrier du 21 juillet 2020, réceptionné par le bureau d’imposition le lendemain, la société A contesta le redressement envisagé.

En date du 26 août 2020, le bureau d’imposition procéda au redressement envisagé et émit à l’égard de la société A des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 26 août 2020, avec la précision « Dépenses non admises : honoraires société liée : D ».

Par un courrier recommandé du 27 novembre 2020, la société A introduisit une réclamation contre les prédits bulletins d’impôt émis au titre des années 2015, 2016 et 2017 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par courrier du 27 janvier 2021, le directeur décida de procéder à une mise en état du dossier de la société A qui lui répondit par courrier du 9 février 2021.

Par décision du 24 février 2021, référencée sous le numéro C 28741 du rôle, le directeur déclara la prédite réclamation recevable mais non fondée, dans les termes suivants :

« Vu la requête introduite en date du 27 novembre 2020 par le sieur X, au nom de la société à responsabilité limitée A (anciennement société C), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017 ainsi que contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 26 août 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 27 janvier 2021 en vertu des §§243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO) et la réponse de la réclamante reçue le 9 février 2021;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254 alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

3Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déductibilité de charges considérées comme injustifiées ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

Du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 Considérant que d’après le § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé à sa charge ou conteste son assujettissement ; qu’étant donné que l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 a été fixé à … euro et que la réclamante ne prétend pas à la fixation d’une cote positive, la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018 est irrecevable pour défaut d’intérêt ;

Des bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016 et 2017 Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ; qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l’espèce notamment contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2016 et 2017 ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les réclamations dirigées contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016 et 2017 doivent être rejetées comme non fondées ;

Considérant que si le bulletin d’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa réformation entraîne d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin d’établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;

Des autres bulletins Quant au prétendu défaut de motivation Considérant que conformément au § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition a, en date du 22 juin 2020, dûment informé la réclamante de son intention de déroger à ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des années 2015 à 2017, au motif qu’il n’existe aucune justification économique aux paiements faits au profit de la société suisse D (SOCIÉTÉ D) de sorte à en refuser la déductibilité ;

Considérant que suite à cette information, la réclamante a obtenu un entretien avec le bureau d’imposition afin de présenter ses observations, qu’elle a ensuite communiquées par 4courrier daté du 21 juillet 2020 ; que le bureau d’imposition, après avoir analysé en détail les explications fournies par la réclamante, sans être convaincu de leur bien-fondé, a procédé à l’émission des bulletins en cause sur base des considérations lui communiquées au préalable ;

qu’il découle de ce qui précède que la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique de sorte que le moyen soulevé par la réclamante concernant un prétendu défaut de motivation est infondé ;

Quant au fond Considérant que le 23 juin 2014, SOCIÉTÉ D et la société de droit brésilien E, parties tierces liées ensemble par un accord de partenariat (joint venture), ont conclu avec la société allemande F un contrat de cession d’actifs (asset purchase agreement) ainsi qu’un contrat de distribution (distribution agreement) (les contrats principaux), les deux contrats étant relatifs à des ingrédients actifs pharmaceutiques ;

Considérant qu’au titre du contrat de cession d’actifs, Société F cédait les actifs tels que définis dans le contrat contre une rémunération correspondant à un pourcentage sur les ventes annuelles desdits produits variant de 0% à 5% suivant les marges réalisées et ce, pendant les 4 premières années suivant la conclusion du contrat ; qu’au titre du contrat de distribution, SOCIÉTÉ D et société E s’engageaient à distribuer certains actifs produits par Société F, cette dernière devant recevoir une commission (sales commission) fixée principalement à 25% calculée sur le montant ajusté des ventes de produits réalisées par les distributeurs et pouvant varier en fonction de certains facteurs et ce, jusqu’au 31 décembre 2017;

Considérant que la réclamante a été constituée le 11 juillet 2014 dans le cadre du partenariat (joint-venture) entre SOCIÉTÉ D et société E; que son objet social principal est la recherche, le développement, la production et la commercialisation de tous produits, méthodes, procédés, appareils et instruments dans le domaine pharmaceutique, médical, biologique, vétérinaire et biotechnologique ;

Considérant que les contrats principaux prévoyaient dès le départ leur transfert à la réclamante ; que cette dernière devait avoir le capital nécessaire pour exercer les fonctions prévues au contrat ; que les contrats contiennent en effet les dispositions suivantes :

«WHEREAS, in the interest of time SOCIÉTÉ D and Société C are in the process of registering a jointly owned company which will be called Société C and which will be duly registered under the laws of Luxembourg » et, selon la clause 15.7.2. du contrat de cession d’actifs et la clause 21.6.2. du contrat de distribution, « Buyer shall provide Seller with evidence that Société C is adequately capitalized and holds all necessary licenses required for the execution and performance of the transactions complemented by this Agreement and the Ancillary Agreements by no later than September 30, 2014 » ;

Considérant que le 13 août 2014, la réclamante a acquis l’intégralité du capital social de SOCIÉTÉ D à valeur nominale soit … euros ;

Considérant que le 5 septembre 2014, les droits et obligations de SOCIÉTÉ D au titre des contrats principaux ont été transférés, avec effet au 16 septembre 2014, à la réclamante par la conclusion d’un contrat de transfert (transfer agreement) conclu entre SOCIÉTÉ D et la réclamante, que le prix convenu pour le transfert des contrats principaux consistait en une 5rémunération annuelle variable en fonction du chiffre d’affaire réalisé par la réclamante comme suit (annexe A du contrat) :

« Based on the above, the annual variable remuneration payable by Société C to SOCIÉTÉ D Pharma is equal to the annual direct and indirect turnover generated by Société C on the commercialization of the Product Portfolio minus the costs of Société C to operate its business (cost of goods, administrative costs, internal costs) minus a third party remuneration for the risks and fonctions assumed by Société C which is hereby established as follows :

Société C shall retain an annual profit margin of 4% assessed on the gross turnover on the Product Portfolio (excluding VAT) for the commercial management services.»;

Considérant que le 17 septembre 2014, comme anticipé dans les contrats principaux, SOCIÉTÉ D et société E ont cédé, avec l’accord de Société F, tous leurs droits et obligations au titre des contrats principaux à la réclamante par la conclusion de deux contrats de cession (assignment agreements) ; qu’aucune rémunération n’était toutefois prévue au titre de ces deux contrats de cession ;

Considérant que le 20 novembre 2014, SOCIÉTÉ D et société E ont conclu avec Société F un contrat d’approvisionnement et de distribution exclusifs de certains produits pharmaceutiques (Exclusive Supply and Distribution Agreement - ESDA) ; qu’au titre de ce contrat, SOCIÉTÉ D et société E sont en droit d’acheter certains produits pharmaceutiques à Société F à un prix fixé d’avance qui sera toutefois ajusté, à la hausse ou à la baisse, en fonction du prix de vente effectivement obtenu sur lesdits produits ;

Considérant que le 23 novembre 2014, les droits et obligations de SOCIÉTÉ D au titre de l’ESDA ont été transférés à la réclamante par la conclusion d’un deuxième contrat de transfert (transfer agreement) conclu entre SOCIÉTÉ D et la réclamante aux mêmes conditions que le premier contrat de transfert, c’est-à-dire que le prix convenu pour le transfert de l’ESDA consistait en une rémunération annuelle variable en fonction du chiffre d’affaires réalisé par la réclamante (annexe A du contrat);

Considérant que le 27 novembre 2014, SOCIÉTÉ D et société E ont cédé, avec l’accord de Société F, tous leurs droits et obligations au titre de l’ESDA par la conclusion d’un nouveau contrat de cession (assignment agreement) ; qu’aucune rémunération n’était prévue au titre de ce contrat de cession ;

Considérant qu’il résulte des contrats mentionnés ci-dessus que la réclamante est redevable (1) des commissions/rétrocessions dues à Société F au titre des contrats principaux et de l’ESDA ainsi que (2) de la rémunération due à SOCIÉTÉ D au titre des deux contrats de transfert, de sorte à ce que la réclamante ne réalise, quelle que soit l’évolution de son chiffre d’affaires, qu’une marge brute de +/- 4% sur les activités visées ;

Considérant que le bureau d’imposition n’a pas admis les rémunérations payées à SOCIÉTÉ D au titre des contrats de transferts pour les exercices litigieux au motif qu’« il n’existe aucune justification économique pour les paiements faits. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 45, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise constituent des dépenses d’exploitation déductibles ;

6 Considérant qu’à l’appui de sa requête, la réclamante explique que les droits dérivés des contrats principaux et de l’ESDA ont été âprement négociés par SOCIÉTÉ D pendant plus d’une année avec la société F ; que dans le cadre de ces négociations, SOCIÉTÉ D a réussi à obtenir de nombreuses concessions de cette dernière en termes de réduction des risques en relation avec les activités prévues aux contrats, d’obtention de conditions financières favorables et d’accords d’exclusivité de sorte que SOCIÉTÉ D a « porté le risque entrepreneurial, a pris tous les risques et entrepris tous les efforts pour obtenir les Contrats à des conditions commerciales extrêmement favorables avec SOCIÉTÉ F, et devait donc obtenir une rémunération conforme au principe de pleine concurrence. C’est aux fins de répondre à cette obligation de rémunération de travail sous-jacent effectué par SOCIÉTÉ D (…) et afin de résoudre les défis de financement d’un paiement immédiat, d’allocation des risques entre les parties et la difficulté d’estimer la juste valeur des Actifs Incorporels (…) qu’un prix d’achat en forme d’une rémunération variable et différée a été mise en place dans le cadre du transfert des Actifs Incorporels. » ;

Considérant qu’afin de démontrer que la rémunération prévue au titre des contrats de transfert est conforme aux conditions du marché, la réclamante verse à l’appui de sa réclamation une étude de prix de transfert préparée par Arendt & Medernach le 16 janvier 2018 ;

Considérant qu’en substance, l’étude de prix de transfert soutient que, malgré le transfert des contrats principaux de SOCIÉTÉ D à la réclamante, l’obligation majeure en vertu des contrats principaux restent une obligation de SOCIÉTÉ D ; que l’expérience et le rôle joué par le sieur X, alors l’actionnaire de SOCIÉTÉ D au moment de la mise en place des opérations, permet de qualifier les fonctions qu’il exerce de fonctions humaines importantes (significant people fonctions) au sens du rapport de l’OCDE de 2010 sur l’attribution de bénéfices aux établissements stables (le rapport de l’OCDE de 2010), permettant de déterminer la propriété économique des actifs et la gestion des risques ; que SOCIÉTÉ D, par le biais du sieur X, a conduit et financé toutes les décisions stratégiques en conjonction avec les fonctions centrales;

qu’elle est également l’entité qui supporte à titre principal le risque lié aux transactions ; que sur base de cette approche, l’étude conclut que SOCIÉTÉ D est à considérer comme le propriétaire économique des actifs dans le cadre des activités de distribution et comme l’entité qui supporte à titre principal le risque entrepreneurial lié aux transactions intra-groupe (the main entrepreuneurial risk-taker to the inter-company transactions) ; qu’ainsi, la réclamante ne serait qu’un distributeur à risque limité (limited risk distributor) et uniquement propriétaire légal des actifs ; qu’à ce titre, une rémunération de routine (a routine remuneration) devrait être considérée comme suffisante pour la réclamante, le profit résiduel devant être alloué à SOCIÉTÉ D ;

Considérant que le concept de « fonctions humaines importantes » est issu du rapport de l’OCDE de 2010 en ce qui concerne l’allocation des profits aux établissements stables ; que l’identification des fonctions humaines importantes se fait dans le contexte de l’analyse fonctionnelle telle que prévue lors de la première étape de l’approche autorisée de l’OCDE ;

que cependant, lors de l’analyse fonctionnelle dans le cadre de l’analyse d’une transaction contrôlée entre entreprises associées, telle que préconisée dans le Chapitre I des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert (les Principes de l’OCDE), il y a notamment lieu d’identifier les risques supportés par chacune des parties à la transaction ; qu’en vertu de la section D.1.2.1. du Chapitre I des Principes, une analyse des risques se focalise sur le concept du « contrôle du risque » et il s’agit en effet de déterminer si une entité qui assume un 7certain risque peut le contrôler dans la mesure où elle peut, à côté des ressources financières pour assumer les conséquences de la matérialisation du risque, faire appel à des personnes ayant les capacités nécessaires de contrôler lesdits risques ;

Considérant que les éléments factuels relatifs aux fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par les différentes parties, sur lesquels repose l’étude de prix de transfert, sont néanmoins contredites par les pièces du dossier fiscal ;

Considérant que, de manière générale, un distributeur à risque limité exerce en principe des fonctions de vente de biens de manière limitée, pour le compte d’une autre entité, ne détient en général pas d’actifs incorporels et, comme son nom l’indique, assume des risques limités alors qu’un distributeur à part entière exerce des fonctions d’achat, de conservation et de vente, telles que la commercialisation et la vente, possède les actifs correspondants et assume les risques correspondants associés à ces fonctions et actifs ;

Considérant tout d’abord que selon l’étude de prix de transfert, les fonctions essentielles en relation avec les opérations de la réclamante sont majoritairement effectuées par SOCIÉTÉ D, par le biais du sieur X, ce qui justifierait l’allocation du profit résiduel à SOCIÉTÉ D;

Considérant qu’il ressort pourtant des faits de l’espèce que dès la constitution de la réclamante, le sieur X a été nommé gérant délégué à la gestion journalière de la réclamante ;

qu’en plus, le sieur X est salarié de la réclamante depuis octobre 2014 en tant que Chief Executive Officer ; que dans la mesure où les fonctions importantes sont celles exercées par le sieur X comme l’affirme la réclamante, ces fonctions ont été par conséquent nécessairement effectuées par la réclamante, au Luxembourg, dès sa constitution et non pas en Suisse au niveau de SOCIÉTÉ D ;

Considérant qu’une analyse des charges supportées par la réclamante au cours des exercices litigieux confirme l’ampleur des activités exercées par la requérante à Luxembourg alors que la requérante a subi près de … d’euros de charges d’exploitation pour l’exercice 2015 et près de … d’euros en 2016, dont des frais de marketing et de publicité, des participations à des foires et des réceptions ; qu’il apparait en outre que parmi ces charges figurent, pour près de … d’euros en 2015 et près de … d’euros en 2016, des frais de salaires et autres rémunérations ;

Considérant qu’en revanche du côté de SOCIÉTÉ D, les frais généraux pour les exercices litigieux sont extrêmement limités (de l’ordre d’environ … euros en 2015 et … en 2016) et ne font pas apparaitre de frais de salaires ou autres rémunérations ; qu’en tout état de cause, le sieur X affirme avoir cessé d’exercer des fonctions régulières chez SOCIÉTÉ D après que cette entité ait cédé ses actifs à SOCIÉTÉ D ;

Considérant ensuite que selon l’étude de prix de transfert, SOCIÉTÉ D serait l’entité qui supporte à titre principal le risque lié aux transactions ;

Considérant qu’il ressort cependant clairement des contrats de transfert précités que tous les risques liés aux contrats principaux et à l’ESDA ont été contractuellement transférés par SOCIÉTÉ D à la réclamante (articles 4.2 et 6.2 des contrats de transfert) ; que de telles clauses démontrent qu’il n’a jamais été dans l’intention des parties que SOCIÉTÉ D supporte le moindre risque ;

8 Considérant qu’aucun élément du dossier ne vient contredire ce transfert contractuel des risques à la réclamante ; que, contrairement à ce que prétend la réclamante, même si, en cas de défaut de la réclamante, les droits et obligations au titre des contrats principaux et de l’ESDA sont en principe automatiquement retournés aux cédants c’est-à-dire SOCIÉTÉ D et société E en vertu des contrats de cession (assignment agreements), ce retour automatique sera sans effet négatif pour SOCIÉTÉ D alors que l’article 6.2 des contrats de transferts protège SOCIÉTÉ D contre tout défaut de la réclamante au titre des mêmes contrats principaux et de l’ESDA ; que par contre, la société E, n’étant pas partie auxdits contrats de transfert mais uniquement aux contrats de cession (assignment agreements), ne bénéficie pas d’une telle protection et devra dès lors supporter seule les conséquences d’un éventuel défaut de la réclamante ;

Considérant que la réclamante ne fournit aucun élément probant justifiant non seulement d’un engagement de SOCIÉTÉ D à assumer les risques liés aux opérations ni non plus d’une prise en charge effective de tels risques après la constitution de la réclamante ; qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante dispose quant à elle des moyens appropriés notamment en termes de prise de décision et de capacité financière pour assumer et contrôler les risques liés à son activité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la réclamante n’agit pas en tant que simple distributeur à risque limité de sorte que l’étude de prix de transfert n’est pas applicable aux faits de l’espèce ;

Considérant, quant aux fonctions exercées et le rôle joué par SOCIÉTÉ D avant la constitution de la réclamante, que la réclamante aurait hérité des activités de négociation et plus généralement des fonctions, effectuées par SOCIÉTÉ D et société E à l’origine des opérations incluant la mise en place de la réclamante ; que ces fonctions ont été exercées tant par SOCIÉTÉ D que par société E ; qu’en application de ce partenariat, les parties ont d’ailleurs ainsi convenu de partager de manière parfaitement égalitaire tant le contrôle que les résultats de la réclamante alors que chacune des parties détient 50% des parts dans la requérante et sont toutes deux représentées au conseil de gérance ;

Considérant, pourtant, que malgré les fonctions exercées par E, aucune rémunération ni compensation n’a été prévue pour cette dernière au moment du transfert des droits et obligations des contrats principaux et de l’ESDA à la réclamante ; qu’E étant une partie tierce, elle n’aurait certainement pas renoncé à une rémunération qui lui serait économiquement due ; que cette absence de rémunération est de nature à démontrer que la rémunération perçue par SOCIÉTÉ D n’est pas économiquement justifiée ;

Considérant, en outre, que les contrats de transfert prévoient que la rémunération due à SOCIÉTÉ D, déterminée de telle façon que la réclamante conserve un profit résiduel de +/-

4%, le sera sans aucun terme, tant que la réclamante réalisera un chiffre d’affaires en relation avec les activités prévues aux contrats principaux et à l’ESDA (article 3.1 des contrats de transfert); qu’à titre de comparaison chacun des contrats principaux et de l’ESDA, qui sont conclus entre tiers, prévoit un terme fixe ; que cette absence de terme aux paiements dus à SOCIÉTÉ D est également de nature à démontrer le caractère injustifié de cette rémunération ;

9Considérant enfin que les compétences personnelles du sieur X ne peuvent pas être considérées comme un actif informel distinct et dès lors, seulement les contrats transférés peuvent le cas échéant constituer un actif incorporel susceptible d’être rémunéré ; qu’en tout état de cause les contrats principaux et l’ESDA ont été conclus avec Société F (donc un tiers) de sorte que les prix y contenus reflètent nécessairement la valeur de marché des actifs et droits transférés compte tenu des risques et des revenus escomptés au moment de la conclusion ;

qu’en outre, ces contrats avec Société F ont été conclus en vue de les transférer à la réclamante ; que dans tous les cas, un faible laps de temps s’est écoulé entre la signature du contrat et l’apport, respectivement la vente, à la réclamante qui continue à prendre en charge les paiements à société F ; que, dans ce contexte, il n’y a aucune indication qu’un paiement supplémentaire à SOCIÉTÉ D soit nécessaire ;

Considérant que les activités de négociation de contrat auraient pu être considérées comme un service à faible valeur ajouté réalisé par SOCIÉTÉ D pour la réclamante mais que la réclamante ne fait cependant état d’aucun frais encouru par SOCIÉTÉ D dans ce contexte ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne justifie pas la réalité économique des paiements versés à SOCIÉTÉ D ; qu’il y a lieu de constater que c’est à bon droit que le bureau d’imposition a considéré que les charges payées à SOCIÉTÉ D au titre des contrats de transfert ne constituent pas des dépenses d’exploitation déductibles au titre des années litigieuses et a redressé en conséquence ;

Quant au principe de confiance légitime Considérant que la réclamante considère, eu égard aux nombreux contacts ayant eu lieu entre elle et le bureau d’imposition, un changement brusque et imprévisible de son attitude constituant une violation du principe de confiance légitime ;

Considérant qu’une demande de décision anticipée dont l’objet était de voir accepter le principe de l’existence d’un apport caché sous la forme d’un goodwill a été introduite par la réclamante au bureau d’imposition le 22 juillet 2014; que cette demande a été rejetée par le préposé du bureau pour absence de base légale le 7 octobre 2014 ;

Considérant qu’après la mise en place d’une structure plus transparente dans les faits, la réclamante, ensemble avec ses conseillers de l’époque, a obtenu plusieurs rendez-vous avec le bureau d’imposition au cours desquels la réclamante soutient avoir obtenu l’accord verbal du préposé du bureau d’imposition sur la structure de transferts des contrats en échange d’un prix variable ainsi que l’accord verbal de la division économique sur le rapport de prix de transfert susmentionné ;

Considérant que force est de mettre en exergue que la réclamante est en défaut de verser de quelconques éléments de preuve à l’appui de ses affirmations, à l’exception des comptes rendus d’entretiens dressés par elle-même ou ses conseillers ;

Considérant, que l’instruction du dossier n’a pas révélé que le bureau ou la division économique auraient confirmé, ni oralement, ni sous forme écrite, la structure ou le rapport de prix de transfert ; qu’il apparait qu’un membre de la division économique avait même clairement informé la réclamante par e-mail du 15 juillet 2014 que « seul le préposé du bureau d’imposition compétent est habilité à statuer sur votre demande » ;

10Considérant que, même en supposant que la réclamante aurait effectivement eu l’aval oral d’un expert de la division économique, quod non, on peut valablement se poser la question de savoir pourquoi elle n’a pas soumis une seconde fois une demande de décision anticipée au bureau d’imposition ; qu’au cas où l’opération financière aurait effectivement été conforme aux textes légaux et réglementaires en vigueur, le bureau aurait approuvé la décision anticipée;

Considérant que la réclamante tâche ainsi de justifier un prétendu comportement erroné de la part du bureau d’imposition en ce qu’elle allègue notamment avoir obtenu confirmation du traitement fiscal, alors que ce n’aurait été qu’a posteriori que le bureau d’imposition aurait changé d’un moment à l’autre son attitude en rejetant le traitement fiscal préalablement accordé par voie orale ;

Considérant, en ce qui concerne le principe de confiance légitime, qu’il a été retenu à de maintes reprises que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse sont tenues d’honorer les expectatives ainsi créées ; qu’une réponse que l’administration des contributions directes aura donnée au contribuable liera celle-ci à ce dernier si des conditions déterminées sont réunies (Cour administrative du 27 juillet 2011, n° 28115) ; qu’en présence d’un accord fiscal « quatre critères sont à prendre en considération le contribuable doit d’abord avoir posé une question par écrit de façon à permettre à l’administration fiscale d’analyser convenablement la situation exposée par le contribuable ; le contribuable doit plus particulièrement avoir exposé clairement son cas et de façon complète, de sorte à mettre l’administration en état de se prononcer en pleine connaissance de cause ; la réponse individuelle fournie doit ensuite émaner d’un fonctionnaire compétent, ou à tout le moins d’un fonctionnaire dont le contribuable a légitimement pu croire qu’il était investi des pouvoirs suffisants ; l’administration doit encore avoir voulu se lier par les renseignements donnés au contribuable, c’est-à-dire que la réponse fournie l’aura été sans restrictions ni réserves ; enfin, les renseignements fournis par l’administration doivent avoir eu une influence déterminante sur le contribuable (Tribunal administratif du 17 décembre 2018, n° 40299) » ;

Considérant que faute d’existence d’une demande écrite, il ne saurait être question de violation des principes de la confiance légitime et de la sécurité juridique ;

Considérant que pour le surplus les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021, inscrite sous le numéro 46054 du rôle, la société A a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision précitée du directeur du 24 février 2021, 2) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, et 3) d’un décompte, tous émis le 26 août 2020.

Par requête déposée en date du 7 juin 2021, inscrite sous le numéro 46096 du rôle, la société A a encore fait introduire une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution de la décision précitée du directeur du 24 février 2021, requête qui fut déclarée non fondée par ordonnance du président du tribunal administratif du 5 juillet 2021.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours 11Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale précitée du 24 févier 2021.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité en la pure forme du recours, étant relevé que le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1.

S’agissant du volet du recours visant le décompte émis le 26 août 2020, force est de constater que celui-ci ne constitue ni un bulletin au sens du § 228 AO, ni une autre décision au sens du § 237 AO2, aux termes duquel le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’un recours hiérarchique formel conformément au renvoi de l’article 8, paragraphe (3), point 2. de la loi du 7 novembre 1996, à l’article 2, paragraphe (1) de la même loi.

Dès lors, le recours à l’encontre du décompte émis le 26 août 2020 est irrecevable.

Le tribunal relève, ensuite, qu’en vertu de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 1996, aux termes duquel « Lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du § 131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO ou une demande en application du § 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est à diriger contre la décision du directeur et est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre les bulletins d’impôt en question.

Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position par une décision du 24 février 2021 suite à la réclamation introduite en date du 27 novembre 2020, le recours dirigé directement contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis le 26 août 2020, est irrecevable.

1 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 14 juillet 2003, n° 15882 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1180 et les autres références y citées.

12En revanche, le recours principal en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 24 février 2021 est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant au fond A l’appui de son recours, la société demanderesse reprend en substance les faits et rétroactes repris ci-avant.

Pour le surplus, elle explique qu’une série d’actifs incorporels à haute valeur ajoutée aurait été créée par une société résidente suisse, la société anonyme D, ci-après désignée par la « société D ». La société D aurait non seulement identifié, mais également créé la stratégie de marché, ainsi que développé le concept et négocié à ses propres risques une série de contrats, au cours du dernier trimestre de l’année 2013 et des deux premiers trimestres de l’année 2014, avec une société pharmaceutique allemande dénommée F, ci-après désignée par la « société F ». La société F serait l’un des leaders mondiaux dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, la société demanderesse ajoutant que la société D et la société F auraient conclu plusieurs contrats.

La société demanderesse poursuit en expliquant qu’elle aurait été constituée en date du 11 juillet 2014, initialement sous la dénomination « Société C », par un dénommé X, ainsi que par la société à responsabilité limitée G, ensemble avec la société brésilienne E, ci-après désignée par la « société E », après la création desdits actifs incorporels afin qu’elle les exploite.

Monsieur X aurait développé et cultivé un réseau d’affaires avec des compagnies pharmaceutiques tout au long de sa carrière, et c’est dans ce contexte qu’il aurait, en janvier 2012, créé la société D laquelle rendrait des services de conseil en stratégie aux compagnies pharmaceutiques.

La société demanderesse indique que suite à sa constitution, elle aurait acheté les actifs incorporels à la société D tout en convenant avec cette dernière d’une rémunération différée et variable au motif qu’elle n’aurait pas eu les moyens de financer un prix d’achat, payé par avance, et qu’elle aurait souhaité maximiser ses chances d’exploiter ces actifs incorporels avec succès. Ce mécanisme de paiement aurait eu l’avantage de lui permettre de sécuriser sa propre situation, de couvrir ses coûts d’opérations, de lui garantir une marge de profit et, en dernier lieu, de donner une assurance à la société D de se faire payer au moyen de cette rémunération différée et variable.

La société demanderesse indique qu’elle aurait ensuite conclu deux contrats avec la société D qui reflèteraient cet accord et l’achat des actifs incorporels, de sorte que le transfert de ces actifs incorporels aurait effectivement été réalisé entre les parties.

Elle aurait toujours rempli ses obligations envers la société D et effectué le versement de la rémunération différée et variable tout au long des années 2015, 2016 et 2017 litigieuses.

L’intégralité de son activité aurait consisté en la distribution des produits sous-jacents à ces actifs incorporels et la quasi-totalité de ses revenus réalisés au cours de ces mêmes années aurait été générée par cette même activité, la société demanderesse ajoutant que sans ces actifs, elle n’aurait ni pu démarrer, ni exercer son activité commerciale au motif qu’aucun revenu n’aurait pu alors être réalisé.

13 L’administration aurait néanmoins rejeté en bloc, six ans plus tard, la déductibilité de la rémunération différée et variable, et l’aurait réintégrée à sa base imposable au motif que cette rémunération serait non-justifiée économiquement, partant non déductible. Le redressement en question s’élèverait à un montant total de … euros pour les années 2015, 2016 et 2017.

La société demanderesse explique ensuite plus particulièrement la création des actifs incorporels à haute valeur ajoutée par la société D.

En février 2012, la société D aurait noué de larges contacts et fourni des conseils en stratégie à la société F, tandis qu’en septembre 2013, la société D aurait, indépendamment de sa fonction de consultant, approché la société F avec une proposition non sollicitée d’acquérir un portefeuille d’ingrédients pharmaceutiques actifs, notamment produits à partir de matières premières végétales, la société demanderesse précisant que sa lettre d’intérêt non sollicitée aurait été envoyée à la société F le 19 septembre 2013. Elle ajoute que ces ingrédients pharmaceutiques actifs auraient été bien établis et génériques, et auraient été susceptibles de constituer un créneau prometteur.

Tout en rappelant que la société D aurait agi pour son propre compte et en dehors du cadre de son activité habituelle de conseil, et qu’elle aurait pris un risque entrepreneurial important, en investissant ses propres ressources et en appliquant son expertise, ses compétences, son réseau et son expérience, et ce pour son propre profit, la société demanderesse explique que le résultat d’une telle approche non sollicitée aurait été très incertain au motif qu’il aurait comporté un risque élevé que les négociations n’aboutissent pas à la conclusion d’un quelconque accord avec la société F. Si tel avait été le cas, la société D aurait perdu une année complète de revenus que son activité de consultant aurait pu lui apporter. Elle ajoute que la société D aurait, avant tout, pu risquer de perdre sa base de clientèle qui aurait alors été contrainte de faire appel à d’autres consultants pendant cette année d’interruption. Ce manque à gagner aurait donc pu conduire à l’arrêt définitif de l’activité de la société D.

Les négociations de la société D et de la société F auraient finalement abouti à la signature, en collaboration avec la société E, de trois contrats commerciaux, à savoir un « Asset Purchase Agreement » conclu le 23 juin 2014 entre la société F, en sa qualité de cédant, d’une part, et, la société D et la société E, en leur qualité de cessionnaires, d’autre part, tandis que les trois prédites sociétés auraient encore conclu un «»Distribution Agreement » le 23 juin 2014 et un « Exclusive Supply and Distribution Agreement » le 20 novembre 2014.

La société demanderesse poursuit en expliquant que de ces trois contrats dériverait une série de droits incorporels ou d’actifs incorporels qu’elle aurait ultérieurement achetés et qui auraient généré la quasi-totalité de ses revenus pendant la période 2015 à 2017.

Au cours de ces négociations, la société D aurait façonné les caractéristiques particulières et le potentiel de profit de ces actifs incorporels en ce qu’elle aurait sélectionné les bons actifs incorporels à inclure dans le portefeuille, sélectionné et défini les actifs incorporels permettant leur exploitation ultérieure avec un effort minimal, protégé légalement lesdits actifs incorporels en mettant en place des dispositions contractuelles appropriées, négocié des conditions économiquement extrêmement bénéfiques pour l’exploitation des actifs, et mis en place des mécanismes d’atténuation des risques contractuels.

14La société demanderesse poursuit en expliquant que si la société E avait fait partie des négociations dans la phase finale et lors de la signature des trois contrats commerciaux, seule la société D aurait fait tous les efforts d’investissement et assumé tous les risques, de sorte que la propriété économique des trois contrats aurait exclusivement appartenu à la société D. Elle précise que la société D serait également parvenue à obtenir des conditions extrêmement favorables, à savoir des prix d’achat très bas et fixes sur la durée des contrats avec des termes de paiements prolongés fixés à 150 jours, et ce avec pour seule contrepartie contractuelle de transférer la production des produits en question à un nouveau fabriquant, qu’elle aurait sélectionné en Inde.

Elle indique encore que dans le cadre du « Asset Purchase Agreement », la société F aurait cédé et transféré un ensemble d’actifs incorporels portant sur huit ingrédients pharmaceutiques actifs3. Le « Distribution Agreement », qui serait intrinsèquement lié au « Asset Purchase Agreement », aurait, quant à lui, eu pour but d’assurer l’approvisionnement continu des actifs durant toute la période de transition qui devait initialement se terminer le 31 décembre 2017, suivi d’une période d’environ deux ans couverte par les inventaires réalisés durant la période de transition. Ce contrat aurait prévu notamment une exclusivité mondiale quant aux droits de distribution des actifs incorporels sans limitation, l’obligation de remplir ses obligations de fourniture existante à court terme, l’engagement d’approvisionnement par la société F pour une période de transition à des prix d’achat fixes particulièrement bas avec une commission de vente variable différée, et des conditions de paiement extrêmement favorables, la société demanderesse précisant que ledit « Distribution Agreement » aurait encore couvert le support constant de l’équipe qualité de la société F, l’usage de la marque « F », ainsi que l’usage des autorisations réglementaires existantes détenues par la société F.

Quant au troisième contrat commercial, à savoir l’« Exclusive Supply and Distribution Agreement », il aurait prévu notamment une exclusivité mondiale quant aux droits de distribution d’un ingrédient pharmaceutique actif spécifique4 pour une durée de 7 ans sans limitation, une obligation de fourniture sur le long terme par la société F avec une garantie d’un volume minimum de fourniture de cet ingrédient à un prix extrêmement avantageux et des conditions de paiement très favorables. Il aurait également prévu le support de la société F pour cet ingrédient, son stockage gratuit par la société F jusqu’à fin 2016, l’usage de la marque, l’usage des autorisations réglementaires existantes pour ledit ingrédient, l’usage de la base de données de clients de cet ingrédient de la société F, ainsi que l’introduction par la société F à ces clients.

La société demanderesse rappelle ensuite les circonstances ayant abouti à la vente et au transfert effectif de ces actifs incorporels à son profit, dont notamment le fait que les actifs incorporels lui auraient été transférés au moyen de deux contrats de transfert distincts. Les actifs incorporels dérivant du « Asset Purchase Agreement » et du « Distribution Agreement » lui auraient été transférés par un premier contrat, intitulé « Transfer Agreement » le 5 septembre 2014, tandis que les actifs incorporels dérivant du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » l’auraient été à travers un contrat intitulé « Second Transfer Agreement » du 23 novembre 2014. Elle indique que la contrepartie de ces transferts aurait consisté en une rémunération différée dans le temps et en des paiements périodiques, et que ces paiements auraient été variables en fonction du chiffre d’affaires annuel qu’elle réaliserait.

3 …, …, …, …, …, …, … et ….

4 ….

15La société demanderesse précise que le mécanisme de paiement constitué par les rémunérations annuelles variables serait approprié et représenterait une compensation équitable et appropriée de la contribution de chaque partie à la valeur des actifs incorporels, que ce soit à leur création ou au cours du développement, de la négociation et de la signature des trois contrats commerciaux, pour ce qui serait de la société D, ou au cours de leur exploitation pour son propre cas.

Par la suite, pour faciliter la gouvernance et permettre son extension future à d’éventuelles nouvelles activités, la société demanderesse explique qu’elle se serait encore vue attribuer, en plus de son activité de distributeur, une fonction de société holding de tête de groupe, et qu’elle serait devenue la société mère de la société D.

En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les paiements du prix d’acquisition des actifs incorporels à la société D seraient intervenus, la société demanderesse fait valoir que sur la période couvrant les années 2015, 2016 et 2017, elle aurait payé un montant total de … euros à la société D au titre de la rémunération différée et variable due pour les actifs incorporels dérivant des trois contrats commerciaux. Les paiements du prix d’acquisition différé seraient la contrepartie légitime et justifiée de deux transactions portant sur le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement » par lesquels la société demanderesse aurait acquis un certain nombre d’actifs incorporels de la société D au cours de l’année 2014.

En ce qui concerne, finalement, les circonstances dans lesquelles son établissement au Luxembourg aurait été décidé, la société demanderesse explique que le cabinet d’avocats qu’elle aurait mandaté à l’époque aurait eu des contacts avec l’administration dans le cadre desquels il aurait été indiqué verbalement qu’en cas d’imposition des paiements dans le pays de destination, il n’y aurait aucun obstacle à la déduction au Luxembourg du paiement des rémunérations annuelles variables. Ledit cabinet d’avocats aurait alors adressé un courrier à l’administration en date du 18 décembre 2014 pour expliquer le projet envisagé et détailler notamment le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement » qu’elle aurait conclu avec la société D.

La société demanderesse poursuit en indiquant que sa base imposable à l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal tiendrait compte de la rémunération différée et variable qu’elle aurait versée à la société D, tel que cela ressortirait de sa déclaration fiscale pour l’année 2014 dont la rémunération déclarée s’élèverait à un montant de … euros, de sa déclaration fiscale relative à l’année 2015 qui indiquerait un montant de … euros, et de la déclaration fiscale pour l’année 2016 qui indiquerait, quant à elle, un montant de … euros.

Elle fait valoir qu’afin de documenter son dossier et démontrer que la rémunération différée et variable respecterait le principe de pleine concurrence, elle aurait produit une étude de prix de transfert qui aurait été préparée en date du 16 janvier 2018 par un autre cabinet d’avocats, à savoir la société anonyme Arendt & Medernach SA, ci-après désigné par « l’étude de prix de transfert 2018 ». L’étude de prix de transfert 2018 aurait été présentée à Monsieur Y de l’administration des Contributions Directes lequel aurait validé oralement la conformité de la méthodologie qui aurait été utilisée pour allouer les profits entre elle et la société D avec les principes de prix de transfert de l’Organisation de coopération et de développement, ci-après désignée par l’« OCDE », et la réglementation fiscale luxembourgeoise en la matière. Elle indique dans ce contexte que si l’étude de prix de transfert 2018 mentionnait certes qu’elle est en même temps la société holding et l’actionnaire de la société D, cette circonstance ne devrait 16pas avoir d’influence quant à la détermination de la rémunération de marché versée à la société D.

La société demanderesse ajoute qu’au cours du mois de mai de l’année 2021, une étude de prix de transfert qui serait plus compréhensible et mieux détaillée aurait été élaborée par la société B ayant sollicité l’émission de bulletins d’impôt définitif pour les années 2014 et 2015, ci-après désignée par l’« étude de prix de transfert 2021 ». L’étude de prix de transfert 2021 aurait annulé et remplacée l’étude de prix de transfert 2018.

Finalement, la société demanderesse indique qu’en date du 19 mai 2021, des demandes d’ouverture d’une procédure amiable sur base de la Convention entre la Confédération Suisse et le Grand-Duché de Luxembourg en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ci-après désignée par la « Convention de double imposition », auraient été introduites à la fois devant le ministère des Finances au Luxembourg et devant le Département Fédéral de Finance en Suisse.

La société demanderesse présente, ensuite, son argumentation en droit qui repose sur un défaut allégué de base légale de la décision directoriale déférée et, en substance, sur une violation alléguée par le directeur :

- du principe du contradictoire, du § 205, alinéa (3) AO, d’une rupture du principe d’égalité des armes et des droits de la défense, de l’article 6, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-

après désignée par la « CEDH », et du droit à un procès équitable, ainsi que de l’article 47 de la Charte et 13 de la CEDH ;

- du principe de confiance légitime et de la sécurité juridique ;

- du principe de liberté de gestion ;

- de l’article 45, alinéa (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967, ci-après désignée par la « LIR » ;

- de l’article 40 LIR ; et - du § 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, dénommée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ».

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal relève qu’il n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

A) Quant au moyen tiré d’une violation du principe du contradictoire, du § 205, alinéa (3) AO, d’une rupture du principe d’égalité des armes et des droits de la défense, de l’article 6, paragraphe (1) CEDH et du droit à un procès équitable, ainsi que de l’article 47 de la Charte et 13 de la CEDH Arguments des parties La société demanderesse reproche à l’administration d’avoir violé le principe du contradictoire, le principe d’un procès équitable et le principe des droits de la défense en se référant, d’une part, aux articles 6, paragraphe (1) et 13 de la CEDH et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par la « CourEDH », qui aurait notamment conclu à l’applicabilité de la CEDH à la procédure fiscale5, et, d’autre part, à 5 CourEDH, Chambaz c. Suisse, 5 juillet 2012, requête n° 11663/04 ; CourEDH, Bendenoun c. France, 24 février 1994, requête 12547/86 ; CourEDH, Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, requête 5100/71.

17l’article 47 de la Charte, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », à ce sujet6.

Elle soutient que pendant toute la durée de la procédure, la partie étatique aurait persisté à ne pas fournir les pièces les plus essentielles pour étayer son argumentation au motif que l’administration ne serait jamais parvenue à démontrer, à travers des preuves pertinentes, concrètes et tangibles, en quoi la rémunération payée à la société D n’aurait pas été justifiée économiquement. La société demanderesse précise qu’à défaut d’avoir pu prendre connaissance des éléments de preuve décisifs et des documents et faits pertinents ayant amené l’administration à opérer le redressement fiscal, elle n’aurait jamais été en mesure de les analyser utilement, ni de débattre contradictoirement avec la partie étatique.

Elle reproche à l’administration de ne lui avoir jamais fourni de fondement juridique valide pour remettre en cause son imposition, de sorte qu’elle ne se serait jamais trouvée sur un même pied d’égalité que la partie étatique, ce qui l’aurait placé dans une situation désavantageuse. La société demanderesse affirme que le principe des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du principe d’égalité des armes ferait partie intégrante des principes généraux du droit protégés par la Constitution.

Dans le même ordre d’idée, la société demanderesse s’empare d’un non-respect des dispositions du § 205, alinéa (3) AO dans la mesure où, comme l’administration aurait procédé à un redressement d’un montant global de … euros portant sur les années 2015, 2016 et 2017 et qu’il s’agirait d’une « wesentliche Abweichung », l’administration aurait dû lui fournir une motivation beaucoup plus étoffée en fait et en droit à la base de la décision de déroger aux déclarations de l’impôt sur le revenu.

Or, l’unique argument que l’administration aurait avancé pour justifier le refus de déductibilité des dépenses litigeuses porterait sur une absence de justification économique pour les paiements faits au profit de la société D. Elle ajoute que ses échanges avec des représentants de l’administration, dont la société demanderesse retrace la chronologie, auraient été insatisfaisants, de sorte qu’elle n’aurait pas reçu d’informations éclairées et précises sur les motifs réels des redressements, ni sur ce que l’administration voulait signifier par sa phrase laconique : « Il n’existe aucune justification économique ».

Un tel défaut de motivation et d’argumentation ne serait pas de nature à garantir effectivement le principe du contradictoire et à protéger les droits du contribuable, alors que le § 205, alinéa (3) AO et la jurisprudence y relative mettraient à charge de l’administration une obligation positive, la société demanderesse faisant encore valoir à ce sujet (i) que la brève référence à l’article 45, alinéa (1) LIR ne serait pas suffisante, (ii) que l’administration aurait en réalité tenté de fonder sa décision sur d’autres dispositions légales, (iii) qu’elle n’aurait pas indiqué la jurisprudence qui justifierait sa décision de redressement, et (iv) qu’aucune référence légale pertinente n’aurait été citée.

Comme elle n’aurait pas reçu d’informations éclairées et précises sur les motifs réels du refus de déduction, l’objectif poursuivi par le § 205, alinéa (3) AO, à savoir le dialogue contradictoire entre le contribuable et l’administration, qui serait une formalité substantielle, n’aurait pas été respecté en l’espèce.

6 CJUE, Varec SA c. État belge, 14 février 2008, C-450/06 ; CJUE, Commission c. Irlande, 2 décembre 2009, C-

89/08 ; CJUE, Europese Gemeenschap contre Otis NV e.a., 6 novembre 2012, C-199/11.

18 Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient en substance son argumentation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du moyen sous analyse.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater que le § 205, alinéa (3) AO dispose comme suit:

«“Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

La notion de « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable doit être interprétée de façon objective en ce sens qu’elle englobe toutes les hypothèses dans lesquelles le bureau d’imposition envisage de retenir un élément de droit ou de fait de nature à influer sur la décision d’imposition et qui s’écarte de la situation telle que déclarée par le contribuable, pourvu que cet élément soit de nature à affecter le principe d’imposabilité ou la cote d’impôt tels qu’envisagés par le § 232, alinéa (1) AO7.

Le droit du contribuable d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, doit être considéré comme un droit élémentaire face à l’administration, destiné à protéger les droits de la défense du contribuable. Dans l’hypothèse où la violation de ce droit est invoquée et prouvée devant le tribunal dans le cadre d’un recours ayant pour objet une cote d’impôt ou le principe d’imposabilité, elle entraîne l’annulation des bulletins d’impôt émis au terme de la procédure ainsi viciée8.

En l’espèce, le tribunal constate de prime abord qu’il n’est pas contesté que les redressements affectant la cote d’impôt de la société demanderesse revêtent un caractère substantiel (« wesentliche Abweichung »).

Il échet ensuite de relever que suite au dépôt des déclarations fiscales de la société demanderesse pour les années 2014 et 2015, la société B s’est adressée au bureau d’imposition en date du 12 août 2016 pour demander l’émission de bulletins d’impôt définitifs au titre des mêmes années. Le préposé du bureau d’imposition ayant procédé à la vérification des déclarations fiscales de la société demanderesse a sollicité, par courrier du 1er décembre 2016, des informations supplémentaires en application des dispositions du § 205 et 170 AO, que la société demanderesse a, de façon non contestée, fait parvenir à l’administration par courrier du 12 décembre 2016, tel que relevé ci-avant.

7 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 914 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 893 (1er volet) et les autres références y citées.

19 Suite au dépôt par la société demanderesse de sa déclaration fiscale pour l’année 2017, le préposé du bureau d’imposition a, dans une seconde étape, émis un courrier en application du § 205, alinéa (3) AO en date du 22 juin 2020 aux termes duquel la société demanderesse a été informée (i) qu’il serait dérogé à ses déclarations pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités résidentes au titre des années 2015, 2016 et 2017, au motif qu’il n’existerait aucune justification économique pour les paiements faits au profit de la société D, et (ii) qu’en conséquence, les dépenses d’un montant de … euros pour l’année 2015, … euros pour l’année 2016 et de … euros pour l’année 2017 ne seraient pas admises, de sorte qu’elles seraient rajoutées aux résultats déclarés de la société demanderesse, le bureau d’imposition ayant octroyé un délai de près de trois semaines, soit jusqu’au 15 juillet 2020, à la société demanderesse pour présenter des observations.

Dans ces conditions, le courrier du 22 juin 2020 doit être considéré comme répondant à suffisance aux exigences du § 205, alinéa (3) AO, le fait que l’indication de la motivation gisant à la base du redressement envisagé ne fournisse pas de plus amples informations, tel que le fondement juridique sur lequel s’est fondé le bureau d’imposition pour procéder au redressement envisagé, n’étant pas de nature à invalider ce constat, alors que le droit d’information et de prise de position du contribuable doit servir à informer ce dernier des éléments au sujet desquels le bureau d’imposition envisage de ne pas s’en tenir à sa déclaration – hypothèse vérifiée en l’espèce –, sans pour autant dériver en un formalisme excessif9.

Ce constat s’impose d’autant plus au regard du courrier de réponse de la société demanderesse transmis au bureau d’imposition en date du 21 juillet 2020 dans lequel elle a, après avoir rappelé le contexte historique des paiements litigieux, apporté son point de vue quant à la justification économique de ces paiements, ainsi qu’à leur déductibilité, en se référant expressément à l’article 45, alinéa (1) LIR, tout en joignant une présentation résumant sa position telle qu’elle aurait été exposée lors du rendez-vous avec le bureau d’imposition lequel aurait eu lieu le même jour.

D’ailleurs, la réalité de ce rendez-vous n’est pas contestée par le délégué du gouvernement et il ressort à cet égard d’un courrier électronique de Monsieur X, adressé le 21 juillet 2020 au préposé du bureau d’imposition avant la notification du courrier de réponse du même jour, qu’un entretien d’une heure s’est tenu entre Monsieur X et un membre du bureau d’imposition afin d’expliquer la prise de position de la société demanderesse et au cours duquel il aurait été convenu qu’une présentation qui résumerait cette prise de position serait jointe audit courrier « telle qu’exposée lors de [l’]entretien [de] ce matin ».

Il ressort encore d’un courrier électronique du 28 juillet 2020, soit antérieurement à l’émission des bulletins d’impôt litigieux datés du 26 août 2020, que le préposé du bureau d’imposition a vérifié les pièces lui transmises par la société demanderesse à l’appui de son courrier de réponse daté du 21 juillet 2020, et qu’il s’est adressé à Monsieur X pour obtenir la communication de documents supplémentaires, à savoir les déclarations fiscales et les comptes annuels de la société D pour les années 2012 à 2014, ainsi que les bulletins d’impôt émis par l’administration fiscale suisse pour les années 2012 à 2017, étant relevé qu’il n’est pas contesté que la société demanderesse a fait parvenir ces documents au bureau d’imposition.

9 Cour adm., 29 juillet 2010, n° 35536C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 909 (1er volet), et les autres références y citées.

20Le préposé du bureau d’imposition s’est encore adressé à la société demanderesse par courrier électronique du 21 août 2020 pour l’informer qu’après analyse des suppléments d’information et des pièces fournies, il n’envisageait pas de revenir sur sa décision communiquée à la société demanderesse le 22 juin 2020.

Loin de révéler une impossibilité pour la société demanderesse de comprendre le redressement envisagé, de faire valoir ses observations et d’avoir été placée dans une situation de désavantage par rapport à la partie étatique, le tribunal est amené à retenir que tant les éléments de réponse de la société demanderesse produits par elle dans son courrier de réponse du 21 juillet 2020 que les échanges de courriers électroniques subséquents révèlent un échange de points de vus écrits contradictoire entre l’administration et la société demanderesse sur les points litigieux, de sorte que la société n’est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire et le § 205, alinéa (3) AO auraient été violés, respectivement qu’une rupture du principe d’égalité des armes et de ses droits de la défense serait à constater, les contestations y afférentes étant dès lors à rejeter pour ne pas être fondées.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par la référence faite par la société demanderesse à l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH et au droit à un procès équitable, alors que cette disposition trouve application dans le cadre de contestations sur des droits et obligations de caractère civil et d’accusations en matière pénale qui sont traitées devant une instance judiciaire, mais non pas dans le cadre d’une procédure administrative dont l’objet est confiné à la fixation correcte de la dette d’impôt redue par une personne sur base des revenus effectivement réalisés, étant précisé qu’aucun élément d’accusation pénale n’est sous-jacent à une telle procédure qui, de plus, est de nature purement administrative et ne porte pas sur un droit civil10.

A cet égard, le tribunal relève encore qu’indépendamment de la question du caractère exhaustif de la motivation gisant à la base du redressement que la société demanderesse estime insuffisante, voire inexistante, la CEDH ne s’oppose pas à ce qu’une décision soit prise par une autorité ne satisfaisant pas aux exigences de son article 6, pourvue que la personne concernée puisse introduire un recours contre celle-ci devant un tribunal offrant toutes les garanties de cette disposition11, ce qui est, de façon non contestée, le cas en l’espèce.

Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par la référence faite aux articles 47 de la Charte, intitulé « Droits à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », et 13 de la CEDH, intitulé « Droit à un recours effectif », la société demanderesse ayant justement eu accès, à travers le dépôt du recours sous analyse, à une instance juridictionnelle pour se prononcer sur son recours contentieux contre la décision directoriale déférée et a fortiori sur le redressement fiscal dont il est question dans le courrier du bureau d’imposition émis en date du 22 juin 2020, de sorte que la société demanderesse n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée d’un recours effectif au sens de ces dispositions.

B) Quant au moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime et de la sécurité juridique 10 Cour adm., 29 juillet 2010, n° 25536C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 61 et les autres références y citées ; voir également en ce sens : Cour adm., 9 janvier 2018, n° 39755C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 58.

11 Trib. adm., 16 décembre 2015, n° 35846 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 27 (2e volet) et l’autre référence y citée.

21Arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse fait valoir que dès la première interaction avec les autorités luxembourgeoises, la société D se serait présentée de manière transparente en sa qualité de société de droit suisse qui allait être en possession d’actifs incorporels de valeur qui pourraient, le cas échéant, être exploités au Luxembourg par une société de distribution pharmaceutique.

Elle estime pertinent de rappeler que lorsque la société D aurait projeté d’établir une nouvelle société afin d’exploiter les actifs incorporels que cette dernière aurait créés, elle aurait commissionné une étude auprès d’un cabinet de conseil qui aurait envisagé quatre juridictions d’implémentations possibles, à savoir celle de la Suisse, des Pays-Bas, de l’Autriche et du Luxembourg.

La société demanderesse fait valoir qu’il serait indéniable que Monsieur X aurait été rassuré dans le choix de mettre en place une activité de distribution commerciale qui résulterait du transfert des actifs incorporels au sein d’une nouvelle société incorporée au Luxembourg par le biais d’échanges écrits et soutenus avec les représentants des différents organismes, notamment le ministère des Finances en la personne du directeur lui-même, ainsi que d’autres agents. Au cours desdits échanges aurait régné une atmosphère favorable à l’innovation, à l’entrepreneuriat et propice à l’investissement, la société demanderesse ajoutant qu’un accueil bienveillant aurait été réservé à Monsieur X pour l’encourager à choisir le Grand-Duché de Luxembourg pour y établir ladite activité de distribution.

La société demanderesse poursuit en expliquant que les échanges et entrevues avec le ministère des Finances et l’administration qui se seraient déroulés d’une manière positive auraient laissé entrevoir un développement pérenne de son activité au Luxembourg, ainsi qu’une certaine prévisibilité et sécurité juridique dont aurait nécessairement besoin tout entrepreneur avant de démarrer son activité. Elle poursuit en faisant valoir que ces éléments démontreraient qu’elle aurait, à raison, cru voir naître des expectatives et des attentes qui auraient été légitimes et raisonnables compte tenu des échanges qu’elle aurait eu. Ce serait en toute bonne foi qu’elle aurait fondé ses espoirs dans un avenir serein et profitable au Luxembourg.

Elle précise encore que comme Monsieur X aurait été parfaitement transparent et aurait partagé tous les détails pertinents, ce comportement initial de l’administration aurait été basé sur la pleine compréhension des détails pertinents de la structure telle qu’elle serait ultérieurement mise en œuvre.

La société demanderesse ajoute que la position bienveillante et « à bras ouvert » de l’administration se serait également poursuivie après sa constitution au Luxembourg et le début de l’exploitation des actifs incorporels. Elle affirme que l’administration aurait admis les paiements correspondants à la rémunération différée et variable au profit de la société D comme des dépenses professionnelles déductibles sans aucune objection, étant donné qu’elle n’aurait pas remis en cause ses déclarations fiscales relatives à l’année 2014. La société demanderesse s’insurge ensuite que six ans plus tard, au cours de l’année 2020, la position initiale que les autorités luxembourgeoises auraient constamment communiquée à Monsieur X dans toutes leurs interactions avant qu’il ne décide de la constitution de la société au Luxembourg et du transfert des actifs incorporels en vue de leur exploitation, aurait été remise en cause. Elle affirme que l’ensemble de sa structure sur laquelle reposerait toute son activité commerciale 22aurait été remise en question par l’administration, bien que cette dernière en aurait eu une connaissance détaillée et approfondie depuis l’année 2014. Tout en lui reprochant de s’écarter radicalement de sa position affichée initialement, la société demanderesse reproche à l’administration de mettre en doute la légitimité des paiements variables au profit de la société D.

Elle estime que ce revirement de l’administration, qui serait arbitraire et radical, ne serait pas conforme aux exigences légales de sécurité juridique auxquelles toute autorité publique étatique devrait pourtant satisfaire, et violerait les attentes légitimes créées sur lequelles elle aurait pu se fier, alors que le redressement en question impliquerait des montants d’impôts réclamés à hauteur de … euros. Ce redressement constituerait une volte-face brusque et violente qui mettrait fin à toute attente que la société aurait légitimement pu placer dans le chef de l’administration.

La société demanderesse en conclut que le principe de sécurité juridique dont proviendrait celui de la confiance légitime aurait été « tout bafoué ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen sous analyse.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève que s’il est investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond dans la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré12.

Le tribunal n’a en effet pas vocation à procéder de sa propre initiative à l’examen de la situation fiscale du contribuable sur base du dossier fiscal afférent. Il n’est pas appelé à faire œuvre d’administration par rapport à une situation générale donnée, mais à juger une décision administrative par rapport aux moyens lui opposés par un administré, quitte à réformer celle-ci en les points jugés illégaux ou erronés13.

En l’espèce, pour autant qu’en expliquant que l’administration aurait remis en cause, pour la première fois, la déduction d’un paiement dans son chef plus de six ans après le dépôt de sa déclaration fiscale pour l’année 2014, la société demanderesse a entendu exciper un moyen tiré de la prescription, le tribunal est amené à retenir, sur base des considérations qui précèdent, qu’il n’a pas à répondre à un moyen simplement suggéré, de sorte à devoir être écarté.

Le tribunal relève ensuite, d’une part, que la société demanderesse a allégué, en reprenant les faits et rétroactes, que son ancien mandataire ayant établi l’étude de prix de transfert 2018 aurait obtenu un accord oral de la part de Monsieur Y de l’administration, et, d’autre part, que la société demanderesse reproche essentiellement à l’administration d’avoir remis en cause la déduction dans son chef de paiements effectués au profit de la société D au mépris d’une attitude généralement accueillante dont aurait bénéficié Monsieur X dans le cadre 12 Trib. adm. 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 31 et les autres références y citées.

13 Trib. adm. 22 janvier 2015, n° 33372 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts n° 954 et les autres références y citées.

23du processus d’implémentation de son activité au Luxembourg, et d’échanges de correspondances avec l’administration.

A cet égard, il y a, tout d’abord, lieu de relever qu’en l’absence de règlementation spécifique, les conditions et la portée d’un accord préalable des autorités fiscales quant au traitement fiscal à réserver à certaines opérations qu’entend effectuer un contribuable peuvent être déterminées sur le fondement du principe général du droit de la confiance légitime et de la sécurité juridique14, sur lesquels se fonde la société demanderesse en l’occurrence.

C’est ce principe de confiance légitime qui protège l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’administration, en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement habituellement adopté par cette dernière ou à des engagements pris par elle15.

En cas d’existence d’une relation étroitement personnelle entre le contribuable et l’administration, notamment à l’occasion d’une demande de renseignements individuelle dans le cadre d’un cas d’imposition, le contribuable peut requérir de la part de l’autorité compétente ayant fourni, suite à cette demande, une réponse quant au traitement fiscal de la situation factuelle décrite dans la demande, le respect de ce « pré-comportement » objectif de la personne publique auquel il s’est raisonnablement fié, et la légitimité de sa confiance subjective peut être présumée et ce avec d’autant plus de force lorsqu’il existe des dispositions concrètes et objectives indéniablement prises dans la confiance. En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration fiscale aura donné, le cas échéant, au contribuable liera celle-ci à ce dernier si des conditions déterminées sont réunies16.

Ainsi, la jurisprudence a dégagé essentiellement quatre critères qui sont à prendre en considération :

- le contribuable doit d’abord avoir posé une question par écrit de façon à permettre à l’administration fiscale d’analyser convenablement la situation exposée par le contribuable, et avoir exposé clairement son cas et de façon complète, de sorte à mettre l’administration en état de se prononcer en pleine connaissance de cause ;

- la réponse individuelle fournie doit ensuite émaner d’un fonctionnaire compétent, ou à tout le moins d’un fonctionnaire dont le contribuable a légitimement pu croire qu’il était investi des pouvoirs suffisants ;

- l’administration doit avoir voulu se lier par les renseignements données au contribuable, c’est-à-dire que la réponse fournie l’aura été sans restrictions ni réserves ; et - les renseignements fournis par l’administration doivent avoir eu une influence déterminante sur le contribuable17.

En ce qui concerne en l’espèce la première condition, le tribunal constate qu’il ressort des éléments du dossier administratif que la société demanderesse a introduit une première demande de décision anticipée en date du 22 juillet 2014 dans laquelle la société demanderesse a sollicité, en substance, la confirmation de son imposition portant sur le principe de l’existence 14 Trib. adm., 23 mai 2016, n° 35703 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 890 et les autres références y citées.

15 Trib. adm., 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Lois et Règlements, n° 51 (1er volet) et les autres références y citées.

16 Cour adm., 12 juillet 2016, n° 37448C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 27 et l’autre référence y citée.

17 Cour adm., 12 juillet 2016, n° 37448C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 27 et l’autre référence y citée.

24d’un apport caché sous la forme d’un goodwill et de son amortissement subséquent, mais qu’elle s’est néanmoins vu notifier une décision expresse de rejet par le préposé du bureau d’imposition en date du 7 octobre 2014, dans les termes suivants : « A défaut de base légale je ne suis pas en mesure de marquer mon accord quant à votre interprétation des conséquences fiscales découlant du projet développé dans votre lettre du 22 juillet 2014 ».

D’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, la société demanderesse aurait alors mis en place une « structure plus transparente dans les faits » consistant à procéder aux « transferts des contrats en échange d’un prix variable » sur base d’un rapport de prix de transfert, et c’est au sujet de cette nouvelle structuration de son activité – litigieuse en l’espèce – que la société demanderesse fait valoir, de l’entendement du tribunal, qu’elle aurait obtenu un accord oral de la part de l’administration.

Il se dégage des explications de la société demanderesse que cette nouvelle structuration aurait été présentée à l’administration par un courrier recommandé adressé par l’avocat de l’époque de la société demanderesse à l’attention du préposé du bureau d’imposition en date du 18 décembre 2014.

A cet égard, le tribunal relève de prime abord que par une loi du 19 décembre 2014, entrée en vigueur le 1er janvier 201518, le législateur a introduit un § 29a AO, qui n’est toutefois pas applicable en l’espèce, étant donné que le courrier du 18 décembre 2014 a été adressé à l’administration avant l’entrée en vigueur dudit § 29a AO. Pour les mêmes motifs, le règlement grand-ducal d’exécution du 23 décembre 2014 n’est pas non plus applicable en l’espèce19.

Il s’ensuit que les critères dégagés par la jurisprudence et repris ci-avant sont applicables en l’espèce.

Force est au tribunal de constater que le cas d’imposition de la société demanderesse portant sur la nouvelle et actuelle structuration de son activité litigieuse a été exposé de façon détaillée dans ledit courrier du 18 décembre 2014.

En effet, il y est notamment précisé que « […] For [the Transfer Agreement] and second [Transfer Agreement] [SOCIÉTÉ D] and [Société A] have agreed to apply no purchase price payable upfront for the transfer of the underlying contracts, but that a variable remuneration is payable to [SOCIÉTÉ D] that is a function of the turnover generated by [Société A] with the licensed products, hereafter referred to as the “Variable Remuneration", for as long as [Société A] is generating turnover with the licensed products.

The Variable Remuneration payments have been set following an advance pricing agreement report at a level consistent with those between uncontrolled parties in similar circumstances, as defined in the Organization for Economic Co-operation and Development’s Transfer Pricing Guidelines for Multinational Enterprises.

In particular and in order to establish the remuneration to be generated by [Société A], 18 Voir articles 4 et 41 de la loi du 19 décembre 2014 relative à la mise en œuvre du paquet d’avenir – première partie (2015), publiée au Mémorial A255 le 24 décembre 2014.

19 Voir article 12 du règlement grand-ducal du 23 décembre 2014 : « Le présent règlement est applicable pour les demandes de décision anticipée introduites à partir du 1er janvier 2015.

Les demandes de décision anticipée introduites et en cours de traitement au 1er janvier 2015 sont transmises de plein droit et sans autre forme de procédure à la CDA et examinées suivant les conditions et d'après les règles prévues aux articles 1 à 7. ».

25the functions and risks of [Société A] in the value chain have been analyzed. Appropriate third party profit indicators have been chosen, as detailed below.

The most appropriate method for evaluating the commercial management services is the Transactional Net Margin Method using operating margin as a reliable profit level indicator. Companies engaged in the commercialization and distribution of pharmaceutical products were most comparable to [Société A]’s commercial management services.

Based on the above, the annual variable remuneration payable by [Société A] to [SOCIÉTÉ D] is equal to the annual direct and indirect turnover generated by [Société A] on the commercialization of the licensed products minus the costs of [Société A] to operate its business (cost of goods, administrative costs, internal costs ect…) minus a third party remuneration for the risks and functions assumed by [Société A] which is hereby established as follows, [Société A] shall retain an annual profit margin of 4% assessed on the gross turnover on the licensed products (excluding VAT) for its services. […] ».

Ledit courrier contient, par ailleurs, en annexe le « Transfer Agreement », le « Second Transfer Agreement », un « Advance Pricing Agreement Report », ainsi qu’un « Group structure ».

Dans ces conditions, le tribunal retient que la première condition décrite ci-dessus et tenant à l’exposé clair du cas d’imposition se trouve vérifiée et que c’est à tort que le délégué du gouvernement fait valoir qu’aucune nouvelle demande de décision anticipée aurait été introduite, ce constat s’imposant d’autant plus au regard du fait que ledit courrier du 18 décembre 2014 est adressé à l’attention du préposé du bureau d’imposition.

S’agissant des conditions tenant à la volonté de l’administration de se lier, respectivement tenant au fait qu’un fonctionnaire compétent aurait fourni une réponse individuelle favorable à la société demanderesse, force est au tribunal de constater que la société demanderesse n’allègue pas avoir obtenu une réponse positive écrite de l’administration, mais qu’elle fait valoir qu’elle aurait, en substance, obtenu, par l’intermédiaire de son ancien mandataire, un accord oral au cours, respectivement à la suite d’échanges et de réunions avec l’administration.

A cet égard, le tribunal relève tout d’abord qu’il ressort de deux courriers électroniques datés du 12 juin 2014, soit avant l’introduction de la première demande de décision anticipée du 22 juillet 2014, ainsi que du courrier sous analyse du 18 décembre 2014, que Monsieur X a été mis en contact avec le ministère des Finances en la personne de son directeur de la Fiscalité, actuellement directeur de l’administration de Contributions directes, et avec l’Agence nationale pour la promotion de l’innovation et de la recherche, appelée « Luxinnovation GIE », Il ressort également du courrier électronique prémentionné du 12 juin 2014 que Monsieur X a confié au directeur de la Fiscalité du ministère Finances, d’une part, que son projet allait (« will have ») sans aucun doute (« beyond any doubt ») avoir de la « substance », que les rescrits fiscaux qu’il avait l’intention de déposer auprès du ministre des Finances étaient limpides (« straightforward ») en ce qu’ils tablaient sur un impôt sur le revenu des collectivités réduit avec comme résultat une charge fiscale de 5%, et qu’il s’était vu indiquer (« we were told ») que ces rescrits seraient acceptés avec une probabilité de 95%, et, d’autre part, qu’il était personnellement enclin à faire tout son possible pour maintenir son projet au Luxembourg au regard de l’environnement professionnel qu’il trouvait de plus en plus attractif.

26 Il ressort en ressort encore que Monsieur X a indiqué au directeur de la Fiscalité du ministère des Finances que le simple fait qu’il lui était possible de communiquer directement avec lui était « for us a very positive sign ».

De son côté, le directeur de la Fiscalité du ministère des Finances a répondu à Monsieur X le lendemain par courrier électronique dans les termes suivants : « First of all, I would like to thank [you] for having taken the initiative to discuss with us. […]. Since i am personnaly not aware of your specific case, I would suggest you contact Mr […] (tel […]) from the Direct Tax Administration (in cc) in order to have certainty and comfort on your specific dossier. ».

Si le tribunal peut, dans une certaine mesure, concevoir que ces échanges aient incité la société demanderesse, à travers Monsieur X, à mettre en place son projet au Luxembourg au regard d’un premier écho a priori favorable obtenu de la part de diverses personnes et organes, il n’en reste pas moins, que ces échanges avec l’administration et le ministère des Finances portaient sur la structure au sujet de laquelle la société demanderesse s’est vue par la suite, de façon non contestée, notifier une décision de refus par le préposé du bureau d’imposition en date du 7 octobre 2014, tel que relevé ci-avant, de sorte que la société demanderesse n’est actuellement pas fondée à tirer de ce premier écho a priori favorable l’existence d’un accord dit oral de la part de l’administration par rapport à sa nouvelle structure litigieuse en l’espèce.

Force est ensuite au tribunal de constater qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que l’administration aurait fourni un accord dit oral à la société demanderesse par rapport à la structuration de son activité au Luxembourg au sujet de laquelle certaines dépenses n’ont pas été admises en déduction.

Le tribunal constate certes que la position actuellement défendue par l’administration puisse avoir engendré une certaine incompréhension dans le chef la société demanderesse, alors que la lecture de certains éléments du dossier administratif soumis à l’appréciation du tribunal et plus particulièrement des courriers électroniques internes à l’administration incluant le directeur et divers chefs de divisons impliquées, après l’introduction de la réclamation de la société demanderesse le 27 novembre 2020, est révélateur d’une attitude à tout le moins divergente de celle adoptée par d’autres autorités, personnes et organes impliquées, tels que Luxinnovation GIE, le directeur général de la Chambre de commerce, le directeur de la Fiscalité du ministère des Finances, lors de la phase d’implémentation de l’activité économique de la société demanderesse au Luxembourg. Toutefois, précisément en raison de ces attitudes divergentes, il n’a pas su naître, dans le chef de la société demanderesse, une confiance légitime que sa nouvelle structure d’exploitation aurait été, en tant que telle, acceptée, respectivement que l’administration aurait fait transparaître une volonté de se lier.

En l’état actuel du dossier, le tribunal ne peut que conclure que la société demanderesse est restée en défaut de rapporter la preuve de l’existence d’une volonté de l’administration de se lier par un quelconque accord en ce qui concerne sa structure d’exploitation mise en place après la décision de refus lui opposée le 7 octobre 2014, de sorte que le troisième critère décrit ci-dessous n’est pas rempli en l’espèce.

Pour la même raison, la société demanderesse n’a pas pu supposer que sa nouvelle structure d’exploitation aurait été acceptée par un fonctionnaire compétent, étant précisé qu’il n’est pas contesté que ni Luxinnovation GIE, ni le directeur de la Fiscalité du ministère des Finances ne sont compétents ratione materiae pour accepter ou refuser une demande de 27décision anticipée ou confirmer une imposition spécifique. Dès lors, le deuxième critère selon lequel la réponse individuelle doit émaner d’un fonctionnaire compétent, ou à tout le moins d’un fonctionnaire dont le contribuable a légitimement pu croire qu’il était investi des pouvoirs suffisants, n’est pas non plus rempli en l’espèce.

L’examen du dernier critère dégagé par la jurisprudence précitée – à propos duquel la société demanderesse n’a, par ailleurs, présenté aucun développement, est, quant à lui, dès lors surabondant.

En conséquence, les moyens relatifs à une violation alléguée du principe de confiance légitime et de sécurité juridique sont à rejeter pour ne pas être fondés.

C) Quant à une violation alléguée des articles 40 et 45 LIR, ainsi que du principe de liberté de gestion Arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse fait d’abord valoir que les paiements de la rémunération différée et variable à la société D seraient à qualifier de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Tout en citant des extraits de la jurisprudence des juridictions administratives par rapport aux conditions d’application de l’article 45 LIR, dont il ressortirait que serait admis en déduction, la dépense qui servirait à l’intérêt exclusif de la société, serait provoquée ou causée par l’activité de la société et contribuerait à la réalisation de revenus passés, présents ou futurs de la société, et que le contribuable serait le seul juge de l’opportunité d’une telle dépense, la société demanderesse reproche au directeur d’avoir ajouté une condition à la loi en exigeant, pour être admis en déduction, que la dépense en question soit, en outre, économiquement justifiée, condition qui ne serait pas requise par la jurisprudence.

Dans ce contexte, la société demanderesse invoque l’article 99 de la Constitution pour affirmer que la loi fiscale serait d’interprétation stricte et que tout raisonnement par analogie ou tout ajout à la loi serait à exclure.

Elle estime que l’administration ne serait dès lors pas fondée à refuser la déduction de la rémunération différée et variable qu’elle aurait versée à la société D au motif que ces dépenses ne seraient pas économiquement justifiées.

La société demanderesse ajoute qu’elle remplirait les autres conditions prévues à l’article 45 LIR. A ce sujet, elle explique qu’elle aurait agi comme un distributeur d’ingrédients pharmaceutiques actifs liés aux trois contrats commerciaux. Pour les distribuer, il aurait été primordial pour la société demanderesse de pouvoir accéder à ces ingrédients en exclusivité.

Un tel accès n’aurait été possible que grâce à l’existence des actifs incorporels, en particulier, à l’exclusivité mondiale accordée à la distribution desdits ingrédients pharmaceutiques actifs.

La société demanderesse fait valoir que compte tenu de cette activité de distribution, il aurait été logique et indispensable pour elle d’acheter ces actifs incorporels qui résulteraient des trois contrats commerciaux et de payer le prix d’acquisition y relatif à travers la rémunération différée et variable conformément aux stipulations prévues dans le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement, la société demanderesse faisant valoir que tout serait légal et officiel.

28 Elle ajoute que ce serait grâce aux dépenses constituées par la rémunération différée et variable versée à la société D pour acquérir les actifs incorporels qu’elle aurait, dans un premier temps, pu exercer son activité pour, ensuite, réaliser des profits au cours des années 2015 à 2017. Il serait dès lors indéniable que cette rémunération différée et variable constituerait une dépense occasionnée exclusivement pour ses besoins et son activité commerciale et qu’une telle dépense serait en rapport direct avec la réalisation de ses revenus.

La société demanderesse ajoute que le refus de déduction serait en l’espèce constitutif d’une atteinte au principe de liberté de gestion dont elle jouit en tant que contribuable.

Elle poursuit en expliquant que les paiements constitués de la rémunération différée et variable auraient été régulièrement comptabilisés dans son compte de profits et pertes au cours des années 2015, 2016 et 2017 et que ces charges n’auraient pas été remises en question par le réviseur d’entreprise qui aurait été chargé d’auditer ses comptes annuels pour les années concernées. Dans ce contexte, la société demanderesse invoque les dispositions de l’article 40, alinéa (1) LIR et des extraits de la jurisprudence des juridictions administratives y relatives, pour en tirer la conclusion que dès lors que les dépenses liées à la rémunération différée et variable auraient été comptabilisées en tant que charge et admises comme telles en déduction de son résultat comptable par le réviseur d’entreprise, ces mêmes dépenses ne sauraient, en l’absence de disposition fiscale particulière, être rejetées pour les besoins fiscaux sur le fondement de l’article 45 LIR. La société demanderesse en conclut que ce serait à tort que leur déduction aurait été refusée et que le bureau d’imposition aurait procédé à la réintégration de ces dépenses dans sa base imposable.

La société demanderesse affirme que si par impossible les justifications économiques devaient être considérées comme un critère conditionnant la déduction des dépenses d’exploitation, bien qu’une telle condition ne serait pas prévue par l’article 45, alinéa (1) LIR, il incomberait à l’administration de rapporter la preuve de l’absence de justifications économiques de la rémunération différée et variable conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », preuve qui ferait défaut en l’espèce.

Elle soutient qu’en imposant la condition d’une justification économique aux dispositions de l’article 45 LIR, le directeur aurait méconnu la conclusion de la Cour administrative qui aurait retenu dans un arrêt du 6 juillet 2017, inscrit sous le numéro 38221C du rôle, que de simples contestations de la partie étatique quant à la réalité économique d’une opération seraient insuffisantes, bien qu’une telle opération ait eu pour seul objectif une optimisation fiscale.

La société demanderesse ajoute que l’administration aurait échoué dans sa tentative de démontrer que la rémunération différée et variable payée à la société D n’aurait pas été économiquement justifiée. Elle considère que les griefs de la partie étatique concernant le prétendu manque de ressources de la société D et l’absence de risque pris par cette dernière ne constitueraient pas des éléments tangibles et concrets pour démontrer une absence de justification économique de ladite rémunération annuelle versée à la société D.

La société demanderesse rejette les développements de l’administration qui auraient consisté à établir un parallèle entre les modalités de rémunération qu’elle aurait pratiquées avec 29la société D et celles existant dans les rapports avec des sociétés tierces en argumentant qu’en raison de leur caractère non abouti et de leur portée réduite, ces éléments ne seraient pas de nature à constituer une étude de comparabilité et encore moins une étude de prix de transfert susceptibles d’invalider la rémunération annuelle versée à la société D.

Elle considère que les développements de l’administration seraient un moyen détourné de l’administration pour, d’une part, aboutir à une application des dispositions de la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, ci-après désignée par la « directive 2016/1164 », telle que modifiée par la directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers, ci-après désignée par la « directive 2017/952 », qui n’auraient pourtant pas été en vigueur au cours des années 2015, 2016 et 2017 litigieuses, et, d’autre part, invoquer l’existence d’un abus de droit au sens des dispositions du § 6 StAnpG, dont l’administration aurait pourtant la charge de la preuve, preuve qui ne serait pas rapportée en l’espèce, la société demanderesse se référant à un arrêt de la Cour administrative du 16 février 2016, inscrit sous le numéro 35978C du rôle à cet égard.

A l’inverse, la société demanderesse estime avoir elle-même apporté à suffisance des preuves de la réalité économique de la rémunération annuelle versée à la société D et se réfère à ce sujet aux informations et à la documentation qu’elle aurait communiquées en toute transparence et en toute bonne foi à l’administration tout au long de leurs nombreux échanges dont les premiers remonteraient à l’année 2014.

Tout en rappelant que la charge de la preuve de la réalité économique de la rémunération annuelle versée à la société D incomberait à l’administration conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, la société demanderesse explique que la valeur des contributions au développement, à l’amélioration, à l’entretien, à la protection et à l’exploitation des actifs incorporels varierait en fonction des faits et des circonstances particulières à la transaction considérée et que toutes les parties concernées devraient percevoir une rémunération appropriée pour toutes les fonctions qu’elles exerceraient, les actifs qu’elles utiliseraient et les risques qu’elles assumeraient. Compte tenu du rôle central que la société D aurait joué lors de la création desdits actifs incorporels et dans la mise en œuvre de mécanismes appropriés de contrôle des risques, la société D devrait bénéficier d’une compensation adéquate et proportionnelle à sa contribution dans la valeur des ingrédients pharmaceutiques actifs, ce qui expliquerait le paiement variable différé et variable du prix d’achat.

La société demanderesse expose ensuite, par rapport au choix de la forme du paiement pour le transfert des ingrédients pharmaceutiques actifs, qu’il serait courant et approprié que les parties s’entendent sur les paiements d’ingrédients pharmaceutiques actifs sous la forme de versements périodiques. Il en serait de même de la contrepartie de l’acquisition des actifs incorporels qui pourrait prendre la forme de paiements variables calculés en fonction du chiffre d’affaires ou d’autres indicateurs générés par l’utilisation de ces actifs incorporels. Un accord sur un prix d’achat variable et différé serait donc légal, approprié au cas d’espèce et conforme à la pratique courante du marché.

Elle fait valoir, par ailleurs, que les parties auraient eu des raisons très spécifiques et valables de choisir cette forme de rémunération au motif que les actifs incorporels auraient eu une valeur économique importante, bien que leur évaluation exacte aurait été difficile à déterminer. Or, en tant que société nouvellement créée avec un capital social de seulement … 30euros, la société demanderesse explique qu’elle n’aurait pas eu, au regard de la valeur économique des actifs incorporels, les fonds nécessaires pour verser à la société D une compensation équitable sous la forme d’un paiement immédiat unique au moment du transfert des actifs incorporels.

La société demanderesse ajoute que son activité de distribution aurait de fait été préfinancée par la société D suite à son accord aux paiements échelonnés, ce qui aurait été constitutif d’un risque supplémentaire pour cette dernière pendant la durée d’exploitation des actifs incorporels.

Pour le surplus, la société demanderesse expose les raisons commerciales ayant justifié de recourir au mécanisme d’une rémunération variable qui aurait été lié au chiffre d’affaire réel réalisé par l’exploitation des actifs incorporels à travers l’activité de distribution des actifs pharmaceutiques actifs sous-jacents.

La première raison commerciale aurait résidé dans la difficulté à valoriser les actifs incorporels qui auraient certes eu une valeur économique importante, mais dont les avantages futurs auraient été incertains et accompagnés de risques. Étant donné la nouveauté de l’activité et l’impact de l’arrêt de l’activité par la société F, il n’aurait pas été possible pour les parties d’évaluer les actifs incorporels avec un niveau d’exactitude suffisant. La société demanderesse explique que pour résoudre ce problème, les parties auraient choisi de convenir d’un mécanisme de rémunération variable en fonction du chiffre d’affaires généré par les actifs incorporels afin de garantir la valorisation la plus équitable et la plus précise, reflétant au mieux la réalité économique.

La deuxième raison commerciale du choix de ce mécanisme de rémunération variable aurait résidé dans la répartition des risques entre les parties. La société demanderesse indique que l’exploitation des ingrédients pharmaceutiques actifs aurait comporté des risques et qu’en acceptant un tel mécanisme de rémunération variable, la société D aurait décidé d’assumer effectivement une part significative de ces risques. Il se serait agi d’une décision prise par les parties.

Elle estime que selon le principe communément admis en droit fiscal de la liberté de gestion des contribuables, la manière dont les parties voudraient répartir les risques serait une décision de gestion qui devrait être laissée à la libre appréciation des parties et qui ne pourrait être contestée ou remise en question par l’administration.

La société demanderesse donne à considérer que les paiements des rémunérations variables et différés auxquels elle aurait procédé au profit de la société D n’auraient dès lors ni été facultatifs, ni dépendants de sa volonté. Le respect de ses obligations contractuelles envers la société D serait indiscutablement une raison commerciale valable pour effectuer ces paiements différés du prix d’achat à destination de la société D. Elle en conclut que ses obligations contractuelles de paiement envers la société D auraient été économiquement justifiées.

Suite à l’acquisition des actifs incorporels, la société demanderesse explique qu’elle se serait concentrée sur leur exploitation, exploitation qui aurait créé la totalité de ses revenus sur la période 2015 à 2017. Cette exploitation aurait consisté à remplir le rôle d’un distributeur dont le risque serait limité. La valeur économique inhérente aux actifs incorporels créée par la société D lui aurait permis de générer un chiffre d’affaires considérable et profitable, bien au-delà de 31la moyenne des sociétés comparables.

Au cours de l’année 2015, la société demanderesse explique que son effectif n’aurait compté que 6 employés liés à ses fonctions clés de distributeur, 2 personnes chargées du service clientèle, 1 personne chargée du développement commercial, 1 personne chargée de la logistique et 1 personne chargée de la qualité/des affaires réglementaires. Aucun membre de son personnel n’aurait été spécialisé dans le domaine des ingrédients pharmaceutiques actifs.

Le fait qu’elle aurait pu générer l’équivalent de plus de … d’euros de ventes grâce à la distribution de produits avec essentiellement 6 employés non-spécialistes montrerait clairement que la valeur n’aurait pas été créée par elle, mais que cette valeur aurait déjà été inhérente aux actifs incorporels qu’elle aurait achetés à la société D.

La société D aurait investi plus d’une année de travail, aurait porté le risque entrepreneurial, aurait pris tous les risques et entrepris tous les efforts pour créer, développer, négocier et signer les contrats commerciaux avec la société F et ce à des conditions commerciales extrêmement favorables, de sorte que la société D aurait dû obtenir une rémunération adéquate et conforme au principe de pleine concurrence.

La société demanderesse insiste sur la considération que l’intégralité des paiements qu’elle aurait effectués au profit de la société D auraient été soumis de plein droit à l’impôt en Suisse.

Elle en conclut qu’elle aurait démontré le caractère économiquement justifié des rémunérations variables différées versées à la société D au titre des années 2015, 2016 et 2017, de sorte qu’elles auraient dû être admises en déduction conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR.

La société demanderesse fait encore plaider que la décision directoriale serait dépourvue de base légale au motif que toutes les conditions de l’article 45, alinéa 1er LIR pour bénéficier de la déductibilité de la totalité de la rémunération seraient remplies dans son chef.

L’administration tenterait de se servir d’arguments sous-jacents, à savoir, d’une part, le soupçon d’un transfert de ses revenus au profit de sa filiale, la société D, qui serait basée dans un pays à fiscalité privilégiée, par l’application des dispositions de l’article 164ter LIR relatives aux sociétés étrangères contrôlées (« SEC » ou « Controlled Foreign Companies ») introduites en droit luxembourgeois par la transposition de la directive 2016/1164 et qui s’appuient sur l’Action 3 du plan d’action de l’OCDE, intitulé Base Erosion Profits Shifting (« BEPS »). La société demanderesse fait valoir que ces règles auraient pour effet de réattribuer les revenus d’une filiale contrôlée soumise à une faible imposition à sa société mère. D’autre part, l’administration tenterait de faire application des règles relatives aux dispositifs hybrides prévues à l’article 168ter LIR transposant les dispositions y relatives de la directive 2016/1164, telle que modifiée par la directive 2017/952. L’article 168ter LIR traiterait de différences dans la qualification juridique des paiements ou des organismes entre deux juridictions différentes aboutissant à une déduction dans deux Etats et dont les effets seraient neutralisés par ces dispositions qui imposeraient à l’une des deux juridictions intervenant dans le dispositif hybride concernée de refuser la déduction d’un paiement conduisant à ce type de résultat. La société demanderesse fait valoir que les articles 164ter et 168ter LIR ne seraient pas applicables aux années 2015, 2016 et 2017 litigieuses sous peine de violer le principe de l’application non-

rétroactive des lois fiscales.

32La société demanderesse se réfère à des bulletins d’imposition émis par les services fiscaux suisses pour les années 2015, 2016 et 2017 qui prouveraient que des impôts auraient été payés par la société D au niveau cantonal, communal et fédéral à hauteur de … euros et que la société D serait soumise en Suisse à une imposition sans y bénéficier de régimes d’exonération dérogatoires.

Tout en soulignant que la société D serait visée en tant qu’entité suisse par l’article 147, alinéa 2, lettre f) LIR, et en se référant à l’article 10, paragraphe (2) de la Convention de double imposition et au projet de loi 3804 relatif à la loi d’approbation de ladite convention, la société demanderesse explique que la société D aurait obtenu de l’administration fiscale suisse une autorisation écrite d’appliquer, dans un premier temps, une retenue à la source à taux réduit de 5%, au lieu de 35%, et, ensuite, une exonération totale de la retenue à la source sur les paiements de dividendes effectués par la société D en sa faveur en sa qualité de société mère résidente au Luxembourg.

Elle en conclut que la société D serait pleinement imposable et soumise à une imposition en Suisse, de sorte que la décision directoriale déférée serait dépourvue de base légale.

La société demanderesse reproche encore à l’administration d’avoir commis une erreur d’appréciation de fait et de droit quant à la différenciation entre la propriété économique et la propriété juridique des actifs incorporels.

A cet égard, elle se réfère à un rapport sur l’attribution des bénéfices aux établissements stables de l’OCDE du 22 juillet 2010, ci-après désigné par le « rapport OCDE de 2010 », dont elle tire la conclusion que le propriétaire économique serait l’entité qui a déployé des efforts, fait des sacrifices et encouru des frais pour supporter les investissements relatifs au développement de l’actif. Ces investissements comprendraient le financement du développement de l’actif incorporel, ainsi que l’utilisation des capacités opérationnelles de l’entité pour ce développement, par exemple l’emploi des salariés qualifiés, la prise de décisions stratégiques et la gestion des opérations quotidiennes.

Tout en se référant à sa description factuelle et à l’étude de prix de transfert 2021 au sujet du transfert des actifs incorporels, des efforts supportés, des risques pris et des investissements entrepris par la société D, la société demanderesse fait valoir qu’il serait indéniable que la société D possèderait entièrement la propriété économique des actifs incorporels au motif que la propriété juridique appartiendrait, à parts égales, à la société D et à la société E, la société demanderesse faisant valoir que ces éléments ne seraient pas discutables au motif qu’elle n’aurait pas encore été constituée à ce moment.

La société demanderesse indique que suite à sa constitution le 11 juillet 2014, elle aurait racheté les actifs incorporels à la société D par un premier « Transfer Agreement » daté du 5 septembre 2014 et d’un « Second Transfer Agreement » daté du 24 novembre 2014, de sorte que le transfert de propriété aurait été incontestablement valide, et que la propriété juridique ainsi que la propriété économique auraient été effectivement transférées de la société D à son profit en contrepartie du prix d’achat versée sous forme d’une rémunération annuelle et variable.

Elle ajoute que la propriété économique serait définie dans le rapport OCDE de 2010 comme étant celle appartenant à la société qui bénéficie des revenus et qui a également supporté les charges, et qu’en l’espèce, à partir de l’acquisition des actifs incorporels en date du 5 33septembre 2014, tel que cela résulterait également de l’étude de prix de transfert 2021, elle aurait pu réaliser la quasi-totalité de son chiffre d’affaires pour les années concernées, mais aurait également dû engager un montant significatif de dépenses pour son activité de distribution. Le directeur aurait lui-même reconnu ses éléments dans sa décision.

La société indique que suite aux transactions résultant du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement », la propriété pleine et entière des actifs incorporels lui appartiendrait et qu’elle détiendrait effectivement la propriété économique et juridique des actifs incorporels à l’exclusion de toute autre entité.

Elle explique qu’elle aurait droit, en tant que tel, de jouir des revenus générés par les actifs incorporels qu’elle aurait acquis et il serait normal qu’elle doive supporter et payer des dépenses nécessaires et inhérentes à son activité professionnelle parmi lesquelles figureraient indiscutablement le prix d’achat de ces actifs incorporels sous forme de rémunération annuelle, ce qui rendrait cette dernière incontestable.

Dans ce contexte, la société demanderesse affirme que l’affirmation de l’administration selon laquelle le paiement de la rémunération annuelle n’aurait pas de terme fixe révèlerait un manque de connaissance de sa part en matière d’ingrédients pharmaceutiques actifs au motif que ceux-ci auraient une durée de vie limitée fixée à l’avance, de sorte que le paiement de la rémunération annuelle s’arrêterait automatiquement et naturellement au terme de la durée préfixée des actifs pharmaceutiques actifs concernés, tel que cela serait le cas de certains des ingrédients pharmaceutiques actifs20 visés dans le « Exclusive Supply and Distribution Agreement» du 29 novembre 2014 qui le stipulerait dans son article 14.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en reprenant d’abord les faits et rétroactes relatés ci-avant, et justifie le refus de déduction des rémunérations annuelles variables litigieuses au regard de certains faits qu’il considère être déterminants.

Il s’agit d’abord du fait qu’en date du 17 septembre 2014, la société D et la société E auraient, avec l’accord de la société F, cédé tous leurs droits et obligations au titre des contrats commerciaux à la société demanderesse à travers la conclusion de deux contrats de cession, le délégué du gouvernement insistant sur la considération qu’aucune rémunération n’aurait toutefois été prévue dans lesdits contrats de cession.

Il fait ensuite valoir que le 20 novembre 2014, la société D et la société E auraient conclu avec la société F un contrat d’approvisionnement et de distribution exclusifs, à savoir le « Exclusive Supply and Distribution Agreement », au titre duquel la société D et la société E auraient été en droit d’acheter certains produits pharmaceutiques à la société F. Le délégué du gouvernement entend attirer l’attention sur le fait que le prix qui aurait été fixé d’avance serait toutefois ajusté, à la hausse ou à la baisse, en fonction du prix de vente effectivement obtenu sur lesdits produits.

Il donne également à considérer que le 23 novembre 2014, les droits et obligations de la société D au titre du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » auraient été transférés à la société demanderesse par la conclusion d’un deuxième contrat de transfert, à savoir le « Second Transfer Agreement » conclu entre la société D et la société demanderesse aux mêmes 20 « N-Butylbromide Scopolamine » et « SNBB ».

34conditions que le premier contrat de transfert, à savoir le « Transfer Agreement ». Le délégué du gouvernement insiste sur la considération que le prix convenu pour le transfert du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » aurait consisté en une rémunération annuelle variable en fonction du chiffre d’affaires réalisé par la société demanderesse. Il se référè à l’annexe A du contrat à ce sujet.

Par rapport au fait que le 27 novembre 2014, la société D et la société E auraient cédé, avec l’accord de la société F, tous leurs droits et obligations au titre du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » par la conclusion d’un nouveau contrat de cession, le délégué du gouvernement fait remarquer qu’ici aussi, aucune rémunération n’aurait été prévue au titre de ce contrat de cession.

Le délégué du gouvernement en conclut qu’il résulterait des contrats prémentionnés que la société demanderesse serait redevable, en premier lieu, de commissions/rétrocessions dues à la société F au titre des trois contrats commerciaux, y compris le « Exclusive Supply and Distribution Agreement », et, en deuxième lieu, d’une rémunération due à la société D au titre des deux contrats de transfert, le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement », tandis que le paiement de cette rémunération aurait pour conséquence que la société demanderesse ne réaliserait, quelle que soit l’évolution de son chiffre d’affaires, qu’une marge brute de plus ou moins 4% sur les activités visées.

Le délégué du gouvernement indique encore que le bureau d’imposition n’aurait pas admis les rémunérations payées à la société D au titre des deux contrats de transfert.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement reprend la motivation à la base de la décision directoriale déférée.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse reprend en substance son argumentation par rapport à une violation alléguée du principe du contradictoire, aux conditions de l’article 45 LIR, à la question de la charge de la preuve sur le fondement de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 et au défaut de base légale alléguée de la décision directoriale déférée.

Elle fait valoir que les éléments considérés comme déterminants par le délégué du gouvernement seraient révélateur d’une compréhension erronée, respectivement d’une vision biaisée des faits de l’espèce.

Par rapport aux deux contrats de cession signés le 17 septembre 2014 que la société demanderesse qualifie d’accords de novation, la société demanderesse fait valoir que le délégué du gouvernement ignorerait l’importance du premier « Transfer Agreement » et qu’il présenterait les deux contrats de cession liés au « Asset Purchase Agreement » et au « Distribution Agreement » en dehors de leur contexte pour en faire une interprétation à sa convenance. Tout en se référant à la section 6.4 de l’étude de prix de transfert 2021, la société demanderesse fait valoir que le premier « Transfer Agreement » par lequel elle aurait acquis les actifs incorporels aurait comporté une rémunération sous la forme d’un prix d’achat variable et différé. L’étude de prix de transfert 2021 expliquerait en détail le rôle des accords de novation, qui seraient subséquents au « Transfer Agreement », à savoir que lesdits accords de novation auraient été des accords accessoires à l’exécution du « Transfer Agreement », dans la mesure où le droit allemand exigerait le consentement de l’autre partie non impliquée dans le « Transfer Agreement », en l’occurrence la société F, en cas de transfert effectif d’obligations contractuelles, en l’espèce les obligations envers la société F contenues dans le « Asset 35Purchase Agreement » et le « Distribution Agreement ». Il ne serait donc ni surprenant ni inhabituel que les accords de novation ne prévoiraient pas de versement d’une rémunération, la société demanderesse faisant valoir qu’une rémunération serait déjà prévue dans le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement » dont les accords de novation ultérieurs n’auraient été que l’exécution, et renvoyant dans ce contexte à la section 6.4.4 de l’étude de prix de transfert 2021.

La société demanderesse prend ensuite position par rapport à la considération relevée par le délégué du gouvernement selon laquelle le « Exclusive Supply and Distribution Agreement » prévoirait que la société D et la société E seraient en droit d’acheter certains produits pharmaceutiques à la société F à un prix fixé d’avance qui serait ajusté, à la hausse ou à la baisse, en fonction du prix de vente effectivement obtenu sur lesdits produits. Elle admet que si une différence existait à ce niveau entre le « Exclusive Supply and Distribution Agreement » et le « Second Transfer Agreement », elle ne serait néanmoins pas pertinente et ne pourrait en aucun cas justifier le refus de déduction litigieux. La société demanderesse reproche au délégué du gouvernement de ne pas avoir justifié pour quel motif la différence des deux mécanismes de rémunération pourrait être déterminante. Elle ajoute que les deux accords seraient de nature très différente, alors que dans le premier cas, la société F aurait été rémunérée pour la fourniture de certains biens physiques à un prix de vente fixe avec certains ajustements, tandis que dans l’autre cas, la société D aurait été rémunérée pour la vente de certains actifs incorporels. Il existerait un grand nombre de différences entre les deux transactions qui auraient été expliquées en détail dans la section 8.2 de l’étude de prix de transfert 2021, notamment aux pages 71-72. L’« Exclusive Supply and Distribution Agreement » et le « Second Transfer Agreement » ne seraient pas comparables au motif qu’ils ne rempliraient pas les critères de comparabilité au sens du paragraphe 1.36 des principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert de l’année 2017. Il serait dès lors tout à fait logique que deux transactions différentes contiennent des modalités de rémunération différentes. La société demanderesse affirme ne pas saisir en quoi cette différence pourrait constituer un motif suffisant pour refuser la déductibilité des paiements du prix d’achat.

En ce qui concerne l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle la société D et la société E auraient cédé, avec l’accord de la société F, tous leurs droits et obligations au titre du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » par la conclusion d’un nouveau contrat de cession mais sans aucune rémunération, la société demanderesse réitère que la partie étatique sortirait cet accord de novation de son contexte pour rappeler que ledit accord serait lié au « Exclusive Supply and Distribution Agreement » et n’aurait été qu’un accord accessoire au « Second Transfer Agreement » qui aurait été nécessaire pour un transfert effectif de l’obligation contractuelle en vertu du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » qui exigeait le consentement de la société F, la société demanderesse renvoyant à la section 6.4.4.

de son étude de prix de transfert 2021. Il ne serait donc ni surprenant ni en aucun cas, révélateur de quoi que ce soit, que l’accord de novation du « Exclusive Supply and Distribution Agreement » n’aurait pas prévu de rémunération puisque le « Second Transfer Agreement » du 24 novembre 2014 aurait déjà couvert la rémunération.

Par rapport au constat du délégué du gouvernement selon lequel elle serait redevable de commissions/rétrocessions dues à la société F au titre du « Asset Purchase Agreement », « Distribution Agreement » et du « Exclusive Supply and Distribution Agreement », ainsi que d’une rémunération due à la société D au titre du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement », de sorte qu’elle ne réaliserait, quelle que soit l’évolution de son chiffre d’affaires, qu’une marge brute de plus ou moins 4% sur les activités visées, la société 36demanderesse donne d’abord à considérer qu’après qu’elle aurait acquis tous les droits et obligations en vertu du « Asset Purchase Agreement », du « Distribution Agreement » et du « Exclusive Supply and Distribution Agreement », elle aurait dû payer toutes les commissions et tous les frais dus à la société F en vertu de ces accords.

Elle continue en expliquant que si une partie acquérait tous les droits et obligations en vertu d’un accord, cela signifierait qu’elle devrait également payer toutes les commissions et tous les frais en vertu de cet accord, ce qui serait évident et approprié et non pas un élément décisif pour refuser la déductibilité des paiements du prix d’achat à la société D. Ensuite, elle affirme que le constat du délégué du gouvernement serait faux et lui reproche d’avoir mal compris le mécanisme de compensation qu’elle aurait pourtant explicité dans sa réclamation auprès du directeur.

La société demanderesse fait également valoir qu’il ne serait pas exact que sa marge bénéficiaire serait indépendante de l’évolution de son chiffre d’affaires. De plus, il aurait été démontré que cette marge bénéficiaire serait conforme à celle d’autres distributeurs pharmaceutiques exerçant des activités comparables. Les tentatives de la partie étatique de caractériser sa marge bénéficiaire de faible seraient donc tout simplement déconnectées de la réalité. Elle reproche à la partie étatique de ne pas tenir compte du fait qu’elle ne bénéficierait pas seulement du maintien de la marge bénéficiaire garantie, mais que dans le cadre du mécanisme de prix d’achat convenu, elle pourrait également couvrir tous ses coûts d’exploitation sans aucune limitation, ainsi que financer la croissance de son activité avant de payer le prix d’achat à la société D, ce qui serait le cas en l’espèce. La société demanderesse estime qu’elle aurait fourni une analyse complète du mécanisme de prix d’achat variable différé dans la section 6.4.3, pages 43-47 et à l’annexe L section L.1 de l’étude de prix de transfert 2021. Les nuances du mécanisme de prix d’achat variable différé ne pourraient être ignorées en faveur d’une interprétation réductrice proposée par la partie étatique.

La société demanderesse fait valoir que l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle l’administration contesterait ses prétentions et arriverait à la conclusion qu’elle n’aurait pas agi en tant que simple distributeur à risque limité, serait dénuée de pertinence. La société demanderesse explique qu’elle ne prétendrait pas être un distributeur à risque limité au sens technique donné à ce terme par les règles de prix de transfert et que cela ressortirait de sa réclamation et de l’étude de prix de transfert 2021 qui clarifierait le point.

Tout en admettant qu’elle exploiterait son activité de distribution de produits pharmaceutiques comme un distributeur à part entière, la société demanderesse insiste sur la considération que le profil du risque de son activité serait incontestablement inférieur à celui d’autres distributeurs pharmaceutiques pour les raisons déjà exposées dans sa réclamation, ainsi qu’aux sections 6.5.3.1 lit a) (3), 6.5.1.1 lit c), et 6.3, ainsi qu’aux annexes K-J de l’étude de prix de transfert 2021.

La société demanderesse ajoute qu’elle aurait, depuis ses premiers contacts avec l’administration, toujours été cohérente en comparant sa marge bénéficiaire à celles de distributeurs pharmaceutiques à part entière, et non par rapport aux marges bénéficiaires inférieures des distributeurs à risque limité. L’administration aurait, par ailleurs, eu connaissance du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement » qui lui auraient été communiqués en toute transparence. La société demanderesse estime que ce point serait, hors sujet, alors que la déductibilité des paiements du prix d’achat ne dépendrait pas de la 37question de savoir si elle devait être qualifié de distributeur à risque limité en vertu des règles de prix de transfert.

Elle prend ensuite position par rapport au reproche du délégué du gouvernement selon lequel (i) elle aurait supporté des charges d’exploitation de près de … d’euros pour l’exercice 2015 et de près … pour l’exercice 2016, en ce compris des frais de marketing et de publicité, que ces frais de salaires et autres rémunérations se seraient élevées à … d’euros pour l’exercice 2015 et à près de … d’euros pour l’exercice 2016, (ii) la société D aurait, en revanche, eu des frais généraux extrêmement bas comparés aux siens, à savoir d’un montant d’environ … euros pour l’exercice 2015 et … euros pour l’exercice 2016, et (iii) Monsieur X affirmerait avoir cessé d’exercer des fonctions régulières chez la société D après que cette dernière lui aurait cédé les actifs incorporels.

A ce sujet, la société demanderesse explique que le fait que la société D aurait eu des frais généraux comparativement faibles dans la phase qui a suivi le transfert des actifs incorporels ne remettrait en aucun cas en cause la réalité des risques assumés par la société D.

Au contraire, ce fait ne ferait que corroborer la réalité vécue par les parties et correspondrait à ce qu’elles auraient convenu dans les contrats de transfert, le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement ». Ces contrats constitueraient des ventes pures et simples d’actifs incorporels de valeur à son profit qui auraient été créés par la société D. Après cette vente, il n’y aurait eu aucune raison pour la société D de maintenir une activité importante avec des frais généraux élevés. Tout en admettant que le rôle de la société D dans la phase post-

transfert serait comparativement moins important que dans la phase pré-transfert et pendant le transfert lui-même, la société demanderesse renvoie à l’analyse du rôle de la société D dans la phase post-transfert qui aurait déjà été fournie dans la section 6.5.3.2 de l’étude de prix de transfert 2021. Elle ajoute que cela n’enlèverait rien au fait que la société D aurait dû être indemnisée pour la vente d’actifs de valeur, alors que toute autre solution constituerait une violation flagrante des règles de prix de transfert de l’OCDE. Elle indique encore qu’en acceptant le mécanisme spécifique du prix d’achat dans le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement », la société D aurait accepté des risques importants.

La société demanderesse prend ensuite position par rapport au reproche du délégué du gouvernement selon lequel la société E n’aurait pas obtenu une rémunération ou une compensation au moment du transfert des droits et obligations du « Assset Purchase Agreement », du « Distribution Agreement » et du « Exclusive Supply Distribution Agreement », alors qu’elle aurait exercé des fonctions dans le cadre de l’accord de partenariat la liant avec la société D et que ces fonctions lui auraient permis de partager de manière parfaitement égalitaire tant le contrôle que les résultats de la société demanderesse au motif qu’elle aurait détenu 50% de parts sociales dans la société demanderesse, à l’instar de la société D. La société demanderesse prend, en même temps, position par rapport à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle la société E serait une partie tierce, de sorte qu’il ne saurait être admis qu’elle ait renoncé à une rémunération qui serait économiquement due, et que l’absence de rémunération serait de nature à démontrer que la rémunération perçue par la société D ne serait pas économiquement justifiée.

A ce sujet, la société demanderesse fait valoir que le délégué du gouvernement serait resté en défaut de préciser à quelles fonctions exercées par la société D et la société E avant sa constitution il ferait référence, tout en lui reprochant de tenter de donner l’impression que les fonctions qui auraient été exercées par la société E auraient été, en termes d’importance et de portée, comparables à celles qu’aurait exercées la société D, ce qui ne serait pas le cas.

38 La société demanderesse avance que le délégué du gouvernement n’aurait pas pris en considération le contenu de sa réclamation, de même que l’analyse des foncions qui auraient été exercées par la société D et la société E, tel que cela ressortirait de la section 6.5.22 pages 57-58, et 6.5.2.3, pages 59-60 de l’étude de prix de transfert 2021. Elle poursuit en expliquant que les fonctions exercées par la société D et la société E pendant la création des actifs incorporels avant leur transfert diffèreraient en nature et en portée à tel point que la société D apparaîtrait clairement comme le seul propriétaire économique desdits actifs incorporels au moment du transfert. Ces éléments auraient déjà été explicités dans sa réclamation et, en ce qui concerne la société D, dans les sections 5.3.4, pages 26-28, et 6.5.2.2, pages 57-58 de l’étude de prix de transfert 2021, et en ce qui concerne la société E, dans les sections 6.5.2.3, pages 59-

60. La question de la propriété économique aurait également été abordée de façon explicite dans sa réclamation, ainsi que dans la section 6.5.4, aux pages 89-59 et 65 de ladite étude.

La société demanderesse fait valoir que les explications du délégué du gouvernement sur la façon dont la Joint Venture entre la société D et la société E se serait développée ainsi que son affirmation selon laquelle ces deux sociétés détiendraient toutes les deux 50 % de ses parts seraient erronées, alors qu’aucune de ces deux sociétés n’auraient jamais détenu une seule de ses actions. Elle se réfère à ce sujet à la section 5.3.5, pages 28-31 de l’étude de prix de transfert 2021 dans laquelle la réalité de la mise en place et l’évolution de la Joint Venture au fil du temps aurait été exposée en détail et en toute transparence.

Elle estime également erronée l’affirmation de la partie étatique selon laquelle la société E aurait dû recevoir une rémunération au titre du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement » qui lui serait économiquement due, et fait valoir que la société E n’aurait exercé que des fonctions limitées.

La société demanderesse reproche au délégué du gouvernement d’ignorer les éléments factuels de son dossier qui auraient été exposés dans sa réclamation, ainsi que dans la section 6.5.2.3, pages 59-60 de l’étude de prix de transfert 2021 et dont il ressortirait que les fonctions exercées par la société E pendant la création des actifs incorporels auraient été très limitées, de sorte que la propriété économique des actifs incorporels aurait appartenu à la société D, tel que cela ressortirait de la section 6.5.4, pages 58-59 et 65 de ladite étude de prix de transfert. Elle en conclut que ce serait sur base d’affirmations erronées que la partie étatique aurait déduit que la rémunération reçue par la société D ne serait pas économiquement justifiée et tiré des conclusions erronées.

La société demanderesse avance que la réalité serait beaucoup plus simple, en ce sens que la société E n’aurait reçu aucune rémunération au titre du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement » au motif qu’elle n’aurait exercé aucune fonction lors de la création des actifs incorporels, de sorte que rien ne pourrait justifier une telle rémunération et qu’elle aurait, par ailleurs, reconnu la propriété économique exclusive de la société D.

En ce qui concerne l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle la société D aurait hérité des activités de négociation et plus généralement des fonctions qui auraient, avant sa constitution, été exercées conjointement avec la société E, la société demanderesse fait valoir qu’il s’agirait d’une erreur de qualification juridique, alors qu’elle n’aurait pas « hérité », mais aurait bénéficié d’un transfert de la société D à travers le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement » moyennant des paiements constitués par les rémunérations 39annuelles variables, de sorte qu’il se serait agi d’une transmission à titre onéreux et non d’un héritage.

Par rapport au reproche du délégué du gouvernement selon lequel l’absence de terme prévu dans le « Exclusive Supply Distribution Agreement » serait également de nature à démontrer le caractère injustifié de la rémunération annuelle variable versée à la société D, la société demanderesse réitère son argumentation en reprochant au délégué du gouvernement une absence de prise en compte de ses explications.

La société demanderesse en conclut que les explications du délégué du gouvernement révèleraient des erreurs et incompréhensions des faits de l’espèce, et en conséquence, un traitement fiscal inexact, de sorte que la déductibilité des rémunérations annuelles variables ne pourrait pas être refusée.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 11 mars 2021, inscrit sous le numéro 44078C du rôle, pour soutenir que l’article 45, alinéa (1) LIR imposerait que les dépenses soient économiquement justifiées en application du principe du réalisme économique.

Il soutient ensuite que la description des fonctions exercées, des actifs engagés et des risques faite dans l’étude de prix de transfert 2021 ne serait pas conforme à la réalité économique, de sorte qu’elle devrait être écartée.

En ce qui concerne les risques pris par la société D, le délégué du gouvernement se réfère au « Executive Summary » de l’étude de prix de transfert 2021 pour contester que lesdits risques aient été supportés par la société D du simple fait qu’une rémunération variable aurait été prévue dans le « Transfer Agreement » et le « Second Transfer Agreement », en indiquant qu’il ressortirait, au contraire, desdits contrats, et plus particulièrement des articles 4.2 et 6.2, que tous les risques liés aux « Assset Purchase Agreement », « Distribution Agreement » et « Exclusive Supply Distribution Agreement », auraient été contractuellement transférés par la société D à la société demanderesse.

Il ajoute que même en cas de défaut de la société demanderesse, les droits et obligations au titre des trois contrats commerciaux devraient en principe automatiquement retourner aux cédants, c’est-à-dire à la société D et à la société E conformément aux deux contrats de cession et que ce retour automatique serait sans effet négatif pour la société D.

Le délégué du gouvernement poursuit en expliquant qu’aucun élément factuel du dossier ne viendrait contredire le transfert contractuel des risques à la société demanderesse au motif qu’il n’existerait aucun engagement effectif de la société D à assumer les risques liés aux opérations suite au transfert des contrats principaux, ni d’ailleurs de preuve d’une réelle prise en charge effective de tels risques en cas de matérialisation de ceux-ci. Au contraire, en cédant les contrats principaux, la société D se serait séparée de ses seuls actifs de valeur, de sorte à ne plus avoir la capacité effective de supporter le moindre risque. Le délégué du gouvernement fait également valoir que dans la mesure où la société D serait, concomitamment au transfert des contrats principaux, devenue la filiale à 100% de la société demanderesse, il pourrait être conclu que ce serait toujours la société demanderesse qui en supporterait les conséquences.

Il considère que l’étude de prix de transfert se limiterait à analyser la transaction issue du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement » conclus entre la société D et 40la société demanderesse, mais qu’elle occulterait complètement les risques pris par le co-

associé de la société demanderesse, à savoir la société E, le délégué du gouvernement se référant à la section 6.5.1.3 de l’étude de prix de transfert 2021. Il avance que la société E serait néanmoins une partie à part entière aux contrats principaux et aux deux contrats de cession et que n’ayant pas été partie au « Transfer Agreement » et au « Second Transfer Agreement », elle n’aurait pas bénéficié de la protection contractuelle dont bénéficierait la société D par l’effet de ces deux contrats de transfert, de sorte que ce serait la société E, et non la société D, qui aurait à supporter contractuellement les conséquences d’un éventuel défaut de la société demanderesse. En réalité, la seule conséquence négative possible pour la société D serait de ne pouvoir bénéficier d’aucune rémunération au titre du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement » si les activités opérationnelles mises en place au niveau de la société demanderesse devaient péricliter.

Par rapport aux fonctions et aux actifs, le délégué du gouvernement indique que l’étude de prix de transfert 2021 développerait, à la section 6.5.2.2, en détail les fonctions qui seraient exercées par la société D avant la constitution de la société demanderesse et donc avant le transfert des contrats principaux à cette dernière. La section 6.5.3.2 de ladite étude insisterait, eu égard à la description des fonctions exercées par la société demanderesse suite à ce transfert, sur le fait que ce seraient les fonctions exercées par la société D avant le transfert qui bénéficieraient à la société demanderesse suite au transfert. En considérant les fonctions effectives de la société demanderesse, l’étude de prix de transfert 2021 conclurait que la société demanderesse ne serait qu’un simple distributeur.

Le délégué du gouvernement soutient néanmoins qu’à partir du transfert des contrats principaux, ce serait la société demanderesse qui aurait été en charge de la bonne exécution de ses obligations contractuelles. Aucun élément du dossier ne permettrait de déterminer que la demanderesse serait déchargée, contractuellement ou économiquement, de ses obligations à cet égard. Dès le transfert des contrats principaux, la demanderesse aurait pris en charge les fonctions d’entretien et d’exploitation des actifs, incluant leur commercialisation et leur distribution. Elle aurait également pris en charge des fonctions de production d’actifs dont elle aurait alors acquis la propriété, sous-traitées à des fabricants externes. La société demanderesse confirmerait elle-même sur son site internet être un groupe pharmaceutique qui fabriquerait et distribuerait des produits pharmaceutiques. Les dépenses qu’elle mettrait en compte, qui seraient indiquées dans sa réclamation, confirmeraient cet état de fait alors qu’elles iraient bien au-delà des dépenses d’une simple société de distribution.

Le délégué du gouvernement se réfère ensuite à la section 6.5.3.2 de l’étude de prix de transfert 2021 dans laquelle seraient développées les fonctions qu’exercerait la société D après la constitution de la société demanderesse et qui indiquerait que la société D continuerait d’exercer certaines fonctions nécessaires.

A ce sujet, il renvoie aux affirmations de la société demanderesse incluses dans sa réclamation et selon lesquelles les fonctions importantes en relation avec les opérations sur les actifs seraient toutes exercées, avant et après le transfert, par Monsieur X.

Il est d’avis que dès la constitution de la société demanderesse, Monsieur X aurait été nommé gérant-délégué à la gestion journalière de la société demanderesse et qu’il en serait également Chief Executive Officer depuis octobre 2014. Il en déduit que les fonctions importantes auraient été effectuées par la société demanderesse dès sa constitution et non plus au niveau de la société D qui n’aurait eu qu’une activité limitée à partir de cette date, comme 41l’attesteraient les frais engagés par celle-ci à partir de cette date. Les déclarations de Monsieur X lors de la mise en état du directeur seraient éclairantes quant à son absence d’implication au niveau de la société D suite au transfert des contrats principaux, le délégué du gouvernement renvoyant au courrier du 9 février 2021.

Le délégué du gouvernement se réfère ensuite à la section 6.5.2.3 de l’étude de prix de transfert 2021 pour prendre position par rapport à l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle la société E n’exercerait aucune fonction, qu’elle n’aurait jamais eu la propriété économique des actifs issus des contrats principaux et qu’elle ne participerait pas à la création de valeur sur les actifs. Il explique que la société E aurait pourtant été de plein droit partie prenante au titre des contrats principaux et été engagée de la même manière que la société D vis-à-vis de la société F. Aucune distinction n’aurait été faite entre la société E et la société D dans ces contrats. Comme le rappellerait la société demanderesse, l’intervention de la société E aurait été essentielle puisque sans elle, les contrats principaux avec la société F n’auraient jamais été conclus.

En se référant à la section 6.5.3.3 de l’étude de prix de transfert 2021, le délégué du gouvernement affirme que ce serait effectivement au groupe Société C qu’aurait été confiée la production de certains des actifs pharmaceutiques considérés, c’est-à-dire une des fonctions essentielles en relation avec les actifs considérés.

Le délégué du gouvernement conclut de l’analyse des fonctions, actifs et risques que la société demanderesse ne pourrait pas être assimilée, pour les besoins de l’étude de prix de transfert et des comparables à utiliser, à un simple distributeur, prestataire logistique voire un grossiste en médicaments. Les marges d’un distributeur de produits pharmaceutiques en charge également de leur production, comme ce serait le cas pour la société demanderesse, serait nécessairement plus élevée que celle des distributeurs utilisés comme comparables dans le rapport.

La société D n’aurait jamais ni produit, ni distribué, ni commercialisé les actifs. Elle n’aurait pas non plus financé leur acquisition puisqu’au titre des contrats principaux, aucun paiement ne serait à affecter à la société F au moment de la conclusion des contrats, mais uniquement au fur et à mesure de l’exécution des contrats principaux. La société D ne supporterait pas non plus les risques opérationnels et ne détiendrait aucun actif.

Le délégué du gouvernement indique encore qu’il ne serait pas contesté que la société D, en tant que société de consultance, aurait joué un rôle dans la négociation des termes contractuels des contrats principaux et des contrats avec des prestataires externes avant la constitution de la société demanderesse. Pour autant, la société D ne ferait pas état de frais encourus par elle dans ce contexte, mais mentionnerait uniquement une baisse de son chiffre d’affaires au motif qu’elle n’aurait pas continué ses autres activités de consultance.

Il en conclut que l’étude de prix de transfert 2021 serait à rejeter pour ne pas être applicable aux faits de l’espèce au motif que la description des risques, des actifs et des fonctions à sa base ne serait pas soutenue par les éléments de fait, de sorte que les comparables qui auraient été utilisés pour déterminer la rémunération seraient également inadaptés.

Analyse du tribunal 42 Force est au tribunal de constater que la société demanderesse et la société de droit suisse D, ont conclu un premier « Transfer Agreement » en date du 5 septembre 2014 et un « Second Transfer Agreement » le 24 novembre 2014, ci-après désignés par les « contrats de transfert », contrats aux termes desquels la société demanderesse a acquis de la société D les droits et obligations attachés (« is purchasing the rights and obligations attached to ») à trois contrats commerciaux dont il n’est pas contesté par la partie étatique qu’il s’agit d’actifs incorporels.

Ces trois actifs incorporels sont composés d’un « Asset Purchase Agreement », d’un « Distribution Agreement » et d’un « Exclusive Supply and Distribution Agreement », ci-après désignés par les « contrats commerciaux », lesquels ont été conclus les 23 juin et 20 novembre 2014 – soit avant la constitution de la société demanderesse le 11 juillet 2014 – entre, d’un côté, la société D et la société de droit brésilien E, agissant toutes les deux dans le cadre d’un accord de partenariat (Joint Venture), et, d’un autre côté, la société de droit allemand F.

L’objet de ces trois contrats commerciaux porte, en substance, sur une vente par la société F d’ingrédients pharmaceutiques actifs avec les droits de distribution exclusif y attachés au profit de la Joint Venture.

En contrepartie de l’acquisition, à travers les deux contrats de transfert, des trois actifs incorporels matérialisés par les trois contrats commerciaux, la société demanderesse a versé à la société D, en lieu et place d’un prix de vente fixe et unique, une rémunération annuelle variable au titre de années 2015, 2016 et 2017 litigieuses, calculée d’après le chiffre d’affaires réalisé par la société demanderesse grâce à ces trois contrats commerciaux.

Il résulte des explications du délégué du gouvernement et de la société demanderesse que cette dernière a acquis l’intégralité du capital social de la société D pour en devenir l’actionnaire unique en date du 13 août 2014.

La société demanderesse a versé, au cours des années 2015, 2016 et 2017 litigieuses, une rémunération annuelle variable de respectivement … euros, … euros et … euros au profit de la société D au titre des deux contrats de transfert.

Elle reproche au directeur d’avoir refusé d’admettre en déduction, sur le fondement de l’article 45, alinéa (1) LIR, ces rémunérations annuelles variables versées au cours des années 2015, 2016 et 2017 litigieuses.

Dans la mesure où la société demanderesse fait valoir, à cet égard, que l’article 45, alinéa (1) LIR n’exigerait pas que la dépense d’exploitation soit économiquement justifiée pour être admise en déduction et que même à admettre l’existence d’une telle condition, la charge de la preuve du caractère économiquement non justifié incomberait à l’administration conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, le tribunal est en premier lieu appelé à trancher cette question à ce stade de l’analyse.

L’article 45, alinéa (1) LIR, seule disposition fiscale sur laquelle s’est fondée le directeur, dispose comme suit : « Sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise. ».

Cette disposition admet la qualification de dépense d’exploitation s’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu passé, actuel ou à naître du 43contribuable et si ce lien présente un caractère d’exclusivité suffisant pour exclure que la dépense a été en réalité engagée pour les besoins personnels d’autres personnes21.

Si une société est tenue de respecter les limites de son objet social dans l’exercice concret de son activité, l’examen de la question du lien causal suffisamment étroit et exclusif d’une dépense est, quant à lui, à effectuer par rapport à l’activité concrète de l’entreprise exploitée par la société22.

Le contribuable est néanmoins seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle de la question de savoir si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. En effet, étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer23.

Il s’ensuit que les dépenses d’exploitation ne connaissent pas de limitation quant à leur montant24, dès lors que leur lien exclusif avec l’activité en question est donné.

Toutefois, la circonstance que le contribuable reste juge de l’opportunité et du montant des dépenses à engager par lui ne l’exonère pas de l’obligation de rapporter la preuve du lien causal exclusif25 susvisé.

En effet, la preuve du lien de causalité suffisamment étroit et exclusif incombe en principe au contribuable à la fois au niveau de la procédure d’imposition conformément aux principes posés par les § 171, alinéa (1), 204, alinéa (1) et 205, alinéas (1) et (2) AO, et au niveau de la procédure contentieuse eu égard à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 suivant lequel « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. […]. La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. »26.

Il appartient dès lors au contribuable de rapporter la preuve non seulement de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie27.

Dans ces conditions et conformément aux principes dégagés ci-avant, il appartient à la société demanderesse de rapporter la preuve que les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR 21 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle ; Cour adm., 27 juillet 2016, n° 36855C du rôle, disponibles sur le site www.jurad.etat.lu.

22 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

23 Cour adm. 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 209 et les autres références y citées.

24 Trib. adm., 24 février 2000, n° 11061 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 208 et les autres références y citées.

25 Voir en ce sens : Trib. adm., 28 juin 2000, n° 11553 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 209 et les autres références y citées.

26 Cour adm. 10 novembre 2015, n° 35818C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 212 et l’autre référence y citée.

27 Cour adm. 11 mars 2021, n° 44078C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 213 (2e volet) et les autres références y citées.

44sont remplies pour porter les rémunérations annuelles variables versées à la société D en déduction, de sorte que les contestations y afférentes de la société demanderesse encourent le rejet.

Force est ensuite au tribunal de constater que la situation est particulière en l’espèce, étant donné que le refus de déduction est exclusivement fondé sur l’article 45, alinéa (1) LIR, et que la décision directoriale déférée – reprenant l’argumentation du bureau d’imposition selon laquelle « il n’existe aucune justification économique pour les paiements faits au profit de la société liée [SOCIÉTÉ D] » – explique à cet égard que la déduction serait refusée en raison de considérations tenant en substance à l’exercice de fonctions, l’utilisation d’actifs et la prise en charge de risques par la société demanderesse, ainsi qu’en raison de l’existence d’un lien entre la société demanderesse et la société D.

La question litigieuse en l’espèce est celle de savoir si une dépense doit être économiquement justifiée pour pouvoir être qualifiée de dépense déductible au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Dans ce contexte, le tribunal est d’ores et déjà amené à retenir que contrairement à l’affirmation du délégué du gouvernement, il ne ressort pas des dispositions de l’article 45, alinéa (1) LIR qu’une dépense doit être économiquement justifiée pour être portée en déduction, alors que le contribuable est, tel qu’il ressort des jurisprudences citées ci-avant, seul juge de l’opportunité et de la nécessité d’engager une dépense28. La Cour administrative n’a pas non plus, dans son arrêt du 11 mars 2021, inscrit sous le numéro 44078C du rôle, auquel s’est référé le délégué du gouvernement, exigé de la part du contribuable la preuve d’une justification économique sur base du principe du réalisme économique, mais a rappelé les principes dégagés ci-avant en rapport à l’article 45, alinéa (1) LIR en imposant au contribuable la preuve de l’existence d’une relation économique entre la dépense engagée et la catégorie de revenue choisie, autrement dit la preuve d’un lien de causalité. Le principe de l’appréciation économique (« wirtschaftliche Betrachtungsweise ») impose dès lors que la dépense soit économiquement rattachable à l’activité effectivement exercée29. Si la Cour a fait référence, dans cette affaire, à une absence de contrepartie adéquate à la dépense engagée par le contribuable, c’est pour souligner que dans l’hypothèse d’une absence de lien de causalité suffisant entre la dépense engagée et l’activité en question, ladite dépense ne peut pas avoir été « provoquée exclusivement par l’entreprise », tel que l’exige l’article 45, alinéa (1) LIR, mais doit être considérée comme ayant été engagée pour les besoins personnels d’autres personnes, dont notamment ses associés ou actionnaires, dans quel cas la dépense en question est à qualifier de distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa (3) LIR.

Au-delà de ce constat, il y a lieu d’admettre, contrairement aux explications de la société demanderesse, qu’en refusant la déduction des rémunérations annuelles variables versées par la société demanderesse à la société D au motif que la société demanderesse «»ne justifie pas la réalité économique des paiements […] », le directeur n’a en réalité pas ajouté de condition non prévue par la loi, mais a remis en cause dans le chef de la société demanderesse, sur le fondement de l’article 45, alinéa (1) LIR, l’existence d’un lien causal exclusif suffisant entre la dépense, en l’occurrence la rémunération annuelle variable – qualifiée de dépense d’exploitation et traitée fiscalement comme telle par la société demanderesse – versée par la 28 Voir également en ce sens: Herrmann, Heuer, Raupach, Kommentar zum Einkommen- und Körperschaftsteuergesetz, Oktober 2022, § 4, Anm. 793.

29 Voir en ce sens: Herrmann, Heuer, Raupach, Kommentar zum Einkommen- und Körperschaftsteuergesetz, Oktober 2022, § 4, Anm. 814.

45société demanderesse à la société D au cours des années 2015, 2016 et 2017, et l’activité de la société demanderesse effectivement exercée au Luxembourg. Ce faisant, le directeur a considéré que ladite rémunération, respectivement dépense, ne serait pas « exclusivement provoquée par l’entreprise » de la société demanderesse, mais motivée par des considérations personnelles, respectivement des considérations personnelles d’autres entités.

Il s’ensuit que la société demanderesse n’est pas fondée à soutenir que la décision directoriale déférée ne reposerait sur aucune base légale et que les contestations y afférentes sont à rejeter, indépendamment de la question du bien-fondé du refus de déduction opposé par la partie étatique sur le seul fondement de l’article 45, alinéa (1) LIR à ce stade de l’analyse.

Force est également au tribunal de constater que c’est à tort que la société demanderesse soutient qu’en l’absence de dispositions fiscales particulières dérogatoires à l’article 40 LIR, les rémunérations annuelles variables litigieuses devraient être admises en déduction sur le plan fiscal sans que les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR ne soient remplies au seul motif qu’elles auraient été reconnues par le réviseur d’entreprise et portées en déduction comptablement.

L’article 40, alinéa (1) LIR qui pose le principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, dispose comme suit : « Lorsque les prescriptions régissant l’évaluation au point de vue fiscal n’exigent pas une évaluation à un montant déterminé, les valeurs à retenir au bilan fiscal doivent être celles du bilan commercial ou s’en rapprocher le plus possible dans le cadre des prescriptions prévisées, suivant que les valeurs du bilan commercial répondent ou ne répondent pas aux mêmes prescriptions ». Cette disposition vise ainsi essentiellement l’évaluation des biens de l’actif et du passif du bilan et le but essentiel qu’elle poursuit consiste à empêcher que le contribuable fasse valoir dans son bilan fiscal un actif net moins élevé que celui qui se dégage de son bilan commercial30.

S’il n’est pas contesté par la partie étatique que les rémunérations annuelles variables litigieuses ont été inscrites dans les comptes annuels de la société demanderesse concernant les exercices 2015, 2016 et 2017 pour y être portées en déduction, cette considération ne porte pas à conséquence sur le plan fiscal dans le cadre duquel l’article 45, alinéa (1) LIR impose une condition à l’admission sur le plan fiscal d’une charge reconnue sur le plan comptable, à savoir qu’elles aient été « provoquées exclusivement par l’entreprise », de sorte que le moyen y relatif de la société demanderesse est à rejeter pour ne pas être fondé.

C’est encore à tort que la société demanderesse fait valoir que l’attitude du directeur serait constitutive d’une atteinte au principe de liberté de gestion, alors que s’il est vrai que le contribuable est libre de décider de l’opportunité de ses opérations économiques, il doit néanmoins le faire dans les limites de la légalité dont il est justement contesté par le directeur que tel serait le cas, indépendamment du bien-fondé de ce reproche qui sera analysé ci-après.

C’est sur cette toile de fond que le litige sous examen sera analysé.

En l’espèce, le tribunal constate tout d’abord que les explications que la société demanderesse a fourni de manière constante, dans son courrier du 21 juillet 2020 émis dans le cadre du § 205, alinéa (3) AO, dans sa réclamation et les pièces volumineuses y annexées, ainsi que dans sa requête introductive d’instance, dans son mémoire en réplique et dans son mémoire 30 Cour adm., 28 mai 2020, n° 43749C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 151.

46additionnel, selon lesquelles ses revenus au Luxembourg tireraient quasiment exclusivement leur origine dans l’exploitation des trois contrats commerciaux, autrement dit des trois actifs incorporels, de sorte que sans le paiement des rémunérations annuelles variables au profit de la société D qui lui a transférés lesdits actifs incorporels, elle n’aurait pu exercer aucune activité au Luxembourg, sont corroborées par les contrats soumis à l’appréciation du tribunal.

En effet, le « Asset Purchase Agreement », qui est l’un des trois contrats commerciaux, respectivement actifs incorporels, porte, en substance, sur (i) l’acquisition par la société D et la société E, dans le cadre de leur Joint Venture, d’un portefeuille de neuf ingrédients pharmaceutiques actifs y définis et détenus jusqu’alors par la société F, (ii) l’octroi par la société F de licences mondiales, non exclusives, irrévocables et non limitées dans le temps à la Joint Venture, dans le cas où le transfert de propriété ne serait pas possible en raison de dispositions légales applicables, et (iii) la transmission d’informations sur la fabrication et le savoir-faire exclusif et confidentiel en matière de fabrication pour certains de ces ingrédients pharmaceutiques actifs.

A travers le « Distribution Agreement », la société D et la société E se sont essentiellement engagées à distribuer, pour leur compte, sous leur responsabilité et à leur propre risque, les ingrédients pharmaceutiques actifs visées dans le « Asset Purchase Agreement » à leurs clients, notamment grâce à l’octroi par la société F d’un droit de distribution exclusif et mondial.

Le « Exclusive Supply and Distribution Agreement » porte, quant à lui, sur l’acquisition par la société D et la société E, toujours dans le cadre de leur Joint Venture, d’un ingrédient pharmaceutique actif déterminé et d’un droit de distribution exclusif y relatif.

En contrepartie de ces ventes et de l’octroi des droits de distribution exclusifs au titre de ces trois contrats commerciaux, la société F s’est vu octroyée, au titre des deux premiers contrats susmentionnés, un prix dont le montant dépend de la marge brute réalisée par la société D et la société E dans le cadre de leur activité de distribution, et au titre du « Exclusive Supply and Distribution Agreement », un prix fixe dépendant de la quantité d’ingrédient pharmaceutique actif que leur vend la société F.

Le tribunal relève ensuite qu’il ressort des stipulations du « Asset Purchase Agreement » et du « Distribution Agreement », que la société D, la société E et la société F avaient convenu dès l’origine que ces deux contrats seraient cédés (« assign »), à brève échéance et en tout cas avant le 30 septembre 2014, à une société tierce de droit luxembourgeois, à l’époque en cours de constitution, qui serait détenue conjointement par la société D et la société E. Pour gagner du temps (« in the interest of time »), la société D et la société E ont décidé d’agir, jusqu’à la constitution de cette nouvelle société, en tant que (i) acquéreurs dans le cadre du « Asset Purchase Agreement », (ii) distributeurs dans le cadre du « Distribution Agreement », et (iii) dans les deux cas en tant que débiteurs conjoints et solidaires (« joint and several Debtors »).

Cette volonté contractuelle originaire de la société D, la société E et la société F a été suivie dans les faits et s’est déroulée en deux temps.

Dans un premier temps, et suite à la constitution de la société demanderesse en date du 11 juillet 2014, la société D lui a, en substance, transféré ses droits et obligations attachés au « Asset Purchase Agreement » et au « Distribution Agreement » moyennant le paiement d’une rémunération annuelle variable – dont la déductibilité est litigieuse en l’espèce – à travers le « Transfer Agreement ».

47 La société D a encore transféré ses droits et obligations attachés au « Exclusive Supply Distribution Agreement » à la société demanderesse également moyennant le paiement d’une rémunération annuelle variable – dont la déductibilité est aussi litigieuse en l’espèce – à travers le « Second Transfer Agreement ».

S’il est vrai qu’une volonté contractuelle originaire de la société D, de la société E et de la société F de transférer le « Exclusive Supply Distribution Agreement » à la société demanderesse ne ressort pas des stipulations de ce contrat, il résulte en tout cas du « Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement », que la société E a marqué son accord, au moment de ces deux contrats de transfert, à ce que la société D transfère ses droits et obligations attachés aux trois contrats commerciaux (« approves the Transfer Agreement » ; « in the presence of [société E] »), y compris donc le « Exclusive Supply Distribution Agreement ».

Dans un second temps, et tel que cela résulte des explications circonstanciées de la société demanderesse, cette dernière, la société D, la société E et la société F ont conclu, dans le but de finaliser le transfert intégral des trois contrats commerciaux à son profit, un « Assignment of Asset Purchase Agreement », un « Assignment of Distribution Agreement », et un « Assignment of Exclusive Supply and Distribution Agreement », ci-après désignés par les « contrats de novation », en date des 16 septembre et 27 novembre 2014, aux termes desquels la société D et la société E ont confié (« assign ») l’ensemble de leurs droits, titres et intérêts et délégué l’ensemble de leurs obligations, responsabilités et devoirs issus des trois contrats commerciaux à la société demanderesse.

La conclusion des contrats de novation s’est faite avec le consentement (« with the consent » ; « agrees to the assignment ») de la société F dont les droits au titre des trois contrats commerciaux sont demeurés inchangés suite aux contrats de novation (« remain unchanged by this assignment »), étant précisé qu’il résulte des explications concordantes de la société demanderesse et de la partie étatique qu’aucune contrepartie n’a été stipulée dans lesdits contrats de novation.

Il s’ensuit que les trois contrats commerciaux ont (i) initialement été conclus entre la société D et la société E, ainsi que la société F, (ii) fait l’objet, en tant qu’actifs incorporels, d’un transfert par la société D à la société demanderesse à travers les contrats de transfert moyennant le versement de rémunérations annuelles variables par la société demanderesse, avec l’accord de la société E, et (iii) in fine fait l’objet de contrats de novation afin de substituer la société E – sans contrepartie – et la société D, en leur qualité de débiteurs, par la société demanderesse, avec l’accord de la société F, en sa qualité de créancier.

Force est donc au tribunal de constater que conformément à la volonté contractuelle de l’ensemble des parties impliquées, la société demanderesse était, suite à la conclusion de trois contrats commerciaux, des deux contrats de transfert et des trois contrats de novation, détentrice des ingrédients actifs pharmaceutiques et des droits d’exclusivité mondiaux y attachés afin d’exercer son activité économique au Luxembourg. La société demanderesse était, en conséquence, débiteur, d’une part, de la société F au titre des trois contrats commerciaux, et, d’autre part, de la société D au titre des deux contrats de transfert aux termes desquels la société demanderesse lui a versé une rémunération annuelle variable au cours de années 2015, 2016 et 2017 en contrepartie de l’exploitation des trois contrats commerciaux lui transférés.

48La partie étatique ne conteste pas qu’au cours des années d’imposition 2015, 2016 et 2017 litigieuses, l’activité de la société demanderesse consistait pratiquement exclusivement dans l’exploitation des trois contrats commerciaux qui ont été conclus antérieurement par la société D avec un tiers, à savoir la société F.

Dans ces conditions et au regard des explications circonstanciées de la société demanderesse corroborées par les trois contrats commerciaux, les deux contrats de transfert et les trois contrats de novation, le tribunal retient que la circonstance que l’exploitation des trois contrats commerciaux, qui constitue la seule activité économique de la société demanderesse, exige de cette dernière qu’elle engage en contrepartie une dépense afin d’avoir accès à ces trois actifs incorporels qui prend, en substance, la forme d’un prix versé annuellement et dont le montant dépend du résultat de l’exploitation faite des trois contrats commerciaux, n’est a priori pas sujet à critiques, alors que les dépenses d’exploitation englobent celles faites en vue de l’acquisition, la garantie et la conservation du bénéfice31. En effet, les dépenses d’exploitation peuvent être amenées à diminuer, dans un premier stade, l’actif net investi d’une société, afin de réaliser, le cas échéant, dans un second temps, un revenu, respectivement un bénéfice.

Il en résulte que le versement des rémunérations annuelles variables versées par la société demanderesse au profit de la société D doit a priori être considéré comme étant directement lié à l’activité économique de la société demanderesse exercée au Luxembourg.

Le tribunal constate, ensuite, que les considérations qui précèdent, dont notamment le fait que c’est grâce aux trois contrats commerciaux que la société demanderesse exerce une activité de vente et de distribution des ingrédients pharmaceutiques actifs, activité qui lui a, par ailleurs, permis de générer des revenus, sont reflétées dans les comptes annuels de la société demanderesse pour les exercices 2015, 2016 et 2017 litigieux et dont cette dernière se prévaut, par ailleurs, pour démontrer l’existence d’un lien de causalité au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

Lesdits comptes annuels ont tous été soumis au contrôle du même réviseur d’entreprise agréé qui a certifié leur conformité avec les exigences légales et réglementaires luxembourgeoises, ce qui n’est pas contesté par la partie étatique.

Dans la mesure où la régularité de la comptabilité de la société demanderesse n’a pas été remise en cause par la partie étatique quant à la forme et qu’il n’est pas contesté que la société demanderesse a déposé ses comptes annuels à l’appui de ses déclarations fiscales pour les années 2015, 2016 et 2017 litigieuses, elle est en droit de se fonder sur la présomption de régularité quant au fond instaurée par le § 208, alinéa (1) AO, disposition à laquelle la société demanderesse se réfère implicitement en affirmant que la réalité de ses dépenses aurait été confirmée par le réviseur d’entreprises agréé ayant contrôle ses comptes annuels.

Si certes les données divulguées dans la version abrégée des comptes annuels concernant l’exercice 2015 mise à la disposition du tribunal ne permettent que de déceler l’existence de « Software and software packages licenses » sous le poste de « Intangible fixed assets », ainsi que de « Inventories » sous le poste « Current assets », éléments qui sont de nature à corroborer que la société demanderesse est détentrice des trois actifs incorporels nécessaires à l’exercice de son activité au Luxembourg, autrement dit des ingrédients pharmaceutiques actifs et les droits d’exclusivité y attachés, le tribunal est en mesure de constater que les comptes annuels 31 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, Ad. article 48 [actuel article 45], p.186.

49de la société demanderesse concernant les exercices 2016 et 2017 confirment, sous les mêmes postes, la détention de « Concessions, patents, licences, trade marks and similar rights and assets », ainsi que « Finished goods and merchandise » comprenant une liste d’ingrédients pharmaceutiques actifs.

Les comptes annuels concernant les exercices 2016 et 2017 révèlent, par ailleurs, que le chiffre d’affaires (net turnover) de la société demanderesse est en large partie constituée de la vente de certains ingrédients pharmaceutiques actifs – soit … euros pour l’année 2016 et … euros pour l’année 2017, et que les stocks y relatifs ont, par ailleurs, subi des variations. La version abrégée des comptes annuels concernant l’exercice 2015 ne permet pas de connaître le montant du chiffre d’affaires réalisé par la société demanderesse.

Le paiement des rémunérations annuelles variables figure également dans les comptes annuels de la société demanderesse. En effet, le compte de profits et pertes concernant l’exercice 2017 mentionne l’intitulé « société D » sous le poste « Other external expenses », avec un montant de … euros, tandis que celui de l’exercice 2016 mentionne au même poste et sous le même intitulé, un montant de … euros. Si la version abrégée du compte de profits et pertes concernant l’exercice 2015 dont dispose le tribunal n’indique pas le détail des charges pour l’année 2015, il ressort néanmoins du compte de profits et pertes de l’exercice 2016 qu’un montant de … euros figure sous la colonne « Previous year », soit l’année 2015, sous le même intitulé « société D ».

L’activité de la société demanderesse telle qu’elle ressort des trois contrats commerciaux, des deux contrats de transfert et des trois contrats de novation, ainsi que de ses comptes annuels, est également conforme à son objet social qui porte notamment sur « la recherche, le développement, la production et la commercialisation de tous produits, méthodes, procédés, appareils et instruments dans le domaine pharmaceutique, médical, biologique, vétérinaire et bio-technologique ».

Dans ces circonstances, le tribunal retient que non seulement la matérialité des rémunérations annuelles variables versées par la société demanderesse au profit de la société D est démontrée, mais que la société demanderesse a documenté l’apparence d’une réalité économique de l’opération sous-jacente aux dépenses, autrement dit aux rémunérations annuelles variables litigieuses, de sorte qu’il incombe, à ce stade, à la partie étatique de faire état d’un indice suffisamment concret pour ébranler l’apparence ainsi créée et la réalité économique des relations commerciales à sa base afin de justifier le refus de déductions litigieuses32.

Le délégué du gouvernement a d’abord avancé que la déduction des rémunérations annuelles variables devrait être refusée au motif que, d’un côté, les contrats de transfert ne fixeraient aucun terme par rapport au versement des rémunérations annuelles variables par la société demanderesse au profit de la société D et qu’un tel versement serait dû tant que la société demanderesse réaliserait un chiffre d’affaires dans le cadre de son activité prévue par les trois contrats commerciaux, mais que, d’un autre côté, lesdits contrats commerciaux qui seraient conclus entre tiers comporteraient, quant à eux, un terme fixe. Il en conclut que l’absence de terme aux paiements des rémunérations annuelles variables par la société demanderesse au profit de la société D serait de nature à démontrer le caractère injustifié de ces paiements.

32 Voir en ce sens : Trib. adm., 28 juin 2000, n° 11553 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 215 et les autres références y citées.

50 Force est au tribunal de constater qu’il est vrai que ni le « Transfer Agreement » conclu le 5 septembre 2014, ni le « Second Transfer Agreement » conclu le 24 novembre 2014 ne prévoient de terme.

Toutefois, le « Asset Purchase Agreement » prévoit expressément que le paiement de la rémunération annuelle variable devait prendre fin (« shall terminate ») quatre ans à compter du 23 juin 2014, tandis que le « Distribution Agreement » portant sur les droits de distribution exclusifs y attachés stipule notamment une entrée en vigueur à la même date jusqu’à la fin d’une période dite intérimaire initialement fixée au 31 décembre 2017. Il ressort, par ailleurs, expressément des stipulations du « Exclusive Supply Distribution Agreement » qu’il devait expirer (« expires ») sept ans à compter du 1er janvier 2015.

Dans la mesure où les deux contrats de transfert ne font que transférer les trois contrats commerciaux sous-jacents, en tant qu’actifs incorporels, l’arrivée du terme de chacun de ces trois contrats commerciaux aura nécessairement pour conséquence une cessation du paiement des rémunérations annuelles variables y relatifs par la société demanderesse au profit de la société D dus au titre des deux contrats de transfert, étant donné que la société D ne disposera alors plus des ingrédients pharmaceutiques actifs et des droits d’exclusivité y attachés, de sorte à exclure corrélativement, au titre des deux contrats de transfert, que l’exploitation de ces mêmes actifs et droits par la société demanderesse puisse générer des revenus au Luxembourg et exiger d’engager en amont des dépenses, à savoir le paiement des rémunérations annuelles variables.

Dans ces conditions et en l’absence de contestations par le délégué du gouvernement des explications circonstanciées de la société demanderesse à ce sujet, le tribunal est amené à rejeter les contestations y afférentes pour ne pas être fondées.

Le délégué du gouvernement a, ensuite, opposé les éléments suivants comme étant des faits déterminants pour justifier le refus de déductibilité opposé à la société demanderesse :

(i) L’absence de rémunération, et plus généralement de contrepartie financière, au profit de la société demanderesse au titre des trois contrats de novation, élément qui n’est pas contesté par la société demanderesse ;

(ii) Le fait qu’aux termes des trois contrats commerciaux, la société demanderesse ne pourrait réaliser, quelle que soit l’évolution de son chiffre d’affaires, qu’une marge brute de plus ou moins 4% sur les activités visées ; et (iii) Le fait qu’aux termes des deux contrats de transfert, la société demanderesse aurait été seule détentrice des actifs incorporels, que les fonctions essentielles à son activité auraient été exercées au Luxembourg par elle, respectivement par Monsieur X, et qu’elle aurait seule assumé les risques liés à son activité, de sorte que le paiement des rémunérations annuelles variables au profit de la société D en Suisse n’auraient pas été provoquées exclusivement pour les besoins de son entreprise au Luxembourg.

Force est au tribunal de constater que les considérations susvisées avancées par la partie étatique ont plutôt trait à la question du respect du principe de pleine concurrence sur lequel ne repose pas la décision directoriale déférée – l’article 45, alinéa (1) LIR étant la seule disposition visée par le directeur – et qui n’a pas non plus été invoqué par le délégué du gouvernement, ladite décision n’étant pas non plus fondée sur le constat d’un avantage éventuel octroyé par la 51société demanderesse, sans contrepartie, à un bénéficiaire déterminé, tel qu’un associé, sociétaire ou intéressé.

Or, les considérations liées au principe de pleine concurrence visent in fine à déterminer la part de revenus attribuables à un contribuable déterminé, et plus généralement à délimiter le pouvoir d’imposition d’un Etat déterminé, tandis que la question de la déductibilité des dépenses d’exploitation se situe, en amont, à un stade antérieur à l’attribution des revenus réalisés et a fortiori antérieur à la phase de réalisation des revenus.

L’article 45, alinéa (1) LIR – seule disposition pertinente en l’espèce – a, quant à lui, pour ratio legis de délimiter et de séparer les dépenses professionnelles et les dépenses engagées pour des besoins personnels, qu’il s’agisse des besoins personnels du contribuable en question ou de celui d’autres personnes, dont notamment ses associés ou actionnaires, tel que relevé ci-

avant.

Il est dès lors indifférent de savoir qui, de la société demanderesse ou de la société D, exerce les fonctions essentielles, détient les actifs et supporte les risques associés à l’exploitation des trois contrats commerciaux, alors que ces considérations portent sur la question de l’attribution de la part de revenus effectivement réalisés grâce aux dépenses antérieurement engagées, l’article 45, alinéa (1) LIR n’exigeant pas que le montant de la dépense engagée constitue une contrepartie parfaitement symétrique au revenu effectivement réalisé par la suite. Il suffit que la contrepartie soit, tel que relevé ci-avant, suffisante dans son ensemble33. En conséquence, la question de l’admissibilité de l’étude de prix de transfert 2021, telle que débattue par les parties à l’instance, devient surabondante.

Le tribunal retient en l’espèce, dans le stricte cadre de l’article 45, alinéa (1) LIR, que l’exercice d’une activité par la société demanderesse consistant en l’exploitation des trois contrats commerciaux constitue une contrepartie adéquate suffisante aux dépenses engagées par la société demanderesse – à savoir le paiement des rémunérations annuelles variables –, qui est de nature à démontrer l’existence d’un lien de causalité exclusif suffisant, et, par voie de conséquence, à exclure que les paiements litigieux aient été effectués pour les besoins personnels de la société demanderesse, voire pour les besoins de la société D, tel que semble le suggérer la partie étatique.

La partie étatique n’est dès lors pas fondée à refuser la déduction des dépenses d’exploitation de la société demanderesse aux motifs que les fonctions ne seraient pas exercées, les actifs ne seraient pas détenus et les risques ne seraient pas assumés par la société D en Suisse, mais par la société demanderesse au Luxembourg, indépendamment de la question de savoir si tel est effectivement le cas, tel que l’affirme la société demanderesse.

Pour les mêmes motifs, la circonstance que la société E n’aurait reçu aucune contrepartie au titre des contrats de novation est étrangère à la question de savoir s’il existe un lien de causalité exclusif suffisant entre les rémunérations annuelles variables versées par la société demanderesse et son activité réalisée au Luxembourg.

Pour être complet, il échet de relever que la société demanderesse a, à cet égard, fourni deux explications.

33 Voir en ce sens: Herrmann, Heuer, Raupach, Kommentar zum Einkommen- und Körperschaftsteuergesetz, Oktober 2022, § 4, Anm. 856.

52 Elle a d’abord indiqué, de manière circonstanciée, que l’objectif des trois contrats de novation était, pour la société D et la société E, d’obtenir, tel que relevé ci-avant, l’accord de la société F, en sa qualité de créancier, pour transférer à la société demanderesse, les droits et obligations attachés au « Asset Purchase Agreement », au « Distribution Agreement » et au « Exclusive Supply Distribution Agreement », autrement dit en procédant à une novation par substitution de débiteurs, initialement la société D et la société E, par la société demanderesse, nouveau débiteur à l’égard de la société F.

Cette analyse des stipulations contractuelles est corroborée par l’étude de prix de transfert 202134 qui explicite qu’en vertu du droit allemand, et plus particulièrement du § 415 du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch), intitulé « Vertrag zwischen Schuldner und Übernehmer », la validité d’une cession de dette par le débiteur au profit d’un tiers était subordonnée à l’accord du créancier35, les contrats de novation étant tous soumis au droit allemand. Dans un soucis de contextualisation, le tribunal relève qu’en droit luxembourgeois, la novation par changement de débiteur exige également un accord exprès du créancier36.

Dans ces conditions, et à défaut pour le délégué du gouvernement d’avoir pris position par rapport aux explications de la société demanderesse à cet égard, les développements du délégué du gouvernement sont à rejeter.

Ensuite, la société demanderesse a argumenté que l’absence de rémunération au profit de la société E au titre des trois accords de novation s’expliquerait par le fait que les deux contrats de transfert auraient déjà prévu une rémunération à cet effet, explication que le tribunal n’est, au regard des pièces soumises à son appréciation, pas en mesure de vérifier, dans la mesure où les rémunérations annuelles variables versées par la société demanderesse au profit de la société D au titre des années 2015, 2016 et 2017 ont été exclusivement versées à la société D, seule « Transferring Party » visée dans les deux contrats de transfert, à l’exclusion de la société E qui n’a fait qu’accepter ces contrats sans contrepartie pécuniaire à son profit.

Toutefois, ce constat, de même que les développements y relatifs du délégué du gouvernement sont en tout état de cause étrangers à la question litigieuse en l’espèce qui est celle de savoir si, au regard du seul article 45, alinéa (1) LIR, le paiement de ces rémunérations annuelles variables au profit de la société D est exclusivement provoquée par l’entreprise de la société demanderesse au Luxembourg. La société demanderesse ne réclame en effet pas la déduction de paiements faits au profit de la société E, de sorte que l’absence de rémunération de la société E aux termes des deux contrats de transfert n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse de l’existence du lien de causalité exclusif entre les rémunérations versées par la société demanderesse au profit de la société D.

34 Point 6.4.4., p.48.

35 « (1) Wird die Schuldübernahme von dem Dritten mit dem Schuldner vereinbart, so hängt ihre Wirksamkeit von der Genehmigung des Gläubigers ab. Die Genehmigung kann erst erfolgen, wenn der Schuldner oder der Dritte dem Gläubiger die Schuldübernahme mitgeteilt hat. Bis zur Genehmigung können die Parteien den Vertrag ändern oder aufheben. ».

36 Article 1273 du Code civil : « La novation ne se présume point; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte. » ; Article 1275 du Code civil : « La délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation. ».

53Enfin, si le délégué du gouvernement a encore invoqué, afin de rejeter la déduction des rémunérations annuelles variables litigieuses, le fait qu’aux termes des trois contrats commerciaux, la société demanderesse ne pourrait réaliser, quelle que soit l’évolution de son chiffre d’affaires, qu’une marge brute de plus ou moins 4% sur les activités visées, le tribunal relève qu’au-delà du constat que l’annexe A du « Transfer Agreement » ne limite pas le montant de revenus que la société demanderesse est susceptible de réaliser grâce aux trois contrats commerciaux, mais fixe la part de revenus à attribuer à la société demanderesse (« shall retain an annual profit margin of 4% assessed on the gross turnover on the Product Portfolio […] for the commercial management services »), ces considérations sont à rejeter pour être également étrangères au moyen sous examen, alors que le seul fait qu’une stipulation contractuelle fixe la part de revenus attribuable à la société demanderesse n’est pas de nature à exclure l’existence d’un lien de causalité exclusif au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR, d’autant plus que cette disposition ne requiert pas que les frais engagés aient effectivement permis de réaliser des recettes imposables, mais qu’il suffit que cette réalisation ait été le but du contribuable quand il a engagé lesdits frais37, étant rappelé que les dépenses ne connaissent pas de limitation quant à leur montant, tel que relevé ci-avant.

En l’absence d’autres moyens, le tribunal est amené à retenir sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent que la partie étatique est restée en défaut de remettre en cause, sur le fondement de l’article 45, alinéa (1) LIR, la réalité économique des relations commerciales à la base de la déduction des rémunérations annuelles variables, et qu’en revanche, la société demanderesse a, à suffisance, justifié l’existence d’un lien de causalité exclusif entre le paiement des rémunérations annuelles variables à la société D au cours de années 2015, 2016 et 2017, et son activité économique au Luxembourg.

C’est dès lors à tort que le directeur a refusé la déduction des montant de … euros pour l’année 2015, de … euros pour l’année 2016 et de … euros pour l’année 2017, versés par la société demanderesse au profit de la société D au titre du «»Transfer Agreement » et du « Second Transfer Agreement », qui seraient à qualifier de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45, alinéa (1) LIR.

D) Quant à l’existence d’un abus de droit au sens du § 6 StanpG Arguments des parties Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement a invoqué pour la première fois et à titre subsidiaire, le § 6 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après « StAnpG ».

Après avoir indiqué que la société demanderesse aurait réalisé un revenu sur ses activités en lien avec les trois contrats commerciaux et que ces revenus auraient en principe été pleinement imposables au Luxembourg au motif que la société demanderesse n’aurait bénéficié d’aucune exonération, le délégué du gouvernement insiste sur la considération qu’en l’espèce, la société demanderesse ne réaliserait, au titre des contrats de transfert, qu’au maximum une marge annuelle de plus ou moins 4% sur son chiffre d’affaires et que le montant résiduel correspondrait à la rémunération versée à la société D dont la société demanderesse réclamerait la déductibilité.

37 Cour adm., 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 210.

54Il ajoute que la rémunération qui serait perçue par la société D ne serait que faiblement imposée en Suisse et que dans la mesure où la société D serait détenue à 100% par la société demanderesse, les profits de la société D seraient ensuite « rapatriés » auprès de la société demanderesse sous forme de dividendes entièrement exonérés au Luxembourg par application du régime « mère-fille » prévu à l’article 166 LIR.

Le délégué du gouvernement en conclut que toutes ces opérations prises dans leur ensemble auraient pour conséquence que la conclusion des contrats de transfert qui ne seraient pas économiquement justifiés, aurait généré un gain fiscal net pour la société demanderesse qui correspondrait à la différence entre le taux d’imposition luxembourgeois et le taux d’imposition suisse qui serait appliqué sur la partie résiduelle payable à la société D.

Dans son mémoire supplémentaire, la société demanderesse conclut au rejet du moyen tiré de l’existence d’un abus de droit.

Le délégué du gouvernement n’a pas déposé de mémoire supplémentaire pour répondre aux développements de la société demanderesse à ce sujet.

Analyse du tribunal Aux termes du § 6 StAnpG, dans sa version applicable au présent litige38, la reconnaissance d’un abus de droit suppose la réunion de plusieurs éléments, à savoir plus particulièrement (i) l’utilisation de formes et d’institutions du droit privé, (ii) une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, (iii) l’usage d’une voie inadéquate et (iv) l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie39.

Le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé n’est pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d’inadéquates au vu de la liberté en principe reconnue au contribuable de choisir la voie la moins imposée, mais qu’il faut que l’objectif économique soit atteint par cette voie dans le contexte économique donné d’une manière telle qu’elle permet l’obtention d’un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d’une application de la loi fiscale conforme à son intention40.

S’il incombe en principe à l’Etat, qui invoque un abus de droit, de prouver que les éléments constitutifs de l’abus se trouvent réunis en rendant plausible l’absence d’une justification économique à la base de la voie choisie, il incombe au contribuable de faire état de considérations économiques réelles pouvant justifier la voie choisie malgré l’apparence établie par l’Etat41.

38 Voir : Loi du 21 décembre 2018 transposant la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

39 Trib. adm., 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 32 et les autres références y citées.

40 Trib. adm., 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 36 (1er volet) et les autres références y citées.

41 Trib. adm., 27 juin 2013, n° 30540 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mars 2014, n° 33125C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 38 et les autres références y citées.

55 Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement a fait part de considérations tout à fait générales sans expliquer concrètement et de manière circonstanciée dans quelle mesure les quatre conditions cumulatives du § 6 StAnpG seraient remplies en l’espèce.

Dans son mémoire supplémentaire, la société demanderesse a présenté des développements circonstanciés quant au reproche lui opposé tenant à l’existence d’une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt.

Elle a fourni des bulletins d’impôt émis par l’administration fiscale suisse pour les années 2015, 2016 et 2017 litigieuses en ce qui concerne l’impôt cantonal, l’impôt communal et l’impôt fédéral, de même que des documents dont il ressortirait que des impôts auraient été payés en Suisse pour un montant de … francs suisses. La société demanderesse a également apporté des explications au sujet des articles 147, alinéa (2), lettre f) LIR, et 10, alinéa (2) de la Convention de double imposition, tout en produisant des documents de l’administration fiscale suisse dont il ressortirait que la société D aurait été autorisée à appliquer des taux de retenues à la source réduits.

Après avoir présenté son argumentation qui serait de nature à exclure l’usage d’une voie inadéquate, la société demanderesse a également présenté des motifs extra-fiscaux de manière circonstanciée.

De son côté, la partie étatique n’a pas déposé de mémoire supplémentaire afin de prendre position par rapport aux développements de la société demanderesse en dépit de la possibilité offerte à l’Etat de prendre spécialement position par rapport au mémoire supplémentaire ordonné par le vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif au sujet des conditions d’application du § 6 StAnpG, suite à l’allégation du délégué du gouvernement selon laquelle elles seraient remplies, présentée pour la première fois et à titre subsidiaire dans son mémoire en duplique.

Dans ces conditions, le tribunal ne peut que conclure que la partie étatique est restée en défaut de rapporter la preuve que les conditions de l’abus de droit sont remplies en l’espèce, de sorte à rester, en l’état actuel du dossier, à l’état de pure allégation.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, et devant le constat fait ci-

avant que c’est à tort que le directeur a considéré que le paiement des rémunérations annuelles litigieuses versées par la société demanderesse à la société D au cours des années 2015, 2016 et 2017 n’était pas économiquement justifié, que le recours est fondé et que la décision directoriale du 24 février 2021 encourt la réformation en ce sens que les montants de … euros pour l’année 2015, de … euros pour l’année 2016 et de … euros pour l’année 2017, sont à porter en déduction du résultat de la société demanderesse en application de l’article 45, alinéa (1) LIR.

III) Quant à l’indemnité de procédure La société demanderesse a sollicité une indemnité de procédure d’un montant de 6.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 au motif qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tels que les frais d’avocat à la Cour, auquel elle aurait dû avoir recours pour assurer la défense de ses intérêts 56dans le cadre du présent recours.

Aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».

Au regard du caractère inéquitable visé par la loi conditionnant directement l’allocation d’une indemnité de procédure, il y a lieu de prendre en considération les éléments tenant directement à l’issue du litige et au caractère bien, sinon mal fondé des moyens et arguments invoqués de part et d’autre, sans prendre en considération les conséquences préjudiciables engendrées le cas échéant par l’acte administratif déféré au fond qui sont essentiellement de nature à se résoudre en dommages et intérêts et dont l’allocation ne relève pas de la compétence des juridictions de l’ordre administratif42.

Le tribunal retient que l’octroi d’une indemnité de procédure dans le chef de la société demanderesse se justifie, dans son principe, dans la mesure où elle (i) a essentiellement avancé ses moyens de fait et de droit de manière constante au cours de la procédure précontentieuse et contentieuse auxquels le tribunal a, par ailleurs, en partie fait droit, et (ii) a produit un mémoire supplémentaire quant à la question de l’existence d’un abus de droit alléguée par la partie étatique pour la première fois dans son mémoire en duplique, sans que le délégué du gouvernement n’ait, de son côté, fourni une réponse à l’argumentation de la société demanderesse ainsi produite. Toutefois, compte tenu, d’une part, de la fourniture de l’étude de prix de transfert 2021 par la société demanderesse en cours de phase contentieuse, et, d’autre part, du caractère singulier de la question de fond ayant été à la base du présent litige, le tribunal est amené à évaluer à 1.000 euros l’indemnité de procédure ex aequo et bono à allouer à la société demanderesse par la partie étatique.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours principal en réformation pour autant qu’il est dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 26 août 2020, et contre le décompte émis le 26 août 2020 ;

pour le surplus, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours justifié ;

partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 février 2021, dit que les montants de … euros pour l’année 2015, de … euros pour l’année 2016 et de … euros pour l’année 2017, sont à porter en déduction du résultat de la société demanderesse conformément à l’article 45, alinéa (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu ;

42 Cour adm., 13 février 2007, n° 22258C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1247 ; Cour adm., 19 février 2009, n° 24960C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1257.

57renvoie l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes en vue de son transfert au bureau d’imposition compétent aux fins d’exécution ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg au paiement d’une indemnité de procédure à la société demanderesse d’un montant de 1.000 euros ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, et lu à l’audience publique du 14 juin 2023 par le premier vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 58


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46054
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-14;46054 ?

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