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09/06/2023 | LUXEMBOURG | N°48814

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2023, 48814


Tribunal administratif Numéro 48814 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48814 4e chambre Inscrit le 12 avril 2023 Audience publique du 9 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48814 du rôle et déposée le 12 avril 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale Peto

ud, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif Numéro 48814 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48814 4e chambre Inscrit le 12 avril 2023 Audience publique du 9 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48814 du rôle et déposée le 12 avril 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale Petoud, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Ethiopie) et être de nationalité éthiopienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 mars 2023 ayant déclaré sa deuxième demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pascale Petoud et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique 23 mai 2023.

Le 27 novembre 2017, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par une décision du 20 novembre 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », refusa comme non fondée la demande de protection internationale de Monsieur … tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par arrêt du 23 février 2021, inscrit sous le numéro 45387C du rôle, la Cour administrative confirma un jugement du 17 novembre 2020, inscrit sous le numéro 42151 du rôle, ayant rejeté le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ladite décision du 20 novembre 2018.

1 Par courrier de son litismandataire du 17 mai 2021, Monsieur … informa le ministre de son intention d’introduire une deuxième demande de protection internationale, ce qu’il fit le 1er juin 2021.

Les 17 juin, 14 et 21 juillet 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa deuxième demande de protection internationale.

Par décision du 24 mars 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandé expédiée le même jour, le ministre déclara la deuxième demande de protection internationale de Monsieur … irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) et la rejeta dans les termes suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre deuxième demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 1er juin 2021 auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 »).

En mains le rapport de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 17 juin 2021, 14 juillet 2021 et 21 juillet 2021 sur les motifs sous-tendant votre deuxième demande de protection internationale, ainsi que l'ensemble des pièces contenues dans votre dossier.

Monsieur, vous avez été débouté de votre première demande de protection internationale par un arrêt de la Cour administrative du 23 février 2021 laquelle a conclu qu' « En effet, force est de constater en premier lieu que Monsieur … n'a pas pu soumettre aux autorités luxembourgeoises un quelconque document, écrit ou attestation susceptibles de documenter son identité respectivement de soutenir ses affirmations à la base de son récit. Bien au contraire, le seul document produit par l'intimé, à savoir son permis de conduire éthiopien, s'est avéré être un faux, tel que cela se dégage du rapport n° 2018/5816/122/DA du 4 février 2018 dressé par le service central UCPA de la Police grand-ducale, section « Expertise Documents ».

Loin de clarifier le constat des autorités luxembourgeoises en relation avec son faux permis de conduire, Monsieur … persiste à affirmer que ledit document serait authentique, sans tenter de clarifier les doutes sérieux que cet état des choses génère logiquement à propos de son identité.

Or, aux yeux de la Cour, il aurait été parfaitement possible que l'intimé produise à l'heure actuelle d'autres documents ou écrits, tels des diplômes, étant relevé dans ce contexte que son épouse vit toujours en Ethiopie, ensemble avec ses deux enfants et la mère de l'intimé, sans être autrement inquiétée par les autorités éthiopiennes.

A cela s'ajoute, tel que relevé à bon escient par le délégué du gouvernement, que l'intimé n'a donné que des affirmations tout à fait vagues concernant le fonctionnement de l'organisation politique « Ginbot 7 » et son appartenance y relative sans fournir le moindre élément de preuve concernant sa qualité de membre, telle une carte d'adhésion audit mouvement. Sans vouloir entrer dans la discussion si c'est l'intimé ou son épouse qui est 2titulaire du compte Facebook « … », et à supposer que ce soit son épouse, les captures d'écran de photos postées sur ledit compte, mises en avant par le délégué du gouvernement, documentent cependant que l'intéressé a pu mener une vie tout à fait confortable dans son pays d'origine, en partie à une époque où il se disait déjà opposant politique et avoir été dans le collimateur des autorités éthiopiennes.

En outre, la Cour se doit de relever que la réalité de la date de départ de Monsieur … de son pays d'origine et du trajet emprunté pour venir en Europe est sujette à caution, étant donné que l'intimé aurait pu prouver la réalité de ses dires dans ce contexte en produisant le passeport utilisé pour venir en Europe respectivement le ticket d'avion ou la carte d'embarquement y relative, ce qu'il n'a précisément pas fait.

Or, il découle de cette attitude incohérente que Monsieur … ne joue pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises et qu'il tente de dissimuler des informations afin de se procurer un avantage, le tout caractérisant une tentative d'abus des régimes de protection internationale.

Cette attitude amène la Cour à la conclusion que le récit de l'intimé ne convainc pas dans sa globalité et qu'il tente sciemment d'induire en erreur au sujet de son identité et de son vécu, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de protection internationale de Monsieur … pour défaut de crédibilité, l’analyse de la situation sécuritaire actuelle en Ethiopie et des opposants politiques devenant de sorte surabondante ».

Vous avez par la suite été convoqué à vous présenter en date du 22 avril 2021 dans les locaux de la Direction de l'immigration aux fins de vous expliquer sur les modalités d'un retour volontaire dans votre pays d'origine. Lors de ce rendez-vous, vous déclarez refuser retourner en Ethiopie.

Quelques jours plus tard, par l'intermédiaire d'un courrier de votre mandataire du 17 mai 2021, vous déclarez introduire une nouvelle demande de protection internationale alors que vous auriez des éléments nouveaux qui augmenteraient de manière significative vos chances d'obtenir une protection internationale. Tel qu'il ressort dudit courrier, vous maintenez l'ensemble de vos dires tels que présentés lors de votre première demande, à savoir que vous seriez un opposant politique membre de « Ginbot 7 », que vous auriez été emprisonné et que vous auriez perdu votre travail en raison de votre refus de joindre le Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front (EPDRF — parti politique n'existant plus depuis 2019), tout en maintenant vos déclarations selon lesquelles votre permis de conduire serait authentique.

Vous versez à cet effet diverses pièces datant de janvier 2019 respectivement d'avril 2021, censées prouver que votre permis de conduire serait authentique, de sorte que « la crédibilité du récit de mon mandant ne saurait désormais être remise en cause » et que « Les attestations relatives au permis de conduire n° … délivré à Monsieur … sont à considérer comme des éléments ou faits nouveaux qui augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale ».

Puis, lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre deuxième demande, vous faites alors état d'un tout autre récit, sans lien avec la prétendue authenticité de votre permis de conduire. Vous déclarez en effet maintenant que vous seriez membre depuis 2020 d'un mouvement dénommé « wir werden nicht den Mund halten wegen … — we will never be silent about … (sile addis ababa zim anilim) », lequel aurait été déclaré groupement terroriste par le gouvernement éthiopien en mai 2021. Vous ne pourriez dès lors pas retourner dans votre pays 3d'origine alors que « Leute wie ich » (entretien page 3) y seraient poursuivis et arrêtés de sorte que votre vie y serait en danger.

Vous n'auriez pas mentionné que vous seriez membre dudit groupement «sile addis ababa zim anilim » lors de votre première demande alors qu'il n'aurait été créé qu'après votre départ d'Ethiopie et après votre entretien mené à la base de votre première demande.

Vous déclarez ainsi qu'en octobre 2018, « aber ich bin mir nicht ganz sicher » (entretien page 8), il y aurait eu des manifestations à … dans le quartier de Burayu. Des soldats du gouvernement auraient tué par balle sept personnes et plus de 1.500 jeunes auraient été arrêtés, de sorte que « wir » auriez lancé une campagne médiatique sur les applications WhatsApp, Telegram et Facebook pour demander à ce que les jeunes soient remis en liberté.

Vous auriez été invité à participer dans cette « Chatgruppe » (entretien page 6) par un dénommé …, qui serait membre du parti Balderas et fonctionnaire en Europe, mais vous connaîtriez uniquement son prénom. Vous auriez fait connaissance de cette personne sur Facebook en raison de votre idéologie commune et vous rajoutez qu' « ich schreibe immer gegen die Regierung auf meiner Seite » (entretien page 6). Vous seriez vingt membres de ce groupe qui seraient en contact via Justmeet. Vous soutiendriez les membres dudit groupe à … avec des idées et financièrement, et à travers la chaîne YouTube Ethio360, vos projets seraient diffusés en Ethiopie. Vous-même rédigeriez le contenu d'une émission et « wir » informerez « über alles was schlecht läuft » (entretien page 5). Vous prépareriez tout et lorsque vos préparatifs seraient terminés vous transféreriez « alles » à un membre en Allemagne. Après que « wir » auriez tout discuté, il y aurait un groupe de personnes en Ethiopie qui serait sous vos ordres.

Vous déclarez également que lorsque le groupement «sile addis ababa zim anilim » aurait été créé, « wir » auriez été invités à participer sur Telegram en 2020, mais vous n'auriez été « in unser Komitee bestellt » qu'en 2021. Ce groupe de discussion aurait été créé par « Beniam, …, und (…) Maereg » (entretien page 6). En raison de ce groupement, « sind wir angezeigt worden » (entretien page 6).

Convié à expliquer qui serait « wir » et qui aurait porté plainte contre vous, vous déclarez alors que la ville d'… et le gouvernement du premier ministre Abiy auraient porté plainte contre vous alors que vous seriez contre l'idéologie que le gouvernement tenterait de propager et qu'Abiy tenterait de « seinen Clan herrschen zu lassen (entretien page 6). Le groupement «sile addis ababa zim anilim » aurait agi contre ses mesures politques et aurait « die Bevölkerung erweckt damit sich ein Bewusstsein dafür erschafft und sie etwas dagegen unternehmen » (entretien page 7). Concrètement, à travers vos contacts, vous auriez sélectionné des jeunes dans divers quartiers d'… et chaque jeune devrait recruter à son tour 300 autres jeunes de sorte que vos idées se seraient propagées.

Convié à expliquer concrètement votre propre rôle dans ce groupement, vous déclarez qu' « ich verfasse meine Ideen » (entretien page 7) qui seraient par la suite discutées et si chacun aurait donné son accord, vous diriez à vos subordonnés en Ethiopie ce qu'ils devraient faire « und auch die finanzielle Versorgung wird geregelt » (entretien page 7). Convié à donner un exemple de vos « idées » respectivement ordres, vous déclarez leur dire par exemple que le gouvernement les oppresserait et que les appartements que les habitants d'… auraient construits et financés ne seraient pas distribués à la population, mais auraient été donnés par le gouvernement à des personnes d'ethnie Oromo.

4Invité encore à clarifier vos déclarations en expliquant notamment qui seraient vos subordonnés, vous affirmez être responsable pour un quartier de la ville d'… et « ich sage dann zu meinen Leuten was sie machen müssen » (entretien page 7). En contrepartie, ils seraient soutenus financièrement. Vous auriez été choisi pour être responsable du quartier « durch die interne Kommunikation » et puisque vous seriez originaire de ce quartier et connaîtriez les jeunes qui y seraient actifs. La décision que vous seriez le responsable de ce quartier aurait été prise « vom Komitee » (entretien page 9).

Concernant votre rôle dans le financement, vous déclarez que vous mettriez en contact les gens « die sich das leisten können » (entretien page 9), qui se trouveraient en Europe et aux Etats-Unis, avec les jeunes en Ethiopie pour que ces derniers soient financièrement soutenus pour leur travail. L'argent serait viré en Ethiopie et lorsqu' « eine Person » aurait reçu l'argent vous en informeriez « meine Leute » pour qu'ils pourraient y retirer leur argent. Vous auriez dans ce contexte travaillé avec une seule personne dont vous auriez oublié le nom.

Convié à expliquer qu'est-ce que vous entreprendriez personnellement dans ce groupement, vous déclarez que vos personnes de contact s'appelleraient Gerum Akalilun et Minyichil Mole et « ich sage den beiden was sie machen müssen » (entretien page 7). Vous leur diriez qu'ils devraient renseigner les jeunes et qu'ils devraient les préparer pour révolter contre le gouvernement. Ces personnes de contact devraient également instruire les personnes plus âgées sur les injustices du gouvernement. Vous les contacteriez via les applications Messenger, Imo et Telegram. Vous ne pourriez néanmoins pas fournir ces messages échangés, alors que vous devriez « die Nachrichten sofort löschen nachdem wir alles besprochen haben » (entretien page 7).

Le gouvernent éthiopien vous aurait accusé en date du 7 mai 2021 au motif que vous auriez planifié le renversement du gouvernement. Vous remettez dans ce contexte des articles de journaux desquels il ressortirait que le gouvernement aurait désigné ledit groupement comme étant un groupement terroriste. Il en ressortirait également que les membres seraient arrêtés et qu'ils devraient se justifier devant un tribunal « egal wo sie sich befinden » (entretien page 8).

Invité à expliquer qu'est que vous feriez exactement pour la chaîne YouTube …, vous ne répondez pas à la question et montrez à l'agent chargé de votre entretien un message sur l’application Telegram que vous auriez envoyé et qui concernerait les élections « die vor einiger Zeit in Ethiopien stattfanden » (entretien page 8). Vous déclarez par la suite qu'on pourrait vous voir sur une vidéo du 5 juin 2021 sur votre canal YouTube dénommé « … »1, vidéo que vous auriez éditée vous-même. Convié à nouveau à décrire quels contenus auraient été publiés sur la chaîne …, vous déclarez alors que « mein Anteil war es zu schreiben » (entretien page 9). Vous auriez envoyé cela à … et à …, un journaliste qui travaillerait pour cette chaîne et qui serait membre du parti Balderas. Invité à donc clarifier en quoi exactement aurait consisté votre contribution, vous ne répondez à nouveau pas à la question tout en affirmant qu’« ich habe nicht direkt an ihn geschrieben, sondern zuerst an … » (entretien page 9). Vous auriez écrit récemment que la population d'… devrait participer aux élections et de voter pour le parti Balderas. Votre écrit aurait été publié « beim Sender » et il aurait été dit que le groupement « Wir werden nicht still sein wegen … » aurait exigé que tout le monde participe aux élections.

Vous ne pourriez pas retourner en Ethiopie parce que vous seriez recherché par le gouvernement. En cas de retour, vous seriez emprisonné et il se pourrait également que vous 5seriez tué. Convié à expliquer pourquoi vous penseriez être recherché, vous déclarez être contre le gouvernement et vous seriez connu pour vos actions. Tous les opposants seraient arrêtés ou tués.

A l'appui de votre deuxième demande, vous versez les documents suivants :

- La copie d'un courrier de l'administration de la ville d'… « Autorité de control [sic] des transports routiers et des conducteurs » du 12 janvier 2019, traduit en français, ainsi que la copie d'une facture de cette même administration du 12 janvier 2019, traduite en français ;

- Une copie d'un courrier du 2 avril 2021 du « GOUVERNEMENT DE LA VILLE D'… AUTORISTION [sic] DES CONDUCTEURS ET DE VEHICULES ET AUTORITÉ DE CONTRÔLE BUREAU DE … », qui aurait été traduit par un bureau de traduction à … en langue française, et aux termes duquel l'autorité compétente à … vous aurait délivré un permis de conduire sous forme d' « officeprint carte » alors qu'il y aurait eu « une [sic]manque de photocard » ;

- Une copie d'un acte de naissance de votre épouse émis en date du 29 mai 2018 ;

- Une copie d'un certificat de mariage émis en date du … 2017 ;

- Un article de presse issu du New Herald du 7 mai 2021 avec une traduction libre en langue française ;

- Un article de presse issu du The Ethiopian Herald du 7 mai 2021 en langue anglaise;

- Un certificat de l'association « Liewen Dobaussen » établi par la psychologue …, non signé, aux termes duquel vous suivriez depuis avril 2021 un traitement psychologique ;

- Une copie de deux captures d'écran non datées d'un groupe Telegram « Nous ne nous tairons pas au sujet d'… », traduites en langue française ;

- Une copie d'une capture d'écran non datée d'un texte que vous auriez envoyé dans le groupe Telegram « Nous ne nous tairons pas au sujet d'… », traduite en langue française ;

- Une copie d'un texte du 27 octobre 2021 en langue anglaise de Balderas for True Democracy party Support group in Europe and Addis Ababa Existence for Ethiopian Movement (A.E.E.M.) intitulé « To Whom it may concern:- Eskinder Nega life is in Danger », d'un auteur inconnu, parvenu à la Direction de l'immigration par courrier du 10 novembre 2021 sans autre explication.

Monsieur, je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 28 (2) d) de la Loi de 2015, votre deuxième demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau relatif à l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d'une protection internationale. Je rappelle dans ce contexte, qu'en vertu de l'article 32 (4) de cette même loi « Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l'examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

En effet, il y a lieu tout d'abord de soulever que la crédibilité de vos dires par rapport à votre prétendu activisme politique doit être remise en doute.

6Ce constat doit être dressé en premier lieu du fait qu'il ressort des éléments de votre dossier que lors de l'analyse de votre première demande de protection internationale, vous n'avez à aucun moment fait état du fait que vous seriez, depuis 2018, membre dans divers groupes sur les réseaux sociaux, de même que vous n'avez également pas fait état du fait que vous seriez membre du groupement « sile addis ababa zim anilim » depuis 2020. Votre affirmation selon laquelle vous n'auriez pas fait état de ces éléments lors de l'analyse concernant votre première demande de protection internationale au motif que ledit groupement n'aurait été créé qu'après votre entretien sur les motifs à la base de votre première demande ne porte pas à conséquence. Vous n'avez en effet manifestement pas été dans l'incapacité de les faire valoir durant la précédente procédure y compris dans la phase contentieuse alors que vous n'avez été définitivement débouté de cette première demande par un arrêt rendu par la Cour administrative qu'en février 2021, de sorte que votre allégation d'être un membre dudit groupement et connu pour vos activités doit, d'un côté, être mis en doute, d'un autre côté, n'est manifestement pas à considérer comme élément nouveau au sens de la Loi de 2015.

Que vos nouveaux motifs de fuite ne sont pas crédibles ressort ensuite sans aucun doute du fait qu'il ressort du courrier de votre mandataire du 17 mai 2021 concernant votre deuxième demande de protection internationale, que les faits nouveaux sur lesquels vous basez cette nouvelle demande se résument textuellement et essentiellement au seul fait que vous disposeriez désormais de pièces qui prouveraient que votre permis de conduire éthiopien serait authentique de sorte que votre histoire présentée à l'appui de votre première demande serait donc crédible tout en reprenant exactement les mêmes motifs que ceux avancés à la base de cette première demande, sans perdre mot sur ledit groupement fiché comme groupement terroriste en Ethiopie, ni du fait que vous seriez un membre et responsable dudit groupement.

Sur votre fiche des motifs manuscrite remplie à l'occasion de votre deuxième demande, vous ne mentionnez également nullement le fait que vous seriez membre dudit groupement, ni que vous seriez responsable d'un quartier d'…, ni que vous vous trouveriez de ce fait dans le collimateur des autorités éthiopiennes. Ce n'est que lors de votre entretien sur les motifs sous-

tendant votre deuxième demande que vous tentez de faire gober aux autorités cette histoire aux termes de laquelle vous seriez désormais à considérer, à nouveau, comme un opposant politique, mais cette fois-ci pour appartenir à un autre groupement et que vous vous trouveriez dans le collimateur des autorités éthiopiennes.

Or, un tel changement radical de position remet en cause l'ensemble de vos déclarations alors qu'il est clair que vous tentez par tout moyen de vous faire passer comme étant un opposant politique aux fins d'augmenter vos chances de vous voir accorder un statut de protection internationale.

En effet, hormis le constat qu'il vous aurait appartenu de faire état de votre activisme dans ledit groupement depuis 2020 lors de votre première demande de protection internationale, vous auriez dû faire état de vos motifs actuellement allégués au plus tard dans le courrier de votre mandataire du 17 mai 2021, et y préciser que vous seriez actuellement en danger en cas de retour dans votre pays d'origine alors que le gouvernement éthiopien aurait déclaré le groupement duquel vous seriez membre comme groupement terroriste en date du 7 mai 2021, et donc à une date antérieure à la date de la présentation de votre deuxième demande. Or, le fait que vous déclarez dans ledit courrier maintenir l'ensemble de vos motifs invoqués à la base de votre première demande du simple fait que vous pourriez désormais prouver que votre permis de conduire serait authentique, sans perdre mot sur le fait qu'à cette date vous auriez déjà été dans le collimateur des autorités éthiopiennes rend l'ensemble de vos 7déclarations dans ce contexte non crédibles. En effet, une personne qui cherche réellement à trouver une protection par peur d'être emprisonnée ou tuée en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'elle serait accusée d'être membre d'un groupement terroriste déclare ces faits immédiatement aux autorités et ne cherche pas d'abord à se ménager par le biais de l'introduction d'une deuxième demande de protection internationale une troisième voie de recours contre un arrêt de la Cour administrative rendu en dernier ressort.

Que vous ne vous tenez pas à la vérité et que vous cherchez manifestement à faire un usage abusif de la procédure d'asile est d'ailleurs confirmé par le constat que votre première demande de protection internationale a déjà été rejetée au motif que votre récit dans sa globalité n'était pas crédible. Le fait que vous versez actuellement des pièces qui seraient censées prouver que votre permis de conduire serait authentique ne change rien aux conclusions de la Cour administrative retenues dans son arrêt précité de février 2021 quant au défaut de crédibilité de vos propos livrés à l'appui de votre première demande. En effet, le fait d'actuellement conclure que vos déclarations quant à votre emprisonnement en tant que membre allégué du parti politique « Ginbot 7 » seraient crédibles parce que votre permis de conduire serait authentique résulte d'une équation purement simpliste, la Cour administrative n'ayant en effet manifestement pas conclu à votre manque de sincérité du seul fait que votre permis de conduire a été considéré comme étant un faux document par la police. Bien au contraire, la Cour retient de nombreux autres points lesquels ont permis de considérer que manifestement vous avez menti à l'appui de votre première demande, notamment le fait que vous avez publié sur votre compte Facebook, des photos vous montrant en bonne forme et publiées à une date à laquelle vous auriez été emprisonné. L'ensemble des éléments soulevés par l'autorité étatique dans le cadre de cette procédure prouvent à suffisance que vous avez tout simplement menti à l'appui de votre première demande, constat manifestement non ébranlé par le fait de verser actuellement des copies de documents qui seraient censés prouver l'authenticité de votre permis de conduire, étant précisé que vous laissez en outre de prouver avoir été acquitté au pénal du chef des accusations de faux et d'usage de faux devant les juridictions luxembourgeoises.

Ceci dit, il peut encore être précisé par rapport au constat que manifestement vous ne jouez pas franc-jeu avec les autorités que des recherches actuelles sur les réseaux sociaux ont permis de relever que le compte Facebook ayant au stade de votre première demande de protection internationale permis de dévoiler votre manque de crédibilité n'est en effet plus retrouvable en tapant votre nom « Getachew Solomon », de sorte à prouver davantage que vous cherchez à cacher et dissimuler votre vécu réel. Or, il a pu être découvert — après des recherches approfondies dans ce contexte — que vous avez entretemps changé de nom sur votre compte Facebook et que vous vous nommez actuellement « (…) »2 (…) en langue amharique et que vous possédez en outre un compte sous le pseudonyme « Solomon Janmeda ». Vous avez en outre pris soin de supprimer l'ensemble des photos ayant permis de démasquer vos mensonges concernant votre première demande de protection internationale. Or, ces constats ne permettent que de confirmer que manifestement vous ne jouez pas franc jeux avec les autorités desquelles vous estimez devoir obtenir le droit de vous installer sur le territoire luxembourgeois. Ces mêmes recherches n'ont également pas permis de trouver trace de publications qui seraient à considérer comme pouvant intéresser le gouvernement éthiopien, ce d'autant plus que vous ne figurez plus sur Facebook sous votre propre nom, mais sous un pseudonyme, de sorte que vous n'êtes même pas identifiable pour le gouvernement éthiopien.

Vous n'êtes en tout cas, pas plus que lors de votre première demande de protection internationale, pas un opposant politique fervent à risque dans son pays d'origine, mais tout au plus un citoyen éthiopien non satisfait de la situation dans son pays d'origine.

8 Vous restez par ailleurs toujours en défaut de verser votre passeport aux autorités ou d'autres pièces permettant d'établir les circonstances dans lesquelles vous avez à l'époque quitté votre pays d'origine tout en étant néanmoins en possession de vos diplômes que vous avez versés à l'appui de votre demande en obtention d'une autorisation de travail au Luxembourg, mais que vous n'avez pas versés à l'appui de votre demande de protection internationale. Vous versez donc manifestement, à l'appui de vos demandes de protection internationale, uniquement des pièces qui pourraient servir votre cause. Ce même constat vaut manifestement également pour ce qui est de votre rôle de prétendu opposant politique alors que vous paraissez comme une vraie girouette politique dans ce contexte. En effet, vous prétendez d'abord être membre de Ginbot 7, puis vous signez en 2019, soit en cours de procédure relative à votre première demande de protection internationale, une pétition en faveur d'Abiy Ahmed pour qu'il obtienne le Prix Nobel, et actuellement, vous seriez donc, et ce depuis 2020, soit également en cours de procédure de votre première demande de protection internationale, membre du groupement « sile addis ababa zim anilim ». Vous mettez donc à jour un comportement purement opportuniste aux fins de tenter de vous créer un profil politique dans le but de pouvoir ainsi obtenir un titre de séjour sous le couvert de l'introduction d'une protection internationale.

Ensuite, et hormis le constat que vous faites état de déclarations totalement contradictoires concernant les motifs de votre deuxième demande de protection internationale dans votre missive du 17 mai 2021 et lors de votre entretien du 17 juin 2021, force est de constater que vos affirmations dans ce contexte se résument à un ensemble de déclarations totalement vagues manquant de toute précision et ressemblant par ailleurs étrangement à celles faites lors de votre entretien concernant votre première demande de protection internationale par rapport à votre rôle que vous auriez eu dans le parti « Ginbot 7 », sauf que vous adapter actuellement quelque peu vos déclarations passe-partout avec des éléments que vous auriez connu à travers la presse concernant le groupement « sile addis ababa zim anilim », notamment l'extrait d'un journal du 7 mai 2021 que vous versez à l'appui de votre demande actuelle. Il ressort en outre clairement de vos affirmations vagues que vous n'avez en fait aucune idée concrète concernant le fonctionnement dudit groupement et ne connaissez pas le nom complet de personnes avec lesquelles vous auriez néanmoins interagi en tant que responsable d'un quartier entier d'…. Il ressort également de vos déclarations que vous ne savez faire aucunement état de manière concrète quel aurait été votre rôle et quelles auraient été les actions qui se seraient suivies de par votre propre intervention. Vous restez en outre en défaut de rapporter la moindre preuve de vos dires, à savoir que vous seriez effectivement membre dudit groupement, que vous seriez actuellement dans le collimateur du gouvernement éthiopien, que vous auriez été impliqué dans l'organisation des flux financiers dudit groupement et que vous auriez été désigné par le comité dudit groupement comme étant un responsable pour un quartier entier à …. Or, et dans la mesure où vous vous trouvez hors de votre pays d'origine, vous deviez être à même de rapporter la preuve de l'ensemble de vos dires, votre affirmation selon laquelle vous devriez toujours supprimer l'ensemble des messages n'étant pas de nature à excuser l'absence totale de preuves ou pièces quant à votre rôle de responsable dans ledit groupement. Bien au contraire, ce constat ne permet que de confirmer les doutes quant à l'ensemble de vos déclarations dans ce contexte.

Si vous versez encore diverses pièces censées démontrer votre activisme dans ce groupement, notamment deux captures d'écran non datées dont vous seriez l'auteur, force est tout d'abord de rappeler que votre histoire dans son ensemble se révèle être la reproduction incomplète de faits que vous auriez pu connaître à travers la presse. Ensuite, le fait de poster 9que les Ethiopiens devaient aller voter ne fait de vous ni un membre dudit groupement, ni un opposant politique. Il ne ressort en outre d'aucun élément de votre dossier que vous seriez recherché par qui ou accusé de quoi que ce soit en Ethiopie.

Il suit des considérations ci-dessus, au vu, d'une part, de la contradiction totale de vos motifs présentés à l'appui de votre deuxième demande de protection internationale présentés, d'abord dans le courrier de votre mandataire du 17 mai 2021 et, ensuite, lors de votre entretien en juin 2021, et, d'autre part, au vu de votre comportement en général au cours de l'ensemble de vos procédures, et encore d'autre part, de l'absence de toute pièce probante de vos dires, que votre crédibilité est à considérer comme définitivement ébranlée et que vous ne faites manifestement pas état de manière crédible d'éléments nouveaux qui augmenteraient de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable au sens de l'article 28 (2) d) de la Loi de 2015. (…) ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date 12 avril 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 24 mars 2023.

Etant donné que la décision déférée déclare irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 35, paragraphe (3) de ladite loi prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 28, paragraphe (2) de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en annulation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique être né le 8 février 1977 à … en Ethiopie, être de nationalité éthiopienne et d’ethnie Amhara.

Il fait ensuite valoir avoir présenté une première demande de protection internationale en date du 27 novembre 2017 et d’avoir, dans ce contexte, été entendu dans le cadre d’un entretien individuel au ministère, au cours duquel il aurait déclaré que pendant ses études, dès janvier 2012, il aurait rejoint le parti d’opposition Ginbot 7 qui serait interdit en Ethiopie et y serait inscrit sur la liste des organisations terroristes. Après avoir fini ses études à l’Université d’…, il aurait obtenu un poste au sein de la « Federal documents Authentification and Registration Agency » à partir de septembre 2013. En raison d’ailleurs de son refus de joindre le parti EPRDF au pouvoir et de son appartenance à l’ethnie Amhara, ses conditions de travail se seraient rapidement dégradées en ce qu’il aurait été affecté à des tâches subalternes, sans rapport avec sa qualification professionnelle et en ce qu’il aurait régulièrement dû subir des insultes directement liées à son ethnie. Lesdites conditions de travail l’auraient par contre conforté dans son opposition au régime éthiopien et dans son adhésion au parti d’opposition Ginbot 7, lequel prônerait l’égalité entre les ethnies, contrairement au parti EPRDF qui favoriserait clairement l’ethnie Tigré. Il explique ensuite que, dans le cadre de son activité auprès dudit parti d’opposition, il aurait été responsable d’une cellule de quatre personnes chargée de diffuser des informations auprès de la jeunesse. En date du 29 janvier 2016, alors 10qu’il aurait été en train de prendre son petit-déjeuner chez lui en présence de son enfant, quatre policiers auraient débarqué et lui auraient demandé de les suivre. Il aurait ensuite été emmené brutalement au poste de police où on lui aurait reproché d’être en infraction avec la loi éthiopienne pour avoir mobilisé des gens contre le gouvernement, ce qu’il aurait alors nié.

Après quelques heures en cellule, il aurait été amené à la prison de … où il aurait été interrogé et torturé, en ayant été attaché, pendu par les pieds et frappé, les coups ayant été si violents qu’il aurait plusieurs fois perdu connaissance, tout en précisant que les conditions de détention auraient été extrêmement difficiles. Au bout de trois mois, il aurait été amené à la prison de …, où il serait resté sept mois jusqu’à sa libération le 8 décembre 2016 suite au paiement d’une caution de 25.000.- birrs. Le demandeur fait ensuite valoir que suite à cet épisode traumatisant, il aurait dû se soigner et que, rapidement après sa sortie de prison, soit après environ deux mois, il aurait constaté qu’il aurait été suivi et espionné par des personnes qui n’auraient pas été de son quartier. En octobre 2017, des policiers auraient été à sa recherche et se seraient présentés à son domicile où son épouse aurait été présente, lui-même ayant été auprès de sa grand-mère à l’hôpital, tandis qu’un voisin l’aurait alors appelé pour l’avertir. Se sentant immédiatement en danger, il aurait alors d’abord décidé de se rendre chez un ami à …, puis, avec l’aide d’un passeur, il aurait quitté l’Ethiopie le même mois pour venir déposer sa demande de protection internationale au Luxembourg en novembre 2017, laquelle aurait été rejetée par une décision du ministre du 20 novembre 2018.

Or, cette décision n’aurait pas expressément mentionné le manque de cohérence ou de crédibilité de son récit, ni n’aurait-elle véritablement remis en cause la véracité des faits, mais se serait contentée, sans aucune pertinence au regard des détails de son récit, de dire que les faits mis en avant par lui ne seraient pas établis. L’autorité ministérielle, par ladite décision du 20 novembre 2018, aurait, par ailleurs, retenu une absence de persécutions dans son chef sur base de son ethnie Amhara au motif que ses déclarations seraient en contradiction avec son vécu et que la pression de ses supérieurs et leurs insultes n’auraient pas un caractère suffisamment grave pour être assimilées à une persécution. Le ministre se serait encore contenté de qualifier son emprisonnement de « prétendu », alors qu’au contraire, les détails apportés par lui lors de son entretien quant à son arrestation, à ses conditions de détention, aux tortures et aux interrogatoires répétés subis par lui ne laisseraient aucun doute quant à leur réalité, réalité qui serait encore corroborée par ses séquelles psychologiques pour lesquelles il nécessiterait encore aujourd’hui une prise en charge. Il estime encore que la décision de refus du 20 novembre 2018 aurait exclusivement été motivée par le fait que la situation politique en Ethiopie aurait changé suite à l’entrée en fonction du nouveau Premier Ministre Abiy Ahmed et en ce que le parti Ginbot 7 aurait été retiré de la liste des organisations terroristes.

En citant des extraits du jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2020, inscrit sous le numéro 42151 du rôle, le demandeur fait encore valoir que la décision ministérielle précitée du 20 novembre 2018 aurait été annulée par le tribunal administratif sur base de la considération que le ministre n’aurait pas remis en cause la véracité de son récit et que, contrairement à l’appréciation du ministre dans ladite décision, la situation politique en Ethiopie ne se serait pas encore stabilisée au point d’exclure d’emblée des actes de persécution contre des opposants politiques.

Le demandeur cite ensuite l’arrêt de la Cour administrative du 23 février 2021, inscrit sous le numéro 45387C, par lequel le jugement précité du 17 novembre 2020 a été réformé, ainsi que le courrier de son litismandataire du 17 mai 2021 par lequel il aurait informé le ministre de son intention d’introduire une deuxième demande de protection internationale, laquelle aurait été suivie par la décision litigieuse.

11 En droit et en s’emparant des articles 32 et 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur estime que l’analyse du ministre dans la décision déférée serait erronée au vu des éléments de preuve apportés par lui.

Ainsi, il relève que ce serait tout d’abord à tort que le ministre aurait limité l’examen de la recevabilité de sa nouvelle demande aux seuls faits invoqués dans le courrier de son litismandataire du 17 mai 2021 et d’avoir écarté les déclarations recueillies dans le cadre de son entretien individuel en date des 17 juin, 14 et 21 juillet 2021.

Dans ce contexte, il fait valoir s’être soumis à son obligation de coopération et d’avoir répondu aux questions de l’agent du ministère. Ainsi, au cours de son entretien individuel, interrogé sur les motifs de sa nouvelle demande de protection internationale, il aurait expliqué que les déclarations faites au cours de sa première demande auraient été véridiques et que son permis de conduire serait authentique, tout en ajoutant qu’il appartiendrait à un groupe qui serait qualifié de terroriste par le pouvoir éthiopien, de sorte qu’il devrait craindre pour sa vie en cas de retour en Ethiopie. Suite auxdites déclarations, l’agent en charge de l’entretien l’aurait interrogé sur son permis de conduire, ainsi que sur son adhésion au groupe « We will never be silent about … ». Dans ces conditions, ce serait à tort que le ministre soutiendrait que lors de cet entretien, il aurait fait état d’un tout autre récit, sans lien avec la question de l’authenticité de son permis de conduire. Il estime, dans ce contexte, que le fait de lui reprocher d’avoir développé tous ces éléments au cours de son entretien serait contraire à l’article 32 de la loi du 18 décembre 2015, tout en précisant que le courrier de son litismandataire du 17 mai 2021 aurait eu pour fonction de formaliser sa nouvelle demande et non pas de circonscrire l’intégralité des éléments et faits nouveaux à prendre en considération dans l’examen de cette nouvelle demande de protection internationale, dont le législateur n’aurait pas expressément prévu la forme.

Il estime ensuite, que dans son arrêt précité du 23 février 2021, la Cour administrative aurait estimé que son récit ne serait pas crédible au motif qu’il aurait remis un faux document, soit son permis de conduire. Il rappelle, dans ce contexte, qu’il aurait, dans le cadre de sa première demande de protection internationale remis un permis de conduire éthiopien n°…, qui aurait été analysé comme étant un faux, suivant le rapport n° 2018/5816/122/DA du 12 février 2018 dressé par le service central UCPA de la police grand-ducale, section « Expertise Documents », sur base duquel la première décision de refus du ministre du 20 novembre 2018 aurait conclu que son identité ne serait pas établie avec certitude. Il précise ensuite avoir été cité devant le Tribunal correctionnel de Luxembourg par citation à prévenu du 18 décembre 2018 du chef de faux et usage de faux dudit permis de conduire, l’affaire fixée au 21 janvier 2019 ayant finalement été décommandée à la demande du Ministère public en date du 18 janvier 2019, alors même qu’il aurait souhaité établir l’authenticité dudit permis de conduire.

A cet effet, il aurait obtenu en janvier 2019 l’attestation de l’autorité de contrôle des transports routiers et des conducteurs de l’Administration de la ville d’… datée au 12 janvier 2019. Il relate ensuite, que l’affaire pendante devant le tribunal correctionnel de Luxembourg aurait été réappelée par le Ministère public et aurait été fixée au 7 mai 2019, laquelle aurait une nouvelle fois été décommandée à la demande de ce dernier. Ainsi, ladite attestation de l’autorité de contrôle du 12 janvier 2019, n’aurait pas été communiquée dans le cadre de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives à l’encontre de la décision de refus du statut de la protection internationale du ministre du 20 novembre 2018, alors qu’il aurait eu besoin dudit document dans le cadre de l’affaire pénale, toujours pendante et laquelle aurait pu être réappelée à tout moment par le Ministère public, ce qui n’aurait par contre pas été le cas, le 12demandeur relevant encore que le chevauchement des procédures pénale et administrative se serait déroulé au cours de la pandémie COVID-19.

Il fait encore valoir avoir cherché à établir sa bonne foi suite à l’arrêt précité de la Cour administrative, de sorte à avoir obtenu une attestation du gouvernement de la ville d’… du 2 avril 2021, qu’il aurait ensuite, ensemble avec l’attestation du 12 janvier 2019, versé dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, faute de pouvoir faire valoir ses arguments devant le juge pénal, l’affaire pénale n’ayant toujours pas été réappelée, mais au contraire, finalement classée sans suite en date du 4 janvier 2022.

Il conclut que, vu le classement sans suite de l’affaire pénale ainsi que lesdites attestations du 12 janvier 2019 et 2 avril 2021, il n’y aurait plus lieu de mettre en doute l’authenticité de son permis de conduire, tout en relevant qu’il aurait, dans le cadre de sa première demande de protection internationale également présenté son diplôme de Bachelor of sciences, ainsi que deux relevés de notes à l’agent en charge de l’audition, ce dernier n’ayant par contre pas jugé utile de les joindre à son dossier au motif qu’il ne s’agirait pas de documents d’identité.

Il relève encore que dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, il aurait également produit son certificat de mariage qu’il n’aurait pu obtenir de son épouse qu’en juillet 2021, alors que cette dernière, appartenant à l’ethnie Tigre aurait dû changer régulièrement de lieu de résidence pour échapper à la répression, tout en estimant que ces nouveaux éléments de preuve n’auraient manifestement pas été pris en considération dans le cadre de l’examen de sa première demande de protection internationale.

Finalement, le demandeur critique le fait pour le ministre d’avoir remis en doute son activisme politique.

Dans ce contexte, il fait valoir qu’il ressortirait de son rapport d’audition dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, que suite à la manifestation de protestation contre les violences ethniques qui auraient eu lieu à Burayu dans l’ouest d’… en septembre 2018, de nombreux jeunes Ehtiopiens auraient été détenus arbitrairement, raison pour laquelle un groupe composé d’opposants au gouvernement éthiopien se trouvant en Europe, en Amérique et en Ethiopie et auquel il participerait, aurait mené une campagne médiatique en vue d’obtenir la libération des personnes arrêtées. L’échange entre lesdits membres se serait fait via les réseaux sociaux et différentes messageries, le demandeur citant, à titre d’exemple, le site internet Facebook, ainsi que les applications Viber, WhatsApp, Telegram et Messenger. Il précise ensuite que ce groupe se serait structuré autour de l’opposition à la politique du Premier ministre Abiy Ahmed qui tenterait de réprimer la multiculturalité et de faire régner son propre clan, le but dudit groupe d’opposants étant d’agir contre les mesures politiques de celui-ci et d’éveiller la population, afin qu’elle prenne conscience de la situation et qu’elle agisse, l’objectif étant de rassembler ainsi le plus grand nombre de personnes pour soutenir la cause du groupe. Le demandeur explique encore, qu’au sein de ce groupe lui-même transmettrait des idées et participerait au soutien financier des membres se trouvant à …, notamment à travers une chaîne Youtube. Il serait par ailleurs, depuis 2020, dans le groupe Telegrame de ce groupe d’opposition dénommé « We will never be silent about … » tout en précisant qu’il serait membre du comité dudit groupe.

En ce qui concerne le reproche du ministre qu’il n’aurait pas fait état de son appartenance audit groupe dans le cadre de sa première demande de protection internationale, 13il rappelle qu’il aurait présenté cette dernière en date du 27 novembre 2017 et dans le cadre de laquelle il aurait été entendu à l’occasion d’un entretien individuel en date des 9 et 25 juillet 2018, la décision de rejet de sa demande étant intervenue en date du 20 novembre 2018, de sorte que cette participation audit groupe d’opposition serait un fait postérieur à l’instruction de sa première demande de protection internationale.

Il réfute encore l’argumentation du ministre suivant laquelle il aurait fait un changement radical de position et qu’il chercherait manifestement à faire un usage abusif de la procédure d’asile, argumentation qu’il qualifie de dénigrant et qui amènerait à se poser la question du respect de l’article 10, paragraphe 3, point a) de la loi du 18 décembre 2015, alors que le ministre utiliserait chaque information à charge contre lui, sans vérifier la crédibilité et la cohérence globale de ses explications, ce qui se manifesterait, notamment, par le reproche du ministre qu’il ne présenterait pas de documents, mais dénierait toute valeur probante aux documents présentés par lui. Ainsi, le ministre tirerait des conclusions du fait qu’il n’aurait pas présenté de passeport, alors que ce serait constant en cause qu’il ne se serait jamais vu délivrer un tel document par les autorités éthiopiennes.

Il estime encore, dans ce contexte, que le tribunal ne saurait cautionner les conclusions de la partie étatique concernant les recherches de cette dernière sur le réseau social Facebook pour remettre en question la crédibilité de son récit, dans la mesure où toutes les images ainsi produites ne montreraient qu’une réalité virtuelle et non pas instantanée, lesdites images ayant pu être postées à tout moment et non pas forcément au moment où elles auraient été prises, tout en relevant que les réseaux sociaux seraient le territoire de toute sorte de manipulations pouvant donner lieu à de nombreuses fausses informations.

Il précise ensuite que les activités des opposants éthiopiens à l’étranger feraient l’objet d’une surveillance étroite par l’Intelligence Network Agency, ce qui engendrerait un risque certain de persécutions ou d’atteintes graves en cas de retour en Ethiopie.

Il relève, par ailleurs, que ces éléments n’auraient pas été analysés dans le cadre de sa première demande de protection internationale, notamment en raison du fait qu’ils seraient postérieurs à la décision ministérielle de rejet de cette première demande, de sorte qu’ils seraient à considérer comme des éléments ou faits nouveaux qui augmenteraient de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à la protection internationale, la décision déférée ayant dès lors été prise à tort.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne d’abord la légalité externe de la décision déférée et le moyen du demandeur relatif à l’article 10, paragraphe (3), point a) de la du 18 décembre 2015 qui prévoit que « Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a.

les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement », le tribunal constate qu’en substance le demandeur reproche au ministre d’avoir utilisé chaque information à charge contre lui en lui reprochant de ne pas avoir présenté suffisamment de documents tout en déniant toute force probante aux documents présentés par lui, ainsi qu’en se basant sur ses publications sur le site internet Facebook pour remettre en cause la crédibilité de son récit.

Or, le demandeur reste en défaut d’établir quels éléments en sa faveur le ministre aurait 14manqué de prendre en compte et dans quelle mesure la mise en cause de la crédibilité de son récit serait constitutive d’un examen partial de sa deuxième demande de protection internationale contraire à l’article 10, paragraphe 3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que ce moyen est rejeté pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le reproche du demandeur que le ministre aurait limité l’examen de sa deuxième demande de protection internationale aux seuls faits invoqués dans le courrier de son litismandataire du 17 mai 2021 sans prendre en compte les nouveaux éléments apportés par lui lors de son entretien en date des 17 juin, 14 et 21 juillet 2021, le tribunal constate que non seulement ce moyen manque en fait, alors qu’il ressort, contrairement aux allégations du demandeur, clairement de la décision déférée que le ministre a procédé à l’examen tant des faits invoqués dans le courrier précité que des faits relatés par le demandeur lors de ses entretiens dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, mais qu’il échet encore de constater que le demandeur reste en défaut d’invoquer une quelconque base légale à l’appui de ce moyen. Or, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, ce moyen est rejeté pour ne pas être fondé.

Concernant ensuite la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève que l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: (…) d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale (…) ».

Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. (…) ».

15 Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure – c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne –, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir que (i) le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, (ii) les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et (iii) le demandeur ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

Il appartient dès lors au tribunal de procéder à l’analyse des éléments soumis en cause par le demandeur afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments ainsi que leur susceptibilité d’augmenter de manière significative la probabilité qu’elle remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés en cause s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure laquelle doit, aux termes de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, avoir fait l’objet d’une décision finale.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier administratif que la demande de protection internationale du demandeur faisant l’objet de la décision actuellement déférée a été introduite le 1er juin 2021, soit après le rejet définitif de sa première demande de protection internationale par l’arrêt de la Cour administrative du 23 février 2021, inscrit sous le numéro 45387C rôle, de sorte que la demande actuellement litigieuse doit être qualifiée de demande ultérieure au sens de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, précité.

S’agissant ensuite de la question de savoir si les éléments soumis par le demandeur dans le cadre de la demande nouvelle peuvent être qualifiés de nouveaux au sens des articles 28 et 32, précités, de la loi du 18 décembre 2015, il échet d’abord de souligner qu’il doit s’agir d’éléments qui, d’une part, sont postérieurs à la décision ministérielle de rejet de la demande initiale et à la procédure contentieuse afférente, et, d’autre part, doivent comporter des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution respectivement d’atteintes graves, le demandeur devant, par ailleurs, avoir été dans l’incapacité – sans faute de sa part – de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente en ce compris la procédure contentieuse1, étant, à cet égard, encore relevé qu’une demande de protection 1 Trib. adm., 6 décembre 2006, n° 22137 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 91 et les autres références y citées.

16internationale fondée sur les mêmes faits que ceux produits dans le cadre d’une première demande d’asile ne contient pas des éléments ou faits nouveaux et ne saurait dès lors fonder une nouvelle demande de protection internationale sous peine de heurter l’autorité de chose jugée dont est revêtue la première décision judiciaire ayant débouté le demandeur de sa demande de protection internationale2.

En l’espèce, il ressort de la lecture du jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2020, inscrit sous le numéro 42151 du rôle, et de l’arrêt de la Cour administrative du 23 février 2021, prémentionné, que dans le cadre de sa précédente demande en obtention d’une protection internationale, le demandeur s’est, en substance, prévalu de (i) son appartenance à l’ethnie des Amahra et (ii) son appartenance au groupe d’opposition Ginbot 7, appartenances suites auxquelles il aurait fait objet d’une détention dans le cadre de laquelle il aurait été torturé.

Dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale le demandeur se prévaut, d’une part, des mêmes faits, sauf à verser de nouveaux documents visant essentiellement à établir son identité et à établir la crédibilité de son récit dans le cadre de sa première demande de protection internationale et, d’autre part, de son activité, depuis 2020, au sein du groupe « We will never be silent about … », groupe d’opposition qui ferait l’objet de répression de la part du gouvernement éthiopien.

En ce qui concerne d’abord les faits se trouvant d’ores et déjà à la base de sa première demande de protection internationale, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut de se prévaloir de nouveaux éléments, alors que dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, il se limite à invoquer les mêmes faits tout en produisant de nouveaux documents, à savoir une attestation de l’autorité de contrôle des transports routiers et des conducteurs éthiopienne du 12 janvier 2021, une attestation du gouvernement de la ville d’… du 2 avril 2021, une copie de son certificat de mariage, ainsi qu’une copie de son diplôme universitaire et des relevés de notes, lesdits documents étant uniquement censés établir son identité.

Le tribunal relève encore que le demandeur reste, par ailleurs, en défaut d’établir qu’il aurait été dans l’impossibilité de verser, dans le cadre de sa première demande de protection internationale, y compris pendant la phase contentieuse, les nouveaux documents versés uniquement dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale.

En effet, l’attestation de l’autorité de contrôle des transports routiers et des conducteurs éthiopienne du 12 janvier 2019 a été établie avant l’arrêt précité de la Cour administrative du 23 février 2021, le demandeur affirmant ne pas avoir eu la possibilité de communiquer ledit document au ministre en raison d’une affaire pendante devant le tribunal correctionnel de Luxembourg pour faux et usage de faux à son encontre. Or, le demandeur reste en défaut d’établir dans quelle mesure il aurait été dans l’impossibilité matérielle d’en verser une copie au ministre, sinon aux juridictions administratives dans le cadre de sa première demande de protection internationale du fait de cette affaire pénale à son encontre, étant relevé qu’au moment de l’introduction de sa deuxième demande de protection internationale et donc au moment de la communication dudit document au ministre, l’affaire pénale était toujours pendante, celle-ci n’ayant été classée sans suite qu’en date du 4 janvier 2022.

2 En ce sens : Trib. adm., 13 septembre 2006, n° 21849 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 88 et l’autre référence y citée.

17 Concernant l’attestation du gouvernement de la ville d’…, bien que datée au 2 avril 2021, date postérieure à l’arrêt précité de la Cour administrative du 23 février 2021, le demandeur n’établit pas son impossibilité de solliciter et de fournir ce document dès le constat de faux de son permis de conduire et avant ladite date du 23 février 2021.

Concernant le certificat de mariage du demandeur, établit avant le 23 février 2021, le tribunal constate que le demandeur reste également en défaut d’établir son impossibilité de fournir ce document dans le cadre de sa première demande de protection internationale, la simple allégation du demandeur que son épouse aurait dû déménager à plusieurs reprises de sorte à ne pas avoir pu lui envoyer lesdits documents avant le 23 février 2021, restant au stade de pure allégation.

Le tribunal relève encore que l’ensemble de ces documents ne sont pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité pour le demandeur d’obtenir la protection internationale, au vu des autres éléments relevés par la Cour dans le prédit arrêt du 23 février 2021 ayant mis en doute la crédibilité de son récit.

En ce qui concerne ensuite l’activisme du demandeur au sein du groupe d’opposition « We will never be silent about Adis Abeba », le tribunal constate que, d’après les affirmations du demandeur tant dans le cadre de son entretien individuel, que dans le cadre de son recours, celui-ci a été actif au sein dudit groupe à partir de 2020, soit avant l’arrêt de la Cour administrative du 23 février 2021.

Or, si la charge de la preuve pèse sur le demandeur qui doit démontrer qu’il a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir des éléments invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale ultérieure au cours de la précédente procédure y compris durant la phase contentieuse, le demandeur n’invoque en l’espèce aucun élément pour justifier les raisons pour lesquelles il n’aurait pas été en mesure de se prévaloir de l’activité politique en question lors de la précédente procédure devant le tribunal administratif, respectivement devant la Cour administrative, siégeant, par ailleurs, tous les deux dans le cadre d’un recours en réformation.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la deuxième demande de protection internationale introduite par le demandeur le 1er juin 2021 irrecevable en application de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement reçoit le recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de l’Asile et de l’Immigration du 24 mars 2023 déclarant irrecevable la deuxième demande de protection internationale de Monsieur … aux termes de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

18 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juin 2023 par :

Paul Nourissier, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48814
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-09;48814 ?

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