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05/06/2023 | LUXEMBOURG | N°48983

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2023, 48983


Tribunal administratif Numéro 48983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48983 2e chambre Inscrit le 26 mai 2023 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 8983 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023 par Maître Philippe Stroesser,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif Numéro 48983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48983 2e chambre Inscrit le 26 mai 2023 Audience publique du 5 juin 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 8983 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Géorgie), et être de nationalité géorgienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 mai 2023 ordonnant le placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que X le délégué du gouvernement X en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 juin 2023, Maître Philippe Stroesser s’étant excusé et rapporté à ses écrits.

Suivant un rapport de la police grand-ducale dit « Fremdennotiz », émanant de la section …, du 16 mai 2023, référencé sous le numéro …, Monsieur … fit l’objet d’une interpellation le même jour par les forces de l’ordre dans le cadre d’un vol, lors de laquelle il présenta uniquement une « attestation de demande d’asile procédure Dublin » émise par les autorités françaises, valable jusqu’au 23 mai 2023.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le même territoire pendant une durée de cinq ans.

Par un arrêté séparé du 16 mai 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Ledit arrêté est libellé comme suit :

1« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 16 mai 2023 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 16 mai 2023 comportant une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

En date du 17 mai 2023, une recherche fut effectuée par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC, laquelle révéla que Monsieur … avait préalablement introduit une demande de protection internationale en Allemagne le 1er décembre 2022 et en France le 24 avril 2023.

En date du 24 mai 2023, une recherche fut effectuée par les autorités luxembourgeoises dans la base de données du Centre de coopération policière et douanière (CCPD) et révéla que Monsieur … était inconnu des autorités belges et allemandes mais qu’il était connu des autorités françaises et qu’il était titulaire en France d’une attestation de demande d’asile valable jusqu’au 23 mai 2023.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 16 mai 2023.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.

Il cite ensuite l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 pour expliquer que le placement d’une personne au Centre de rétention ne serait ni une obligation systématique, ni un automatisme pour le ministre, mais constituerait une simple faculté qui devrait être considérée comme l’ultime remède. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des 2motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Sur le fondement du paragraphe (3) dudit article 120, le demandeur affirme que le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement devrait être en cours ou exécuté avec toute la diligence requise, ce qui impliquerait que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Dans ce contexte, il reproche au ministre de le retenir au Centre de rétention, alors qu’il n’existerait, à l’heure actuelle, aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine ou vers le pays où il aurait toutes ses attaches familiales, de sorte que se poserait la question de savoir comment le ministre pourrait exécuter cette mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et endéans la durée maximale de la mesure de rétention.

Le demandeur fait valoir que le maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté dont la durée devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Enfin, le demandeur, en citant un extrait d’un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard de sa situation personnelle et de son comportement et que le ministre aurait dû appliquer, conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, des mesures moins coercitives en l’assignant à résidence dans un lieu qu’il aurait fixé avec l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles à fixer auprès de ses services ou de toute autre autorité désignée.

Le demandeur conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 16 mai 2023 serait à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées dans cette disposition, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

3Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, telle que modifiée en dernier lieu par la loi du 21 avril 2023 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

4En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, pour avoir fait l’objet d’une décision de retour en date du 16 mai 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur au Centre de rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant soumis aucun élément pertinent de nature à renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef.

S’agissant ensuite de l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

5c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré, ni aucune autre attache au Luxembourg, et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et plus particulièrement celle visée au point b) ledit article dont l’application est sollicitée par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

En ce qui concerne ensuite les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le délégué du gouvernement affirme qu’aucun reproche ne saurait être adressé au ministre de ce point de vue puisque les autorités géorgiennes auraient été contactées le 24 mai 2023 en vue de sa réadmission. Le tribunal se doit à cet égard de relever que s’il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement d’un échange de courriels du 24 mai 2023, entre les autorités ministérielles luxembourgeoises et le Centre de rétention, que la demande d’asile de Monsieur … a été refusée en Allemagne et qu’il est prévu de l’éloigner vers la Géorgie, ce qu’affirme également le délégué du gouvernement, il ne se dégage toutefois d’aucune pièce du dossier que des démarches concrètes en ce sens auraient été entamées. En effet, le simple courriel « réponse 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.

6automatique » du 24 mai 2026, indiquant qu’une nouvelle demande de réadmission aurait été introduite, sans cependant renseigner l’identité de la personne pour laquelle cette demande a été introduite et ne permettant pas d’identifier le numéro de référence y joint, n’est, en tout état de cause, à lui seul, pas susceptible d’établir l’existence de démarches et de mesures concrètes et diligentes en vue de l’éloignement du demandeur vers la Géorgie.

En ce qui concerne les démarches des autorités luxembourgeoises en vue d’un éloignement du demandeur vers l’Allemagne force est au tribunal de constater que l’information de l’autorité ministérielle luxembourgeoise selon laquelle la demande de protection internationale du demandeur en Allemagne aurait été rejetée n’est appuyée par aucune pièce au dossier et qu’il ne ressort notamment d’aucun document que le ministère aurait contacté les autorités allemandes, de sorte que ces informations restent à l’état de pure affirmation.

Finalement s’il ressort de la base donnée du CCPD que le demandeur a déposé une demande de protection internationale en France il ne se dégage toutefois d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que des démarches en vue d’un éventuel éloignement vers la France auraient été entreprises.

Sur question afférente du tribunal à l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement n’a pas pu fournir de plus amples explications quant aux démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises auprès des autorités allemandes, françaises et géorgiennes en vue de l’éloignement de Monsieur ….

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision déférée ne remplit pas les conditions imposées par l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, une rétention ne pouvant, en effet, être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise, ces conditions n’étant pas remplies en l’espèce.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate du demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision ministérielle du 16 mai 2023, met fin au placement au Centre de rétention de Monsieur … et ordonne sa mise en liberté immédiate ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, 7 Alexandra Castegnaro, vice- président, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 5 juin 2023 par le premier vice-président en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juin 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48983
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 10/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-06-05;48983 ?

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