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09/06/2023 | LUXEMBOURG | N°46182

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2023, 46182


Tribunal administratif N° 46182 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU :ADM:2023:46182 4e chambre Inscrit le 29 juin 2021 Audience publique du 9 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un acte de la directrice de région … en matière de Fonction Publique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46182 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2021 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à D-… (Allemagne), â€

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Tribunal administratif N° 46182 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU :ADM:2023:46182 4e chambre Inscrit le 29 juin 2021 Audience publique du 9 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre un acte de la directrice de région … en matière de Fonction Publique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46182 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2021 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à D-… (Allemagne), …, tendant à la réformation sinon à l’annulation « d’une décision individuelle rendue par la Directrice de région … » en date du 11 mai 2021.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2021 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2021 par Maître Jean-Marie Bauler pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte critiqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Caroline Arendt, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 février 2023.

Par courrier du 23 avril 2021, Monsieur …, enseignant à l’école fondamentale, informa la directrice de région …, désignée ci-après par « la directrice » de son intention de ne pas participer à la supervision d’autotest rapides antigéniques dans le cadre de la crise sanitaire liée au COVID-19 au sein de l’école à laquelle il était affecté.

Par courrier du 11 mai 2021, la directrice lui répondit dans les termes suivants :

« (…) Monsieur, Par la présente, je fais suite à votre courrier du 23 avril 2021, par lequel vous marquiez votre refus quant à votre participation à la supervision d’autotests rapides antigéniques.

1Dans ce contexte, le Conseil de Gouvernement a marqué son accord, en date du 30 avril 2021, avec le projet de stratégie de test COVID-19 relative à l’utilisation et à la distribution des tests antigéniques sous forme d’autotests.

Ainsi, et en exécution de vos missions de surveillance et de prise en charge des enfants vous confiés, je vous invite à donner suite à la présente instruction et de procéder à la supervision des autotests rapides antigéniques, par l’encadrement et le contrôle des résultats des autotests réalisés en autonomie par les élèves.

Aussi, je me dois de vous informer que le fait de ne pas vous conformer aux instructions du gouvernement ainsi qu’à cet ordre est susceptible de constituer une violation des dispositions contenues au sein de l’article 9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, et d’entraîner l’ouverture d’une instruction disciplinaire à votre encontre.

Au vu des considérations ci-dessus exposées, je vous prie de bien vouloir me confirmer votre décision quant à votre participation à la supervision des autotests rapides antigéniques. (…) » Par courrier du 17 mai 2021, Monsieur … informa la directrice qu’il allait respecter l’ordre émis par courrier du 11 mai 2021, tout en y indiquant son intention d’intenter un recours contentieux contre ledit ordre.

Par requête déposée au tribunal administratif le 29 juin 2021, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de « la décision individuelle » du 11 mai 2021.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours, en ce qu’il serait dirigé contre le courrier précité du 11 mai 2021 qui ne revêtirait pas un caractère décisionnel et ne constituerait dès lors pas un acte administratif susceptible de recours au sens de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », l’acte déféré ne faisant, par ailleurs, pas grief dans le chef de Monsieur ….

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … fait valoir que le courrier litigieux constituerait une décision susceptible d’un recours devant les juridictions administratives du fait de constituer une décision de refus de sa demande expresse d’être déchargé de l’obligation de participer à la surveillance des autotests rapides antigéniques, Monsieur … relevant que son courrier du 23 avril 2021 aurait également contenu une demande expresse de lui répondre par une décision susceptible de recours.

Il estime encore que la terminologie employée par la directrice dans le courrier litigieux du 11 mai 2021 ne saurait enlever le caractère décisionnel que revêtirait ce dernier. Monsieur … précisant à cet égard que l’analyse du délégué du gouvernement permettrait à l’administration d’échapper au futur à tout « contrôle judiciaire » de ses décisions par la simple utilisation d’une certaine terminologie dans celles-ci.

En ce qui concerne le grief causé par l’acte déféré, Monsieur … fait, en substance, valoir que l’acte déféré l’exposerait à un risque de sa santé du fait d’être obligé de participer à la surveillance des autotests litigieux. En même temps, il risquerait encore, d’un côté, de 2s’exposer à une procédure disciplinaire en cas de refus de sa part de suivre l’ordre reçu, et, de l’autre côté, d’engager sa responsabilité tant civile que pénale du fait de participer à la surveillance desdits test.

Force est au tribunal de relever que l'acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief1.

Avant tout progrès en cause, le tribunal constate que le courrier litigieux du 11 mai 2021 contient un ordre hiérarchique à l’encontre de Monsieur …, par l’utilisation des termes « (…) le fait de ne pas vous conformer aux instructions du gouvernement ainsi qu’à cet ordre (…) » sans que la nature d’ordre hiérarchique attachée audit courrier du 11 mai 2021 ne soit altérée par le fait que ledit courrier survient en réponse à une demande de Monsieur … d’être déchargé de ladite obligation.

Il échet de relever qu’il pèse sur tout fonctionnaire une obligation de se conformer à l’ordre de son supérieur, qui trouve sa source directe dans le devoir d’obéissance du fonctionnaire tel qu’énoncé à l’article 9, paragraphe 1, alinéa 2 de la loi du 16 avril 1979 qui dispose : « Il [le fonctionnaire] doit de même se conformer aux instructions du gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs. » Ainsi, un ordre de service individuel s’analyse en la décision d’un supérieur hiérarchique relative au fonctionnement quotidien du service concerné et, comme tel, constitue une mesure purement interne au service concerné non susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel23.

Force est en effet de constater qu’il ne produit point d’effet quelconque en-dehors de l’administration, d’une part, et il est encore dépourvu de conséquences juridiques pour les fonctionnaires ou agents du service concernés, en dehors de l’effet immédiat et direct sur leur situation de fait, d’autre part4.

Cette conclusion n’est pas affectée par l’argumentaire développé par Monsieur … relativement à la prétendue illégalité de l’ordre ou au prétendu risque de se voir poursuivre pénalement ou au plan civil.

En effet, s’il est vrai que la vérification de pareille illégalité affectant un ordre de service peut être de nature à justifier un refus d’obéissance du subalterne, il n’en reste pas moins que la problématique afférente est à élucider dans le cadre d’une éventuelle action disciplinaire menée à l’encontre du fonctionnaire concerné, respectivement dans le cadre de 1 Trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratif, n° 48 et les autres références y citées.

2 En ce sens : Cour adm. 19 janvier 2012, n° 28923C, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 200.

3 En ce sens : Trib. adm. 12 juillet 2011, n° 26931, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 216.

4 Cour. adm. 26 novembre 2009, n°25830C, Pas. adm. 2022, V° Fonction Publique, n° 352.

3la protection du fonctionnaire. Pareil état des choses, fût-il vérifié, reste cependant en tout état de cause sans conséquences quant à la nature juridique d’acte non susceptible de recours juridictionnel de l’ordre de service.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que l’ordre émis par la directrice ne constitue pas un acte attaquable, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de Monsieur …, de sorte que le recours introduit à son encontre est irrecevable, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur l’autre moyen d’irrecevabilité invoqué, lequel devient surabondant Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500,- euros telle que sollicitée par Monsieur … sur base de l’article 35 alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par Monsieur … ;

condamne Monsieur … aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juin 2023 par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 46182
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-09;46182 ?

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